mardi 10 décembre 2024

Les tortionnaires et leurs amis

Depuis longtemps, on savait. On savait que le régime des Assad était celui de l'horreur. Mais aujourd'hui l'ouverture des prisons nous fait découvrir à quel point le sadisme et la violence qu'ils pratiquaient étaient  d'une barbarie rarement atteinte, d'une inhumanité totale. 
Même des adolescents en étaient victimes. Dans la Syrie d'Assad, on se retrouvait en prison pour avoir dessiné un graffiti ou pour avoir déploré la situation des militaires. Et cette prison était le pire des enfers. Tabassages, tortures, mort, c'est ce qui attendait les détenus. "A coups de barre de fer et de câble électrique, les bourreaux du régime s’attardaient à briser corps et âme jusqu’à ce que mort s’ensuive", écrivent les envoyés spéciaux du Monde (1). Des prisonniers voués à disparaître étaient jetés dans des cellules d'un mètre sur un mètre. Des dizaines de milliers de prisonniers ont ainsi été tués par le régime. "Dans un rapport publié en 2022, l’Association des détenus et disparus de (la prison) Saydnaya estimait à 30 000 le nombre de prisonniers torturés à mort ou exécutés entre 2011 et 2018, au plus fort de la répression et de l’anéantissement des régions qui échappaient au contrôle du régime. Les corps n’ont jamais été restitués aux familles." Et pour cause : le régime les faisait disparaitre. "Dans l’aile ouest de Saydnaya, les corps des détenus, tués sous la torture, étaient placés dans du sel avant d’être envoyés vers un hôpital militaire. Hamed se souvient, lui, de corps dissous par des produits chimiques. La privation de nourriture, d’eau et de soins médicaux était généralisée."
La répression de la population depuis le soulèvement de 2011 aurait fait au moins 500.000 morts. Certains pensent que le chiffre d'un million ne serait pas exagéré.

Depuis longtemps, on savait. Mais certains ne voulaient pas savoir. A l'extrême droite comme à l'extrême gauche, on apprécie les extrémistes violents.
"Depuis son arrivée à la tête du parti cofondé par son père, écrit Le Monde (2), Marine Le Pen a toujours regardé les révolutions arabes avec scepticisme, disant préférer « une dictature laïque à une dictature islamiste ». Elle a toujours été entourée de conseillers qui, comme son père, faisaient les yeux doux au régime Assad. Tels le député européen Thierry Mariani, le conseiller régional Andréa Kotarac, actuel membre du cabinet Le Pen, l'ancien député européen Aymeric Chauprade ou encore son ami Frédéric Chatillon, "prestataire du RN, largement enrichi par l’argent du régime syrien dont il assura la propagande politique durant la révolution, et la communication touristique avant cela. Proche de dignitaires baasistes, Frédéric Chatillon voyageait fréquemment en Syrie cependant qu’il jouait un rôle-clé dans les campagnes de Marine Le Pen".
"Jordan Bardella, président du RN, a considéré la chute de Bachar Al-Assad comme « une catastrophe géopolitique », en raison du « risque migratoire » qu’elle ferait courir à l’Europe, écrit encore Le Monde. Aucun des deux leaders d’extrême droite ne s’est jamais attardé ni sur les souffrances infligées par Bachar Al-Assad à son peuple, ni sur le rôle que son régime a joué dans l’exil de millions de Syriens."

Mélenchon, lui, a, selon Le Monde, "toujours sous-entendu que le soulèvement syrien était téléguidé par les Etats-Unis et le Qatar, et que cette guerre était d’abord une affaire de « pipelines » et de « gazoducs ». (...) Le 29 novembre, il moquait, lors d’une conférence devant un public conquis, des « rebelles habillés de pied en cap dans des camions tout neufs », « des bazookas, des fusils et des Toyota flambant neufs » achetés « à la boutique du coin ». Insinuant l’intervention d’un agent étranger. Lequel ? Selon M. Mélenchon, « un sénateur américain » aurait « vendu la mèche », disant : « Al-Qaida a toujours été notre agent d’intervention. »"
Comme Marine Le Pen, Mélenchon avait "mis en doute les attaques chimiques menées par l’armée syrienne en avril 2018 dans la Ghouta orientale, une banlieue de Damas, selon des révélations de l’Observatoire syrien des droits de l’homme. « Si [le gouvernement français] a ces preuves, qu’il les montre ! », avait-il asséné. " Aujourd'hui, le gourou de LFI hurle qu'il a toujours  "défendu la révolution citoyenne de 2011 contre la dictature de Bachar Al-Assad" et dit s'inquiéter de l'arrivée au pouvoir d'islamistes. Comme le fait remarquer un opposant syrien, il est moins inquiet "quand il s’agit du Hamas ou du Hezbollah, qui a mené des crimes d’ampleur en Syrie". 
L'antiaméricanisme primaire de Mélenchon tourne au mépris de la population syrienne, voire au racisme. Il préfère soutenir des dictateurs parce que, selon lui, ils font partie du camp des ennemis des Etats-Unis plutôt que de dénoncer la barbarie avec laquelle ils traitent leur population. 
Le FN-RN et LFI sont aussi écœurants et inaudibles l'un que l'autre. Qu'ils se taisent.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/10/syrie-a-la-prison-de-saydnaya-l-espoir-brise-des-familles-de-disparus_6439197_3210.html
(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/12/09/marine-le-pen-et-jean-luc-melenchon-rattrapes-par-leur-soutien-passe-a-bachar-al-assad_6438963_823448.html
A lire aussi sur le régime Assad et ses soutiens internationaux :
https://www.courrierinternational.com/article/recit-la-syrie-d-assad-ou-le-royaume-de-la-peur-et-du-silence_225445?at_medium=email&at_campaign=alerte_courrier&at_creation=article_lire_la_suite


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