vendredi 21 mars 2008

Drucker, modèle du Ps

Deux pages d'interview d'Elio Di Rupo dans la Libre Belgique de ce jour. Question: "Le PS est dans la majorité depuis 1992. N'aurait-il pas eu besoin d'une cure d'opposition pour se réformer ?"
Réponse du président du Ps: "On peut très bien assurer des responsabilités et se régénerer. Il y a des gens de grande qualité qui durent. Voyez Michel Drucker..."
Voilà donc l'animateur télé (assurant on ne sait quelles responsabilités...) pris pour modèle. C'est sûr en Belgique, en Wallonie, en Communauté française, les projets du siècle passé ont encore de beaux jours devant eux! Je ne sais si Di Rupo a assisté à l'émission belge de celui qui est passé de statut de gendre idéal à celui de gentil tonton, en tout cas il n'en a pas lu les critiques. Qui ne furent pas tendres! Jean-Claude Vantroyen dans le Soir (du 18 mars) parle de "regard passéiste" sur la Belgique: "comment peut-on avoir une idée aussi trompeuse et ringarde de ce qu'est la musique en Belgique francophone", demande-t-il?
Dans Vers l'Avenir (le même jour), Géry Eykerman imaginait justement Michel Drucker, "l'inoxydable Petzi du PAF", en formateur du gouvernement belge. Avec lui, dit-il, "plus besoin de compromis à la belge. On passerait à l'étage supérieur, celui du consensus mou."
Il faut bien admettre que les Frédéric François, Frank Michaël, Plastic Bertrand, Annie Cordy, Jean Vallée et autres Adamo ne représentent pas vraiment la modernité et l'avenir (l'émission aura au moins eu le mérite de nous apprendre que certains d'entre eux sont toujours vivants!).
Mais comme le fait remarquer Vantroyen, s'intéresser à ce qui fait bouger la scène musicale aujourd'hui "c'eût été prendre trop de risques..." Ce qui n'est sans doute le plus sûr moyen de faire de l'audience ou... des voix. Et donc, là, on comprend pourquoi, finalement, le modèle est pertinent.

mercredi 19 mars 2008

L'économie a toujours raison!

Il est frappant de constater à quel point, dans l'opinion publique, l'entrepreneur (l'homme d'affaires, le chef d'entreprise, etc.) a toujours bonne presse. Je le constate régulièrement dans des exercices sur les clichés et stéréotypes que je fais effectuer lors de formations, aussi bien d'étudiants que d'enseignants. Le chef d'entreprise apparaît toujours comme un homme dynamique, responsable, volontaire, battant... Les qualificatifs positifs sont légion, les négatifs quasi inexistants. L'homme politique, a contrario, apparaît comme menteur, corrompu, retors, séducteur, etc. Pour lui, la colonne des qualifications négatives l'emporte toujours sur celle du positif. Or, si le politique est corrompu, c'est qu'existent quelque part des corrupteurs... En général, on les trouve chez les entrepreneurs, dont l'image n'est cependant jamais écornée.
Comme si, parce qu'il développe une activité économique et crée de l'emploi, l'homme d'affaires avait toujours raison. Et même les politiques le défendent si, d'aventure, des opposants se manifestent.
Témoin, cette conversation houleuse hier soir avec deux bourgmestres, à l'issue de la séance d'information-débat organisée par les promoteurs du projet de "centre de glisse" à Antoing. L'un d'eux n'accepte pas les critiques des riverains, des naturalistes et des écologistes contre un projet qui, bien qu'il lui pose question, annonce des emplois par centaines. Et de nous reprocher de nous opposer sans proposer un autre projet économique. Ce n'est évidemment pas le rôle des riverains de monter un tel projet (ils n'en ont ni les compétences ni les moyens). Mais, en démocratie, c'est leur devoir de citoyens responsables de tirer les signaux d'alarme. Par contre, c'est le devoir des promoteurs d'adapter leur projet aux nécessités de l'époque et aux politiques menées localement et régionalement (développement rural, parc naturel, lutte contre le réchauffement climatique, diminution du trafic automobile, etc.). Et c'est justement aux politiques d'y contraindre les hommes d'affaires. Le silence des bourgmestres, pourtant interpellés par l'assistance, était - hélas - éloquent et témoigne de la difficulté, et de la peur sans doute, du politique de remettre l'économique à sa place.

mercredi 12 mars 2008

La Wallonie et le développement durable: paroles, paroles, paroles?

On compare souvent le développement durable à un tabouret à trois pieds, bien sûr d’égale importance : l’économie, l’environnement, le social. S’il manque un pied ou si l’un est plus court que les autres, le tabouret n’est qu’un objet dépourvu de sens.
En Région wallonne, le tabouret est souvent très déséquilibré : le pied économique tient toujours du piédestal, quand celui de l’environnement a l’épaisseur d’une allumette. Le pied du social bien souvent ne repose que sur l’argument de l’emploi : un projet éveille l’intérêt du politique s’il annonce de très nombreuses créations d’emplois. Et tant pis, si les activités générées par ces emplois risquent d’engendrer bien des nuisances sociales : bruit, augmentation du trafic automobile, production de CO2, perte de qualité de vie, autant d’atteintes à la santé, à la vie sociale, à l’avenir de la planète.

Il est temps que nos responsables politiques cessent de rêver à un retour aux golden sixties et décident d’entrer, enfin, de plain-pied, dans le XXIe siècle. Il est temps de faire face aux changements nécessaires et d’y adapter nos politiques. Ce qui passe par le choix d’un certain type de développement et, a contrario, par le refus de certains projets qui appartiennent aux logiques du passé. D’un bout à l’autre de la Wallonie, les exemples sont pourtant nombreux de ces projets, privés ou publics, déjà obsolètes, mais que les responsables politiques continuent à soutenir : autoroutes, aéroports, circuit moto, centres de pratique du ski.

Dans la région liégeoise, le Gouvernement wallon entend bien créer la fameuse liaison Cerexhe-Heuseux-Beaufays, un projet qui remonte à… 1969, époque du « tout à la route ».
Quarante ans plus tard, le trafic a été multiplié au moins par vingt et le réseau routier s’est considérablement renforcé.
Aujourd’hui, les nuisances du trafic routier sont un fait observable au niveau planétaire, spécialement dans les zones urbanisées et en particulier dans notre pays qui détient le record mondial du plus grand nombre de kilomètres d’autoroute par habitant. Mais le Gouvernement wallon n’en démord pas : il va débourser un demi-milliard d’euros pour ce « chaînon manquant » qui va sauver, selon lui, la région liégeoise de la congestion automobile. Même si l’étude d’incidences indique que la liaison CHB n’allègera ni le tunnel de Cointe, ni les quais de la Meuse, ni la Dérivation, ni la traversée de Fléron. Et même si cette dépense énorme se fera, une fois de plus, au détriment du budget, nettement insuffisant aux yeux de la Cour des Comptes, de la réfection et de l'entretien des voiries existantes.
Et tant pis pour les habitants concernés, pour la balafre à travers le Pays de Herve, pour les sites de haut intérêt écologique et paysager concernés. Tant pis aussi pour les politiques de diminution du trafic automobile, du bruit et de la pollution qu’entend, paraît-il, mener le même Gouvernement wallon.
La construction d’infrastructures supplémentaires, loin de résoudre les problèmes de mobilité, aura pour effet de créer un nouvel appel de véhicules et contribuera donc à l’augmentation du trafic et de la pollution sonore et atmosphérique et à la destruction de l’environnement.

Le nouveau terminal de l’aéroport de Charleroi a été inauguré en grandes pompes, voici quelques semaines, par le ban et l’arrière-ban du Gouvernement wallon. Le Ministre fédéral de l’Energie et du Climat avait tenu à rehausser de sa présence ce grand moment pour l’économie wallonne. La nouvelle infrastructure doit permettre un accroissement considérable du trafic aérien, avec 38.000 mouvements annuels et cinq millions de passagers. Tant pis pour les riverains qui dénoncent l’augmentation des nuisances de bruit, de la pollution et des risques liés aux manoeuvres d’atterrissage et de décollage qu’ils considèrent comme intolérables dans cette agglomération densément peuplée du nord de Charleroi. Des riverains qui avaient fixé leurs limites acceptables à 10.000 mouvements annuels et un million de voyageurs et qui affirment depuis le début que la politique de développement des infrastructures aéroportuaires wallonnes est sans vision : quelle pérennité peut-on imaginer à un secteur aussi étroitement lié au pétrole bon marché ? Ils rappellent que l’étude d’incidence de 1998-1999 a dénombré plus de 56.000 personnes dans les zones A, B, C, D affectées par le bruit et 330.000 dans un rayon de 10 kilomètres, ainsi que plus de 30 établissements sensibles (crèches, écoles, hôpitaux, homes) dans la même zone.
Les gaz à effet de serre générés par ce que le Ministre Antoine a qualifié de « success story wallonne » ne comptent pas, malgré la volonté affirmée par le Gouvernement wallon de lutter contre le réchauffement climatique. Comme le dit un habitant de Charleroi, « pendant la pollution atmosphérique dont la ville souffre de manière chronique, le low cost aérien continue ».
Les avions engendrent également des nuisances sonores comprises entre 120 et 140 décibels (seuil de douleurs) aux abords des aéroports. Mais ces nuisances ne comptent pas davantage face au développement incessant d’une économie assassine pour la planète et ses habitants et face aux créations d’emplois annoncées.

Autre décor : à Thulin - Elouges, à deux pas du Parc Naturel des Hauts-Pays, non loin de Mons et de la frontière française, c’est un projet de technopôle moto qui met les villages en émoi. Un promoteur a l’intention de créer, sur le territoire des communes de Dour et de Hensies, un circuit asphalté d’une longueur de 4,5 km principalement dédié à la moto, ainsi qu’une zone d’activités axées sur les sports mécaniques. Le circuit serait utilisé huit mois par an et pourrait accueillir ponctuellement des véhicules automobiles. Ici, la superficie concernée serait de 80 hectares (58 pour le circuit moto et 22 pour le technopôle). Plus de 200 personnes habitent à moins de 500 mètres du site concerné et plus de 1500 dans un rayon de 1000 mètres. Auront-ils d’autre choix que de vivre portes et volets clos toute l’année, week-ends compris, pour éviter les vrombissements de bolides, généreux distributeurs de décibels et de CO2? A moins que le Gouvernement wallon refuse ce projet dont l’enquête publique vient de se terminer…

A Lessines, ce même Gouvernement wallon a accordé depuis deux ans toutes les autorisations au projet Snow Games qui entend offrir aux skieurs, sur dix hectares dans une ancienne carrière de porphyre, de la neige artificielle 365 jours par an. Le site de la carrière Cosyns a beau être classé parmi les sites de grand intérêt biologique (SGIB) de la Région wallonne, les promoteurs du projet ne lui voient aucune utilité et prétendent vouloir le « valoriser ». Entendez par là : en tirer de l’argent. Pour ce faire, ils sont prêts à investir 94 millions d’euros pour 2,3 km de pistes.
Non loin de là , à Antoing, des promoteurs parisiens et bruxellois sont prêts à dépenser jusqu’à 450 millions d’euros pour créer un « centre européen des sports de nature et de glisse » : du ski sur neige artificielle, du patinage sur de la glace artificielle, du surf sur une vague artificielle, du rafting sur une rivière artificielle, le tout sur 218 hectares au cœur du Parc… Naturel des Plaines de l’Escaut ! L’étude d’incidences sur l’environnement, réalisée en 2007, a mis le doigt sur une longue liste de problèmes et la Commission Régionale d’Aménagement du Territoire s’est montrée, jusqu’ici, plus que sceptique. Actuellement, le Gouvernement wallon semble consulter...
Ces deux projets de Lessines et Antoing viennent s’ajouter à Ice Mountain, déjà opérationnel depuis de nombreuses années à Comines. De quoi s’interroger sur la vocation économico-touristique du Hainaut Occidental : la partie la plus plate de Wallonie serait-elle destinée à devenir le plus grand domaine skiable de l’ouest de l’Europe ? Sur le plan économique, la proximité de ces trois projets n’a évidemment aucun sens. Et sur le plan environnemental, voire éthique, elle n’en a pas davantage. Tous ces centres consomment ou consommeront des quantités astronomiques d’eau et d’énergie pour produire de la neige et de la glace artificielles. Ainsi, à Antoing, ce sont quelque 31 millions de kWh d’électricité, 54 millions de kWh de gaz et 500.000 m3 d’eau qui seront dilapidés annuellement pour faire fonctionner ce temple du superflu.
Enfin, ces différents projets ne seront guère accessibles qu’en voiture, alors que les citoyens prennent lentement conscience des économies d'énergie à réaliser, du danger des particules fines et de l’impérieuse nécessité de réduire la production de gaz à effet de serre.

A Antoing, à Lessines, à Elouges, à Charleroi, la carotte que tendent les promoteurs pour justifier leur projet est, à chaque fois, l’argument de l’emploi. Et là, c’est la surenchère ! Les emplois sont annoncés par centaines : 300 à Lessines, 300 à Elouges, 800 à Antoing… Même si aucun de ces nombres n’est justifié et ne résiste à une analyse un tant soit peu critique. Mais la simple annonce de ces seuls chiffres suffit visiblement à convaincre les responsables wallons, qui semblent en oublier aussitôt les politiques qu’ils entendent mener : « soutenir un développement économique durable » (p. 39 de la Déclaration de Politique Régionale), « conserver les spécificités du monde rural et sa qualité de vie » (p. 40) ; « (concevoir) la politique environnementale de la Région wallonne (comme) un élément essentiel du développement territorial équilibré et durable de la Wallonie » ; « intégrer la dimension environnementale dans l’ensemble des politiques (aménagement du territoire, mobilité, logement…). » La DPR ajoute encore que « le développement économique sera plus performant, si, dès le départ, l’objectif de préservation des ressources naturelles fait partie de la stratégie des acteurs de ce développement. (…) Quel que ce soit l’avenir du protocole de Kyoto, poursuit la DPR, le Gouvernement considère que la réduction des gaz à effet de serre constitue une priorité incontournable. Il sera procédé à une évaluation des mesures concrètes au regard de leur coût/bénéfice. » (p. 42)

Les citoyens wallons sont donc en droit d’attendre de leur gouvernement un développement économico-touristique respectueux de leur qualité de vie et de la richesse naturelle et paysagère de leur région, et surtout cohérent avec la volonté de ce même gouvernement d’économiser l’eau et l’énergie, d’améliorer la biodiversité et de lutter contre le réchauffement climatique. Un type de développement, sûrement moins spectaculaire que tous ces Travaux d’Hercule, mais qui permettrait de créer des activités durables, plus porteuses de sens et plus proches des citoyens.
Ils se sentent floués dans les appels qui leur sont adressés quotidiennement : les économies d’énergie que leur demande le Gouvernement – et que celui-ci soutient à coups de primes – vont-elles permettre à des promoteurs sans scrupule de gaspiller cette même énergie ? Y a-t-il un sens pour le citoyen lambda à diminuer d’un degré son thermostat ou à prendre moins souvent sa voiture, si l’énergie qu’il économise ainsi est transformée en neige artificielle ?

On le voit, les projets anachroniques ont toujours le vent en poupe. La Wallonie semble bloquée au XXe siècle, ses responsables politiques s’avérant incapables de faire des choix, de refuser des projets totalement contradictoires avec leurs belles intentions. L’économie – un certain type d’économie « consommatoire » - continue à triompher, envers et contre tout. Alors, Wallonie, terre d’élection d’un développement économique irraisonné? Ou terre d’avenir grâce à des choix porteurs d’une vision à long terme et de valeur ajoutée pour la région et ses habitants ?
Aux responsables politiques et économiques wallons de faire preuve de créativité. Il est plus que temps !

lundi 10 mars 2008

Les outils de communication tuent la communication

Les téléphones portables, par définition, permettent à leurs heureux propriétaires d'être en lien permanent avec la terre entière. Mais ils empêchent souvent de rester en lien avec la personne dont on est proche physiquement, celle qui nous fait face. Régulièrement, on assiste à cette scène - hélas banale aujourd'hui - où deux personnes sont en pleine conversation, même au restaurant, et voilà que sonne le téléphone d'une des deux. Et la personne de décrocher, abandonnant immédiatement sa conversation pour entrer dans une autre, donnant priorité à cet appel. On souffre pour ces gens qui brusquement n'existent plus! Celui qui appelle supplante brutalement celui qui se trouve en vis-à-vis. Alors que tout téléphone normalement constitué dispose d'un répondeur... Régulièrement, nous croisons ces grossiers personnages (que nous sommes peut-être parfois?) qui discutent au comptoir d'un magasin avec la vendeuse ou le vendeur et qui cessent, de but en blanc, leur conversation pour se jeter sur l'appel qu'ils reçoivent. Que reste-t-il de la "communication"? Parle à mon gsm, ma tête est malade!

Il en est de même dans la vie politique. "Le Vif" de ce vendredi 7 mars consacre un article à la pollution géessèmienne qui envahit les négocations gouvernementales. Pierre Havaux cite cet observateur qui a constaté que "les appareils étaient allumés en permanence autour de la table: tout le monde pianotait. Leterme passait son temps à manipuler son Blackberry, Reynders consultait ses données sur son PC portable et Milquet était accro au GSM. Ce sont des exaltés de l'immédiat." Et le journaliste de relever que "jamais jusqu'alors, les technologies de la communication n'avaient été accusées de contrarier, voire de nuire à l'action politique".

Je me souviens d'une collègue au Sénat qui passait sa vie suspendue au téléphone (et j'imagine qu'il en est toujours de même aujourd'hui). Nos collègues flamands l'avaient surnommée Miss Proximus. Même dans des réunions de commission à huis clos, son téléphone ne cessait de sonner et elle, à chaque fois, d'entamer une conversation à voix à peine feutrée en plein milieu de la réunion. C'est vrai qu'il faut mériter chaque jour son surnom de Madame Sans-Gêne...

Nous vivons dans le règne de l'immédiateté. Et ça en devient maladif, pour beaucoup d'entre nous. Le décrochage du téléphone et l'envoi de textos tiennent de la toxicomanie.
Dans "La société immédiate", Pascal Josèphe (éditions Calmann-Lévy) constate que les nouvelles technologies de l'information et de la communication favorisent l'individualisme (au détriment du collectif) et l'immédiateté. C'est la tyrannie de la réponse immédiate, du plaisir immédiat. Et les politiques se laissent entraîner dans cette dérive tellement facile. Mais tellement dangereuse pour la gestion de la société. Les décisions ne s'inscrivent plus dans la durée, ne se prennent plus au terme de mûres réflexions et de confrontation de points de vue. Elles répondent immédiatement - et souvent de manière simpliste - à l'émotion. Les exemples sont nombreux ces dernières années. Ce sont les remises en question brutales de la politique de protection de la jeunesse suite au meurtre de Joe Van Holsbecke. Ce sont les déclarations scandalisées de certains leaders politiques suite à l'émission By Bye Belgium de la RTBF (les mêmes étant capables de modifier leur opinion à 180°, deux jours après, constatant que l'opinion publique ne pensait finalement pas comme eux...). C'est la loi Dati en France. Ce sont les positions et propositions, toutes plus ahurissantes les unes que les autres, du grand ado qui préside la France et dont les paroles galopent visiblement plus vite que la pensée.
Tiens, en voilà une idée: si on reprenait le temps de penser?

jeudi 28 février 2008

LA RTBF nous prend pour des cons

La publicité est plus triomphante et plus présente que jamais. Elle est capable de débarquer, pas gênée, sans crier gare, au beau milieu des émissions, même celles du service public, en télé comme en radio (La Semaine infernale ou le Jeu des Dictionnaires, par exemple). Autrefois, elle était placée avant ou après les émissions. Maintenant, elle surgit en leur milieu. Et plus personne ne s’en étonne ni ne s’en offusque. Il y a quelques années, des voix s’étaient élevées pour protester contre les interruptions publicitaires que la RTBF voulait introduire dans les coupures « naturelles » (!) des séries. (Les coupures sont qualifiées de naturelles dans la mesure où un passage au noir se fait très naturellement au beau milieu d’une scène pour qu’un spot publicitaire s’y glisse le plus naturellement du monde...). Déjà, on sentait bien que les responsables de la RTBF nous prenaient pour des cons.
Ce jeudi soir, je restais scotché devant « Le papillon noir », un téléfilm que diffusait la RTBF. Au départ, j’avais l’intention de ne regarder que la première demie-heure, en attendant que débute « Envoyé Spécial » sur France 2. Mais j’ai laissé passer l’heure, incapable de décrocher de cette fiction à l’intérieur même de laquelle il est impossible de distinguer fiction et réalité. Et puis, Cantona y est assez impressionnant dans ce rôle de vagabond peut-être psychopathe. Et peut-être pas. Et puis voilà que ce thriller bien construit est interrompu brutalement (le mot n’est pas trop fort) par une page de pub. Sur une chaîne de service public ! (peut-être faut-il dire « sévices publics » désormais ?). Je me suis dit : les cons, ils ont réussi à me faire décrocher. Je ne connaîtrai pas la fin de l’histoire. Je suis passé sur « Envoyé Spécial » et un excellent reportage de Caroline Fourest: "Hymen, le poids des traditions". Merci la pub !
Pour une fois, je me demande si Ego 1er, roi des Français, n'a pas raison, quand il appelle à la suppression de la pub sur les chaînes publiques. A quoi joue donc le service public ? A ressembler au privé ? A transformer ses téléspectateurs en consommateurs ? Et que fait le CSA ? Y a quelqu’un ?

Post-scriptum : en général, en télé, je zappe les pubs systématiquement, ou au moins je coupe le son, ou alors j’arrive à ne pas les voir ni les entendre. Mais je dois avouer qu’il y a une (et une seule) pub que j’aime bien : c’est celle pour Spa Reine, "l’eau qui purifie". Il y en a trois versions. A chaque fois, un verre de Spa est balancé à la figure d’un(e) gros(se) con(ne). C’est la seule pub, à ma connaissance, qui fasse du bien.

samedi 5 janvier 2008

Les roquets d'Internet

S’il y a bien un truc qui m’énerve sur le net et les blogs, ce sont les pseudos, les « courageux anonymes », ces gens qui ont un avis sur tout et sur rien, mais n’ont pas le courage de signer de leur nom. Ils ont toujours tout compris mieux et plus vite que les autres et ça les rend agressifs qu’on ne pense pas comme eux. Ils voyagent sur les blogs qui leur passent sous le clavier pour le faire savoir. Ils sont capables de s’exprimer trois fois, dix fois sur le même sujet. On a parfois l’impression d’entendre des chiens japper ou des corbeaux croasser.
Quand le Soir a annoncé sur son site l’assassinat de Bénazir Bhutto, il s’est tout de suite trouvé un courageux anonyme pour reprocher au Soir d’annoncer l’info une heure après Libé. Et un autre pour dire que Mme Bhutto l’avait bien cherché et qu’il n’y avait pas de quoi en faire toute une histoire.
L’annulation du Paris-Dakar provoque, toujours sur le site du Soir (mais j’imagine que c’est pareil sur bien d’autres), un tsunami de bêtises édifiantes. C’est sidérant ! Quel est l’intérêt de ces espaces de parole ? C’est pire que le dernier des cafés du Commerce avant la fermeture au milieu de la nuit. Tous ces gens sont-ils saoûls pour tenir de tels propos? Saoûls d'eux-mêmes sans doute...
La démocratie du web est un leurre. Aujourd’hui, le premier imbécile venu prend la plume pour (tenter de) faire entendre ses opinions, en fait, en général, ce qui lui passe par la tête à l'instant même. Le problème, bien souvent, c’est qu’il ne s’agit pas ici de communication. Le courageux anonyme vomit ce qu’il a à dire, dans son jargon mal torché, sans se soucier de savoir s’il est compris. Et le plus souvent, effectivement, il ne l'est pas. Quantité de textes sont écrits dans un français très approximatif, sans souci de l'orthographe ni de la ponctuation. Je ne commnique pas, j'éructe!
Jean-Louis Murat a une réputation de misanthrope. Voilà sans doute pourquoi je l'apprécie. Cette réputation est justifiée et expliquée :
« Je déteste la démocratie d’Internet. Je faisais une émission de radio en France, il y avait un message d’insulte qui arrivait toutes les trois secondes, signé Jojo, signé Bébert… A chaque fois, ça me fait penser à 1942, ils envoient des messages comme ils envoyaient des messages de dénonciation à la Kommandantur. Il y a une goinfrerie d’internautes hypercapitaliste qui fait fondre les glaces au Pôle Nord. Je ne supporte pas cette goinfrerie des internautes qui, au nom de la liberté, se goinfrent. Et la goinfrerie, c’est ce qui nous tue. Je déteste l’autosatisfaction de l’homme libre occidental qui me paraît être une salope égoïste. Dans ce sens-là, je suis bien Baudelairien : pour lui, le progrès c’était le paganisme des imbéciles. » (Jean-Louis Murat, Rif-Raf, novembre 2007)
Comme en écho, Sean Penn dit: "J'aime l'humanité, mais j'ai un problème avec l'humain." (Le Vif/L'Express, 04.01.2008).
Ceci dit, Internet reste un outil extraodinaire d'ouverture sur le monde, de mise en lien, de dialogue, d'échanges. Mais, pour cela, il faut avoir l'envie de se parler...
Vous l'avez compris, vos réactions et réflexions sont les bienvenues, signées de votre nom…

(A propos, ne passez pas à côté du dernier Jean-Louis Murat, remarquable: "Charles et Léo - Les fleurs du mal" (textes de Baudelaire, musiques de Ferré, arrangements et interprétation de Murat)

samedi 8 décembre 2007

La révolution petite-bourgeoise est en marche... arrière

Il y a quelques jours, deux architectes, Eric Marchal et Quentin Wilbaux, présentaient aux habitants du quartier du Pic-au-Vent, à la sortie de Tournai, leur projet d'habitat groupé passif, soit 36 logements dont la contigüité même permet de travailler à une conception passive de ces habitations. La construction y est conçue pour répondre aux défis d'aujourd'hui: des besoins en chauffage quasi inexistants, la récupération et le traitement des eaux de pluie, une vision plus collective qu'individuelle de l'extérieur. Le coût annoncé de ces habitations économes s'avère particulièrement intéressant.
Le concept même a séduit tant les politiques et l'administration que les entrepreneurs en bâtiment. Mais pas les voisins qui ont sorti leurs fourches...
La presse nous apprend en effet que les futurs voisins sont venus à la réunion en très grand nombre, armés de fausses informations, d'a priori et de rumeurs difficilement démontables par les auteurs de projet eux-mêmes, tant l'ambiance n'était pas au dialogue, malgré les tentatives de médiation de l'animateur engagé dans ce but par les auteurs de projet.

Les attaques les plus délirantes et les plus inattendues ont surgi:
- il s'agira d'un ghetto de gens partageant la même philosophie, alors que les 80 maisons du quartier voisin constituent un "ensemble pluraliste" (sic);
- les enfants de ces habitations vont rouler à mobylette;
- l'accroissement du nombre de voitures va forcément engendrer des accidents;
- rien ne garantit que les nouveaux habitants se conduiront de manière civique;
- pourquoi ces nouveaux habitants paieraient-ils leur énergie moins chère que leurs voisins?
- il y aura des fêtes toutes les nuits dans la salle des fêtes des nouvelles habitations;
- j'ai payé cher ma maison, laissez-moi tranquille!
Bref, des arguments sidérants qui pourraient laisser croire que François L'Embrouille et ses complices avaient pris place dans la salle pour pertuber les architectes. Mais il n'y avait pas plus de caméra invisible qu'il n'y a de salle des fêtes dans le projet.

Cette attitude ahurissante, mesquine, égoïste et agressive (biffez les mentions inutiles s'il échet...) me rappelle un débat auquel j'ai participé il y a quelques années à Celles.
A l'époque, un promoteur envisageait d'implanter trois ou quatre éoliennes dans la campagne celloise. Les riverains (certains habitant parfois à quelques kilomètres du lieu d'implantation prévu) s'opposaient fermement à ce projet. Ecolo avait décidé d'organiser un débat sur les éoliennes et, bien au-delà, sur la nécessité d'investir dans les énergies alternatives et de modifier nos modes de vie. José Daras, Ministre de l'Energie, y avait participé, de même que la '"facilitatrice éolienne" et un représentant du bureau chargé de l'étude de ce projet.
Les arguments des opposants cellois étaient du même tonneau que ceux des piqués-au-vent: pourquoi certains auraient-ils le droit de s'approprier le paysage? pourquoi accepterions-nous un projet qui ne nous fera pas gagner d'argent? les éoliennes font du bruit, tuent les oiseaux, provoquent des migraines, ne sont pas belles... L'agressivité était incroyable, le dialogue quasi impossible. C'est là qu'à la suite du débat, un homme est venu me trouver pour me dire, pointant son index sur ma poitrine: "vous, quand vous étiez présentateur télé, je vous aimais bien, mais aujourd'hui, je vous déteste!" Sur le moment, j'ai éclaté de rire. Mais il y avait de quoi pleurer face à ce repli petit bourgeois et surtout à cette absence sidérale de la notion même de raison. On était dans l'émotion pure, dans le délire. La notion d'hystérie collective prenait tout son sens. Il n'était plus possible de raisonner, d'échanger des arguments "sensés".

A Celles comme au Pic-au-Vent, les opposants s'affirment bien sûr totalement favorables au principe même de ces projets. Bien sûr, disent-ils, il faut lutter contre le réchauffement climatique! Bien sûr, il faut investir dans les énergies climatiques, dans l'éco-construction! Bien sûr qu'elle est importante la conférence de Bali! Mais du balai! Pas de ça, près de chez moi. Dégagez! Vous dérangez mon petit confort. Il faut sans doute que tout change, mais pas que ça me dérange!
Le changement fait peur. Le collectif fait peur. Les enfants font peur (c'est qu'ils risquent fort de devenir des jeunes un jour!).
Ailleurs, ce sont des riverains qui s'opposent à une crèche près de chez eux: vous imaginez ces voitures qui vont s'arrêter pour déposer et reprendre les enfants! Certains voisins dénonçaient déjà les cris d'enfants dans le jardin...
Ailleurs encore, ce sont des riverains qui s'opposent à un casse-vitesse devant chez eux, à un arrêt de bus, à un panneau de prévention signalant l'école.
On n'est pas seulement dans la peur. On est dans le nombrilisme exacerbé. Dans l'individualisme forcené. Ce sont des gens de murs, de clôtures. Ce qui compte, c'est moi, ma tranquillité, ma petite maison quatre façades, mon petit garage, mon petit jardin, mon petit esprit. Ces gens-là se reconnaissent à des signes distinctifs: des panneaux "propriété privée" ou "ici, c'est moi qui monte la garde".
Ils ne se rendent évidemment pas compte qu'eux aussi se sont appropriés le paysage avec leurs maisons, leurs garages, leurs hangars. Ils ne se demandent pas si eux aussi auraient dû donner des gages de civisme à leurs voisins avant de s'installer dans un quartier. Ils ne se posent pas la question de l'empreinte écologique de leur maison quatre-façades, un mode de construction qui ne devrait plus être autorisé aujourd'hui.
Ils se retirent de la société, à l'abri de leurs murs, ne les quittent pour que pour les défendre. Même si ceux-ci ne sont pas menacés.
Ce sont les nimbies *.
Dans une carte blanche (publiée dans la Libre Belgique du 2 novembre 2007), Jean-François Viot, auteur dramatique et citoyen de la commune de Gesves, distingue les Nimbies et les Nin Biesses: il dénonce les "revendications partiales et les arguments partiels" des Nimbies, "arguments régulièrement déformés, amplifiés, arrangés". Les Nin Biesses, dit-il, "sans céder à la panique ou à l'égoïsme, choisissent sereinement de défendre la cause qui leur paraît, en humanistes, la plus juste. Ils se souviennent que le monde ne leur est que prêté, qu'ils ne sont eux-mêmes à peine plus que cet arbre ou cette fleur qu'ils admirent. Et ils en concluent: "please, in my backyard!"

*Nimby: Not In My BackYard: pas dans le fond de mon jardin

dimanche 25 novembre 2007

Les contes de fée, tous comptes faits...

"Etre bon prince: faire preuve de générosité, de bienveillance, de tolérance" (le Petit Robert)

Le Courrier de l'Escaut de ce 24 novembre nous apprend que le "trésor" découvert dans le bollewerk du château d'Antoing sera propriété du prince de Ligne.
Vingt-cinq pièces d’or avaient été trouvées par des guides touristiques de la Ville, enfouies dans une contremarche d’un escalier à l’abandon. La loi précise, dans le code civil, qu'en cas de découverte d'un trésor sur le terrain d'autrui, ce trésor se partage en parts égales entre son inventeur (le découvreur) et le propriétaire.
Mais ici à Antoing, monsieur le prince, dans sa grande bonté, n'accorde qu'une pièce à chacun des cinq inventeurs, se gardant pour sa bourse personnelle les vingts pièces d'or restantes. Pour qui sait calculer, 50/50, c'est une proportion qui vous a des allures d'équilibre démocratique inacceptable. Tandis que 80/20, voilà une proportion qui laisse chacun à sa place. Il faut dire que monsieur a ses frais, nous dit le journal: il doit restaurer sa toiture (noblesse oblige!) et ce trésor est une aubaine qu'il n'entend pas laisser passer. Et qu'importe la loi, elle n'est de toute façon faite que pour les manants. Arrière, marauds! Les guides touristiques avaient fait part de leur découverte en toute honnêteté au châtelain. Mais face à sa menace de déposer le dossier auprès de ses avocats et sous la pression du bourgmestre qui craint de voir le château fermé au public, les guides ont décidé de laisser tomber leurs prétentions à leur part (l)égale du trésor. Et tant pis pour la famille antoinienne dans le besoin à qui - noble attitude ! - ils avaient décidé de donner leur part.

A l'heure où le même prince entend créer sur 350 hectares de ses terres un "centre européen des sports de glisse", au mépris du réchauffement climatique et de toutes les politiques de préservation de l'environnement et d'économies d'eau et d'énergie, il apparaît qu'il ne faut décidément pas croire aux princes charmants: ils se sont transformés en princes marchands.
L'autre leçon à tirer, c'est que Monseigneur Picsou, prince de Glisse (avec un petit "de" comme dans denier) continue à régner en monarque absolu sur Antoing, le bourgmestre n'hésitant pas à s’habiller en laquais pour lui venir en aide.

L'histoire n'a en tout cas pas de quoi rassurer tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, suivent le dossier du "centre de glisse": pour sa souverainissimité, seul compte l'argent et les lois ne sont que roupies de sansonnet!

Filippo de Terre

P.S. : L’anecdote nous amène à imaginer une alternative au projet de centre de glisse : le « site aux trésors » accueillerait des chercheurs qui, pour la somme de 30 €, pourraient fouiller le domaine pendant une période de deux heures. En cas de découverte du trésor, les inventeurs récupéreraient leur mise de 30 €, laissant le reste du butin aux actionnaires.

jeudi 8 novembre 2007

La conjuration des imbéciles *

Ils ont voté, et puis après? (comme disait Ferré) Après, les affaires continuent. Leterme, qui a perdu énormément de crédit, même en Flandre, est toujours missionnaire, chargé de former un gouvernement au plus vite. Et les francophones outrés du MR et du CDH ne se sont donné d'autre choix que de le faire lanterner un peu.
Leterme s'est montré ces derniers jours plus fuyant que jamais, n'assumant rien, ne communiquant pas, coursant les journalistes. Même s'il est un jour premier ministre, il ne sera jamais réellement reconnu à cette fonction par les Francophones.
Si la Belgique se retrouve aujourd'hui divisée comme jamais elle ne le fut, c'est que ce pays est aujourd'hui bloqué, depuis 150 jours, par des champions flamands uniquement obnubilés par les élections régionales de 2009, uniquement soucieux de reprendre des voix au Vlaams Blok. De Wever le pâle borné connaît aujourd'hui son heure de gloire, lui qui rêve toutes les nuits de la fin de la Belgique. Leterme et lui ont fait la preuve tant de leur incapacité intellectuelle que de leur absence de volonté de négocier, de travailler à des compromis, de trouver des solutions acceptables par tous. L'attitude entêtée du CDV/ NVA est hallucinante. Mais des bulldozers sont-ils capables de mener une stratégie?
Le vote d'hier touche à la symbolique, c'est un message aux électeurs nationalistes flamands. Il est clair que BHV ne sera pas scindé demain, et que le pays ne va pas voler en éclats du fait de cette gifle. Mais la Belgique dans son ensemble en sort affaiblie.
Le vote de ce 7 novembre, c'est le triomphe de la faiblesse. De l'incapacité à faire de la politique. Le triomphe du nationalisme le plus borné, celui des populistes et des fascistes du Blok qui ont réussi à occuper tout le champ politique. Le compromis à la belge a pris des coups et on entend aujourd'hui certaines voix flamandes revendiquer fièrement le droit du plus fort, sans souci des minorités. Ce serait donc cela la (leur) démocratie?
Heureusement, il est d'autres propos plus sensés. Au JT de la mi-journée de la RTBF, ce 8 novembre, Luc Vanderkeelen, éditorialiste de Het Laatste Nieuws déclarait que "avoir le courage d'être modéré dans ce pays est le seul moyen pour la Belgique d'en finir avec ce conflit". Et il faut souligner l'attitude courageuse de la députée écologiste Tinne Van der Straete qui s'est abstenue sur cette loi, seule contre l'équipe de la honte qui ne l'a même pas laissée s'exprimer. Ces attitudes et ces déclarations sont rassurantes. Elles nous permettent, même si certains ont perdu la tête, de ne pas perdre le nord!

Au-delà du cas belge, sommes-nous aujourd'hui dans une ère de recul de la diversité culturelle? On ne peut imaginer qu'un jour la Belgique s'engage dans un scénario tragique à la yougoslave ou à la libanaise. Mais on ne peut que s'inquiéter des rêves de certains d'une ceinture linguistiquement pure (een zuiver taalgordel?) autour de Bruxelles...


* La conjuration des imbéciles est le titre d'un roman jubilatoire de John Kennedy Toole (10/18 n°2010).
Son héros, Ignatius Reilly, a beau être un immense producteur de flatulences, d'éructations, d'esbroufe, de mépris et d'invectives, il n'en reste pas moins plus sympathique que les tristes héros de ce 7 novembre.

vendredi 12 octobre 2007

Le pays de l'accueil

Le village calabrais de Riace s'est donné pour surnom "pays de l'accueil". Ici cohabitent Italiens, Kurdes, Erythréens, Afghans... Un reportage au JT de France 2 ce jeudi soir nous apprend que le maire de ce petit village lutte à sa manière à la fois contre l'exode rural et pour l'accueil de réfugiés. Ceux-ci sont logés par la commune et reçoivent en outre une aide financière. Plusieurs d'entre eux ont ouvert des ateliers d'artisanat. Interrogé, un villageois originaire du village considère qu'il n'est que normal d'accueillir des gens qui ont dû fuir leur pays parce qu'ils y étaient en danger. Les réfugiés sont une chance pour nos villages qui se vidaient, dit le maire... Chez nous, en Belgique, les négociateurs de "l'orange bleue" estiment que l'immigration est "ressentie comme une menace par la société" et entendent donc la limiter. Comme l'écrit Dorothée Klein dans l'éditorial du Vif/L'Express (12.10.07), "il faut se rendre à l'évidence : la peur et l'opportunisme l'ont emporté sur les préoccupations humanitaires". Elle rappelle que de plus en plus d'Etats européens veulent sélectionner les "bons" immigrés", ceux qui seront rentables pour nos économies. Y a bon(s) immigrés! Le nord va donc puiser au sud les bras et les cerveaux qui lui seront utiles, au mépris du développement même du sud. Dans Charlie Hebdo (26.09.07), Philippe Val dénonce lui aussi l'immigration choisie, chère au gouvernement Sarkozy et rappelle que "tous les démographes, tous les économistes, ainsi que les rapports de l'ONU le soulignent : l'Europe et la France auront dans la génération qui vient un besoin vital de l'immigration. Contrairement au fantasme caressé par la droite, plus jamais le Blanc européen ne fera assez d'enfants pour assurer sa puissance démographique. Son avenir est dans l'intégration, le mélange, le métissage, et la conversion de ceux qu'il accueille à la culture démocratique." Mais, dit-il, comment imaginer que les immigrés "choisis" vont accourir chez nous alors qu'on va prélever leur ADN pour décider de qui, dans leur entourage, peut ou non les accompagner, alors qu'ils savent qu'ils seront moins payés que les autres, qu'ils vivront des tas de tracas administratifs, etc. ? Cessons d'avoir peur des immigrés et surtout de participer à l'entretien de cette peur. Ce qui revient à donner raison aux discours stupides et haineux de l'extrême-droite. Considérons, dans ce monde ouvert, qu'il n'est que normal que des hommes et des femmes recherchent bien-être et sécurité, ailleurs que chez eux où ils sont en danger, pour leur appartenance ethnique, leurs idées ou simplement parce qu'ils n'arrivent pas à nourrir leurs enfants. Il y a urgence à repenser autrement l'immigration. A la considérer non comme la peste, mais, comme à Riace, comme une chance partagée !