samedi 12 décembre 2020

Désintégration

Comme beaucoup d'autres, je n'avais pas compris ce que voulait dire la critique littéraire Tiphaine Samoyault quand elle affirmait que "la traduction est outil d'oppression" et qu'il faut repenser "cette opération par essence ambiguë et complexe non comme un simple outil de communication, mais comme un acte empreint de violence" (1). On la comprend mieux quand on découvre qu'une interprète franco-marocaine, lors de journées d’information sur la France et ses valeurs, organisées par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), truffait ses traductions de commentaires très personnels et surtout très agressifs vis-à-vis de la France. C'est un journaliste syrien, Waleed Barkasiyeh, qui a participé à ces journées, qui fait part de sa consternation devant ces propos (2): "cet affreux bavardage de l’interprète consistait par exemple à dire que les droits de l’homme et la démocratie n’étaient que mensonges. Elle affirmait également que la France avait répandu l’esclavagisme et qu’elle continuait à faire la même chose aujourd’hui sous d’autres formes. Qu’elle feignait d’aider les réfugiés, alors qu’en réalité l’exode des populations était causé par la politique guerrière qu’elle menait au Moyen-Orient. Tout cela ressemblait au genre de discours qu’on peut entendre au journal télévisé en Syrie. Évidemment, elle n’assumait pas ce discours devant les responsables, mais le faisait passer pour des conversations amicales et anodines."

L'interprète franco-arabe de ces stages d'intégration des réfugiés plaidait ainsi la non-intégration,  encourageant ces derniers à préserver leur religion ("elle-même musulmane, elle partait évidemment du principe que tous les réfugiés présents l’étaient également"), leurs valeurs familiales, leurs spécificités culturelles. Pas question pour elle d'admettre la séparation entre la religion et l'Etat, ni l'égalité hommes-femme, ni les droits des homosexuels. "Ses conseils paraissent d’autant plus consternants qu’ils tombaient au moment des polémiques sur le séparatisme, puis des attentats terroristes, avec notamment l’assassinat du professeur Samuel Paty." Le journaliste syrien se rend compte que la plupart des réfugiés la suivent et trouvent "légitime que les réfugiés arabes profitent de leur présence en France pour voler, puisque la France avait pillé les ressources arabes pendant des siècles". Il entend plusieurs d'entre eux estimer que la démocratie est un mensonge. "Des groupes de réfugiés en France sur les réseaux sociaux répètent les mêmes discours de victimisation historique. Ils oublient que les causes de leurs malheurs sont les régimes totalitaires du Moyen-Orient, et non pas les pays qui les accueillent."

Les nuisibles sont partout, celles et ceux qui cherchent à monter les uns contre les autres, les manipulateurs qui profitent de leur fonction pour diffuser insidieusement leur venin, les toxiques qui crachent dans la soupe. On savait déjà qu'il fallait contrôler certains imams qui se sont transformés en prêcheurs de haine. Voilà qu'on découvre qu'il faut surveiller les interprètes. Traduttore, traditore.

(1) (Re)lire sur ce blog "Mais tissons, métissons", 15.11.2020.

(2) https://www.courrierinternational.com/article/integration-en-france-des-refugies-qui-suivent-un-stage-ou-le-pays-daccueil-est-denigre?utm_medium=Social&utm_source=Twitter&Echobox=1607327275

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