mardi 8 novembre 2011

Encore un modèle qui s'effondre

On nous dit que le modèle d'Ennahda, le parti islamiste tunisien, serait l'AKP, le parti du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Qu'il s'agirait là d'un islamisme modéré.
Pas plus que d'autres (voir "Modérons-nous", en date du 3 novembre), Martine Gozlan, reporter à Marianne, ne croit en cette modération: "je ne crois absolument pas à l'islamisme modéré, explique-t-elle dans une interview publiée dans "L'Avenir" (1), parce que l'islamisme en soi est déjà un excès puisqu'il se rend coupable d'un hold-up sur une religion. Ici, c'est le hold-up de la religion par le politique."
Martine Gozlan a analysé le pseudo modèle turc dans un livre: "L'imposture turque" (2). Elle explique avoir voulu dénoncer une triple imposture: démocratique, laïque et géopolitique. "Le premier ministre Erdogan a réussi à mettre les médias sous coupe réglée. Plus de soixante journalistes sont emprisonnés, sans compter les arrestations d'intellectuels", affirme-t-elle, précisant que "ses fils, son gendre, ont acquis la plupart des grands groupes de presse turcs". Elle estime que l'obscurantisme gagne la Turquie, où de plus en plus de femmes sont voilées ou incitées à se voiler, où des galeries d'art sont attaquées, où les théories antidarwinistes ont de plus en plus de succès. Selon elle, "il est clair que, d'amendement en amendement (de la constitution), la Turquie se dirige vers une réappropriation de l'espace constitutionnel par les lois divines".
En Tunisie, les islamistes se veulent rassurants: ils sont - eux aussi - modérés. N'empêche que "les guerriers de l'inquisition" (comme les appelle Zineb El Rhazoui dans Charlie Hebdo) (3) ont attaqué directement le directeur de la chaîne de télé qui avait eu l'audace de programmer "Persepolis" de Marjane Satrapi. Jusqu'à menacer de violer sa femme de ménage. Ce qui indique l'attention que les islamistes portent aux femmes, en particulier celles qui sont au bas de l'échelle sociale. Le mouvement Aatakni (Lâche-moi, en arabe tunisien) leur a répondu en manifestant en masse, pour réclamer le droit d'expression, de pensée, de croyance. Dans certaines villes, ces manifestants ont été agressés violemment par des contre-manifestants islamistes (3).
"A Tunis, les culturels restent au front", titre LLB (4). "Impossible de rencontrer un culturel qui se dise pro-Ennahda", écrit Guy Duplat. "Nous avons survécu à Ben Ali, déclare Zeyneb Farhat qui co-dirige El Teatro à Tunis, nous allons nous défendre si cela devenait nécessaire. Sans écouter les pays étrangers qui disaient du bien de Ben Ali et qui, maintenant, nous disent que nos islamistes sont raisonnables. Nous serons là."
On voit par là que la démocratie est un combat qui n'est jamais gagné et que celui de l'intelligence doit être primordial.

(1) 5 novembre 2011
(2) Grasset, 2011
(3) Charlie Hebdo, 26 octobre 2011
(4) LLB, 2 novembre 2011

2 commentaires:

gabrielle a dit…

Un point de vue tunisien sur "l'islaïcité"

http://goo.gl/CxfNr

gabrielle a dit…

Une info qui ne rassure pas non plus

http://goo.gl/z8vfm