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samedi 7 janvier 2023

En rire encore

Huit ans déjà. Huit ans qu'ils sont morts pour avoir eu le culot de rire et faire rire des dieux, de leurs prophètes, des dévots, des religions. Sont-ils morts pour rien ? Aujourd'hui, les bonnes âmes de gôche sont  de plus en plus nombreuses à se taire lâchement, à s'offusquer ou à hurler au racisme si on a le malheur de critiquer ou de se moquer de l'islamisme, cette forme de colonisation et de fascisme. Pour ces braves gens que leur bienveillance (à moins que ce ne soit du clientélisme) rend racistes sans qu'ils ne s'en rendent compte, les pauvres musulmans doivent être préservés de toute critique. Ils méprisent ainsi tous les démocrates qui subissent, souvent de manière extrêmement violente, les régimes théocratiques.

En soutien aux Iraniennes et aux Iraniens qui se battent pour leur liberté, Charlie Hebdo publie cette semaine un numéro spécial 7 janvier "Mollah, retournez d'où vous venez" avec des caricatures du Guide dit suprême de la République islamique d'Iran.
Riss, directeur de l'hebdomadaire, rappelle qu'en 1993 Téhéran avait lancé un concours de caricatures de Salman Rushdie pour "dépeindre la véritable conspiration  qui se dissimule derrière le roman blasphématoire" Les Versets sataniques
Les dessins publiés par Charlie font suite à un appel de l'hebdo et proviennent des quatre coins du monde, "ce qui démontre, pour qui en doutait encore, écrit Riss, la dimension universelle de la caricature et de l'attachement à la liberté face à l'arbitraire religieux".

Charb, Cabu, Oncle Bernard, Wolinski, Tignous, Honoré, Elsa Cayat, Moustapha Ourrad, mais aussi  Michel Renaud, Frédéric Boisseau, Ahmed Merabet et Franck Brinsolaro - tous sauvagement massacrés le 7 janvier par des fous de Dieu - riraient de ces caricatures. On rit pour eux de cette irrévérence pour les révérends. 

(1) "Le dessin satirique, guide suprême de la liberté", Charlie Hebdo, 4.1.2022.


lundi 26 octobre 2020

Rira bien qui rira le dernier

Ainsi donc, dans de nombreux pays musulmans, au Koweït, au Qatar, en Arabie saoudite, en Jordanie, en Turquie, se multiplient les appels à boycotter les produits français pour protester contre la liberté qui existe en France de dessiner et publier des caricatures, notamment de leur Prophète (1). Parmi les produits visés, La Vache qui rit. Si elle s'appelait La Vache qui prie échapperait-elle au boycott? Kiri devrait-il se rebaptiser Kipri

Le rire a mauvaise presse en terre islamiste. Un ayatollah risque-t-il l'excommunication s'il est surpris en train de rire? Quelqu'un a-t-il déjà vu rire le sultan Erdogan? Dans les pays où l'islam règne en maître, risque-t-on la peine de mort si on s'esclaffe en public? A-t-on le droit de rire chez soi? Est-on élevé à ricaner plutôt qu'à rire? Parmi tous ces gens outrés, y a-t-il une seule personne qui ait vu une de ces caricatures dont ils se disent scandalisés?  Au procès des attentats de janvier 2015 - et donc des présumés complices des assassins de l'équipe de Charlie Hebdo - on a vu des accusés salafistes rire des caricatures. Agathe André, ancienne de Charlie, a créé l'association Dessinez Créez Liberté. Cette association d'éducation aux médias, au dessin de presse, à la caricature et à la liberté intervient dans les écoles, les prisons, les missions locales et divers organismes, pour donner des clés de compréhension du monde. "Quand nous allons dans les prisons, dit-elle, quand nous montrons les caricatures du Prophète, les détenus incarcérés - certains pour radicalisation - s'étonnent toujours et nous disent: Mais c'était juste ça, les caricatures? Oui, tout ça pour ça." Ainsi des gens s'indignent de ce qu'ils n'ont pas vu. Quand en 1988 l'ayatollah Khomeyni a lancé une fatwa contre Salman Rushdie, il n'avait évidemment jamais lu Les Versets sataniques. Il en avait juste entendu causer. L'ignorance mène au pire, la bêtise à la perte.

"Rire est le plus court chemin d'un homme à un autre", disait Wolinski. Mais les islamistes pensent qu'une balle va plus vite. Non seulement, ils se trompent, mais en plus ils n'ont pas compris qu'elle ne crée pas le même lien. Wolinski, comme Cabu, Charb, Honoré, Moustapha Ourrad, Tignous, Eva Cayat, Bernard Maris et tous les autres, est mort sous les balles de jeunes crétins incapables d'humour. Au-delà de la mort, ces dessinateurs continuent à nous faire rire. Les sombres islamistes qui les ont tués sont passés à côté du rire et de leur vie. Ils sont morts. Juste morts. Et certainement pas de rire.

A écouter, regarder ou lire: Sophia Aram à ce sujet ce matin:                         https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-26-octobre-2020

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/24/apres-les-propos-de-macron-sur-les-caricatures-de-mahomet-plusieurs-pays-du-moyen-orient-appellent-au-boycott-des-produits-francais_6057268_3210.html 

https://www.lalibre.be/international/europe/turquie-erdogan-appelle-au-boycott-des-produits-francais-5f96bc6b7b50a66bd812f24f

Post-scriptum: voir le dessin de Kroll dans Le Soir: https://plus.lesoir.be/334077/article/2020-10-27/le-kroll-du-jour-sur-lappel-au-boycott-des-produits-francais


mardi 11 juin 2019

Autocensure

Ce silence-là fait à peine du bruit. Le New York Times, l'un des plus grands quotidiens au monde, vient de décider de ne plus publier de dessin de presse dans son édition internationale, alors qu'il n'y en a déjà plus depuis longtemps dans son édition nationale. C'est qu'un dessin récent a été jugé antisémite: on y voit un Donald Trump aveugle coiffé d'une kippa tenir en laisse un Benjamin Netanyahu représenté en chien avec une étoile de David accrochée à son collier. C'est ce qu'on appelle une caricature. Et comme toute caricature, elle évoque une situation réelle, souvent pire, bien pire que ce que le dessin montre. On pense à "Ceci n'est pas une pipe" de Magritte. Le dessin n'est qu'un dessin. Il caricature une réalité. Qui est autre chose. Le président américain, incapable de voir quoi que ce soit, se laisse mener par le premier ministre israélien. On a le droit de le penser. Et même de le dire. En quoi ce dessin est-il antisémite? On ne sait, mais peu importe. Le dessin a déplu à certains, les reproches ont plu et le le responsable d'édition a été sanctionné. Les réseaux dits sociaux font la loi. Et interdisent qu'on se moque de leur camp ou de leurs héros. Car se moquer, c'est "méchant", comme pourrait dire le Donald. Dès lors, plus question de choquer qui que ce soit. Voici venu le temps des Tartuffe imprécateurs, des indignés moralisateurs qui hurlent à la moindre critique. Si un journal de la taille du NYT s'écrase devant "une foule en colère", selon l'expression de Patrick Chappatte, dessinateur vedette du quotidien, on peut sérieusement s'inquiéter pour la liberté d'expression et d'opinion. D'ailleurs, ça fait un bon moment qu'on s'inquiète. Après le dessin, les mots? 

mercredi 21 janvier 2015

The times, they are a changin'

Les barbares qui ont massacré l'équipe de Charlie Hebdo ont marqué des points. Et même des poings. Là où on ne s'y attendait pas. Voilà que le si gentil pape François déclare que "si un grand ami parle mal de ma mère, il peut s'attendre à un coup de poing" (1). Peut-on être rassuré quand on n'est pas un grand ami du pape? Peut-on alors dire ce qu'on veut? On comprend en tout cas qu'on peut répondre par la violence physique à une critique verbale. Le temps du "si on te frappe sur la joue gauche, tends la joue droite" est fini. Ou alors c'était juste des mots. Comme les critiques par rapport aux religions, par exemple. Juste des mots ou des dessins. Pas de quoi fouetter un mécréant. Eh bien si, fini de rire. Pour les religions, la violence est une réponse juste aux critiques ou aux moqueries.
"Pardonnez-moi, écrivait l'an dernier Abnousse Shalmani (dont la famille a dû fuir le régime théocratique iranien), mais le progrès c'est rire de Dieu et surtout de ses légionnaires. Pardonnez-moi, mais rire de ceux qui détiennent le pouvoir séculaire ou le pouvoir religieux, qui maintiennent un carcan au-dessus des têtes craignant que le ciel leur tombe dessus, qui tiennent toutes les couilles entre leurs mains de fer, c'est avoir beaucoup moins peur, c'est être dans le changement. Pardonnez-moi, mais il n'y a aucune raison de s'excuser de rire des religieux, de rire des figures du pouvoir. Aucune. Et même si les locaux de tel journal satirique sont plastiqués, même si des dirigeants de pays amis - ou pas - râlent, même si des contrats sont foutus, même si les politiques ne savent pas comment régler le problème diplomatiquement, il faut continuer de caricaturer l'absurde, il faut continuer de manquer de respect, il faut continuer de rire. C'est toujours le moment de la caricature, c'est toujours l'instant du sourire, c'est toujours le bon bâton quand c'est le bâton de la liberté de la presse. Point barre." (2)

A propos de rire, le magazine Spirou vient de sortir un hors-série en hommage à Charlie Hebdo: 150 auteurs pour défendre la liberté d'expression.

(1) http://tempsreel.nouvelobs.com/charlie-hebdo/20150115.OBS0036/charlie-on-ne-peut-insulter-la-foi-des-autres-estime-le-pape-francois.ht
(2) Abnousse Shalmani, Khomeiny, Sade et moi, Grasset, 2014.

lundi 24 septembre 2012

Flexions

Mahomet a beaucoup fait parler de lui ce week-end. Dans les rues dans certains pays musulmans et sur les chaînes de télé dans nos pays. A-t-on le droit de se moquer? Les religions sont-elles intouchables? La loi doit-elle punir les blasphèmes? A partir de quand est-on dans l'irrespect? 
Il y eut aussi cette question: "à quoi sert une caricature?" "A se défouler", répondit un caricaturiste. La réponse est un peu courte. Une caricature, comme d'ailleurs un dessin, une peinture, une pièce de théâtre ou un film, sert à représenter. Et ainsi à mettre une distance entre l'objet ou le sujet représenté et nous. Cette distance permet critique et réflexion. Cette représentation, qu'elle se fasse avec sérieux ou avec un humour même corrosif, donne une perspective. "Elle permet de mettre les choses à distance afin d'entretenir un rapport avec elle. C'est dans l'entretien de ce rapport que se manifeste la liberté humaine de construire son bonheur", écrit Philippe Val (1).
Les fanascistes (2) n'aiment pas la mise à distance, ils n'aiment pas la réflexion. Ils lui préfèrent la génuflexion. Quand on a le nez au sol, on se soumet, on ne regarde rien, on ne voit pas la lumière.

(1) Traité de savoir-survivre par temps obscurs (Grasset 2007)
(2) Le terme est cité dans le film "La classe américaine - Le grand détournement" (M. Hazanavicius et D. Mézerette), contraction entre fanatiques et fascistes.