jeudi 5 novembre 2020

A la liberté

"La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres." On ne cesse d'entendre cette phrase ces derniers temps, répétée  comme une antienne par ceux qui pensent que caricaturer c'est méchant, que critiquer c'est pas bien, que se moquer c'est pas gentil. Bref, c'est le slogan de ceux qui voudraient que chacun se censure pour ne pas choquer les croyants. Si on y réfléchit une seconde, cette phrase n'a aucun sens, sinon de dire que la liberté n'existe pas. Il faut respecter la liberté de croyance, veulent dire les bonnes âmes. Si on les prend à la lettre, il faudrait donc cesser de proférer quelque opinion que ce soit puisque chacun a le droit de se plaindre, de se sentir bridé dans sa liberté, dès que "l'autre" émet une opinion contraire à la sienne. Le croyant dès qu'il a l'impression que sa foi est critiquée, le non-croyant dès qu'il pense que sa rationalité est moquée par une croyance. Comme si, en critiquant, en tournant en dérision, on empêchait de croire. Comme si on empêchait la liberté de "l'autre". On a le droit de croire que Dieu existe ou qu'il n'existe pas, on a le droit de penser si on veut que la terre est plate ou cubique, le droit de ne croire en rien ni personne, le droit de rire des histoires abracadabrantes que nous content les religions, de leurs règles rétrogrades, le droit de discuter, de contester, de rire. Est-on moins libre de croire parce que quelqu'un n'est pas d'accord avec nous? Et les religions, elles, mènent-elles à la liberté? Nous permettent-elles de penser librement?

Charlie Hebdo a reçu, suite à l'assassinat de Samuel Paty des tombereaux de messages de menaces, d'insultes, de bons conseils de braves gens qui lui demandent de se taire. Mais pourquoi faudrait-il se taire plutôt que de continuer, plus que jamais, à dénoncer l'intolérable? "Car franchement, écrit Natacha Devanda (1) on le redit ici, toutes les religions sont caricaturables, elles le font d’ailleurs très bien elles-mêmes, entre costumes de carnaval et miracles en tout genre. L’islam ne peut et ne doit faire exception à cette liberté critique. Mais peut-on encore être audible auprès de personnes comme Marie-Thérèse G. qui se présente comme une pacifiste de 75 ans et qui a honte pour nous. Elle se demande si les gens pitoyables que nous sommes arrivent encore à se regarder dans une glace tant elle est excédée de voir des innocents se faire assassiner pour soi-disant défendre la liberté d’expression. Alors, chère Marie-Thérèse, non seulement on se regarde dans la glace, mais encore bien en face parce qu’on dénonce chaque jour l’inexcusable : le fanatisme religieux qui conduit à ce chaos du monde, à ces tueries, à cette mainmise fasciste qui gangrène les esprits et fout les jetons à tout le monde. On déplore l’abêtissement des foules auxquelles elles participent, le joug qui s’abat sur les hommes et les femmes qui revendiquent une once de liberté. Et si on a peur de cette idéologie sanguinaire qu’est l’islamisme, on peut aussi se faire un sang d’encre pour l’avenir de la résistance à cette idéologie mortifère. Vous savez cette encre qui n’a jamais fait couler de sang." 

Post-scriptum: https://www.lalibre.be/international/amerique/elections-us/une-conseillere-de-trump-appelle-les-anges-a-venir-l-aider-a-gagner-j-entends-un-son-de-victoire-5fa3cc3bd8ad586f514fe883 On a le droit de se moquer ou "la liberté des uns s'arrête là où commence la folie des autres"?

(1) Natacha Devanda, Charlie Hebdo, 2.11.2020


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