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mercredi 15 février 2023

Soutenir Paul François

Voir mon billet "Les pesticides tuent", du 11 février.

Un appel à l'aide financière sur la plateforme de la chouette Ulule :

Collecte Solidaire & Citoyenne. En avril 2004, l'agriculteur Paul François a subi une intoxication au Lasso, un herbicide fabriqué par l'entreprise Monsanto. Après de longues années de bataille judiciaire, il a finalement obtenu gain de cause en novembre dernier. 

Cependant, la compensation financière proposée par la justice est trop faible pour couvrir l'intégralité des préjudices subis par Paul. Il a besoin de votre soutien pour continuer sereinement son activité, transmettre son exploitation (en s'assurant qu'elle demeure biologique) et poursuivre la procédure judiciaire si besoin. 

Participer à la collecte

 

samedi 11 février 2023

Les pesticides tuent

Paul François, céréalier charentais, a failli mourir deux fois.
Une première fois en avril 2004 après avoir inhalé une puissante bouffée de pesticide. Conséquences : d'énormes problèmes de santé et de fréquents séjours à l'hôpital. Il a déposé plainte contre Monsanto et gagné son procès (1). Entretemps, il a créé l'association Phyto-Victimes qui vient en aide aux paysans victimes de pesticides.
Deuxième risque de mort pour Paul François le 30 janvier dernier : trois brutes cagoulées l'ont agressé violemment à son domicile. «Il a été frappé et ligoté par trois personnes dans son garage à Bernac, au nord d'Angoulême», a déclaré son avocat Me François Lafforgue. "Si ce dernier, écrit Le Figaro (2), ne se prononce pas à ce stade sur les raisons de cette attaque, il précise cependant ce que les agresseurs ont dit à son client : «On en a marre de t'entendre et de voir ta gueule à la télé». Des propos entendus par la sœur de l'agriculteur qui était au téléphone avec lui." Ses agresseurs l'ont attaqué avec un objet tranchant et ont tenté de lui administrer un produit.
L'association Phyto-Victimes parle d'une tentative d'assassinat (3). "Même si on ne sait rien des agresseurs, on ne peut pas s'empêcher de faire le lien avec le combat que Paul François a mené contre Monsanto", affirme Antoine Lambert, qui a succédé à Paul François à la présidence de Phyto-victimes.

On se dit alors que la série Jeux d'influence n'est pas une fiction. Sa première saison était précisément inspirée de l'histoire de Paul François. La deuxième, récemment diffusée sur Arte (4), démontre la collusion entre le monde agricole dit traditionnel et le politique, mais aussi la violence dont peut faire preuve le secteur des pesticides contre qui ose se mettre en travers de sa route. C'est un euphémisme de dire que les méthodes mafieuses ne le rebutent pas

L'agression dont vient d'être victime Paul François confirme que son combat - qui visiblement dérange les intérêts financiers de gens sans foi ni loi - est juste et nécessaire. 
Le premier qui dit la vérité /
il doit être exécuté...

Post-scriptum 
Les élus écologistes sont-ils les seuls à s'indigner ? (5)
Tous les élus, toutes familles politiques confondues, devraient affirmer haut et fort leur soutien à Paul François et leur condamnation de cette agression ignoble. Et le Ministre de l'Agriculture le premier.

(1) https://moeursethumeurs.blogspot.com/2019/04/nouveau-coup-de-david-goliath.html
(2) https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-paysan-paul-francois-vainqueur-contre-monsanto-agresse-chez-lui-20230210
https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/on-en-a-marre-de-tentendre-paul-francois-le-paysan-contre-monsanto-agresse-a-domicile-20230210_MBP47WIJ6NE4NPA7KAMKWBHBFQ/
(3) https://www.phyto-victimes.fr/tout-notre-soutien-a-paul-francois-ancien-president-de-phyto-victimes/
(4) https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021142/jeux-d-influence/
(5) https://www.huffingtonpost.fr/environnement/article/l-agression-de-paul-francois-l-agriculteur-qui-a-fait-condamner-monsanto-suscite-la-colere-des-ecolos_213924.html
(Re)lire sur ce blog :
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2019/07/le-cynisme-un-nom.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2020/02/une-autre-agriculture.html
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2023/01/nourrir-la-communaute.html

vendredi 23 octobre 2020

Monsanto condamné

 Deux bonnes nouvelles sur le front des pesticides. Ne boudons pas notre plaisir en ces temps si gris.

Paul François, cet agriculteur charentais (1) qui avait été gravement intoxiqué en 2004 par l'herbicide Lasso, avait, trois ans plus tard, attaqué en justice Monsanto pour “défaut d’information sur l’étiquette et non-respect du devoir de vigilance”. En 2012, il obtenait gain de cause devant le tribunal de grande instance et en 2015 devant la cour d’appel de Lyon. Mais la Cour de cassation avait cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée, qui a à nouveau retenu la responsabilité de Monsanto en 2019. Il y a deux jours, cette décision a été confirmée par la Cour de cassation. La responsabilité de Monsanto est donc définitivement reconnue dans cette affaire. Et cela, c'est vraiment une bonne nouvelle. Pour Paul François comme pour tous les agriculteurs victimes de ces produits miraculeux. Pour François Lafforgue, l'avocat de Paul François, « c’est une décision exemplaire qui fera date ; ça ouvre la voie à d’autres victimes des pesticides, en France, qui pourront rechercher la responsabilité des firmes à l’origine de leur intoxication ». Reste maintenant au tribunal judiciaire de Lyon à fixer les indemnités auxquelles aura droit l'agriculteur.

En Indre, un arrêté préfectoral vient de durcir les conditions de traitement aux pesticides de synthèse aux abords des cours d'eau (2). Plus question d'en épandre à moins de cinq mètres de « tous les plans d’eau permanents ou intermittents reliés ou non au réseau hydrographique figurant sur les cartes 1/25.000 de l’Institut géographique national, […] à l’exception des plans d’eau asséchés ou des erreurs manifestes de la carte ». Ce qu’on appelle les zones de non-traitement (ZNT). Une belle victoire pour Indre Nature et la Fédération de pêche. Les agriculteurs dits conventionnnels grognent. La FDSEA annonce qu'elle va « sûrement » formuler un recours contre cet arrêté. « Ils peuvent toujours essayer, affirme Jacques Lucbert, président d'Indre Nature, mais je pense que c’est un combat d’arrière-garde. Face au problème planétaire de la réduction de la biodiversité et des problèmes de qualité d’eau, continuer à se battre pour l’utilisation de pesticides est perdu d’avance. Leur disparition à long terme est inéluctable. » Pour la santé des agriculteurs eux-mêmes, leur abandon serait salutaire. 

(1) (Re)lire sur ce blog "Nouveau coup de David à Goliath", 12.4.2019                                                    (2) https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/indre-un-arrete-limite-l-utilisation-des-pesticides-pres-des-cours-d-eau?queryId%5Bquery1%5D=57cd2206459a452f008b4594&queryId%5Bquery2%5D=57c95b34479a452f008b459d&page=1&pageId=57da5ce5459a4552008b469a 

 

mercredi 26 février 2020

Une autre agriculture

Les agriculteurs se plaignent: ils sont victimes, disent-ils, d'agribashing, de critiques systématiques de leur métier. C'est que - allez savoir pourquoi - à chaque crise alimentaire causée par une agro-industrie hors-sol, uniquement soucieuse de rentabilité (vin à l'antigel, vache folle, bœuf aux hormones, poulet à la dioxine, grippe aviaire, lasagne à la viande de cheval, poissons nourris aux farines animales, etc.), les consommateurs deviennent plus méfiants, plus exigeants, plus soucieux de la qualité de leur alimentation. Et du bien-être animal, qui existait peu il y a vingt ans. Les dégâts des pesticides sur la santé des agriculteurs comme des riverains et leur impact négatif sur la biodiversité et la qualité de l'air, des sols et des eaux, tant de surface que souterraines, sont de plus en plus patents et laissent espérer qu'un jour proche on finira bien par les interdire (1).
Comment s'étonner du désarroi des paysans qui, le plus souvent très endettés, travaillent durement pour un revenu de misère, se font gruger par la grande distribution et critiquer pour leurs pratiques polluantes ? Les syndicats majoritaires, en Belgique comme en France, ne les aident guère à remettre en question leurs pratiques. Au contraire. En France, la FNSEA a réussi à pousser le Ministre de l'Agriculture à créer une section antibashing au sein de la gendarmerie. Elle a été baptisée Demeter, comme la déesse grecque de la fertilité et comme le label bio. Comme pour faire un bras d'honneur à toutes celles et tous ceux qui conspuent l'agro-industrie. Et pour fliquer ceux qui en dénoncent les dérives. Certains groupes "Coquelicots" en ont fait l'expérience. L'agro-industrie est sacralisée. La critiquer, c'est blasphémer.
Surtout ne rien changer, continuer droit dans le mur, c'est ce que semble se dire un milieu décidément très perturbé.

Toutes ces critiques, justifiées par tant d'abus, ne visent pourtant pas les agriculteurs, mais le saccage de la nature et de la vie animale provoqué par la prise en otage de l'agriculture par le secteur chimique qui entend produire de l'alimentation comme on fabrique de l'essence ou des produits corrosifs. Sans se soucier de leur impact sur l'environnement.
Les agriculteurs dits conventionnels se laissent persuader qu'aucune autre voie n'est possible. "Si tout le monde se met au bio, y aura pas à manger pour tout le monde", veut croire l'un d'eux au Salon de l'agriculture à Paris (2).



Il est temps pourtant que les agriculteurs se regardent en face et remettent en question des pratiques destructrices. En premier lieu pour eux-mêmes. La dénonciation de l'agribashing par la FNSEA est, selon l'agronome Marc Dufumier (3), "un discours bêtement tactique, car cela ne correspond pas à l'opinion des Français, qui considèrent que les agriculteurs sont eux aussi victimes d'un système. Ils savent qu'il y a parmi eux un taux de suicide supérieur à la moyenne, qu'ils sont lourdement endettés, toujours poussés à s'agrandir, et les premiers malades de l'exposition aux pesticides". L'agronome rappelle que l'agriculture industrielle et ses engrais sont responsables de 20 à 25 % des gaz à effet de serre, tout comme de la disparition des abeilles et des coccinelles.
Les solutions existent, on les connaît, explique Marc Dufumier. "Ce n'est pas avec un blé à 90 quintaux à l'hectare, très coûteux en engrais azotés de synthèse, en pesticides et en carburant qu'on accroît la valeur ajoutée pour le paysan et le revenu national net de la France. Il serait beaucoup plus rentable de produire un blé à 50 quintaux, fertilisé par une légumineuse comme la luzerne, qui fixe l'azote dans le sol. Nous cesserions alors d'importer du gaz naturel russe pour fabriquer des engrais azotés de synthèse, mais aussi des tourteaux de soja brésiliens pour nourrir nos vaches, qui mangeraient de la luzerne. Nous cesserions aussi d'exporter du blé subventionné. Car le système actuel ne tient qu'à coups de subventions, sans lesquelles il s'écroulerait."
Marc Dufumier prône la diversification, qui produit le plus de valeur ajoutée. Même si, plus artisanale, elle demande davantage de travail. C'est pourquoi il estime que la transition agro-écologique doit s'accompagner "du paiement aux agriculteurs de leurs services environnementaux". Ce qui diminuerait aussi le coût des produits bio. "On rémunèrerait les agriculteurs qui séquestrent du carbone dans le sol par des pratiques vertueuses, et qui contribuent donc à la lutte contre le réchauffement climatique, fabriquent de l'humus, empêchent l'érosion, préviennent les inondations dans les vallées, pratiquent les rotations de cultures en semant des légumineuses, trèfle, sainfoin, luzerne, qui se substituent aux tourteaux de soja importés."
Il constate que dans les pays latins "on pense à rémunérer les services environnementaux, à sortir de l'endettement par une agriculture diversifiée". Mais la transition sera lente. En France, "elle se heurte avant tout aux lobbies de quatre ou cinq grands secteurs et, assez curieusement, d'un syndicat majoritaire, la FNSEA, très forte pour dégager à chaque crise agricole des subventions à court terme, mais qui ne veut rien changer au système."
Marc Dufumier propose aussi de "transférer une partie du financement de la politique agricole commune pour subventionner les municipalités qui passent au bio, dans la restauration collective, en particulier les cantines scolaires, et garantissent aux agriculteurs de proximité l'achat de leur production à des prix rémunérateurs". 

Ce n'est pas une cellule de gendarmerie qui combattra la critique de l'agro-industrie. Ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui y arriveront en tournant le dos à celle-ci pour faire le choix d'une autre agriculture, plus vertueuse, plus respectueuse de l'environnement, des consommateurs, des paysans et des animaux. Reste aux Etats et à l'Union européenne à les encourager dans cette voie.



A voir ce jeudi 27 février à 23 h sur France 3: "La vie est dans le pré", documentaire d'Eric Guéret consacré à Paul François. Ce paysan charentais, intoxiqué par le pesticide Lasso, a gagné à force d'opiniatreté, son combat juridique contre Monsanto (*). Le documentaire le suit alors qu'il lance la conversion de ses 240 hectares de céréales en bio. "Le film tout entier rend hommage à l'incroyable force vitale de Paul François, qui poursuit la bataille malgré la maladie, le décès de son épouse et le déni de Monsanto, qui tente de l'épuiser par de multiples recours. (...) Ce film est aussi un appel urgent au sursaut politique." (Marie-Hélène Soenen, Télérama, 19.2.2020 - TT) Visible jusqu'au 28 mars sur france.tv
(*) (Re)lire sur ce blog "Nouveau coup de David à Goliath" (12.4.2019).

(1) https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/02/18/des-pesticides-suspectes-d-etre-des-perturbateurs-endocriniens-ou-cancerogenes-dans-l-air_6029930_3244.html
(2) reportage de Coco, "Salon de l'agribashing: nos terroirs ont du talent!", Charlie Hebdo, 26.2.2020.
(3) Vincent Rémy, "Humez-moi cet humus!", Télérama, 3.7.2019.

lundi 22 juillet 2019

Le cynisme a un nom

Et voilà, c'est reparti pour un tour. Bayer-Monsanto ne peut s'avouer vaincu et s'est, une nouvelle fois, pourvu en cassation de la condamnation dont il a été l'objet par le tribunal dans le conflit qui l'oppose depuis douze ans à l'agriculteur charentais Paul François (1). Ce dernier avait été intoxiqué en 2004 par le pesticide Lasso, fabriqué et vendu par Monsanto, et a souffert depuis de très graves troubles neurologiques (2). Ce poison est, depuis 2007, interdit dans l'Union européenne et l'avait été déjà au Canada en 1985 et aux Etats-Unis en 1990. Ce qui n'empêche pas le champion allemand de la pharmacie de continuer à le commercialiser en Asie. "Par ce comportement, affirme l'association Phyto-Victimes, Bayer adopte la même  logique que Monsanto en sacrifiant la santé au nom d'un profit financier." (3)
Bayer-Monsanto tente de gagner du temps, une fois encore, méprisant les décisions de justice déjà prises et craignant visiblement d'autres procès que pourraient lui intenter tous ceux - et ils sont nombreux - qui ont naïvement utilisé des pesticides miracles qui les ont empoisonnés.
Que faire face à un tel cynisme sinon boycotter les produits de Bayer qui prétend nous soigner et cultive  le mépris pour la santé humaine ?
Que faire sinon réclamer plus que jamais l'interdiction totale des pesticides de synthèse? (4)

(1) https://www.liberation.fr/depeches/2019/07/21/affaire-de-l-agriculteur-paul-francois-monsanto-bayer-va-en-cassation_1741298
(2) (Re)lire sur ce blog "Nouveau coup de David Golitah", 12.4.2019
(3) https://www.phyto-victimes.fr/2019/07/cp-procedure-paul-francoismonsanto-bayer-poursuit-lacharnement-judiciaire-de-monsanto/
(4) https://nousvoulonsdescoquelicots.org

vendredi 12 avril 2019

Nouveau coup de David à Goliath

Ne laissons pas passer les occasions de nous réjouir. Elles manquent en cette période où les nuisibles triomphent les uns après les autres (même si Bouteflika et Al-Bachir viennent de tomber – mais on est loin d’être sûr qu’ils entraînent leur régime dans leur chute).

Parlons de la terre. De notre Terre.
Paul François (que nous avons eu le plaisir de recevoir à Lignac le 1er mars) a remporté hier une nouvelle victoire contre Monsanto.
La Cour d’Appel de Lyon a, à nouveau, affirmé la responsabilité de la firme américaine dans la grave intoxication dont a été victime le paysan charentais en 2004 et dont il continue à souffrir des conséquences. C’est la troisième fois qu’un tribunal lui donne raison en condamnant Monsanto.
Reste que ce dernier peut encore former un pourvoi contre cette décision et que la question de l’indemnisation n’est toujours pas réglée (1). Mais ne boudons pas notre plaisir: cette condamnation est une victoire pour lui et pour toutes celles et tous ceux qui se battent contre les pesticides.

Paul François est un homme qui force le respect. Hier (entendez jusqu’en 2004), il était, dit-il « accro aux phyto ». Comme la majorité des producteurs de céréales, il pratiquait l’agriculture intensive, persuadé alors que c’était le seul moyen de s’assurer des revenus suffisants, d’accroître les rendements pour nourrir son pays et l’ensemble de la planète.
Chaque printemps, il passait plus de deux cents heures à « nourrir » consciencieusement ses champs avec des pesticides.
C’est ce qu’il avait appris à faire à l’école. Tous les enseignants de la filière agricole répétaient que les pesticides sont indispensables pour éliminer mauvaises herbes, insectes, champignons, etc. Tout ce qui était considéré comme un fléau, un nuisible (pestis) qu’il faut tuer (cide – cædere). Les ventes des pesticides ont doublé dans les années 1990.
Nous étions « tous de parfaits petits chimistes, pas des agronomes », dit-il aujourd’hui. Le sol était devenu un désastre : « comme si on donnait à quelqu’un la même boîte de conserve à manger tout au long de l’année ».

Aujourd’hui, il n’est plus le même homme. Il ne l’est plus depuis le 27 avril 2004, quand, ouvrant une cuve restée au soleil, il prend en pleine figure une bouffée de Lasso, un herbicide produit par Monsanto. Il ressent aussitôt une impression de chaleur intense au visage, puis dans tout le corps. Il ressent des vertiges, des nausées, des difficultés à avancer, sa respiration devient difficile. Son épouse, infirmière, l’emmène aux urgences de l’hôpital voisin, dans le nord de la Charente. Il perd connaissance et est placé sous oxygène.
A partir de ce jour fatal, il multipliera les problèmes de santé et les séjours en hôpital. Et sait que sa vie est à tout moment suspendue à un risque de développer une maladie telle que Parkinson, Alzheimer ou un cancer.
Mais  il faudra longtemps pour qu’un lien soit établi entre ses graves problèmes de santé et l’inhalation de Lasso. Le voilà forcé de se rendre compte que « les produits qui dopaient (son) maïs avaient bousillé (sa) santé », que cette toxicité était connue, mais dissimulée, que l’omerta régnait alors, tant dans le milieu agricole que dans le milieu médical, sur les dangers des pesticides.

Première victoire judiciaire : en novembre 2008 (quatre ans et demi après l’accident), sa rechute est liée à son accident de travail et doit être prise en charge « au titre de la législation professionnelle ». L’assureur doit prendre en charge cette rechute. Jugement confirmé en appel fin janvier 2010. Le lien de causalité est établi entre ses troubles et l’herbicide de Monsanto. Selon son avocat, François Lafforgue, c’est une première en France devant une Cour d’appel.  Avant, de rares atteintes par les pesticides avaient été reconnues comme maladies professionnelles chez des agriculteurs.

Décidé à poursuivre le combat, il dépose plainte contre Monsanto. Son avocat découvre que le Lasso est interdit au Canada depuis 1985 pour « risque inacceptable pour la santé de l’homme » et a été retiré du marché belge en 1991 : « une activité cancérigène chez l’homme de l’alchlore n’est pas formellement exclue ». Ce qui n’a pas empêché le producteur de pesticides de continuer à vendre ailleurs ce désherbant tout en niant sa dangerosité.
Le Lasso sera enfin retiré du marché français en avril 2017, suite au retrait d’autorisation de l’alachlore par l’U.E. : « l’exposition résultant de la manipulation de la substance et de son application représenterait un risque inacceptable pour les utilisateurs ».

En mars 2011, Paul François crée l’association Phyto-victimes, pour venir en aide aux professionnels victimes de pesticides et pour « donner un supplément de sens à nos épreuves ». Une forme de résilience collective. Il passe ainsi de son statut de malade à celui de victime engagée dans une quête de justice et un combat contre les pratiques déviantes des fabricants de phyto.
L’association offre un accompagnement moral et juridique aux agriculteurs, viticulteurs, jardiniers, etc. dans leurs démarches pour la reconnaissance d’une maladie professionnelle.

Février 2012, le tribunal de Lyon donne raison à Paul François face à Monsanto, constatant « la réalité d’une intoxication provoquée par l’inhalation de Lasso ». La présence du solvant n’est pas mentionnée sur l’étiquette  et les précautions d’utilisation et de dangers potentiels sont passées sous silence.
En 2015, un jugement de la Cour d’appel lui donne gain de cause : Monsanto a failli à l’obligation d’information sur les risques liés à l’utilisation du Lasso. Les juges reconnaissent le lien de causalité entre le non-respect de l’obligation d’information et le préjudice subi par Paul François. Cassée suite à un recours de Monsanto, cette décision a donc été confirmée hier.

Entretemps, Paul François a converti en bio ses 160 hectares de cultures et a pu se rendre compte que ses rendements sont bons.  Il avait déjà constaté que la réduction des pesticides ne nuit pas, au contraire, à la productivité (une étude le prouve).  De plus, ses revenus ont augmenté :  le maïs bio est vendu 280 € la tonne, soit deux fois le prix du conventionnel sans le coût des pesticides.
Il s’est aussi rendu compte que, passant au bio, ses champs revivent, la nature revient : coquelicots, bleuets, abeilles, lièvres, odeurs d’humus. Les plantes sont plus saines. Plus question de guérir mais de prévenir.

Aujourd’hui, il veut encore aller au-delà et formule des propositions :
-       Créer un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides (comme pour l’amiante) qui serait alimenté par les fabricants.
-       Fédérer les victimes de la chimie (au-delà de la seule agriculture) et inventer à l’échelle internationale la notion de crime d’écocide, pour atteinte grave à l’environnement.
Selon lui, l’agriculture de demain  doit fonctionner avec une rotation des cultures, une diminution des dosages de pesticides ou – mieux – une conversion à l’agriculture biologique. Seules 32.000 fermes (7% des exploitants) le sont actuellement. Il appelle aussi à rééquilibrer au niveau européen les aides à l’agriculture en faveur du bio et à multiplier les aides à la conversion.
« Ce combat n’est plus seulement le mien, écrit-il. Puisse ma victoire donner aux paysans de tous pays le courage de s’organiser, de lutter, de relever la tête. »

Suite à la nouvelle condamnation de Monsanto hier, Paul François a appelé les politiques à prendre enfin leurs responsabilités par rapport aux pesticides, rappelant que le président Macron, contrairement à ses promesses, n’a toujours pas interdit le glyphosate (2). 
Au même moment, ce même glyphosate vient d'être interdit par le Vietnam à cause de la toxicité de ce produit et de son impact sur la santé et l’environnement. Ce pays connaît le coût pour la santé de ses habitants de l’usage massif de défoliants: cinquante ans après, plus de trois millions de Vietnamiens souffrent toujours des conséquences de l’utilisation par l’armée américaine de l’agent Orange, commercialisé par Monsanto (3).

Autre info toute récente: Greenpeace a identifié le cours d’eau le plus pollué d’Europe: un ruisseau de Belgique coulant dans une zone d'élevage intensif. La concentration en pesticides y est de 94 milligrammes par litre et on y trouve 70 sortes de pesticides (dont 20 aujourd’hui interdites en Europe) (4).
Oui, le combat doit continuer.

When these seeds rise
They're ready for the pesticide
Then Roundup comes and brings in the poison tide
From Monsanto, Monsanto
Neil Young, "Monsanto Years", 2015

La plupart des informations de ce billet sont tirées du livre de Paul François et Anne-Laure Barret, « Un paysan contre Monsanto », éd. Fayard.


lundi 25 février 2019

Parlons pesticides

Rencontre avec Paul François,
Un paysan contre Monsanto, président de l’association Phyto-victimes



Vendredi 1er mars à 19h30 à la salle des fêtes de Lignac (36)
Organisation : Mairie de Lignac

Si l’usage des pesticides est à présent interdit aux particuliers, il reste cependant autorisé aux professionnels. Non sans risque pour la santé des riverains et, en premier lieu, des agriculteurs, viticulteurs et jardiniers professionnels.
Gravement intoxiqué en 2004 par un produit de la firme Monsanto, Paul François, agriculteur en Charente, a porté plainte contre Monsanto et gagné en 2012 et en 2015. Mais le combat judiciaire n’est pas terminé : en 2017, la Cour de Cassation a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel, estimant que le fondement ne serait pas le bon, à savoir non pas défaut d’information sur la dangerosité du produit, mais plutôt produit défectueux. Paul François est donc retourné affronter Monsanto au tribunal de Lyon le 3 février dernier. Les délibérés seront rendus le 11 avril.
Pratiquant une agriculture intensive conventionnelle, il n’aurait jamais imaginé que ces pesticides qui lui facilitaient la vie allaient aussi la détruire. Aujourd’hui, il a converti l’intégralité de son exploitation en bio, il croit à une agriculture performante respectueuse de l’environnement et du social. Il préside l’association Phyto-victimes qui vient en aide aux professionnels victimes des pesticides.
A l’initiative de la mairie, Paul François viendra à Lignac (36) le vendredi 1er mars à 19h30 (salle des fêtes, place de Lignac) témoigner de ce qu’il vit, de son combat contre les pesticides, de la manière dont il voit l’agriculture de demain.