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mardi 18 avril 2023

Ça va aller

Argumentaire à propos du projet de CADA de Bélâbre pour calmer les peurs, rassurer les méfiants et aider à lutter contre les fausses informations et les rumeurs

CADA - Définition

Les Centres d'Accueil de Demandeurs d'Asile (CADA) fournissent un refuge aux personnes qui ont demandé l'asile en France. Pendant la durée de l'examen de leur demande de statut de réfugié, les demandeurs d'asile peuvent bénéficier d'un logement, d'un accompagnement administratif pour aider à la procédure de demande d'asile, d'un soutien social qui inclut l'accès aux soins médicaux, la scolarisation des enfants et une aide financière pour les besoins alimentaires. Les CADA sont généralement gérés par des organisations caritatives ou des entreprises privées.
L'accueil des demandeurs d'asile en France est conforme à la Convention de Genève de 1951, qui définit les obligations internationales en matière de protection des réfugiés. En vertu de cette convention, l'État français finance les Centres d'Accueil de Demandeurs d'Asile pour fournir un refuge et un soutien aux personnes en situation de vulnérabilité.
(https://annuaire.action-sociale.org/etablissements/readaptation-sociale/centre-accueil-demandeurs-asile--c-a-d-a---443.html)

Allocation

En quoi consiste l'allocation pour demandeur d'asile (Ada) ?
En tant que demandeur d'asile, vous n'êtes pas autorisé à travailler avant un délai de 6 mois. Si vous êtes majeur, une allocation pour demandeur d'asile (Ada) peut vous être versée. L'allocation vous sera versée si vous remplissez les conditions. Son montant dépend notamment de votre situation familiale. L'Ada est composée d'un montant forfaitaire journalier, dont le niveau varie en fonction du nombre de personnes composant le foyer.
Un montant supplémentaire peut vous être versé si vous avez accepté l'offre de prise en charge, avez manifesté un besoin d'hébergement et n'avez pas bénéficié gratuitement d'un hébergement (ou logement).

Montant journalier (selon la taille de la famille)
1 personne :     6,80 €
2 personnes : 10,20 €
3 personnes : 13,60 €
4 personnes : 17,00 €
5 personnes : 20,40 €
Etc.
Si aucune place d'hébergement ne vous a été proposée, le montant supplémentaire est de 7,40 €.(https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33314)

Le projet de Bélâbre

Qui sera accueilli ? 38 personnes pourront être accueillies au CADA de Bélâbre, principalement des familles et des femmes avec leurs enfants.
Les premiers demandeurs d’asile sont attendus pour 2024, le temps de finir le montage du dossier et l’aménagement des locaux.
« En attendant, l’association a cherché d’autres options pour commencer l’accueil « car les soixante places de cada ont été octroyées dès 2023 par l’État. Il fallait donc trouver une solution temporaire. Il se trouve que la résidence retraite La Roche Bellusson, de Mérigny, avait un bâtiment inoccupé où vont être logés les premiers arrivants d’ici un mois », indique le maire de Bélâbre. À Argenton, où le climat est plus apaisé, les demandeurs d’asile pourront être accueillis « d’ici avril à début mai », dans un ancien hôtel proche de la gare, en cours d’aménagement.
Leur provenance géographique n’est pas encore connue. « Leur arrivée est conditionnée à la conjoncture internationale : on nous parle d’Afghans, de Géorgiens, de personnes venues d’Afrique. Peut-être accueillerons-nous aussi des Turcs et des Syriens suite au récent tremblement de terre », détaille Laurent Laroche.
Ils resteront « entre six et huit mois à Bélâbre, suivant l’évolution de l’instruction de leur dossier » et seront encadrés par quatre professionnels (deux intervenants sociaux et deux animateurs) qui partageront leur temps entre les sites de Bélâbre et d’Argenton. »
(https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/commune/argenton-sur-creuse/cada-de-belabre-les-details-du-projet-et-son-calendrier-desormais-connus)

% de la population

38 personnes s’ajoutant aux 934 habitants actuels mèneront la commune de Bélâbre à un total de 972 habitants. »
Les 38 personnes accueillies représenteront ainsi 3,9% de la population locale.
La population étrangère vivant en France s'élève à 5,2 millions de personnes, soit 7,7 % de la population totale.
(https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212)

Gestion

Le CADA sera géré par l’association Viltaïs. Basée à Moulins (Allier), cette association gère déjà six cada, quatre hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile et trois structures d’accueil de mineurs non accompagnés dispersées sur quatre régions. Dans l’Indre, elle travaille ainsi à l’ouverture d’un 7e cada de soixante places réparties à Bélâbre (38 personnes) et Argenton-sur-Creuse (22 personnes). (https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/commune/argenton-sur-creuse/cada-de-belabre-les-details-du-projet-et-son-calendrier-desormais-connus)

Bâtiment
La promesse de vente du bâtiment (ancienne usine, à droite de l’église de Bélâbre) a été signée fin mars 2023. L’association Viltaïs a jusqu’au 15 mai pour déposer sa demande de permis de construire. Trois mois s’écouleront alors, qui serviront à étudier les différents recours. Puis, à partir du 15 août, l’association pourra commencer les appels d’offres, qui dureront jusqu’à début octobre. Les travaux commenceront véritablement courant 2024.
(Explications du maire de Bélâbre en séance du Conseil municipal du 3.4.2023 -https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/cada-de-belabre-les-opposants-au-projet-reclament-une-consultation-citoyenne queryId%5Bquery1%5D=57cd2206459a452f008b4594&queryId%5Bquery2%5D=57c95b34479a452f008b459d&page=19&pageId=57da5ce5459a4552008b469a)

Expériences proches

* A Buzançais (au nord de Bélâbre)

« Ouvert en 2016, le Cada de Buzançais accueille 102 demandeurs d’asile dont 56 enfants. L’exemple d’une structure bien intégrée dans la vie locale, au moment où l’annonce d’un projet similaire à Belâbre réveille certaines peurs.
Oubliées les peurs du début. Comme ces dernières semaines à Bélâbre, l’annonce en 2015 de la création d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile à Buzançais (Cada) avait suscité de vives réactions de méfiance et d’opposition. Sept ans après son ouverture, en septembre 2016, le climat est désormais apaisé dans la petite commune de 4.500 habitants.
Le lieu n’est pas devenu le « ghetto » tant redouté. Les réfugiés y vivent en attente de l’examen de leur dossier de demande d’asile, profitent de ce temps suspendu pour panser les plaies psychologiques et parfois physiques des guerres et persécutions qu’ils ont fuies. »
« L’intégralité des réfugiés n’est pas francophone mais tous manifestent l’envie d’apprendre la langue et de s’intégrer. « Le premier conseil que je leur donne quand ils arrivent est de s’ouvrir sur l’extérieur. Parfois, se retrouver dans un petit village leur fait peur. (…) Mais au final, ils trouvent leur place et passent un bon séjour », poursuit le directeur qui voit régulièrement des « liens d’amitié et d’entraide se créer avec le voisinage ». « Le tableau peut paraître un peu idyllique. Mais c’est la réalité que nous vivons ici. »
(« Demandeurs d'asile à Buzançais : « Mais au final ils trouvent leur place » - Nouvelle république (NR) - extraits - publié le 12/03/2023)

Interview du maire de Buzançais, Régis Blanchet

- «  (…) une chance d’accueillir les demandeurs d’asile dans votre commune ?
- « Économiquement, non. Mais leur présence permet une ouverture d’esprit. Des liens se créent avec la population, je connais des habitants qui reçoivent chez eux des demandeurs d’asile. Des associations de support ont aussi été créées. Avant le Covid, un repas était organisé chaque année avec des plats étrangers préparés par les habitants du Cada. Mais il faut savoir que 80 à 90 % sont déboutés de leur demande d’asile et ne restent pas. »
- « Le projet de Cada à Bélâbre suscite des craintes similaires à celles que vous avez connues : avez-vous échangé avec le maire, Laurent Laroche ? »
- « Il m’a contacté avant de prendre sa décision car il s’inquiétait de la manière dont ça pouvait se passer. Je l’ai rassuré et lui ai conseillé de mettre en place un comité de pilotage. Ici, à Buzançais, je n’ai plus jamais entendu personne se plaindre du Cada. »
(« Demandeurs d’asile à Buzançais : « Il n’y a jamais eu le moindre problème », assure le maire » - (extraits- NR, publié le 14/03/2023)

Témoignage d’une Tchadienne accueillie à Buzançais avec son fils :

« Ali se sent bien. Il va à l’école. Il s’est adapté et comprend de mieux en mieux le français. Il commence même à dire quelques mots. »  « On est bien logés. On a de quoi manger. Les gens sont gentils et accueillants. Et surtout, je nous sens enfin en sécurité. »
(« Elle a fui le Tchad avec son fils : « Ici, je me sens enfin en sécurité » - NR - extraits - publié le 12/03/2023)

Réfugiés d’Algérie, Boualem Rahmane et sa famille ont passé deux ans au Cada de Buzançais. Désormais titulaires d’une carte de séjour, ils ont choisi de s’installer dans ce village qui « leur a ouvert les portes » et où ils ont tissé des liens d’amitié. »
« Je ne voulais pas être une charge pour les autres. J’ai bien essayé de trouver un travail, après avoir demandé l’autorisation à la préfecture, mais ma situation n’était pas simple pour les employeurs, je le comprends. Alors je me suis investi dans les associations : aux Restos du coeur, à l’épicerie sociale. C’est important de donner quand on reçoit. » Pleinement engagé dans ses actions bénévoles, « j’en oubliais presque que je n’avais pas de statut ici. 
« Quand le couple se voit enfin accorder « la protection subsidiaire », qui lui ouvre le droit à une carte de séjour, il décide tout naturellement de demeurer à Buzançais. « Pourquoi aller dans une ville où on ne connaissait personne alors qu’ici, on se sent bien, on s’est fait des amis. » 
« Il a aujourd’hui un contrat d’opérateur-production dans une entreprise de menuiserie de Châteauroux. Son épouse, elle, travaille depuis peu comme « dame de cantine ».
« Son rêve ultime serait de décrocher la nationalité française. « Dès que possible, je la demande. Ce serait une fierté et un hommage à mon grand-père qui l’a eue pour avoir combattu en Indochine et pendant la deuxième Guerre mondiale. »
(https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/ancien-demandeur-d-asile-au-cada-il-a-fait-de-buzancais-sa-ville-de-coeur - extraits)

L’US Argy

«  A l’été 2022, l’association sportive de ce petit village de l’Indre s’apprêtait à mettre la clé sous la porte. Jusqu’à ce qu’un « miracle » survienne : une quinzaine d’exilés sont venus y signer une licence. Sept nationalités composent aujourd’hui l’équipe. » «  Huit mois plus tard, la chronique d’une mort annoncée s’est transformée en hymne à la fraternité. »
« La majorité des nouveaux licenciés ont fréquenté, ou fréquentent encore, le centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) de Buzançais (…). Titulaires du statut de réfugié ou de demandeur d’asile, ils ont été rejoints par d’anciens mineurs isolés étrangers et par des parents d’enfants sous protection internationale. Agés de 19 à 33 ans, ils ont fui des contextes politiques instables, des situations familiales tendues ou simplement la misère. Quasiment tous travaillent ou sont en formation dans les métiers de l’artisanat : maçonnerie, couverture, boulangerie, métallerie... L’exil est le point commun de ces « footeux » du dimanche, coachés par un Kanak. »
(https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/03/30/l-us-argy-un-club-de-football-amateur-sauve-par-des-migrants_6167515_3225.html - extraits)
(Vidéo à voir : https://www.lalibre.be/sports/football/2023/04/18/un-match-de-football-interrompu-suite-a-une-invasion-de-moustiques-sur-le-terrain-video-S7BUU7TWWBDADIRVJVF2CDEEPE/ )

« L’association Solidarité Val de l’Indre-Brenne est née fin 2016, après la création du centre d’accueil pour demandeurs d’asile, à Buzançais. Ses membres interviennent auprès d’un public source de joies et, parfois, de peines. » « Nous nous doutions qu’il y aurait besoin de cours de français, se souvient Florence Naturel, enseignante titulaire d’un master français langue étrangère. Au départ, nous étions six ou sept. » Aujourd’hui, ils sont environ vingt-cinq au sein de l’équipe pour donner, trois fois par semaine, des cours à plus d’une vingtaine d’adultes du Cada, et proposer de l’aide aux devoirs à une trentaine d’enfants. »     « Ils ont un vrai désir d’apprendre notre langue, de découvrir notre culture. »
(« À Buzançais, des bénévoles apprennent le français aux demandeurs d’asile : « Une aventure humaine » (extraits) - NR - publié le 15/03/2023)

* A Sommières-du-Clain, en Vienne (à 80 kilomètres à l’ouest de Bélâbre).

En 2005, la commune disposait d’une dizaine de logements vides et les a confiés à la Croix-Rouge pour y accueillir des demandeurs d’asile.« Il a fallu une bonne année pour que l’idée soit acceptée, reconnaît Christelle Largeau, travailleuse sociale présente dès l’ouverture du site. Des villageois étaient suspicieux, d’autres clairement opposés. » Douze mois pour faire taire les « ils viennent prendre nos toits, voler notre travail ». « Des dizaines de familles exilées se sont depuis succédé. Avec elles a disparu la méfiance. Les étrangers sont devenus une « chance » pour la cité aux 766 habitants. Sans eux et la dizaine d’écoliers apportés en moyenne par le CADA, l’école communale ne serait sans doute qu’un vieux souvenir. « Ces gens font aussi tourner un peu les boutiques », ajoute René Morisset (le maire). » « L’écueil de la langue affecte bien moins les enfants, scolarisés dès leur emménagement. Six mois sont nécessaires pour être parfaitement à l’aise à l’oral, un jour suffit pour rire à la récréation. « Ils s’habituent à tout et à l’autre plus rapidement que les adultes », confirme le directeur de l’école, Julien Fontaine, qui voit en eux « des allophones, pas des étrangers ». « Pas de vrai « scandale ». Depuis sa résidence pour personnes âgées, Cécile Sèvre souffle à l’évocation des préjugés qui, ailleurs, freinent l’installation de nouveaux CADA. Elle se creuse la tête à la recherche d’un « scandale ». Le maire, René Morisset, évoque une poignée de « chapardages ». « Dans ces gens-là, c’est comme chez nous : il y a des bons et des mauvais. »
« Le président de l’Olympique club Sommières-Saint-Romain (OCSSR) pioche au CADA quelques footballeurs. »
(https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/07/accueil-des-refugies-de-la-reussite-de-sommieres-du-clain-a-la-polemique-de-belabre-quinze-ans-plus-tard-deux-visions-de-l-integration_6168668_3224.html - extraits)

* A Argenton-sur-Creuse

L’association Accueil du cœur 36, créée au plus fort de la guerre en Syrie a accueilli deux familles syriennes en juin 2017 puis une autre en février 2022 qui ont obtenu le statut de réfugié, dont les enfants sont aujourd'hui soit à l'école primaire soit au collège ou au LP soit à l'université. Deux d'entre elles sont maintenant autonomes et la dernière le devient progressivement. (…) En février 2022 nous avons également accueilli une famille ukrainienne (…).
Nous nous sommes également beaucoup investi.e.s auprès des résidents de l'HUDA (ex-CAO) qui a ouvert à Argenton en 2016 et auxquels nous proposons des ateliers de français 4 jours par semaine pour occuper leurs journées (car ils n'ont pas le droit de travailler pendant toute la durée de l'instruction de leur demande d'asile qui peut prendre des mois voire plus d'une année) et favoriser leur vie de tous les jours en attendant que l'OFPRA et éventuellement la CNDA statuent sur leur sort.
Ces expériences que nous avons choisi de vivre (…) nous ont certes demandé des efforts mais nous ont énormément apporté individuellement en termes de découverte, d'ouverture et de partage et collectivement grâce aux liens nouveaux que ce projet a générés entre des habitants qui ne se connaissaient pas du tout au départ et aussi avec la Mairie, les travailleurs sociaux et d'autres associations locales. A titre d’exemples, une vieille dame du Merle blanc nous a confié que eux (les résidents de l'HUDA) au moins ils disaient bonjour et l'aidaient à porter ses sacs et un élu municipal qui était contre la venue d'une famille syrienne à Mosnay a tenu à nous faire savoir au bout de quelques semaines qu'il avait changé d'avis.
C'est un projet qui, comme ailleurs, soulève des peurs, des doutes voire des hostilités féroces dans la population quand les appréhensions sont exploitées à des fins idéologiques mais ce sera vite une belle aventure à Belâbre aussi et qui vous apportera beaucoup de satisfaction et de fierté quand les choses se seront calmées et que les habitants seront rassurés. »
(extraits de la lettre envoyée le 1.3.2023 par l’association à l’équipe municipale de Bélâbre)


Besoins de main d’œuvre

« Plus de trois millions de projets de recrutement sont prévus cette année, selon la dernière édition de l’enquête réalisée par Pôle emploi sur les « besoins en main-d’œuvre » (BMO) des entreprises. 72 % de ces projets concernent des emplois durables, et l’hôtellerie-restauration, le secteur agricole, la santé ou encore les services à la personne arrivent en tête des secteurs qui recruteront le plus au cours de l’année. »
(https://www.pole-emploi.fr/candidat/decouvrir-le-marche-du-travail/besoins-en-main-doeuvre.html)

« L’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] dit qu’en 2050, l’Europe manquera de 95 millions de travailleurs. Je préfère être à la manœuvre d’une immigration contrôlée que de subir. »
(L. Laroche, maire de Bélâbre, https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/07/accueil-des-refugies-de-la-reussite-de-sommieres-du-clain-a-la-polemique-de-belabre-quinze-ans-plus-tard-deux-visions-de-l-integration_6168668_3224.html)

« Après une baisse record en 2020, « la migration permanente vers les pays de l’OCDE » a atteint 4,8 millions d’entrées en 2021. Une bonne nouvelle pour des pays manquant de main-d’œuvre, comme la France. Les mouvements migratoires ont fortement rebondi en 2021, tirés en particulier par l’immigration de travail vers les pays de l’OCDE, où sept immigrés sur dix ont un emploi, selon le rapport annuel de l’organisation économique publié lundi. Après une année 2020 de baisse record des flux en raison de la pandémie de Covid-19, « la migration permanente vers les pays de l’OCDE a rebondi de 22 % en 2021 », avec 4,8 millions d’entrées, a indiqué l’Organisation de coopération et de développement économiques dans ce document consacré aux migrations internationales.
Une inversion de tendance « due à un fort rebond de l’activité économique, à la réouverture des frontières, à l’augmentation des besoins de main-d’œuvre et à la reprise des délivrances de visas », estime le directeur de l’emploi, du travail et des affaires sociales Stefano Scarpetta, cité dans le rapport. La courbe devrait se prolonger en 2022, année marquée par la guerre en Ukraine, prévoit l’organisation. »
(https://www.sudouest.fr/economie/emploi/l-immigration-de-travail-reprend-dans-l-ocde-des-besoins-de-main-d-oeuvre-a-combler-12549037.php, 10.10.2022)

* Patrons solidaires

En janvier 2021, un boulanger de Besançon a entamé une grève de la faim pour éviter l'expulsion de son apprenti. Impossible de trouver un apprenti pour sa "Huche à pain", jusqu'à ce qu'il rencontre Laye Fodé Traoré, un jeune guinéen, qui n'avait que deux envies : apprendre et trouver du travail. A l'âge de 18 ans, ce dernier a reçu un ordre de quitter le territoire français. Son patron a fini - en mettant sa vie en jeu - par obtenir gain de cause. Depuis, le jeune homme a obtenu son CAP de boulangerie (…) Stéphane Ravacley, son patron, constate qu'aucun problème n'a été constaté avec tous ces jeunes venus d'ailleurs, qu'ils n'ont jamais fait l'objet d'aucune plainte. Le jeune guinéen boulanger à Besançon a connu une belle réussite scolaire. "Ils sont doués et ont toute leur place dans nos entreprises", constate son patron (1).
Dans l'Ain, un couple de boulangers a formé un autre jeune guinéen. "Il est motivé, il a toutes les qualités requises." Les deux boulangers auraient voulu l'engager comme apprenti, ce qui s'est avéré impossible. Jusqu'à ses 18 ans, Yaya était protégé par son statut de mineur non accompagné. Mais au-delà, il n'avait plus ni statut, ni papier. Pendant trois ans, ils ont effectué toutes les démarches possibles auprès de la préfecture pour qu'il obtienne ses papiers. En vain. Ici encore, une grève de la faim a débloqué la situation.
Pour soutenir tous ces patrons qui galèrent pour pouvoir engager un apprenti venu d'ailleurs, Stéphane Ravacley a créé un collectif national, Patrons solidaires (2). Ils sont nombreux ces jeunes dont l'envie de travailler est contrariée par leur absence de papiers:  Madama, Karim, Noureldien, Amara, Aboubakar, Ousmane, Mohamed, Amadou. Ils ont envie d'être boulanger, menuisier, électricien, boucher et ont un emploi ou un contrat d'apprentissage à portée de main, mais l'Etat, aveugle et sourd, veut les expulser.
Zemmour et l’extrême droite sont totalement déconnectés de l'économie réelle. Ils sont les premiers à déplorer la disparition des petits commerces et des artisans dans les campagnes, sans vouloir voir que ce sont de jeunes migrants qui les sauveront. Zemmour incarne le douanier (qui n'est pas un imbécile, puisqu'il est douanier) stupide et raciste du sketch de Fernand Raynaud: "J'aime pas les étrangers qui viennent manger le pain des Français" (3). Il chasse l'étranger et se retrouve sans pain. L'étranger était boulanger.
(1) https://www.franceinter.fr/emissions/carnets-de-campagne/carnets-de-campagne-du-mardi-14-septembre-2021
(2) https://www.facebook.com/patronsolidaire.immigration/
(3) https://www.youtube.com/watch?v=2CVo3fZr4-o
(https://moeursethumeurs.blogspot.com/2021/10/le-pain-des-francais.html 16.10.2021)

* Un patron métallier de la région de Tours cherche en vain deux salariés.
(France 3 CVDL, 3.4.2023- 19h, +/- 20’ - https://www.france.tv/france-3/centre-val-de-loire/jt-19-20-centre-val-de-loire/4742239-emission-du-lundi-3-avril-2023.html)

* Les patrons peinent à recruter. Notamment dans la restauration. Les deux chefs du restaurant Le Cercle, seul restaurant étoilé de Bourges, ont dû se résoudre, en novembre 2019, à fermer leur établissement, leur appel à engagement de quatre serveurs était resté sans suite.
(France 3 CVDL, 4.4.2023 - 19h, 17’50 - https://www.france.tv/france-3/centre-val-de-loire/jt-19-20-centre-val-de-loire/4746280-emission-du-mardi-4-avril-2023.html) 

* Migr’Action

Le programme « Migr’Action de l’association Batik International cherche à favoriser l’insertion socioprofessionnelle des personnes réfugiées par l'agriculture en zones rurales françaises
« Le rayonnement des zones rurales françaises est en déclin depuis de nombreuses années. Les problèmes structurels du secteur agricole sont concomitants à ce phénomène. Ainsi, bien que la France soit la première puissance agricole de l’UE, le nombre d’exploitations agricoles est en baisse, faute de trouver des exploitant-es et employé-es qualifié-es pour les reprendre et en conséquence de la concurrence des grosses exploitations. (…)
Migr’Action souhaite permettre aux migrant-es de découvrir concrètement le monde rural et le secteur agricole par des accueils découverte de quelques jours chez l’agriculteur-rice. Des ateliers sont également animés auprès des migrant-es pour déconstruire les préjugés sur les zones rurales et auprès des agriculteur-rices pour les former à l'interculturalité. A terme, le projet vise à construire des relations professionnelles pérennes entre les migrant-es et les agriculteurs-rices et développer des parcours de formation aux métiers agricoles adaptés aux réfugié-es. De plus, il veut permettre aux habitants du monde rural d’avoir une vision positive de la migration et de revitaliser ces territoires. »
(http://batik-international.org/projets/insertion-socio-economique - à lire : « A la ferme, les vacances occupées des réfugiés », magazine Village, février 2023)

* Besoin de main d'œuvre immigrée en Italie

Un éleveur italien cherche cinq saisonniers, mais sait qu’il ne les trouvera que très difficilement. Il espère l’arrivée de cinq travailleurs marocains qui se chargeront de l’irrigation des champs. Pour l’éleveur, il est temps que le gouvernement d’extrême droite revoie à la hausse ses quotas d’immigration pour la main d’œuvre qualifiée. L’an dernier, faute d’avoir pu en engager, son équipe et lui ont dû assurer le travail en trimant 15 heures par jour. Le patron d’une usine de chauffage fait la même demande : seule l’immigration permettra de contrebalancer l’hiver démographique italien, avec de plus en plus de travailleurs qui partent à la retraite. Rien qu’en Vénétie, dit-il, les entreprises ont besoin de 146.000 ouvriers. Or, la loi actuelle ne prévoyait que 11.000 personnes pour notre région en 2022. Il faut ouvrir des voies d’immigration légale. Le Ministre italien de l’agriculture a dû admettre la nécessité d’ouvrir plus grandes les portes de son pays, en accueillant jusqu'à 500.000 personnes les deux prochaines années.
(Journal Arte 28.3.2023 - https://www.arte.tv/fr/videos/114279-000-A/italie-la-politique-anti-immigration-remise-en-cause)

* Riace

Le village calabrais de Riace s'est donné pour surnom "pays de l'accueil". Ici cohabitent Italiens, Kurdes, Erythréens, Afghans... Un reportage au JT de France 2 nous apprend que le maire de ce petit village lutte à sa manière à la fois contre l'exode rural et pour l'accueil de réfugiés. Ceux-ci sont logés par la commune et reçoivent en outre une aide financière. Plusieurs d'entre eux ont ouvert des ateliers d'artisanat. Interrogé, un villageois originaire du village considère qu'il n'est que normal d'accueillir des gens qui ont dû fuir leur pays parce qu'ils y étaient en danger. Les réfugiés sont une chance pour nos villages qui se vidaient, dit le maire...
(https://moeursethumeurs.blogspot.com/2007/10/le-pays-de-laccueil.html - 12.10.2007)


vendredi 3 mars 2023

La peur de l'autre

C'est une petite commune comme il en existe tant, dans une région de France qui se désertifie comme il en existe tant. En 1851, elle comptait 2346 habitants. Depuis, comme tant d'autres communes rurales, Bélâbre a connu un déclin progressif pour ne regrouper aujourd'hui que 934 habitants (1). La vallée dans son ensemble a perdu 16,4% de sa population de 1968 à 1999.  La cause principale : l'émigration due à la mutation du monde agricole, à la sous-industrialisation, au départ des jeunes lié à la hausse du niveau d’instruction. D'où un vieillissement bien visible de la population (2). 
Sollicités par une association qui accueille des demandeurs d'asile, le maire et son équipe ont décidé de vendre une usine à l'abandon qui sera réhabilitée en un centre d'hébergement pour 38 personnes. De quoi apporter non seulement un toit et un accompagnement à ces personnes qui ont fui la guerre, la violence, la misère, mais aussi du sang neuf à la commune. Un peu d'immigration pour lutter contre beaucoup d'émigration. 
Mais des opposants se sont vite manifestés. Ils étaient une bonne centaine à exprimer leur peur et leur rejet des autres. Un de leurs calicots associe brutalement CADA (centre d'accueil de demandeurs d'asile), délinquance et invasion. Les choses sont simples pour eux : celui qui vient d'ailleurs est forcément un délinquant et un envahisseur.  Ça s'appelle racisme. "La scolarisation et l’instruction de nos enfants sont menacées par un tel projet", indique la pétition des opposants. On ne sait en quoi. On se dit qu'au contraire l'arrivée d'enfants devrait permettre à l'école de mieux vivre, que des liens se créeront vite et que l'intégration se fera ainsi aisément. On l'espère en tout cas, mais les opposants ont décidé de ne voir l'avenir qu'en noir. Ils affirment ainsi que le projet aura "des conséquences sur la vie de la commune, la valeur de l’immobilier, la fréquentation du plan d’eau et des terrains de loisirs". Une mère va déjà interdire à ses enfants de sortir : ils seront en danger en allant au jardin public.
"On est chez nous !", clament les opposants, reprenant le cri de guerre de l'extrême droite. C'est où chez eux ? Leur village leur appartient donc ? Qui peut y venir ou non et qui en décide ? On a vu parmi les manifestants des gens de Bélâbre et des environs, mais aussi d'autres venus de l'autre bout de la France clamer leur haine et dire qu'ils sont chez eux. Ils viennent d'ailleurs s'opposer à la venue de personnes venues d'ailleurs... 
Savent-ils, ces gens qui sont chez eux, que leurs ancêtres viennent d'ailleurs, que nous sommes tous des descendants de migrants, que l'humanité trouve sa source en Afrique ?
On ne leur propose pas d'aller si loin à la rencontre de l'autre, mais, s'ils n'ont pas trop peur, qu'ils aillent faire un tour dans le quartier du Merle blanc à Argenton-sur-Creuse, à une trentaine de kilomètres de chez eux. Là vivent, comme les autres, quelques dizaines de réfugiés depuis des années, sans que cela pose problème. Au contraire. Une habitante du quartier relevait qu'ils disent facilement bonjour, eux.

Note : La salle des fêtes de Bélâbre a été rebaptisée récemment Espace Joséphine Baker. La chanteuse, danseuse, actrice et résistante avait adopté douze enfants de toutes origines et avait appelé sa famille la « tribu arc-en-ciel ». La proposition de la mairie de Bélâbre aujourd'hui s'inscrit dans le même esprit.

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9l%C3%A2bre
(2) « Gens du Val d’Anglin » (divers auteurs, Histaval, 2021), pp. 450-451.
(Re)lire sur ce blog : "Le pays de l'accueil", 12.10.2007 
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2007/10/le-pays-de-laccueil.ht

lundi 16 mai 2022

Universelle inertie

Dans ces campagnes du centre de la France, il semble parfois - trop souvent - qu'un des maîtres-mots soit : ne changeons rien. On a toujours fait comme ça, alors pourquoi faire autrement ? Les gens ont leurs habitudes, ne les bousculons pas.
Créer un groupe de réflexion sur l'énergie réunissant élus et citoyens ? Vous n'y pensez pas, ça ne s'est jamais fait et puis les élus ont été élus, contrairement aux citoyens. Chacun doit tenir son rang. Ouvrir un tiers lieu ? Mais pour quoi faire ? Qu'est-ce que ça changera ? Un collègue est végétarien ? Veut-il mettre au chômage tous nos éleveurs ? Moi, il me faut de la viande à tous les repas.

La lecture, ces derniers jours, de deux livres totalement différents m'amène à relever deux passages qui résonnent. Où l'on voit qu'ailleurs aussi l'inertie alourdit le quotidien et plombe les enthousiasmes.

En montagne tout d'abord, et plus précisément dans les Alpes italiennes, en Vallée d'Aoste, dans le roman "La félicité du loup" (1) :
"C'était toujours pâtes, viande, pommes de terre, fromage ; il suffisait de remplacer la viande par l'omelette pour que, des tables, s'élèvent des protestations. C'était ça, le genre de choses qui pesaient à Babette. Le fait que tout ce qu'on pouvait inventer pour apporter un changement là-haut se heurtait à de l'indifférence, quand ce n'était pas de l'hostilité, au point de décourager toute nouvelle tentative. Il en allait ainsi des pots de fleurs sur la terrasse comme des légumes au menu ouvrier, alors un atelier de théâtre..."

En Slovaquie ensuite. Dans un texte intitulé "Tournesols en sous-sol, Bratislava" (2), l'écrivain slovaque Michal Hvorecky parle du rabbin , écrivain et juge Hatam Sofer (1762-1839). "Son credo était : tout ce qui est nouveau est contraire à la Torah. Sofer refusait toute innovation, aussi minime fût-elle." Des milliers de juifs orthodoxes, de partout dans le monde, viennent chaque année se prosterner devant son tombeau en Slovaquie. "Dans son refus de toute nouveauté, je reconnais un précédent aux crises européennes actuelles, l'effort désespéré de sauver une communauté menacée, la peur de la modernité et l'aveu de sa propre faiblesse. Je trouve que l'expérience du rabbin est une métaphore de l'abîme spirituel de l'homme contemporain, de son égarement dans un monde connecté de plus en plus complexe."

La résistance au changement, aussi minime fût-il, pour se protéger d'un monde vu comme incompréhensible, voire inquiétant. L'usage excessif du frein pour se protéger d'un monde qui s'accélère trop. Et au bout du compte, la stagnation ou même le recul.

Bons plans pour ne pas se laisser plomber par les inertes :
- écouter "Carnets de campagne - Le journal des solutions", du lundi au vendredi de 12h30 à 12h45 sur France Inter ;
- lire le trimestriel Village - le plein d'énergie positive.

(1) Paolo Cognetti, "La félicité du loup", Stock, 2021.
(2) "Le Grand tour", ouvrage collectif sous la direction d'Olivier Guez, Grasset, 2022 - vingt-sept écrivains, un par Etat-membre de l'UE, a écrit un texte sur un lieu évocateur de la culture et de l'histoire du continent.

mercredi 23 février 2022

L'homme froid

Il entend recréer l'empire russe avec des méthodes soviétiques. Vladimir Poutine appelle "mission de maintien de la paix" une intervention de son armée dans les républiques séparatistes de Donetsk et de Louhansk en Ukraine. Et tant pis s'il s'agit là d'une violation flagrante du droit international. La novlange poutinienne a des accents du passé, celui du KG dont il fut un agent. Il servait un régime qui justifiait les pires exactions par l'affirmation de sa volonté de protection du bien collectif. Chaque phrase veut dire le contraire de ce qu'elle avance. On pense à 1984 d'Orwell: "La guerre, c'est la paix". On repense à la Hongrie de 1956, à la Tchécoslovaquie de 1968, où les interventions soviétiques ont eu lieu pour le bien du peuple.
Mais le tsar est aussi un homme de son temps, celui du mensonge, de la réécriture de l'Histoire, du mépris, de l'agressivité, du virilisme. Donald T. ne s'y trompe pas, lui qui vient de dire toute son admiration pour ce "coup de génie", signé de son quasi ami.

Ces dernières semaines, Poutine a répété que si ses troupes se massaient à la frontière ukrainienne, c'était uniquement dans le cadre d'exercices. Pourtant, dès décembre, on pouvait lire dans un article du Ministère russe des Affaires étrangères que "L'implication de l'Ukraine dans les jeux géopolitiques des Etats-Unis et le déploiement militaire de l'Otan à proximité immédiate de nos frontières auront de lourdes conséquences et nous contraindront à prendre des mesures de rétorsion afin de rétablir l'équilibre militaire et stratégique" (1). Il était clair qu'il passerait à l'acte. Mais que faire face à des propos qui se présentent comme rassurants, même si on ne peut y croire ?
Poutine ne considère pas comme légitime l'existence de l'Etat ukrainien. Il en méprise la douloureuse histoire, dont l'Holodomor, cette famine provoquée par le régime stalinien qui fit des millions de morts dans les années 1932-1933 et que le Parlement européen considère comme un « crime contre le peuple ukrainien et contre l'humanité ».

Poutine est plus nostalgique de l'empire russe que de l'URSS, dit de lui Andreï Gratchev, politologue et ancien porte-parole de Gorbatchev (2). Il aime faire peur, constate un autre expert. Ce que confirme Harald Malgrem, ancien conseiller des présidents Kennedy, Johnson, Nixon et Ford : "En Russie, lui a dit un jour Poutine, les litiges sont généralement résolus de façon pratique. Si un litige porte sur une forte somme d'argent ou un bien important, les deux parties vont envoyer des représentants qui se retrouvent pour dîner. Toutes les personnes présentes sont armées. Face à la possibilité d'un résultat fatal, sanglant, les deux parties trouvent toujours une solution mutuellement acceptable. La peur est le catalyseur du bon sens." (3)
Il est d'une "brutalité prudente", affirme un analyste, tous ses coups sont calculés, mais personne ne sait lequel il va jouer. Témoin cet incroyable échange entre le tsar et son chef du Service des renseignements extérieurs, Sergueï Evguenievitch Narychkin (4). Ce dernier ne parvient pas à comprendre ce que Poutine veut lui faire dire et n'est qu'une marionnette bafouillante qui répète péniblement les propos que lui souffle son président.

Dans quelle sinistre aventure s'embarque, nous embarque celui qui s'imagine être l'incarnation de Pierre le Grand mais qui pourrait être celle d'Ivan le Terrible ? Le sait-il lui-même ? L'homme le plus froid de la planète sait qu'il fait peur. Sous son masque de cire, il en jouit sans doute.

 (1) "De l'Union des soviets à l'union des voisins", Kommersant (Moscou), 20.12.2021, in Le courrier international, 27.1.2022.
(2)  France Inter, Journal de 13h, 22.2.2022.
(3) "L'homme qui voulait être Pierre le Grand", Unherd (Londres), 13.1.2022, in Le courrier international, 27.1.2022.
(4) https://www.lalibre.be/international/europe/2022/02/22/le-lapsus-ahurissant-du-chef-du-service-des-renseignements-russes-lors-de-son-dialogue-avec-poutine-SZNXD6GPPFFYVLZQ64O5X27LUQ/

jeudi 26 avril 2018

Nos peurs

Je l'ai écrit déjà: je me suis rendu compte que je n'osais plus lire Charlie Hebdo dans une gare ou un train, de peur d'être agressé. Je le reçois chaque semaine emballé dans un plastique opaque. Je suppose qu'il s'agit de le rendre inaperçu des employés de la Poste, du facteur, des voisins. Qui aujourd'hui oserait lire en public "Les Versets sataniques"?
Au lendemain des attentats de novembre 2015 à Paris et de mars 2016 à Bruxelles, nous affirmions notre absence de peur. Mais c'est faux: les islamistes ont réussi à l'installer, cette peur. Nous avons peur de leurs réactions insensées et en plus nous craignons de choquer non pas les islamistes mais les musulmans. Le terrorisme n'est pas que physique, il est aussi intellectuel. Nous craignons de blasphémer. De nombreux enseignants avouent ne plus oser aborder en classe, en cours d'histoire, de sciences, de philo, des sujets qui risquent de fâcher, liés à la religion, aux normes, aux règles, aux interdits qu'elle serait censée imposer . "Dénoncer l'emprise de la religion est devenu aussi angoissant que dénoncer Al Capone", écrit Gérard Biard (1).
"N'ayons plus peur! Enquête sur une épidémie contemporaine (et les moyens d'y remédier)", c'est le titre d'un ouvrage d'Ali Magoudi (2). Le psychanalyste explique qu'après les attentats certains de ses amis affirmaient qu' il faut respecter le sacré de l'autre. Ce qui ne veut rien dire. "Je m'aperçois qu'on n'a pas compris ce qu'était la laïcité ni ce qu'impliquait la liberté de religion: l'autre a le droit d'avoir la religion qu'il veut..., mais, du coup, ses pensées eu égard aux miennes, seront obligatoirement blasphématoires." (3) La liberté de religion implique que l'autre a le droit de blasphémer. C'est-à-dire, tout simplement, de contester. Finalement, dit-il, "la peur d'avoir des pensées blasphématoires nous empêche de penser". Et de toute façon toute religion constitue un blasphème par rapport à une autre, puisqu'elle la contredit. "Qu'est-ce que c'est que ce monde qui n'arrive pas à laisser se déployer des vérités contradictoires? On sait bien que la vérité avec un grand V n'existe pas."
"Je rêve, dit encore Ali Magoudi, d'un monde où l'indifférence au blasphème aurait droit de cité. (...) Que l'autre se foute de ce que je pense. Qu'il se foute de ce que je pense de l'avortement, de l'euthanasie, de ce que je pense des choses essentielles: que l'autre me foute la paix."
Mais nous voilà dans la peur que l'autre pense que ce que nous pensons, ce que nous lisons, ce que nous écrivons est une agression envers lui. "Le paradoxe dans le monde actuel, c'est que les vérités religieuses dans leur portée collective ont énormément régressé, et dans la mesure où il n'y a pas un discours collectif qui vient porter la pluralité comme norme, il n'y a plus de norme qui protège d'une pluralité de peurs. On avait une seule peur, celle de l'Autre, un Autre organisé, un Dieu, mais maintenant on est comme des enfants de 2-3 ans, les peurs sont multiples, elles s'accrochent à tout ce qui passe. Et tous les énoncés du discours collectif contemporain sont sur le mode Ayez peur!": les menaces sont diverses et les dangers sont imminents."
Il faudrait cesser d'avoir peur. Il faudrait.

(1) "Laïcité: les profs au tableau", Charlie Hebdo, 11 avril 2018.
(2) éditions La Découverte.
(3) Entretien avec Ali Magoudi, Charlie Hebdo, 4 avril 2018.
(Re)lire sur ce blog "Islamofolies", 19.4.2013, "Vade rétro", 22.4.2013, "Charlie est bien vivant", 14.1.2015, "Blablasphème", 17.1.2015, "Blasphème?", 13.3.2007.

lundi 10 février 2014

Télé Peur

Le Front national doit-il faire campagne? On se pose la question quand on voit les programmes télé.
Non seulement, la fille à papa Le Pen (1) et son lieutenant Philippot sont invités sur tous les plateaux de télé, mais les programmes de plusieurs chaînes (W9 en particulier) proposent quotidiennement des émissions qui nous démontrent à quel point l'insécurité règne.
Exemples cette semaine:
- ce lundi 10:
* sur D8: "Au cœur de l'enquête: braquage à main armée", puis "Stups, go fast et filatures".
* sur W9: "Enquêtes criminelles: Meurtre chez les miss - Sexe, crime et perversité".
* sur NRJ 12: "Crimes: A Toulouse - Tué par son ancien amant -  Mort de Jérémy - Le meurtre de la discothèque".
* sur 6ter: "Terrain d'investigation: Gangs, cartels et cocaïne en Amérique latine".
- ce mardi 11:
* sur France 2: "Les disparues de l'A26"
* sur W9: "Enquêtes d'action: Vols, rixes et arnaques - tensions dans les beaux quartiers de Paris".
- ce mercredi 12:
* sur W9: "Enquêtes criminelles: Petits meurtres entre amis", puis "Le mari, l'ex-femme et la mère de famille".
- ce jeudi 13:
* sur TF1: "Appels d'urgence: Fêtes, agressions et secours extrêmes - la montagne en état d'urgence".
- ce vendredi 14:
* sur France 5: "Tueries aux Etats-Unis - la question des armes".
* sur W9: "Enquêtes d'action: "Gendarmes à la campagne - des affaires hors du commun", puis "Braconniers - la nouvelle délinquance des campagnes", puis "Policiers contre caïds de banlieue", puis "Jeux olympiques, fêtes et terrorisme - haute tension sur la Riviera russe".
On peut évidemment ajouter à tous ces "documentaires", les innombrables films et séries où les cadavres se ramassent à la pelle.

On voit par là qu'on raison d'avoir peur, que ce n'est plus comme dans le temps, qu'on n'est à l'abri nulle part, qu'il vaut mieux rester chez soi devant sa télé (quand on voit tout ce qu'on y voit!). On n'en sortira que pour aller voter. Pour le Front national qui comprend si bien nos peurs.

(2) voir ce jeudi à 22h20  sur France 2 dans "Les documents de complément": "Le Pen, une affaire de famille"