samedi 5 novembre 2011

Intolérances

La mode est à l'intolérance, semble-t-il. L'humour de Charlie Hebdo échappe complètement à certains esprits fermés et insensibles à la dérision. Mais ces esprits peu sain(t)s savent aussi frapper durement, en détruisant les locaux du journal. On soupçonne fortement des islamistes d'être derrière cet attentat. Le site Internet de Charlie a été piraté, la page d'accueil remplacée par une photo de la Mecque indiquant qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah.
Ne leur en déplaise, il y en a d'autres. L'un d'eux s'appelle Dieu précisément. C'est ce que l'on entend dire. Et certains de ceux qui défendent celui-là sont tout aussi opposés à la critique, à la liberté d'expression, à la réflexion. Le spectacle " On the Concept of the Face, Regarding the Son of God, volume 2", du metteur en scène italien Romeo Castelucci, a été attaqué par des intégristes chrétiens lors de ses représentations au Théâtre de la Ville à Paris ces dernières semaines. Coups de sifflet, envahissement de la scène, jet d'oeufs, d'huile et de boules puantes sur le public, menaces vis-à-vis du personnel, tout est bon pour tenter d'empêcher les représentations du spectacle. Il a été joué à Anvers, à Avignon, partout en Europe sans susciter de controverse. Au contraire. Il faut dire qu'on a affaire là, selon Guy Duplat (1) à "un mélange de beauté plastique extraordinaire, de trivial et de sacré". Les autorités civiles et religieuses ont dénoncé ces actes de violence, le Théâtre de la Ville a lancé une pétition (2). On pourra voir " On the Concept of the Face" dans le cadre du Next Festival à la Rose des Vents à Villeneuve d'Ascq les 29 et 30 novembre.
Romeo Castelucci dit qu'il veut "ouvrir une blessure pour que les questions puissent entrer profondément en nous. L'art repose sur cette condition de poser des problèmes, sinon il est purement décoratif. La religion a perdu sa capacité de poser des questions et l'art a pris sa place. Je crois que ces extrémistes sont jaloux de cette spiritualité profonde qui s'est réfugiée dans l'art" (3).
La religion a-t-elle posé, pose-t-elle des questions? Elle impose des réponses. Et ses fidèles préfèrent l'obscurantisme à la réflexion et à la critique.
On se permet de rappeler aux intégristes de tous crins qu'il ne sont pas obligés d'acheter et encore moins de lire Charlie Hebdo, d'aller voir "On the concept of the Face", de regarder "Persepolis" ou tout autre film ou spectacle qui ne cadre avec leurs visions dogmatiques. On se permet de leur faire remarquer que personne ne les empêche de vénérer leur dieu. Au singulier comme au pluriel d'ailleurs. On leur laisse le choix. Mais pas celui de jouer aux terroristes.

(1) LLB, 31 octobre 2011
(2) pétition sur le site du Théâtre de la Ville: www.theatredelaville-paris.com/
(3) dans Le Monde, cité par G. Duplat

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