samedi 13 octobre 2012

Pêcheurs empêchés

A la pêche aux voix, je veux bien aller, maman! C'est ce que chantent quelques aspirants bourgmestres qui se présentent aux élections, avec toutes les chances de gagner le poste de maïeur, mais sans intention de l'occuper, puisqu'ils entendent bien rester ministres.
En Italie, ils ne pourraient le faire. Pour se présenter aux élections communales, ils devraient d'abord démissionner de leur fonction précédente. Le "bourgmestre empêché" est une spécialité belge, une perversion de notre système démocratique. "Le sens d'une élection, c'est de se faire élire, rappelle dans la Libre (1) Vincent de Coorebyter, directeur du CRISP, et un élu devrait normalement siéger là où il a été élu. Ce ne sera pas le cas. Et cela crée incontestablement un malaise." Il propose dès lors soit de contraindre les élus qui ont obtenu deux mandats à n'en choisir qu'un, soit d'interdire à un responsable politique déjà élu d'être candidat à une élection s'il n'a pas d'abord démissionné (une deuxième solution qui lui paraît excessive). V. de Coorebyter estime aussi que le choix du "bourgmestre faisant fonction" ne peut être laissé souverainement au champion en voix. Ce devrait automatiquement le deuxième en voix de préférence sur sa liste.
Aujourd'hui, le "bourgmestre empêché" préfère se présenter comme "bourgmestre en titre", "une appellation inventée de toutes pièces, écrit François Brabant dans le Vif (2), qui ne se retrouve dans aucun texte de loi... mais qui s'est imposée dans les faits". Qui doute une seule seconde qu'Elio Di Rupo ne continue, contre l'esprit de la loi, à diriger sa ville de Mons? Qui pense que Rudy Demotte, empêché, ne gouvernera pas la Ville de Tournai où il a d'ailleurs déjà placé ses hommes? "Cette ambivalence est jugée perverse par plusieurs élus, qui demandent un durcissement de la législation", écrit encore F. Brabant. "Bourgmestre en titre, ça veut dire quoi?, demande le sénateur Ecolo Marcel Cheron. Cela veut dire que, de manière occulte, on est toujours là. Ce glissement sémantique est un abus de sens, il s'apparente à une tromperie. On serait bien inspiré d'en revenir à la lettre et à l'esprit de la loi", dit-il (2).
D'autant qu'entre "l'empêché-bourgmestre en titre" et "le faisant fonction" les rapports sont parfois vite conflictuels. Car ou le premier nomme un homme ou une femme de paille sur lequel il a toute autorité, ou il nomme un homme ou une femme d'envergure, mais qui n'acceptera pas longtemps de ne pouvoir gérer que les basses besognes. En témoigne, par exemple, la rupture entre Demotte et Mettens à Flobecq.
Mais...vanitas vanitatum, et omnia vanitas. L'homme politique (certains d'entre eux en tout cas) a besoin de plusieurs mandats pour sentir fort et l'être plus encore.

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Christian Massy ne restera pas dans les annales tournaisiennes comme un bourgmestre fort. Il se confesse dans la Libre (3). Affaibli par l'affaire Singa (du nom de ce joueur de foot à qui il avait fait faire de faux papiers), il avait décidé de ne plus se présenter aux élections. Mais c'est l'exécutif  socialiste tournaisien (dont le président est un certain Demotte) qui annonça l'information. "Avoir laissé apparaître que c'était l'exécutif de l'USC qui m'a poussé à ne plus être candidat, que c'était une sanction du PS, je n'ai pas du tout apprécié, dit-il. C'est faux, et particulièrement humiliant!". Et peu après, Demotte évoquait publiquement les regrets du maïeur vis-à-vis de l'employée communale impliquée dans l'affaire. Nouveau coup de poignard dans le dos: "j'ai ressenti une grande frustration, une grande injustice, car ce n'étaient pas mes propos". Christian Massy avoue avoir été de ceux qui ont participé au parachutage à Tournai de Rudy Demotte. On sent entre les lignes - allez savoir pourquoi - un certain regret.

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Mon billet précédent '"En nu onze hit-parade met Rrrrrrudy - (55 raisons de voter pour Rudy Demotte") recueille un certain succès. En termes d'audience en tout cas. Personne cependant ne s'aventure à laisser une réaction sur le blog. Il faut croire que la discrétion en la matière est bonne conseillère et que chacun a d'excellentes raisons de ne pas se fâcher avec le Petit Marquis. Je le comprends parfaitement.
Reste que je reçois de nombreux messages personnels, qui m'incitent à continuer à partager mes réflexions; qui s'interrogent sur ce pouvoir qui rend fou; qui me proposent bien d'autres raisons aux cinquante-cinq que j'ai recueillies; qui constatent que le Ps est décidément le parti le plus moderne qui soit: qu'importe le fond, pourvu qu'on ait la com'; qui estiment qu'il faut à toute force éviter qu'un parti ait la majorité absolue; qui pensent que quand un politique est capable de se déguiser autant dans le cadre de ses fonctions, c'est qu'il joue la comédie, mêle le vrai au faux, entretient l'illusion.



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L'électeur est le maître du jeu. Dit-on.


(1) LLB, 12 octobre 2012.
(2) Le Vif, 28 septembre 2012.
(3) LLB, 12 octobre 2012.

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