Affichage des articles dont le libellé est liberté de la presse. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est liberté de la presse. Afficher tous les articles

samedi 23 août 2025

Gauche trumpiste

Marine Tondelier, cheffe des écologistes français, plaide pour l'union de la gauche. Mais quelle gauche ? Ou plutôt quelles gauches ? Minées par le communautarisme et le populisme, les gauches françaises sont en triste état. On les voit aujourd'hui courir derrière les auto-confineurs du 10 septembre (lire le billet précédent) quand d'autres, à gauche aussi, restent plus prudents.
Ce mouvement est "encore totalement nébuleux et sur les modes d'action et sur les revendications", estimait hier matin sur France Inter Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. "Les modes d'action sont flous et puis, du côté des initiateurs, il y a une pluralité de points de vue. On est très vigilants sur les tentatives de noyautage et d'instrumentalisation de l'extrême droite qui, à certains endroits, essaie de développer des discours anti-syndicaux". Une réflexion cependant étonnante quand on sait que les initiateurs de ce mouvement flou viennent de l'extrême droite. C'est plutôt l'extrême gauche qui tente de récupérer l'appel au bloquage du pays.

Le mouvement La France Insoumise est actuellement réuni en université d'été. Mais le journaliste du Monde Olivier Pérou y est interdit d'accès (1). Il a commis un crime de lèse-majesté : avoir écrit un livre qui dénonce les méthodes autoritaires du gourou Mélenchon. Au pays des culs-bénits, Saint Jean-Luc est inattaquable et tout blasphémateur doit être excommunié. En refusant l'accès à ce journaliste, le MélenChe lui donne raison : il agit bel et bien comme un gourou qu'on ne peut critiquer. Règle n°1 : le Chef a toujours raison. Trump agit de la même manière en refusant l'accès à la Maison Blanche à tout journaliste qui lui pose des questions méchantes
Si on ajoute à cette attitude anti-démocratique, les positions ouvertement antisémites de nombre de ses élus, on ne peut qu'espérer que l'union de la gauche ne se fera pas. Au nom de la démocratie, du respect et de la liberté de la presse. Ou qu'elle se fasse sans cette gauche totalitaire et antisémite aux relents staliniens.

"Ceux qui ont toléré et encouragé l'antisémitisme depuis le 7 octobre sont la honte de notre pays. Ils n'ont rien à faire à gauche. Ce sont eux qui ouvrent un boulevard à l'extrême droite. Pas ceux qui les dénoncent. Les accommodements auxquels on assiste depuis le 7 octobre sont une défaite collective."
Joann Sfar, "Que faire des juifs ?", Les Arènes BD, 2025.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/08/21/a-nos-lecteurs_6633128_823448.html
https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2025/08/22/de-nombreuses-societes-de-journalistes-denoncent-le-refus-de-la-france-insoumise-d-accrediter-un-journaliste-du-monde-a-ses-universites-d-ete_6633534_3236.html

vendredi 23 avril 2021

Une Bretagne corse

La liberté de la presse n'est jamais acquise. Même dans un pays démocratique comme la France. Récemment, la voiture de la journaliste Morgan Large a été sabotée, devant chez elle, dans les Côtes d'Armor. Une roue de sa voiture a été partiellement déboulonnée et elle a roulé ainsi pendant quelques jours sans le savoir, au risque de sa vie et de celle de ses enfants. Cette agression n'est qu'une ixième intimidation, après de nombreux appels téléphoniques nocturnes, des menaces sur les réseaux sociaux où sa photo a été diffusée, une intrusion nocturne dans les locaux de Radio Kreiz Breizh où elle travaille, ou chez elle, où son chien a été empoisonné. Elle n'est pas la seule à subir des menaces. "Depuis plusieurs années, écrit Le Monde (1), les journalistes installés en Bretagne alertent sur la 'loi du silence' qui leur est imposée autour de l’industrie agroalimentaire. La journaliste indépendante Inès Léraud, coautrice de l’enquête en bande dessinée Algues vertes - l’histoire interdite (2), en a particulièrement fait les frais. Entre autres choses, Inès Léraud est régulièrement ciblée par des plaintes en diffamation de groupes industriels, plaintes parfois retirées quelques jours avant l’audience, et qui ne visent qu’à inquiéter, à épuiser financièrement et psychologiquement la journaliste. Et in fine à imposer le silence."

L'agro-industrie dicte sa loi jusque dans les rédactions: "des articles en rade sur le bureau d'un rédacteur en chef, explique Natacha Devanda dans Charlie Hebdo (3), une couverture médiatique complaisante envers les grosses coopératives agricoles, des gendarmes zélés qui viennent contrôler les enregistrements d'une reporter allemande...". Des pressions telles qu'en 2020 cinq cents journalistes bretons, appuyés par une pétition signée par 40.000 personnes, ont adressé une lettre ouverte au Conseil régional de Bretagne, dénonçant les difficultés rencontrées quotidiennement pour enquêter sur le secteur agricole. "L'agro-industrie fait sa loi en Bretagne et n'accepte pas la contestation", confirme le syndicaliste Serge Le Quéau (3). La coopérative agricole Ereden - formée de l'union de D'aucy et Triskalia - pèse 3,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires. "Un Etat dans l'Etat", selon Serge Le Quéau. Il a défendu, il y a dix ans, les salariés de Nutréa, une filiale de Triskalia, victimes du dichlorvos, un pesticide produit par Bayer. Par souci d'économies, la coopérative avait coupé la ventilation dans les bâtiments où étaient stockés des milliers de tonnes de céréales. Résultat: la fermentation a favorisé l'arrivée de charançons que Triskalia s'est empressée d'arroser avec l'insecticide Nuvan Total, interdit depuis 2007. "Autour des bâtiments, c'était Tchernobyl, raconte Serge Le Quéau. Les gars ont développé des tas de maladies invalidantes, ils se réveillaient parfois en pissant le sang." 

La Bretagne est "considérée comme la plus belle région de France", affirme le site bretagne.com. Qui le croit encore? Il y a quelque chose de pourri au royaume de Bretagne avec cette agro-industrie toute puissante qui s'autorise les pires exactions: "haies arrachées, zones humides réduites en bouillie, sites de stockage de pesticides toujours plus grands, pollution de l'air et des rivières", dénonce un collègue de Morgan Large. Même si, ajoute-t-il, "chez les agriculteurs qui participent au système dominant, tous ne sont pas d'accord avec la FNSEA. Mais les voix dominantes sont accusées de trahir les autres. " Reste à déterminer qui trahit qui et quoi. Cette agro-industrie sans foi ni loi et ce syndicat qui défend l'argent au mépris de ses adhérents trahissent cette terre et ceux qui l'habitent. 

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/04/11/deboulonner-une-roue-de-la-voiture-de-la-journaliste-morgan-large-n-est-pas-un-geste-d-intimidation-mais-une-tentative-de-blesser-ou-de-tuer_6076344_3232.html

(2) Delcourt/La Revue dessinée, 2019.

(3) "Agro-industrie - La Bretagne veut en finir avec la loi du silence", Charlie Hebdo, 14.4.2021.

mercredi 30 mai 2018

La presse, tête de turc

Certains des supporteurs d'Erdogan, en France, du côté d'Avignon, ne supportent pas qu'on écrive que leur président est un dictateur. Pour le faire savoir, ils ont utilisé des méthodes de dictateur pour obliger un kiosquier à retirer de sa vitrine la couverture de l'hebdomadaire Le Point qui présente le président turc comme un dictateur. Ils ont menacé le commerçant de brûler son échoppe s'il ne leur obéissait pas. Les journalistes turcs n'ont pas besoin d'aller si loin dans les critiques vis-à-vis du pouvoir pour se faire arrêter. Plus de cent d'entre eux sont en prison pour avoir exercé leur métier. Les menaces envers les libertés de la presse, devenues habituelles en Turquie, gagnent donc des pays démocratiques. La dictature a le bras long, grâce à ses fans. 
"Avec cet incident, écrit Riss (1), la peur élargit son champ d'action en partant à l'assaut d'un nouveau territoire: la politique. La peur avait déjà investi le spirituel, il lui reste à conquérir le temporel. Le blasphème n'est plus seulement religieux, il devient politique. Ce qu'a vécu Charlie Hebdo et cet incident sur une couverture du Point ont un dénominateur commun. La remise en cause de notre modèle libéral de pensée."
Le directeur de Charlie Hebdo constate combien l'injonction "faut respecter" envahit les réseaux sociaux, la religion et maintenant la politique. Critiquer serait irrespectueux. "Jamais le mot respect n'a été aussi peu respectueux des autres. Il sert désormais à intimider et à faire taire les contestataires."
Erdogan respecte-t-il les journalistes, la liberté de la presse, la justice, l'opposition, les droits de l'homme et ses défenseurs? 

Extraits du rapport 2017/2018 d'Amnesty International sur la Turquie:
"De nouvelles violations des droits humains ont été commises dans le contexte du maintien de l’état d’urgence. Les dissidents ont fait l’objet d’une répression sans merci visant en particulier les journalistes, les militants politiques et les défenseurs des droits humains. Des cas de torture ont cette année encore été signalés, mais dans une moindre mesure qu’au cours des semaines ayant suivi la tentative de coup d’État de juillet 2016. (...)
L’état d’urgence, instauré à la suite de la tentative de coup d’État de juillet 2016, a été maintenu tout au long de l’année. C’est dans ce contexte qu’ont été mises en place des restrictions illégales à l’exercice de droits fondamentaux, et que le gouvernement a été en mesure d’adopter des lois sans qu’un contrôle efficace puisse être exercé par le Parlement et les tribunaux.                                                                 Neuf députés du parti pro-kurde de gauche, le Parti démocratique des peuples (HDP), (...) sont restés emprisonnés pendant toute l’année. Soixante maires élus du Parti démocratique des régions,(...)  ont été eux aussi maintenus en détention. (...)                                                                                                       Le pouvoir judiciaire, qui a lui-même été décimé quand près d’un tiers des juges et procureurs du pays ont été révoqués ou placés en détention, demeurait soumis à une intense pression politique. Des cas de détention provisoire arbitraire, excessivement longue et infligée à titre punitif, ainsi que des violations des normes d’équité des procès ont cette année encore été régulièrement signalés. (...)                                Plus de 100 journalistes et autres professionnels des médias (...) se trouvaient en détention provisoire à la fin de l’année. (...)                                                                                                                                      En juillet, la police a effectué une descente (...) et a arrêté les 10 défenseurs présents, dont deux étrangers. Huit de ces personnes, notamment la directrice d’Amnesty International Turquie, İdil Eser, ont été placées en détention provisoire jusqu’à l’ouverture, en octobre, de leur procès pour « appartenance à une organisation terroriste », accusation forgée de toutes pièces et motivée par leurs activités de défense des droits humains."                                                                                                                                      
Si Erdogan n'est pas, à tout le moins, un apprenti dictateur, qu'est-il donc? Et ses supporteurs zélés qui participent aux menaces contre la liberté de la presse, que sont-ils donc, sinon de petits apprentis miliciens? Les braves citoyens qui veulent faire eux-mêmes la loi dans la rue et menacent de pratiquer des autodafés nous renvoient à l'Inquisition, à l'Italie fasciste, à l'Allemagne nazie.                                                                                
Demain sera une première pour moi: je vais acheter Le Point. Par solidarité.
(1) "Je suis Le Point", Charlie Hebdo, 30.5.2018.                                                                                      (2) https://www.amnesty.org/fr/countries/europe-and-central-asia/turkey/report-turkey/

Note: désolé pour la mise en page. L'introduction dans mon texte d'un texte extérieur la bouleverse...

samedi 28 février 2015

Au pays des aveugles, les borgnes sont présidents d'honneur

Elle ne cesse de menacer: elle traduira en justice les journalistes qui présenteront son parti comme se situant à l'extrême droite. La fille à papa Le Pen, qui a autant le sens de l'autocritique que celui de l'altruisme, ne supporte pas la presse. Elle refuse de répondre à certains journalistes, dépose plainte contre d'autres, crache sur certains organes de presse, fait repousser des journalistes par ses gorilles (1). Mais toujours avec son magnifique sourire de carnassier.
A quoi reconnaît-on un régime démocratique? Notamment à la liberté de sa presse. Et un régime autoritaire? A sa volonté de la contrôler. Un parti démocratique accepte la critique, laisse les journalistes faire leur travail et, même s'il en prend parfois des coups, considère que la presse joue un rôle indispensable dans le jeu politique. Un parti extrémiste  n'aime qu'une presse à sa botte. Alors, s'il n'est pas à l'extrême droite, où est le parti de la famille Le Pen? A l'extrême arrière? C'est l'ensemble de la presse, et surtout celle qui entre dans le jeu de la banalisation, qui devrait le rappeler ou alors ignorer celles et ceux qui n'ont que mépris pour elle.

(1) www.huffingtonpost.fr/2015/02/27/front-national-canal-plus-medias_n_6769098.html?utm_hp_ref=france