samedi 7 novembre 2020

You're fired

François Hollande voulait être un président "normal". C'est sans doute d'abord ce que la population américaine et la majorité des dirigeants politiques dans le monde attendent du nouveau président des Etats-Unis, Joe Biden: être un président normal. Un homme qui sache se montrer civil, respectueux, travailleur. Un homme qui soit digne de sa fonction. L'exact contraire de son prédécesseur, ce président anormal qu'aura été, jusqu'au bout (on peut encore s'attendre au pire de la part de ce sale gamin capricieux), Ubu Trump. Ses tweets agressifs et stupides, son ignorance sans fond, sa morgue, ses phrases mal torchées ne nous manqueront pas. Lui qui a pris plaisir pendant des années à virer des gens ("you're fired", leur disaient-ils - ce qui lui arrachait les seuls sourires qu'on lui ait connus) dans une émission dite de télé-réalité est aujourd'hui rattrapé par une réalité proche. Le voilà jeté à son tour. On ne peut s'empêcher de ressentir un sentiment de justice. L'homme à l'ego boursouflé qui a passé quatre ans à mépriser la terre entière est aujourd'hui plus que jamais méprisé. Twitter, son canal de communication préféré, déborde de dessins sarcastiques à son égard.

N'empêche que cet insupportable personnage a été soutenu et parfois idolâtré par la moitié de la population américaine. Et pas seulement par des rednecks. Des femmes - beaucoup de femmes - ont voté pour Machoman, pourtant accusé de viols et de harcèlement. Beaucoup de noirs et de latinos ont soutenu ce raciste. Et on peut imaginer qu'un nombre important d'homosexuels aussi ont fait le choix de l'Agent orange. Tout ceci pose question par rapport à la démocratie et à la capacité de personnes comme Trump qui sont autant des produits que des producteurs de ce que certains appellent Le Sytème à incarner l'opposition à celui-ci. Mais ces choix interrogent aussi les analyses simplistes des identitaires et des communautaristes - qui ont tué une bonne partie de la gauche, là-bas comme ici - qui aiment se persuader que tous les noirs forment une communauté et pensent tous de la même manière, que toutes les femmes font les mêmes choix politiques, que tous les homos ont les mêmes opinions. On ne le dira jamais assez: le sens des nuances rend moins bête.
En attendant, ne boudons pas nottre plaisir: he's fired. 

1 commentaire:

Bernard De Backer a dit…

En effet, ces choix électoraux de plus de 70 millions d'Américains pour Trump interrogent aussi la gauche identitaire, comme l'avait pointé Mark Lilla dans "La Gauche identitaire, l'Amérique en miettes". Le trumpisme n'est pas que l'effet du Grand Méchant Loup qui a hypnotisé les moutons. Le Monde a, dans ce cadre, publié un article très intéressant sur la géographie du vote dans la rubrique "Les décodeurs", je pense. C'est très instructif, car c'est majoritairement "l'Amérique périphérique" (comme en Europe) qui a vôté Trump.