dimanche 30 mai 2021

Etat terroriste

Un dictateur n'a jamais peur d'aller trop loin, tant il est convaincu que tout lui est permis. Le 23 mai, le président biélorusse Alexander Loukachenko a fait atterrir de force un avion de la société Ryanair qui effectuait un vol Athènes - Vilnius pour mettre la main sur Roman Protassevitch, jeune journaliste biélorusse, fondateur de Nexta, une chaîne en ligne très critique envers le régime et devenue un des médias les plus populaires de Biélorussie. Avec ce détournement d'avion, totalement contraire au droit international, la Biélorussie a commis un acte digne d'un groupe terroriste.

L'Union européenne, qui depuis le début de la contestation en Biélorussie ne s'était exprimée que tièdement sans trouver comment agir, parle à présent d'acte "abject", “scandaleux et illégal” de "terrorisme d’État”, de “piraterie”, “complètement inacceptable”, et promet que cette action “ne restera pas sans conséquences”. Souvent trop diplomate, l'Union s'est fâchée. Elle a interdit tout vol au-dessus de son territoire aux avions biélorusses et prépare de nouvelles sanctions. S'ils applaudissent l'augmentation de la pression extérieure sur Loukachenko, les opposants en exil constatent cependant que les Biélorusses se retrouvent dès lors un peu plus enfermés dans leur pays.

Loukachenko, lui, joue les vierges outragées: il fait arrêter à tour de bras et torturer ses opposants et estime aujourd'hui, avec le culot du dictateur qu'il est, que l'Europe veut étrangler son pays. Son voisin et collègue Poutine se frotte les mains. Loukachenko est un peu plus encore lié au Kremlin qui est aujourd'hui son seul soutien. Celui-ci a encore répété, jeudi, "qu’il n’avait aucune raison de douter des explications de Minsk, qui soutient avoir dérouté l’avion uniquement à cause d’une alerte à la bombe du mouvement palestinien Hamas – reçue pourtant après qu’un chasseur eut décollé pour l’intercepter –, sans savoir que l’opposant et journaliste Roman Protassevitch se trouvait à bord" (1). Les menteurs s'entendent comme larrons en foire. Un expert russe  se réjouissait récemment sur un plateau télé: "si l'Union européenne restreint les vols des compagnies biélorusses, la Russie est gagnante. Cela va définitivement verrouiller la Biélorussie dans notre orbite" (2). Mais Benoît Vitkine, correspondant du Monde à Moscou, estime la marge de manœuvre de l'auto-proclamé président biélorusse encore assez importante: "son intérêt serait même plutôt de forcer la Russie à plonger avec lui dans son face-à-face avec l'Occident". 

Le peuple biélorusse se retrouve victime du jeu de ces rouleurs de mécaniques. Comme Assad en Syrie, Loukachenko appartient à cette clique de dictateurs qui préfèrent voir mourir leur peuple, qu'ils méprisent, plutôt que lâcher le pouvoir. 

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/29/a-sotchi-poutine-et-loukachenko-font-front-commun-face-aux-europeens_6081955_3210.html

(2) "La Russie, soutien indéfectible de Misnk", Le Monde, 26.5.2021.

(Re)lire sur ce blog "Un dictateur sans peuple", 16.8.2020.

2 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Pour avoir regardé attentivement le "C'est dans l'air consacré" à cette affaire, j'ai été stupéfié par la carte de la région : l'enclave russe de Kalingrad n'y figurait pas, mais bien une étrange excroissance bleue de la Baltique à sa place. Et il n'en a pas davantage été question dans le débat. Or cette enclave (ancienne Prusse orientale), très militarisée, est séparée de la Belarus par quelques 150 kilomètres. Un beau couloir de Dantzig en perspective ? A vos atlas !

Michel GUILBERT a dit…

En effet. On comprend l'inquiétude des pays baltes!