samedi 14 décembre 2024

Tous fascistes

La députée écologiste Sandrine Rousseau a un avis cinglant sur tout et tout le monde et ne se prive jamais de le donner. Même quand on ne lui demande pas. Grande prêtresse de la morale (la sienne), elle flingue qui ne pense pas comme elle. En fonction de ses critères, prioritairement féministes et décoloniaux. Récemment (1), elle s'en est pris à Boualem Sansal, l'écrivain emprisonné par le gouvernement algérien pour avoir le grand tort d'être un esprit libre. Elle commence par contester son emprisonnement, avant d'ajouter un mais. "Je voudrais aussi poser que les propos et les positions tenus (par Boualem Sansal) sont des propos relevant de l’extrême droite" et aussi "d’une forme de suprémacisme". "Le suprémacisme, c’est quand même l’idée qu’il y a des civilisations qui sont supérieures aux autres. C’est précisément ce qui va nous emmener dans le chaos." On ne sait en quoi des propos qu'a pu tenir Sansal sont d'extrême droite et suprémacistes, mais on comprend que Sandrine Rousseau estime qu'un écrivain algérien doit s'exprimer selon les critères qui sont les siens à elle et doit respecter son gouvernement même s'il s'agit d'une dictature. Un point de vue de colonisateur totalement opposé à ce qu'elle défend : c'est elle, française, qui dicte à un écrivain franco-algérien comment il doit se comporter. S'en rend-elle compte ? A-t-elle lu le moindre roman de Sansal ? A-t-elle compris que les critiques de l'islamisme qu'on peut y lire sont très féministes ? Mais Rousseau défend le port du voile - ce vêtement qui empêche les femmes d'exister - au nom du respect de l'identité. Elle apparaît finalement comme une coloniale anti-féministe qui s'ignore. En accusant Boualem Sansal de manière aussi clash, Sandrine Rousseau soutient la dictature algérienne. Rousseau, fasciste !

A l'Université Libre de Bruxelles, l'université de la libre pensée créée pour combattre « l'intolérance et les préjugés » en répandant la philosophie des Lumières, des cercles étudiants se sont récemment opposés à une soirée-débat avec Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement réformateur, et Louis Sarkozy, fils de. "Pas de fachos sur notre campus", clamaient les opposants à la soirée. On n'est pas sûr que l'un et l'autre aient eu grand-chose d'intéressant à dire, mais on est sûr qu'ils sont tous deux très à droite. Sont-ils pour autant fachos ? Ces étudiants n'acceptent-ils de débattre qu'avec ceux qui pensent comme eux ? Sont-ils incapables d'opposer des arguments ? Etudiants, fascistes !

Pour beaucoup de militantes et de militants intersectionnels, le système patriarcal est blanc, forcément et exclusivement blanc. Ils refusent de voir qu'il n'est pire patriarcat aujourd'hui que les religions sous leur forme intégriste et en particulier la religion musulmane qui dans ses dérives politiques force les femmes à se voiler la tête quand ce n'est pas le corps entier. Soutenir le port du voile ou de la burqa est une attitude très sexiste et même raciste qui témoigne d'un profond mépris pour les femmes afghanes, iraniennes, pakistanaises et autres. Ce sont les mêmes souvent qui soutiennent, ou au moins ferment les yeux sur leurs dérives, l'extrême droite islamiste et les régimes les plus violents de la planète sous prétexte qu'ils sont les ennemis des Etats-Unis. Intersectionnels, fascistes !

C'est la mode aujourd'hui : traiter qui ne pense pas comme vous de fasciste ou le classer à l'extrême droite. Une réaction fainéante qui ne vous oblige pas à l'analyse ni à la nuance et qui fait perdre aux mots leur sens. Nous voilà donc tous fascistes puisque nous nous retrouvons toujours, inévitablement, face à des gens avec qui nous sommes en désaccord.
Chez moi, j'ai supprimé tous les miroirs. Je crains d'y croiser le visage d'un fasciste. 

(1) https://www.lefigaro.fr/culture/pour-sandrine-rousseau-boualem-sansal-n-est-pas-un-ange-20241211

2 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Ce type de commentaires binaires (Rouseau et c°) est tellement attendu et affligeant de bêtise (et de "fascisme" inversé) qu'il ne mérite pas d'en rajouter à ton billet, Michel. Sauf que cette idéologie "campiste" décoloniale, "wokiste" de la part des écologistes leur coûte cher en termes électoraux. Et, malheureusement, cette pensée binaire gagne les universités, et pas seulement les étudiants. Une certaine "gauche culturelle" fait le lit des populismes, c'est bien connu. Enfin, j'espère...

Michel GUILBERT a dit…

Oui, Bernard, c'est affligeant. Je sais par des proches qu'Ecolo a perdu, par ces positions très binaires, beaucoup de plumes à Bruxelles. Et par ricochet en Wallonie. Toutes ces analyses simplistes font finalement, oui, le lit, des populistes, aux propos tout aussi simplistes. Et celles et ceux qui défendent la non-binarité sont parfois très binaires...