mardi 25 octobre 2011

Inquiétudes

Les Islamistes tunisiens sont modérés. C'est ce qu'on nous dit et ce qu'on appelle une antinomie. Qui dit islamisme dit instrumentalisation intégriste de l'Islam. L'intégrisme peut-il être modéré? Il est, tout simplement. Dans son simplisme et son absence de nuance, son application brute d'une doctrine et de ses règles. "L'islamisme, même à dose microscopique, détruit un pays", affirme l'écrivain algérien Boualem Sansal (1) qui sait de quoi il parle. On attend de voir, mais on a un peu de mal à croire qu'un islamisme modéré soit possible. Certains islamistes tunisiens, plusieurs centaines de Salafistes, ont manifesté récemment (2) contre la diffusion par la chaîne de télévision Nesma du dessin animé de Marjane Satrapi, Persepolis. Ils ont entraîné derrière eux quelques centaines de personnes. Ils veulent l'application de la charia, se déclarent opposés aux élections et à la démocratie. Le seul pouvoir qu'ils reconnaissent est celui de Dieu. Le leur, bien sûr. Enfin, Le, puisqu'il ne peut y en avoir d'autres. Mais Dieu étant un être immatériel, qui va exercer le pouvoir? Eh bien eux, bien sûr, auto-proclamés.
Les démocrates tunisiens sont inquiets. "Les récents évènements sanglants d’affrontements interconfessionnels en Egypte (24 morts) qui coïncident avec les « émeutes inquisitoires » en Tunisie, viennent rappeler que cela ne tient qu’à peu de choses que les révolutions arabes ne dérapent en moyenâgeuses guerres de religions", écrit Seif Soudani dans un billet qu'il faut lire (3).
Le parti islamiste Ennahada, avant même la proclamation du résultat des élections, se proclame grand vainqueur avec quelque 40% des voix. Ses dirigeants promettent de garantir "la liberté de croyance et de pensée", de préserver "les acquis de la femme", y compris sa liberté "contre toute imposition d'un style vestimentaire" et son "droit au travail" (4). Mais entre rassurantes déclarations et sombre réalité, il y a un gouffre: des femmes non voilées sont invectivées dans la rue, certaines menacées de mort, des cinémas, des universités sont envahies.
En Libye, le Conseil de transition vient d'annoncer que la charia serait appliquée, que - notamment - la polygamie serait à nouveau autorisée. Le printemps arabe donne froid dans le dos. On pense à l'Iran de 1979. Les oiseaux chantent, mais ce sont des rapaces. On espère entendre le rouge-gorge et le pic-vert.

(1) le Vif, 23 septembre 2011
(2) JT RTBF, 15 octobre 2011
(3) www.prochoix.org/cgi/blog/index.php/
2011/10/11/2338-qui-est-derriere-les-
dernieres-violences-en-tunisie
(mardi 11 octobre 2011)
(4) L'Avenir, 22 octobre 2011

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