mardi 24 décembre 2024

L'enfant et l'inhumanité

On pense à ces braves gens qui se sont opposés à l'ouverture à Bélâbre d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile. Aujourd'hui, ils triomphent alors que le projet est enterré (1). On a gagné, se réjouissent-ils. Que gagne-t-on en fermant des portes ?
Combien parmi eux iront à la messe de Noël se prosterner devant la représentation d'un enfant né dans une étable parce que ses parents ont été chassés de partout et que d'autres braves gens les ont repoussés parce qu'ils sont étrangers ? (2)
Depuis deux mille ans (et plus sans doute), c'est toujours la même histoire : celle qui oppose des gens qui ne veulent pas d'histoire à d'autres qui ont une histoire douloureuse.

On pense à ce manuscrit de Shakespeare, rédigé dans les années 1590, un monologue qui parle de la condition des réfugiés qui affluaient à Londres suite aux guerres de religion qui déchiraient l’Europe. Dans la pièce dont il est tiré (écrite par plusieurs mains), Thomas More, alors sheriff de Londres, répond à une foule qui se déchaîne contre les étrangers (un fait historique survenu le 1er mai 1517).

“Imaginez le spectacle de ces malheureux étrangers / Leurs bébés sur le dos, avec leur misérable baluchon / Marchant péniblement vers les portes et les côtes pour être déportés / Imaginez que vous trôniez, vous, monarques de vos caprices, / L’autorité de l’Etat rendue muette par vos vociférations, / Drapés dans votre bonne conscience ; / Qu’auriez-vous obtenu ? […] / Vous auriez montré que l’ordre pouvait être bafoué et, selon cette logique, / Pas un de vous ne devrait atteindre un grand âge / Car d’autres voyous, au gré de leurs caprices, Avec les mêmes mains, avec les mêmes raisons et au nom du même droit, / Vous attaqueront comme des requins et les hommes, comme des poissons voraces, / Se dévoreront entre eux. Si vous alliez en France ou en Flandres, dans une province allemande, en Espagne ou au Portugal, vous seriez les étrangers, seriez-vous contents / De trouver un peuple de tempérament aussi barbare / Qu’explosant en atroce violence / Ne vous donnerait pas d’abri / Vous mettrait le couteau à la gorge / Vous méprisera comme des chiens / et comme si Dieu ne vous avait pas aussi créés / Et comme si vous n’aviez pas le droit de demander de l’aide  / Que penseriez vous d’être ainsi traités ? / Ceci est le cas de l’étranger / Et ça, votre colossale inhumanité.”

(1) (Re)lire sur ce blog : 
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2024/12/entre-soi.html
(2) (Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2023/04/le-chaos-dans-leurs-tetes.html

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