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mardi 19 septembre 2023

Le cul-de-sac du nationalisme

Les nationalistes n'aiment pas l'Union européenne. Sauf quand ils ont besoin d'elle. C'est-à-dire très souvent.
La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, s'est fait élire sur un programme anti-migrants et anti-Union européenne. Avec elle, femme de poigne, l'Italie n'accueillerait plus de migrants. C'est raté. Ces derniers jours, ils sont arrivés par milliers, de Tunisie, sur l'île de Lampedusa. Meloni appelle l'UE au secours et demande que les différents pays qui la composent se répartissent les migrants. 
Le gouvernement italien a, en juin dernier, marqué son accord à un nouveau pacte qui devrait permettre de mieux répartir les réfugiés au sein de l'Union européenne. Le pays qui est en première ligne par rapport aux arrivées serait stupide de ne pas compter sur la solidarité européenne. Le nationalisme montre vite ses limites. "Les États membres devraient accueillir un certain nombre de demandeurs arrivés dans un pays de l’UE soumis à une pression migratoire. Ou à défaut d’apporter une contribution financière équivalente à 20 000 euros par réfugié non relocalisé", rappelle le HuffPost (1). Mais deux pays rejettent cet accord : la Hongrie et la Pologne. A leur tête, des nationalistes comme l'est Giorgia Meloni. Ses amis osnt-ils toujours ses amis ? On voit par là qu'il est impossible de s'entendre entre nationalistes. Par définition, chacun ne voit que son intérêt et s'enferme derrière ses frontières. Soudain, les nationalistes ne reconnaissent plus leurs alliés.
En France, le parti de la fille à papa avait vivement applaudi la victoire de Fratelli d'Italia aux élections italiennes il y a un an. Aujourd'hui, on sent la Le Pen gênée, elle prend ses distances avec sa chère amie qui vient de démontrer que les discours fermes de l'extrême droite ne sont que des mots face à une réalité qui impose des solutions solidaires. Mais la solidarité est une valeur étrangère à l'extrême droite.
Reconnaître qu'on a besoin des autres est une forme d'intelligence. Le nier est de la prétention imbécile. Le Pen, Zemmour et leurs cliques respectives continuent à soutenir qu'avec eux ça n'arriverait pas,  qu'il n'y a qu'à... Yaka fermer les frontières, yaka empêcher les migrants d'entrer, yaka les expulser. 
Le problème est nettement plus complexe que les déclarations à l'emporte-pièce du matamore Zemmour qui annonce qu'avec lui pas un seul migrant de Lampedusa n'entrerait en France.
"Soyons clairs, disait hier l'éditorialiste Pierre Haski  sur France Inter, personne n’a la solution miracle, surtout pas ceux qui font des déclarations martiales. Giorgia Meloni en fait la cruelle expérience. Elle était en Tunisie récemment pour signer un accord sous-traitant, de fait, la gestion des flux migratoires à un pays de départ. Mais tous les départs de ces derniers jours viennent de Tunisie. Entre instrumentalisation politique, volontarisme creux et fausses bonnes solutions, la question migratoire est depuis des décennies un sujet explosif récurrent. Au moins, l’Europe se doit-elle d’être fidèle aux « valeurs » qu’elle proclame dans ses discours. En se rappelant que, contrairement à une idée reçue, la majorité des réfugiés ne sont pas en Europe, mais en Afrique, au Moyen Orient ou en Asie."

P.S. : Le Ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin (qui envoie régulièrement des messages vers la droite), annonce que la France n'accueillera pas de migrants venant de Lampedusa, mais seulement les demandeurs d'asile (comme l'y obligent les règles internationales). Comment peut-il douter qu'ils ne soient pas tous demandeurs d'asile ?

(1) https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/la-crise-des-migrants-a-lampedusa-donne-des-maux-de-tete-a-zemmour-le-pen-et-l-extreme-droite-francaise_223277.html

mercredi 9 février 2022

Très tendance cette année

Autant avoir pour modèles des gens auxquels on peut espérer ressembler. Le dirigeant européen dont Z comme Zorglub dit se sentir le plus proche est Boris Johnson. Il ne se trompe pas. Bo'Jo est vu - même dans ses propres rangs - comme menteur, prétentieux, incompétent, incapable d'assumer ses responsabilités. C'est un modèle à la mode. Il se vend bien actuellement.

mercredi 8 décembre 2021

Lettre à un jeune maire séduit par un prêcheur de haine

Bonjour, Spike Groen.

Je te connaissais peu jusqu'à présent. Nous siégeons tous deux depuis un an et demi dans le Conseil de notre Communauté de communes. De prime abord, je te trouvais plutôt sympathique. J’admirais ton élégance vestimentaire, ton look entre D’Artagnan et Marcel Proust. Et puis surtout, je me réjouissais de voir qu’un jeune homme de 19 ans était capable de se mobiliser pour sa commune, de prendre ses responsabilités et d’assumer la fonction de maire pour éviter que son village, faute de candidats à l’élection municipale, soit administré par la préfecture.
Et voilà que je découvre que derrière cette allure de dandy et ce militant pour l’autonomie locale vit un fervent supporteur d’un prêcheur de haine. Tu as créé un comité de soutien à l’épouvantail Zemmour et es fier de parader à ses côtés.

Tu as un nom et un âge qui auraient dû te pousser à te mobiliser pour le climat, pour l’avenir de la planète et de ses habitants. Et voilà que tu soutiens un candidat qui n’a d’yeux que pour un passé mythifié, qui réécrit l’Histoire et veut réhabiliter Pétain.
Comment peut-on être si vieux à 21 ans, me demandé-je ? Comment peut-on soutenir un personnage qui n’a pour programme que la fermeture des frontières ? Surtout quand on vient soi-même d’ailleurs.

Tu viens de Frise, je viens de Wallonie et près de cinquante ans nous séparent. Quand j’avais ton âge, je militais contre l’apartheid et le stalinisme, je me définissais comme pacifiste. Toi, tu soutiens un candidat qui a fait de l’agressivité contre les autres sa marque de fabrique. Fabricant de haine, voilà ce qu’il est. Là où il faudrait unir, il divise. Là où il faudrait jeter des ponts, il installe des barbelés. L’urgence aujourd’hui, c’est de créer des liens, d’apaiser un monde où se multiplient les conflits, d’accueillir celles et ceux qui cherchent un refuge, de lutter contre le réchauffement climatique qui menace l’avenir de l’humanité. Mais Zemmour se contente de cracher son fiel, à mille lieues des priorités actuelles. Comment peux-tu faire un héros de ce triste sire ? Comment ce cauchemar peut-il te faire rêver ?

Dans l’article que Le Monde t’a consacré pour essayer de te comprendre, je lis que tu as placé un drapeau bleu-blanc-rouge sur le portail de ta mairie. Derrière le drapeau français, il y a une devise: liberté - égalité - fraternité. Ton héros défend la première de ces valeurs (liberté de dire et de faire ce que l’on veut), mais piétine à chacune de ses interventions les deux autres. On aimerait l’entendre sur l’égalité entre les êtres humains, entre les hommes et les femmes, entre ceux qui sont nés ici et ceux qui viennent d’ailleurs. On aimerait savoir, s’il est encore républicain, comment il entend faire vivre la valeur de fraternité, lui qui ne connaît pas le mot « accueil » et ne rêve que de refoulement, de rejet, d’exclusion. Il porte la vision d’une France rance, rabougrie, refermée sur elle-même. Une France triste.

Depuis toujours, depuis qu’il diffuse ses idées nauséabondes sur les plateaux de télé, Z. me fait penser à Tullius Detritus, ce personnage de « La Zizanie », album des aventures d’Asterix. Il a pour mission de semer la discorde dans les rangs gaulois.
Raciste assumé, condamné pour incitation à la haine raciale, nostalgique du pétainisme, Zemmour conspue le « Système » qui l’a fait. Connu comme journaliste polémiste grâce à la télé, il crache sur les médias et sur ses ex-confrères et consœurs, dénonce une élite à laquelle il appartient, sème la haine mais joue les victimes quand il la reçoit en boomerang. J’aimerais comprendre ce qui peut te séduire chez un personnage qui m’apparaît aussi repoussant.

Le Monde te dit « angoissé par une hypothétique progression de l’islam politique ».
Sais-tu que ton champion, parlant des djihadistes, a affirmé qu'il "respecte des gens qui meurent pour ce en quoi ils croient - ce dont nous ne sommes plus capables » ? Il a même, dit-il, de l'admiration pour eux : "des gens qui meurent pour leur foi, on devrait plutôt être admiratifs que méprisants". Le parquet a ouvert une enquête à son égard pour apologie de terrorisme.
Te rends-tu compte que l’islamisme et l’extrême droite sont les deux faces d’une même triste médaille ? Celle de ceux qui sont sûrs d’avoir raison contre tous les autres, de ceux qui ont fait de la haine pour ceux qui ne sont pas ou ne pensent pas comme eux une valeur.

Depuis quatre ou cinq ans, j‘anime, avec d’autres bénévoles qui continuent à croire en la solidarité (une notion qui semble étrangère à ton mentor), des ateliers d’apprentissage du français auprès de demandeurs d’asile accueillis à Argenton-sur-Creuse. Certains d'entre eux pratiquent déjà un peu l'allemand, l'italien ou le turc, parce que leurs errances et surtout les rejets dont ils ont été l'objet les ont amenés à passer du temps dans ces pays. Aujourd'hui, ils apprennent le français avec l'espoir de s'intégrer ici. J’aimerais que tu rencontres un jour ces personnes, venues du Soudan, d’Afghanistan, du Tibet, du Pakistan, de Mauritanie, de Géorgie, de Guinée, du Nigéria, de tant de pays qu’elles ont fuis à cause de la guerre, de la misère, des menaces. Ces gens ont connu la faim, la soif, le rejet, la prison, la haine, le désespoir, la torture parfois. Ils ont tous une même envie, celle que nous avons tous : vivre en sécurité. Et pour cela, trouver un travail dans le pays qui voudra bien leur donner leur chance.
Connais-tu l’association « Patrons solidaires » ? Elle a été créée par des artisans - boulangers, bouchers, électriciens, menuisiers, etc. - qui peinent à recruter et se battent pour que les jeunes réfugiés africains ou asiatiques qu’ils ont recrutés puissent conserver leurs papiers. Ils ne trouvent quasiment plus de Français - de souche, comme vous les appelez - pour exercer ces professions. Te rends-tu compte que ton Zemmour et la fille à papa Le Pen sont totalement déconnectés de l'économie réelle ? Ils sont les premiers à déplorer la disparition des petits commerces et des artisans dans les campagnes, sans vouloir voir que ce sont de jeunes migrants qui les sauveront. Zemmour incarne le douanier (qui n'est pas un imbécile, puisqu'il est douanier) raciste du sketch de Fernand Raynaud: "J'aime pas les étrangers qui viennent manger le pain des Français". Il chasse l'étranger et se retrouve sans pain. L'étranger était boulanger.

Les chiffres vous donnent tort, à vous qui avez peur d’être envahis. Sais-tu que l'immigration dans les pays de l'OCDE a atteint en 2020 le plus bas niveau enregistré depuis 2003 ? Une baisse d'au moins 30%. La commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansonn, estime qu'un aspect positif de la pandémie de coronavirus est d'avoir rendu "évident que nous avons besoin des migrants" sur le marché du travail. A la veille de l’ouverture des stations de sports d’hiver, on voit tous ces employeurs désespérer de trouver des employés. Sais-tu que les immigrés ne coûtent globalement rien à la société ? Leur impact selon les pays et les années oscille entre -1% et +1% du PIB. Et sur la période 2006-2018, il est même le plus souvent positif. Selon l’OCDE toujours, "mieux intégrer les immigrés peut contribuer à renforcer les gains budgétaires. Par exemple, le simple fait de combler l'écart d'emploi entre les personnes d'âge actif issues de l'immigration et celles nées dans le pays, de même âge et de même niveau d'études, pourrait accroître la contribution budgétaire nette totale des immigrés de plus d'un tiers de point de PIB dans un pays sur trois". Mais l'extrême droite préfèrera toujours les slogans simplistes aux chiffres, la haine à la raison. 

Voilà, Spike, mes questions sont nombreuses et réelles. Vraiment, je ne peux te comprendre. J’espère que tu y répondras.
Je ne sais par quelle formule de politesse terminer cette lettre. Certainement pas par « cordialement » ou « amicalement ». Même pas par « au plaisir de te lire ». Je ne suis pas sûr d’y avoir du plaisir. Mais je rêve un peu, quand même, que ce soit le cas, espérant que tu qualifieras demain ton positionnement d'aujourd'hui d’erreur de jeunesse. 

Michel Guilbert 

Post-scriptum: La réponse de S. Groen et diverses réactions sont lisibles dans les commentaires (cliquez ci-dessous).
N'hésitez pas à m'envoyer les vôtres.

(Re)lire sur ce blog: "Ce vieil idéal oublié", 26.11.2021.

samedi 16 octobre 2021

Le pain des Français

En janvier dernier, un boulanger de Besançon a entamé une grève de la faim pour éviter l'expulsion de son apprenti. Impossible de trouver un apprenti pour sa "Huche à pain", jusqu'à ce qu'il rencontre Laye Fodé Traoré, un jeune guinéen, qui n'avait que deux envies: apprendre et trouver du travail. A l'âge de 18 ans, ce dernier a reçu un ordre de quitter le territoire français. Son patron a fini - en mettant sa vie en jeu - par obtenir gain de cause. Depuis, le jeune homme a obtenu son CAP de boulangerie et suit à présent une formation en carrosserie, domaine qui était son premier choix. Stéphane Ravacley, son patron, constate qu'aucun problème n'a été constaté avec tous ces jeunes venus d'ailleurs, qu'ils n'ont jamais fait l'objet d'aucune plainte. Le jeune guinéen boulanger à Besançon a connu une belle réussite scolaire. "Ils sont doués et ont toute leur place dans nos entreprises", constate son patron (1). 

Dans l'Ain, un couple de boulangers a formé un autre jeune guinéen. "Il est motivé, il a toutes les qualités requises." Les deux boulangers auraient voulu l'engager comme apprenti, ce qui s'est avéré impossible. Jusqu'à ses 18 ans, Yaya était protégé par son statut de mineur non accompagné. Mais au-delà, il n'avait plus ni statut, ni papier. Pendant trois ans, ils ont effectué toutes les démarches possibles auprès de la préfecture pour qu'il obtienne ses papiers. En vain. Ici encore, une grève de la faim a débloqué la situation.

Pour soutenir tous ces patrons qui galèrent pour pouvoir engager un apprenti venu d'ailleurs, Stéphane Ravacley a créé un collectif national, Patrons solidaires (2). Ils sont nombreux ces jeunes dont l'envie de travailler est contrariée par leur absence de papiers:  Madama, Karim, Noureldien, Amara, Aboubakar, Ousmane, Mohamed, Amadou. Ils ont envie d'être boulanger, menuisier, électricien, boucher et ont un emploi ou un contrat d'apprentissage à portée de main, mais l'Etat, aveugle et sourd, veut les expulser.

On voit par là que l'extrême droite et son chantre à la mode, Zemmour l'épouvantail, sont totalement déconnectés de l'économie réelle. Ils sont les premiers à déplorer la disparition des petits commerces et des artisans dans les campagnes, sans vouloir voir que ce sont de jeunes migrants qui les sauveront. Zemmour incarne le douanier (qui n'est pas un imbécile, puisqu'il est douanier) stupide et raciste du sketch de Fernand Raynaud: "J'aime pas les étrangers qui viennent manger le pain des Français" (3). Il chasse l'étranger et se retrouve sans pain. L'étranger était boulanger.

mercredi 6 octobre 2021

Vieux jeunes

Quand il apparaît à la télévision, on change de chaîne et par réflexe on ouvre la fenêtre. On sent comme une odeur de pieds, de beurre rance, d'égout. On n'arrive pas à comprendre comment Zemmour peut  rencontrer autant de succès, comment il peut rendre fou à ce point. Il abêtit. Et il vieillit prématurément aussi, notamment de jeunes maires. On a vu hier dans un JT français l'un d'entre eux mener campagne pour que le candidat le plus gris et le plus désespérant qu'on puisse imaginer recueille les signatures nécessaires à sa candidature à la présidence de la République française. Comment un cauchemar peut-il faire rêver ? La Nouvelle République - Indre nous apprend que le maire du petit village de Saint-Gilles s'enthousiasme pour Zemmour le haineux, au point de prendre l'initiative de créer un comité de soutien à la candidature du non encore candidat pétainiste. Ce maire a 21 ans. Il espère accueillir chez lui celui qu'il voit comme un sauveur. Dans quel état psychologique faut-il être pour soutenir un tel individu pleurnicheur et agressif - et déjà condamné par la justice pour incitation à la haine raciale - dont le seul programme se résume à fermer les frontières ? Ces jeunes sont plus vieux que des octogénaires qui militent pour la solidarité, l'accueil, le renouveau. Ces vieillards avant l'heure voient l'avenir dans un rétroviseur. Parfois, le système démocratique inquiète.

Post-scriptum: pour savoir pourquoi il ne faut plus dire Eric Zemmour mais Olive Avertisseur-Sonore, écoutez François Morel: https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-francois-morel/le-billet-de-francois-morel-du-vendredi-08-octobre-2021

(Re)lire sur ce blog: "Croquemitaine", 8.12.2014; "Sourires amers", 5.9.21; "Le temps des brutes", 13.10.16.

dimanche 5 septembre 2021

Sourires amers

Ici et là, en France, on voit fleurir des affiches avec la tête du polémiste d'extrême droite et ces seuls mots: "Eric Zemmour, président". Ses soutiens le voient déjà à la tête de la République. Fleurir n'est sans doute pas le verbe qui convient. L'homme au regard noir et au teint gris est aussi peu séduisant que ses propositions de faire machine arrière pour revenir dans un passé mythifié. S'il devait être demain candidat à l'élection présidentielle, on peut imaginer son programme de pleurnicheur sur la France qui n'est plus ce qu'elle fut et sur la fermeture des frontières à tout étranger. Mais l'homme, habitué de certains plateaux télé et plusieurs fois condamné pour injures et incitation à la haine, plaît cependant à une frange réactionnaire. En attendant, il sème la panique au RN-ex-FN. Sa candidature ne recueillerait sans doute qu'un pourcentage faible mais non négligeable, mais elle ferait perdre plusieurs points à Marine Le Pen, si sûre jusqu'à présent d'arriver au second tour. Robert Ménard, le maire d'extrême de Béziers, propose à Le Pen et à Zemmour de venir débattre (1). Mais Marine n'est pas la fille à papa en tous domaines. Piètre débatteuse, maîtrisant mal certains sujets, elle sait qu'elle se ferait mettre en boîte par le redoutable polémiste qu'est Zemmour. On ne sait si ce dernier est capable de sourire, il doit, ici, au moins ricaner. A gauche, on sourit de ce duel. Que faire d'autre quand on voit dans quel état elle s'est mise? 

(1) https://www.huffingtonpost.fr/entry/presidentielle-2022-ce-que-le-pas-de-deux-le-pen-zemmour-dit-de-lextreme-droite_fr_61332cdbe4b05f53eda84504






jeudi 13 octobre 2016

Le temps des brutes

D'un candidat à l'élection présidentielle de son pays, on attend qu'il soit visionnaire, positif, nuancé, diplomate, enthousiaste, stable, respectueux, sérieux, intelligent. Mais en voilà un qui est l'exact contraire du modèle attendu. C'est Trump le dingue, Trump le grossier, Trump le sociopathe, Trump le vulgaire, Trump l'ignorant, Trump le sexiste, Trump l'autoritaire, Trump le menaçant, Trump le répugnant. Y aura-t-il assez d'adjectifs négatifs pour le qualifier? Robert De Niro le traite de "stupide", de "chien", de "porc", d' "arnaqueur", de "désastre national" (1).
L'homme qui espère devenir président des Etats-Unis confond cessez-le-feu et traité de paix, ne fait pas de différence entre le pouvoir d'un président et celui d'un tribunal, menace son adversaire de l'envoyer en prison, affirme qu'il fait ce qu'il veut des femmes que de toute façon il méprise, affiche ouvertement son racisme, traite les Mexicains de voleurs et de violeurs, veut fermer son pays aux musulmans, crache sur qui n'est pas et ne pense pas comme lui. Ce candidat arrogant, sans programme sérieux, est (parmi d'autres, c'est vrai) une honte pour le genre humain, une menace pour les Etats-Unis, pour le monde et surtout pour l'intelligence et la dignité. Il est le Café du Commerce fait homme, le Redneck érigé en modèle, la goujaterie diffusée planétairement.
Il fait partie de ces gens tellement imbus d'eux-mêmes, à l'ego tellement boursouflé qu'ils croient qu'ils peuvent tout dire. Jusqu'à ce qu'explose la grenouille gonflée qu'ils sont.
C'est aussi le cas d'un Eric Zemmour qui, recueillant un réel succès populaire à pleurnicher sur la France qui n'est plus ce qu'elle fut, se lâche un peu plus, affirmant qu'il y a des Français plus français que les autres, confondant sciemment islam et islamisme et allant jusqu'à déclarer, parlant des djihadistes, qu'il "respecte des gens qui meurent pour ce en quoi ils croient - ce dont nous ne sommes plus capables (2)". Il a même, dit-il, de l'admiration pour eux: "des gens qui meurent pour leur foi, on devrait plutôt être admiratifs que méprisants". Le parquet vient d'ouvrir une enquête à son égard pour apologie de terrorisme (3).
C'est aussi le cas d'un Robert Ménard qui ne peut laisser passer une journée sans cracher sa haine de l'étranger. Ces derniers jours, le maire de Béziers a fait placarder dans sa ville des affiches dénonçant "les envahisseurs" que sont les migrants et veut organiser une consultation populaire sur le refus (plutôt que l'accueil) de ceux-ci (4).
On pourrait parler parler aussi, à d'autres niveaux, d'un Orban, d'un Poutine, d'un Erdogan, d'un Duterte, chacun dans son style se présentant comme un mec qui sait s'imposer avec des méthodes brutales et ne supporte pas la contradiction. 
L'époque est aux grandes gueules arrogantes. Elles plaisent. Comme si les slogans stupides et haineux, les analyses et les solutions simplistes pouvaient améliorer un monde déboussolé. Ces grandes gueules populistes font essentiellement reposer leur discours sur la menace dont souffrirait leur identité. Finalement, ces machos suffisants sont de petits êtres bien fragiles.
"Cela me met tellement en colère, dit encore Robert De Niro, que ce pays soit arrivé à mettre cet idiot, ce crétin à la place qu'il occupe aujourd'hui". C'est là la question: comment expliquer que ces hommes aient autant d'électeurs, de délégués, de lecteurs, d'admirateurs pour les soutenir? L'intelligence collective recule-t-elle? Finalement, tous ces déclinistes ont peut-être raison: l'homme  régresse, il devient plus con. Mais c'est à cause d'eux.

Post-scriptum à propos de Trump: Richard Cohen, dans the Washington Post, estime qu'il est aussi taillé pour la fonction de président "que le cheval de Caligula pour devenir consul de Rome".
("Trump, le scandale de trop", 8.10.2016, in le Courrier international, 13 octobre 2016.
Post-scriptum bis: à lire à propos de Zemmour: http://filiu.blog.lemonde.fr/2016/10/16/zemmour-daech-et-nous/
Post-scriptum ter (dans "28 minutes" le 18.10.2016): Bertrand Badie parle de "trumpo-poutino-erdoganisme"...

(1) http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/08/lacteur-robert-de-niro-sen-prend-violemment-a-donald-trump/?utm_hp_ref=fr-homepage
(2) on notera que Zemmour ne parle que pour lui, ne faisant aucun cas de l'équipe de Charlie Hebdo massacrée pour avoir défendu la liberté d'expression, la laïcité, l'anti-racisme, l'humour.
(3)http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/07/face-aux-envahisseurs-eric-zemmour-denonce-la-collaboration/?utm_hp_ref=fr-homepage
http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/07/des-familles-de-victimes-du-13-novembre-accusent-eric-zemmour-d/?utm_hp_ref=fr-homepage
http://www.marianne.net/eric-zemmour-daech-je-respecte-gens-prets-mourir-ce-quoi-ils-croient-100246845.html
(4) http://www.huffingtonpost.fr/2016/10/11/robert-menard-veut-organiser-un-referendum-anti-migrants-a-bezie/?utm_hp_ref=fr-homepage

lundi 8 décembre 2014

Croquemitaine

La France grognonne croit s'être trouvé un penseur. Il a écrit un livre sur lequel ces citoyens mal dans leur peau se sont jetés. Son titre ressemble à un appel: "Le suicide français". Il invite les Français à revenir en arrière, à respecter ces valeurs éternelles que sont le travail, la famille et la patrie. Ah! Le bon temps des rois de France, de Napoléon, du catholicisme en sa période terroriste. En ces temps-là, le peuple, quand il ne mourait pas de maladie, tombait à la guerre. Il n'en manquait pas. Les rois, qui furent, pour nombre d'entre eux, très malades, physiquement ou mentalement, ne voyaient dans le peuple que chair à canon et force de production au service de la royauté. Bref, c'était le bon temps et aujourd'hui tout fout le camp. O tempora, o mores.
"Le déclinisme, écrivent Noël Mamère et Patrick Farbiaz - qui ont eu le courage de lire ce livre et démontent le lamentable message d'Eric Zemmour (1) - repose sur certaines croyances pessimistes répétées en boucle. Il se réfère toujours à une époque antérieure: le passé est idéalisé, le présent morne et déliquescent." Pour Zemmour et ses apôtres, c'était mieux avant. "Quand? Avant mai 68? Très bien. Mais cet âge d'or paradisiaque, où se situe-t-il et quand? Qu'est-ce qui était mieux? La peste noire de l'an 1000, le servage des paysans, le génocide des Indiens d'Amérique, l'esclavage des Noirs et le commerce triangulaire, la colonisation forcément positive, la grande boucherie de 1914-1918, la fusillade des Communards ou des ouvriers de Fourmies, le régime de Vichy? (...) C'était mieux avant, mais pour qui? Pour l'aristocratie des Capet ou le petit peuple de Paris?"

"Zemmour, écrivent Noël Mamère et Patrick Farbiaz, agit comme s'il voulait fédérer toutes les chapelles de l'extrême droite et de la droite extrême, en opérant un hold-up idéologique sur leur fond de commerce." Tout en cultivant la nostalgie de périodes sombres et de personnages peu recommandables, Zemmour magnifie le passé et crache sur le présent, il se fait "vendeur de peur". Il crache sur tout et tout le monde, les homos, les étrangers, les antiracistes, les femmes dominatrices, les musulmans, les artistes, les technocrates, les sociologues, les économistes. Même sur les médias - qui l'ont pourtant fabriqué et dont il est une vedette - lui qui joue le même jeu que ces chaînes de télé qui, à suivre chaque jour des équipes de police sur tous les terrains, font entrer quotidiennement la peur dans les salons.
Dans ses délires, il s'en prend même aux humoristes, "coupables de tourner en dérision les valeurs de la politique et de la société. (...) Aux yeux des nouveaux réacs, le rire est suspect parce que l'ironie désacralise et met à nu les rigidités de la société française (1)". Zemmour nous joue le rôle du moine Jorge, dans "Le nom de la rose" (2): "Le rire est la faiblesse, la corruption, la fadeur de notre chair. C'est l'amusette pour le paysan, la licence pour l'ivrogne. (...) Le rire distrait, quelques instants, le vilain de la peur."
L'homme du bond en arrière n'envisage comme futur que le passé. Il n'apparaît que comme un chantre de l'égoïsme, de la régression, du repli sur soi, un brocanteur des idées vichystes, maurassiennes, lepennistes... Tout en pensant sans doute (comme Jean-Marie Le Pen qui l'estime beaucoup) dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, il se révèle n'être qu'un bas parleur.
Le plus inquiétant n'est pas qu'existe ce sombre Savanarole du XXIe siècle, le plus inquiétant, c'est le succès qu'il rencontre. Demain les bûchers devant les médiathèques?

(1) "Contre Zemmour - Réponse au Suicide français", Les petit matins, 2014.
(2) Umberto Eco, Le livre de poche 5859, pp. 592-593.

mercredi 5 février 2014

La fabrique de l'hystérie

La mode est à l'hystérie. Elle fait des ravages en France en ces temps venteux, sans reposer sur grand-chose. Des fantasmes. La théorie du genre en est un. Qui peut dire ce qu'elle est. Aucune école ne l'enseigne. C'est la théorie du genre fumeux. Comment?, s'écrie la fille à papa Le Pen, mais tout le monde sait que des gays et lesbiennes l'enseignent dans des classes. Ah bon! Lesquelles?, lui demande un journaliste de France 5. Mais tout le monde le sait, ah! ah!, répond-elle. Oui, mais lesquelles?, insiste le journaliste. Y a qu'à taper "LGBT en classes" sur Google et vous le saurez, dit-elle. Et elle ajoute "coucou", histoire de montrer que ce journaliste est décidément trop bête. Yann Barthes (1) a vérifié sur Google. La seule référence qu'il ait trouvé, c'est le renvoi vers une émission d'itélé où Eric Zemmour, l'homme qui pense en arrière, affirme que les LGBT interviennent dans les classes pour enseigner la théorie du genre. J'ai les preuves, dit-il. Lesquelles? Il n'en dira rien. Pour le FN et sa présidente Madame Jesaistout, "tout le monde", c'est eux. Ils se citent eux-mêmes. N'ont pas d'autres références. Ils lancent des bobards et les présentent comme la vérité. Il y a un mot pour cela: intoxication. Si le FN veut lancer un nouveau magazine d'info, on peut lui suggérer un titre: la Pravda.
On voit par là qu'il faut toujours se méfier des gens qui disent "tout le monde sait que" et "y a qu'à". Ils sont souvent toxiques.
Et ça marche: voilà que des parents retirent leurs enfants d'écoles publiques qui voudraient transformer les garçons en filles et vice versa. Et, en plus, leur enseigner l'homosexualité. Et la masturbation. Et la sodomie. Les fantasmes galopent. Et les extrêmes droites chrétienne et islamique les font courir. Comme le souligne Zineb El Rhazoui (2), la promotion de l'égalité homme-femme et la déconstruction des clichés sur les sexes ne sont "manifestement pas du goût de tous, pas plus que la théorie de l'évolution, plus difficile à réfuter avec des arguments scientifiques".

P.S.: Un numéro spécial de Charlie Hebdo cette semaine, hommage à Cavanna. François Morel l'incite à changer d'avis, à revenir à la vie: "vous mourez alors que la connerie fait florès, alors que le repli sur soi, le racisme, l'arrogance reviennent à la mode, alors qu'on ne se gêne plus pour écrire sur les calicots des slogans vomitifs".

(1) Le Petit Journal, Canal +, 4 février 2014.
(2) "Hold-up des fachos sur l'école", Charlie Hebdo, 5 février 2014.