samedi 7 décembre 2024

Le bazar

Quel bazar, la France ! La politique et aucun de ses représentants ne sortent grandis de cette chute (prévisible) du gouvernement Barnier.
Le premier responsable en est le monarque Macron (1). C'est Emmanuel I qui a pris, après les élections européennes de juin, cette décision incompréhensible de dissoudre l'Assemblée nationale. C'est lui qui a fait fi ensuite de l'arrivée en tête du Nouveau Front Populaire aux législatives et a choisi de nommer un premier ministre issu du parti de droite réduit à peu de chose.
La responsabilité en incombe aussi à Michel Barnier qui n'a gouverné qu'à droite et a cédé aux revendications du FN-RN, avant de voir celui-ci s'amuser d'être le maître du jeu. La fille à papa Le Pen craint de devenir inéligible, suite au procès qu'a intenté à son parti et à elle-même le Parlement européen. Il était temps pour elle de détourner l'attention de ses fraudes et, qui sait ?, de bénéficier de l'immunité présidentielle en cas d'élection anticipée. La gauche, elle, ne semble pas gênée d'avoir fait tomber le gouvernement avec l'aide d'une extrême droite contre laquelle elle prétend lutter de toutes ses forces. Auparavant, cette même gauche n'avait pas été capable - elle ne semble même pas en voir eu l'idée - de prendre la main, qu'elle avait pourtant, en négociant avec le centre pour former une majorité et présider un gouvernement de coalition. LFI, elle, n'a plus aujourd'hui qu'un programme réduit à celui des Gilets jaunes : "Macron, démission !" (qu'on peut traduire par "Mélenchon, président !"). Jean-Iznogoud Mélenchon trépigne, il croit toujours son heure venue et rêve toutes les nuits qu'il sera bientôt calife à la place du calife. Tellement imbu de lui-même, il n'a plus conscience qu'il est devenu, avec sa politique du bruit et de la fureur, un repoussoir. En cas de duel entre lui et un candidat du FN-RN (Le Pen ou Bardella), tout indique qu'il serait vraisemblablement nettement battu, mais il croit tellement, soutenu par des courtisans qui l'idolâtrent, en son destin de rédempteur. Et de toute façon, pour lui et ses adeptes, le chaos semble être devenu un objectif en soi.

Dans Marianne (2), Natacha Polony se fâche sur "les irresponsables et les boutiquiers" : "Y a-t-il aujourd’hui dans le personnel politique plus de dix individus dont les citoyens français puissent se dire qu’ils défendent l’intérêt général plutôt que leur carrière ou leur boutique ? Y a-t-il plus de dix représentants qui sachent analyser la nature des difficultés que rencontre le pays et considèrent qu’ils pourraient s’extraire des logiques de parti pour tenter de répondre à l’urgence ?"
Il est temps que les représentants des partis démocratiques se mettent autour de la table et négocient un accord de gouvernement, à l'image de ce qui se pratique dans tout Etat démocratique. Le compromis est inhérent à la démocratie, n'en déplaise à LFI qui n'admettra jamais qu'il n'a pas la majorité et continue à hurler qu'il n'appliquera que son programme, rien que son programme et tout son programme.

"Les élections législatives n’ont rien clarifié, sauf une chose, constatent trois élus de Place publique (3) : une majorité de Français refuse encore de donner les manettes à l’extrême droite. Il n’y eut, au fond, qu’un vainqueur incontestable le 7 juillet : le front républicain, dont le seul but était de barrer la route au Rassemblement national." Raphaël Glucksmann, Aurore Lalucq et Aurélien Rousseau estiment que "le moment est venu de se montrer fidèle au sursaut républicain du deuxième tour des élections législatives, ce qui suppose le dialogue et la confrontation des idées entre partis n’ayant ni le même projet ni les mêmes visions. Face à l’absence de majorité absolue, c’est le chemin que nous avions proposé dès le soir du 7 juillet. Et c’est plus que jamais le seul à pouvoir nous sortir de l’ornière." Ils appellent les groupes parlementaires concernés à "prendre la main et (...) voir s’ils peuvent dégager une plateforme minimale, attendue aujourd’hui par une majorité de Français, sur le pouvoir d’achat, les retraites, la réduction du déficit, la réindustrialisation du pays, la transition écologique ou la réforme du mode de scrutin comme de l’architecture institutionnelle".

C'est là en effet une priorité que devrait se donner le nouveau gouvernement et le président : changer les règles constitutionnelles aujourd'hui inadaptées à la situation politique, sortir de cette présidence monarchique de la Ve République, quitter le système majoritaire à deux tours et adopter le suffrage proportionnel. "En France, le système majoritaire à deux tours, que ce soit pour l’élection du président, pour celle des députés, ou celle des élus locaux, génère une culture à l’antithèse de celle du compromis parlementaire", analyse Paul Magnette, président du Parti socialiste belge (4). Pour lui, les prérequis d’un bon fonctionnement d’une démocratie parlementaire reposent sur "une faible personnification du pouvoir, des partis importants qui reposent sur un travail collectif, une culture de la négociation, la recherche de majorités qui dépassent les blocs politiques…". 
"Il y a différents systèmes de coalition en Europe, rappelle Paul Magnette qui est aussi politiste. Le système à l’allemande, avec souvent de grandes coalitions : hier les sociaux-démocrates se retrouvaient avec les libéraux et les Verts, demain les conservateurs avec les Verts… C’est un peu la même chose en Belgique ou aux Pays Bas. Et puis vous avez d’autres systèmes de coalition avec une forte structure majoritaire, des blocs de droite ou des blocs de gauche : c’est le cas aujourd’hui en Italie ou en Espagne. Enfin, vous avez, comme dans les pays nordiques, des systèmes dans lesquels les coalitions ne sont pas forcément majoritaires. Elles sont formées à l’intérieur du bloc de gauche ou du bloc de droite. Quand le bloc de gauche n’a pas de majorité, il ne forme pas de gouvernement avec la droite. Mais il doit, pour faire adopter des lois, et évidemment le budget, chercher des majorités en dépassant son propre espace politique. Et cela fonctionne."

La situation semble enfin évoluer, sans qu'on sache évidemment à ce stade si un gouvernement de coalition pourrait voir le jour. Hier, écrit Le Monde (5), Olivier Faure, le premier secrétaire du PS "s’est dit prêt à discuter avec les macronistes, et même la droite, sur la base « de concessions réciproques ». Il s’est dit aussi prêt à faire « des compromis sur tous les sujets », y compris sur l’abrogation de la réforme des retraites, hautement symbolique pour la gauche. Le patron du PS a ainsi évoqué « un gel » de la réforme, et non plus une abrogation immédiate, avec la nécessité d’organiser « une conférence de financement ». Jean-Donald Mélenchon est furieux, ce qui ne le change guère.
Ce qui fait largement défaut à la France dans le chaos actuel, ce sont des hommes ou des femmes d'Etat. Peut-être en a-t-on une sous la main ? Depuis juillet, S'EGOlène la Royale ne cesse de clamer qu'elle est disponible pour être première ministre. "On est assez peu nombreux finalement dans le paysage politique à avoir l'expérience, à n'être rejeté par aucun des groupes politiques. (...) Si à un moment c'est une possibilité, oui, bien sûr." (6) Enfin, quelqu'un de responsable sans la moindre ambition personnelle. Juste se mettre au service de son pays. Admirable.

https://www.courrierinternational.com/article/vu-d-allemagne-chute-du-gouvernement-incorrigibles-francais-a-toujours-montrer-les-autres-du-doigt_225338
(2) https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/natacha-polony-irresponsables-et-boutiquiers-reste-t-il-a-lassemblee-quelques-defenseurs-de-linteret-general?at_medium=Email_marketing&at_campaign=NL_La_Quotidienne&at_format=jours_ouvres&_ope=eyJndWlkIjoiMWRhMjc0MDM2MDEzNTMyNzJkNjYxMmIyOWM2M2NiMDAifQ%3D%3D
(3) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/05/raphael-glucksmann-aurore-lalucq-et-aurelien-rousseau-apres-la-censure-du-gouvernement-barnier-les-forces-politiques-du-front-republicain-doivent-se-reunir-pour-definir-les-convergences-possibles_6431253_3232.html
(4) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/05/paul-magnette-la-regle-du-jeu-politique-francaise-rend-tres-difficile-la-democratie-parlementaire_6430776_3232.html
(5) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/12/06/le-parti-socialiste-recu-a-l-elysee-se-met-en-rupture-avec-la-france-insoumise_6434139_823448.html
(6) BFMTV, 26.11.2024, cité par Charlie Hebdo, 4.12.224.


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