mardi 13 mars 2012

Le rock conserve

Faites du rock, pas du sport.
Lire l'excellent billet de Fernand Denis dans la Libre Belgique de ce jour:
http://www.lalibre.be/archives/divers/article/725552/
when-i-m-sixty-four.html

Pleurnicheries

Marine Le Pen a obtenu ses cinq cents signatures. On peut penser qu'elle était sûre de les avoir. Mais la posture de la victime lui va bien. Elle s'y complait. Elle ne cessait de pleurnicher. Qui la croisait était bien inspiré d'avoir sous la main une boîte de mouchoirs. Son père, nous dit-on, aimait lui aussi jouer les Calimero avant chaque élection. On ne nous aime pas, on ne vit pas en démocratie, on fait tout pour nous éviter, se plaisent à dire ces gens-là. Parfois, ils ajoutent qu'ils font peur. Ils ont raison.

Bart De Wever n'est pas content. Il gagne 500 euros de moins en étant sénateur de communauté qu'en étant député au Parlement flamand. C'est un scandale. Son collègue Bart Tommelein (de l'Open VLD) geint comme lui. "Tu fais une faveur à ton parti en acceptant de tirer la liste au Sénat bien que tu sois député régional, dit De Wever, et tu te retrouves avec 500 euros nets en moins par mois" (1). Le Parlement fédéral a décidé de diminuer de 5% l'indemnité de base de ses élus, les parlements wallon, bruxellois et de la Communauté française réfléchissent à faire de même, disent-ils. Mais pas le Parlement flamand. Or être un leader flamingant entraîne des frais.
Bart Tommelein déplore, en outre, des vacances écourtées: "les vacances d'été débutent le 23 juillet au Sénat, alors qu'au Parlement flamand tout le monde est en vacances dès le 11 juillet". Ce sont les mêmes qui se plaisent à laisser entendre que le Flamand serait plus travailleur que le Wallon qui ne pense qu'aux congés.
Pauvre Bart(hein!), pauvre bisère.

(1) LLB, 8 mars 2012

lundi 12 mars 2012

Le sort du poète

Même mort depuis septante-cinq ans, le poète est encore rejeté. La statue d'Attila Jozsef, poète hongrois (1905-1937), sera déboulonnée. Ainsi en a décidé le premier ministre hongrois, le populiste Viktor Orban.
La vie d'Attila Jozsef fut un long chemin de croix. Abandonné tout jeune par son père, il est confié par sa mère à une famille adoptive qui lui change son prénom et lui mène la vie dure. Au point qu'il s'enfuit. Il se met à écrire. C'est sa vie. Mais ses poèmes sont jugés tantôt provocateurs, tantôt idéalistes. Ce qui lui vaut d'être exclu du parti Communiste hongrois. Il se suicide à l'âge de trente-deux ans. Il devra s'y reprendre à deux fois: la première fois qu'il se couche sur les rails du train, celui-ci n'arrive jamais: il s'est arrêté en amont à cause... d'un suicide (1).
Aujourd'hui, sa statue, installée près du Parlement hongrois à Budapest, sera déboulonnée. Viktor Orban trouve le poète "politiquement trop marqué à gauche" (2). On voit par là qu'on peut continuer à mener la vie dure même à des morts.

Il a quitté le parti
Qui ne l'a pas accepté
Il a pris part et parti pour l'éternité
Il a quitté la maison
Pour faire un tour pour toujours
Il a quitté le perron aller sans retour

Qu'est-ce que je sais de ce poète-là
Sauf qu'il avait le verbe bref
Et qu'il s'appelait Attila, Attila Joszef

Dick Annegarn

(1) Voir l'introduction de l'œuvre poétique d'Attila Jozsef "Aimez-moi" (éditions Phébus)
(2) "L'exception hongroise", in Télérama, 29 février 2012

vendredi 9 mars 2012

Un homme comme les autres

On a beau être président, on n'en est pas moins homme. Nicolas Sarkozy a fait amende honorable mardi soir sur les antennes de France2. Le Soir titre: "L'humain pour balayer le bling-bling". Le président regrette. Il regrette sa soirée au Fouquet's le soir de son élection. Il regrette aussi d'avoir répliqué "casse-toi, pauv' con" à un quidam qui refusait de lui serrer la main. Le président est un homme comme les autres. Avec ses faiblesses. C'est pour cela, sans doute, que dans la même intervention télévisée, il a déclaré qu'il y a trop d'étrangers en France. Lui qui, le soir de son élection en 2007, déclarait devant ses supporters: "je veux que partout dans le monde les opprimés sachent qu'il y a un pays généreux, c'est la France. Ce soir, je vous demande d'être généreux, d'être tolérant, d'être fraternel" (1). Un homme avec ses faiblesses donc et aussi ses trous de mémoire. Humain, on vous dit, tellement humain.

(1) cité par Ariane Chemin et Judith Perrignon dans "La Nuit du Fouquet's" (Fayard, 2007)

jeudi 8 mars 2012

Les gens indispensables

Il y a des gens dont il est absolument impossible de se passer. Sans eux, le monde s'arrêterait de tourner. Ils sont au four et au moulin.
Prenons, par exemple, notre premier ministre. Allez savoir pourquoi, on imagine Elio Di Rupo assez occupé. Mais il briguera à nouveau, en octobre, le poste de bourgmestre de la Ville de Mons. Il ne pourra véritablement, et surtout officiellement, exercer la fonction, en plus de celle de premier ministre. Mais qu'on se rassure, nous dit sa porte-parole, il se consacrera à 100% à sa ville. On suppose qu'il en donnera au moins tout autant au Gouvernement fédéral. C'est Monsieur 200%. Il fait mieux que le footballeur entendu vendredi dernier (sur la Première) qui affirmait: "je suis 100%".
D'autres que lui seront dans le même cas. Un exemple (au hasard): Rudy Demotte. Le double ministre-président du Gouvernement wallon et de celui de la Communauté française (1), on le sait, joue les parachutistes et brigue le maïorat tournaisien. Il veut redonner tout son lustre à cette ville qu'il aime tant. Pour pouvoir être candidat, il a fait changer les règles internes au Ps de Wallonie picarde (un modèle du genre, nous dit-on) qui interdisait le cumul de mandats. Mais dans le même temps, le Parlement wallon agit en sens contraire et interdit ces mêmes cumuls. Pas totalement cependant. Il y aura des privilégiés: les gros scoreurs (politique et football ont décidément bien des traits communs) pourront s'abonner à Cumul +. Un quart des députés wallons pourront en même temps être bourgmestre, échevin ou président de CPAS. Les heureux élus seront ceux qui auront obtenu le meilleur taux de pénétration, entendez par là le plus grand nombre de voix obtenues par rapport au nombre d'électeurs (2). Bref, les champions seront avantagés.
Une fois élus, ces gens indispensables ne pourront cependant pas être à la fois membre d'un exécutif communal et d'un gouvernement. Qu'à cela ne tienne, ils désigneront un bourgmestre faisant fonction qui fera ce qu'on lui dit de faire et tiendra la place au chaud pour son bourgmestre hélas empêché.
Des communes comme Mons et Tournai l'auraient-elles pas besoin d'un vrai bourgmestre à temps plein, légitimement élu à ce poste?
S'ils veulent voir Rudy Demotte occuper réellement le siège de bourgmestre, les Tournaisiens, non militants socialistes, savent ce qui leur reste à faire: ne pas voter pour Demotte. Vu sa popularité, il sera bien sûr élu au Conseil communal, et largement, par les militants socialistes. Mais si son taux de pénétration est plus faible, il devra choisir entre deux sièges. Et on peut parier qu'il choisira d'être bourgmestre. Sa nouvelle ville lui tient tellement à cœur.

(1) Il ne sera pas ici question de Fédération Wallonie-Bruxelles, xième nom, déjà contesté au sein même de son propre Gouvernement, de la Communauté française, cette appellation-ci étant celle qu'indique la Constitution belge (art.2).
(2) lire "La Wallonie choie les gros cumulards", in Le Vif, 3 février 2012

mercredi 7 mars 2012

Travailler, plus ou moins

Dieu avait dit à Adam: "tu gagneras ton pain à la sueur de ton front". Et Adam lui avait dit "oui, chef! Bien, chef!" et il s'était aussitôt mis à travailler d'arrache-pied. Nous sommes tous les enfants d'Adam.

Le temps de travail est l'un des points en débat dans la campagne présidentielle française. La droite voudrait mettre fin aux 35 heures et augmenter le nombre d'heures de travail. Une partie de la gauche envisage de diminuer le temps de travail actuel. Tout en plaidant pour que chacun ait droit à un contrat à durée indéterminée et à temps plein, grâce à un partage des heures de travail. Le temps plein le serait donc plus ou moins, selon les programmes de partis.

Longtemps, les puissants ont fait en sorte que les moins nantis soient vaguement satisfaits de leur sort. En tout cas, qu'ils n'aient pas de trop de temps et d'énergie pour s'en plaindre, qu'ils se tiennent cois. L'homme est digne dans le travail. C'est par lui qu'il existe. Marx disait que la religion est l'opium du peuple. La retraite l'est aussi. Si on en bave aujourd'hui, c'est pour mieux se reposer demain. Abrutissez-vous, c'est pour votre bien. Demain, à l'âge de la retraite, vous connaitrez la liberté. On ne compte plus le nombre d'hommes qui développent une maladie grave ou meurent brutalement dès qu'ils ont enfin cessé de travailler.

Oncle Bernard (1) fait remarquer qu'il est faux d'affirmer que l'Allemagne, qu'on nous présente comme LE modèle économique, ne connaît pas les 35 heures. Elles ne sont pas appliquées dans tout le pays, mais sont négociées dans les accords de branche. Il rappelle que Volkswagen, en grande difficulté en 1997, a négocié les 35 heures et a redressé la barre tout en créant des emplois et en rachetant Audi. "Elle en crée encore en 2012, pendant que Renault délocalise", constate-t-il. "Renault, ajoute-t-il, est un échec dû à un PDG surpayé, VW est un succès. Les salariés français ont travaillé 1469 heures en 2009, contre 1309 en Allemagne. Le coût du travail est le même en France qu'en Allemagne, même s'il a augmenté depuis dix ans, c'est vrai, alors qu'il stagnait en Allemagne. Cherchez l'erreur", dit-il.

Aujourd'hui, nous vivons dans un monde où "le surplus", la surconsommation, le gaspillage sont devenus la norme. On pourrait produire moins et donc travailler moins. Déjà en 1932, dans "Eloge de l'oisiveté", Bertrand Russell écrivait que "si le salarié ordinaire travaillait quatre heures par jour, il y aurait assez de tout pour tout le monde, et pas de chômage (en supposant qu'on ait recours à un minimum d'organisation rationnelle). Cette idée choque les nantis, dit-il, parce qu'ils sont convaincus que les pauvres ne sauraient comment utiliser autant de loisir". Plus loin, il affirmait que "comme il n'existe pas de contrôle central de la production, nous produisons énormément de choses dont nous n'avons pas besoin. Nous maintenons une forte proportion de la main d'oeuvre en chômage parce que nous pouvons nous passer d'elle en surchargeant de travail ceux qui restent" (2).

Dans le livre "Travailler deux heures par jour", publié en 1977 aux éditions du Seuil par le collectif Adret, Charly, qui travaillait dans une usine de chaussures, explique qu'en raison de la crise le temps de travail a été, durant plus d'un an, diminué de 48 heures à 40, puis à 32 heures par semaine. On réapprenait à vivre, témoigne-t-il. Le retour aux quarante heures, à l'inverse, est un vrai retour en arrière. A tous points de vue: "simplement, un jour de plus, passer de 32 heures à 40, eh bien, c'est frappant le nombre de gus pour qui ça a été vraiment catastrophique: le dernier matin de la semaine, les retards étaient très nombreux, alors qu'un an auparavant, les gars faisaient encore un jour de plus. Là, les maladies ont refleuri, il y a eu un taux d'absentéisme très important, la direction s'est d'ailleurs plainte de la "mauvaise attitude" des gars. Quand on est revenu à 40 heures, tout ce qui avait eu tendance à disparaître est réapparu: l'agressivité par exemple, un jour de travail en plus, ça fait de l'effet".

Aujourd'hui, un peu partout en Europe, ce n'est même plus "travailler plus pour gagner plus", comme le voulait Sarkozy, c'est "travailler plus longtemps pour gagner moins". Un peu partout, l'âge de la retraite recule, les salaires diminuent (-22% pour le salaire minimal en Grèce). Mais la plupart des travailleurs n'ont aucune envie de travailler plus et plus longtemps. Passé 55 ans, beaucoup d'entre eux ont envie de lever le pied, de travailler moins, même s'ils n'ont pas de Rolex. Dans "Travailler deux heures par jour", Claudie explique que son père "a travaillé comme un fou", puis a été malade et est mort au bout de huit jours. "Quand j'en parlais avec mon père, de ce problème de travail, et que je lui demandais de lire ou de réfléchir, il me disait mais je n'ai pas le temps ou bien je suis trop fatigué". Elle dit aussi qu'elle était mal vue au bureau: "j'inquiète: j'ai l'air de dire que vivre pourrait être un plaisir".
On voit par là qu'il faut que le travail ait du sens et nous laisse du temps pour vivre. Sinon, comme l'écrit Raoul Vaneigem, "le travail a été ce que l'homme a trouvé de mieux pour ne rien faire de sa vie" (3).
Travailler moins, c'est se garder du temps pour vivre autre chose, en sortant d'un rapport productiviste au temps. "Le bonheur et la joie de vivre prendront la place de la fatigue nerveuse, écrivait Bertrand Russell (2), de la lassitude et de la dyspepsie. Il y a aura assez de travail à accomplir pour rendre le loisir délicieux, mais pas assez pour conduire à l'épuisement. Comme les gens ne seront pas trop fatigués dans leur temps libre, ils ne réclameront pas pour seuls amusements ceux qui sont passifs et insipides. Il y en aura bien 1% qui consacreront leur temps libre à des activités d'intérêt public, et, comme ils ne dépendront pas de ces travaux pour gagner leur vie, leur originalité ne sera pas entravée et ils ne seront pas obligés de se conformer aux critères établis par de vieux pontifes."
On peut rêver: peut-être aussi qu'alors les travailleurs, ouverts à d'autres activités, créatives et critiques, n'allumeront plus leurs postes de télé pour suivre des chaînes qui n'ont pour ambition que de rendre leurs cerveaux disponibles à une publicité qui les pousse à consommer plus. Et donc à gagner plus. Et donc à travailler plus.

(1) Charlie Hebdo, 1er février 2012
(2) Bertrand Russell, "Eloge de l'oisiveté", éditions Allia - voir le remarquable spectacle au même titre de Dominique Rongvaux
(3) Raoul Vaneigem, "Nous qui désirons sans fin", Le Cherche-Midi éditeur, 1996

mardi 6 mars 2012

Arrière, toute(s)!

Les religions n'aiment pas les femmes. Ne leur demandez pourquoi. C'est comme ça. Les religions sont affaires d'hommes. Certains d'entre eux aiment cacher les femmes, les laisser à la maison, les voiler, parfois de la tête aux pieds. C'est pour leur bien, une question de respect et de sécurité, disent-ils. Ils estiment, faut-il croire, que les hommes sont, à tout moment, des taureaux en rut, prêts à se jeter sur une femme s'ils en aperçoivent les cheveux, les jambes ou les bras.
En Israël, les ultra-orthodoxes semblent être dans ce cas, hommes et femmes doivent vivre séparés. Aussi tentent-ils aujourd'hui d'imposer leurs règles à la société tout entière. "Cela fait des années qu'on s'est habitués à ce que la séparation entre les sexes soit la règle dans la société ultra-orthodoxe", explique Peggy Cidor, correspondante au Jerusalem Report (1). (...) "Les hommes et les femmes ne se rencontrent que dans le cadre de la famille et du couple, les hommes sont à l'école talmudique, les femmes travaillent et ont en général entre six et quinze enfants." Jusqu'ici confinés dans leurs quartiers de Tel-Aviv ou de Jérusalem, on les retrouve à présent dans tout le pays, où ils représentent 8% de la population (30% à Jérusalem). Ils exigent que hommes et femmes soient séparés partout: dans les lieux d'études, aux caisses des magasins, dans les files d'attente. Plus fort encore, ils renouent avec la politique de ségrégation qu'ont connue les Etats-Unis et l'Afrique du Sud. "Ils ont demandé à la plus grande compagnie de transport public d'avoir des lignes de bus séparées sur lesquelles on applique la méthode mehadrin, une méthode super casher qui veut que les hommes montent et s'assoient à l'avant, que les femmes montent et s'assoient à l'arrière et que personne ne se mélange, se scandalise Peggy Cidor qui en a fait l'expérience, obligée de prendre un bus mehadrin (mais du service public), le dernier de la journée, laissant ses trois fils à l'avant et forcée de s'assoir à l'arrière, malgré ses protestations.
Cet intégrisme gagne les "religieux sionistes" (2) qui formaient, jusqu'il y a peu, "une société qui était tout à fait ouverte à la modernité". Mais voilà qu'ils veulent eux aussi séparer hommes et femmes: plus d'équipe mixte dans les thanks de l'armée par exemple, et même dans les chorales: "parce que, d'après la religion juive, il est interdit à un homme d'entendre une femme chanter, sauf si c'est sa propre femme".
On voit par là que la musique ne rassemble pas autant qu'on le pense et que ce n'est pas parce qu'on s'assoit à l'avant qu'on ne part pas en arrière.

(1) Charlie Hebdo, 25 janvier 2012
(2) le monde ultra-orthodoxe n'est pas sioniste: il estime qu'il faut accepter la diaspora et la destruction du Temple par Titus comme une punition divine et "il continue de penser que l'Etat d'Israël est une aberration, une hérésie, un blasphème contre Dieu, et qu'il faut attendre".

lundi 5 mars 2012

Hystérie automnale

Ce sont les nouveaux Croisés. Ils veulent que le règne du Christ-Roi soit reconnu en France. Ils surcollent les affiches de François Hollande - et d'autres candidats, suppose-t-on - avec l'inscription "candidat nuisible aux Catholiques" (1). Vade retro, satanas! Ils sont opposés à l'avortement, à l'euthanasie, au mariage homosexuel et à tous ceux qui les ont inscrits dans leur programme politique. On a un peu de mal à les suivre. On avait cru comprendre que leur dieu était amour. Il serait donc contre le mariage?
Les militants de Civitas s'attaquent aux spectacles, aux expositions qui ne collent pas avec leur foi aveugle. A leur tête, on trouve Alain Esquada qui fut membre du Front National belge, époque Féret.
Il y a un mois, après avoir agi à Paris, Civitas a tenté d'empêcher, au Singel d'Anvers cette fois, la représentation du spectacle de Romeo Castellucci, On the Concept of the Face, Regarding the Son of God. Un spectacle qui traite de la vieillesse, de la déchéance, de la souffrance, pourtant apprécié par de nombreux chrétiens, "très beau et de l'avis de beaucoup très religieux à sa manière", écrit Guy Duplat (2). Les spectateurs ont attendu trois heures que la salle soit débarrassée de l'odeur pestilentielle et irritante qui y régnait. L'ancien porte-parole du cardinal Daneels et l'ex- et l'actuel aumônier des artistes, venus en spectateurs, en ont profité pour dire à Guy Duplat combien ils étaient "scandalisés par l'acte d'intolérance de tenter d'empêcher le spectacle, une atteinte à la liberté d'expression". "Ces gens ne représentent pas l'Eglise, disaient-ils. L'art doit pouvoir nous interpeller et les chrétiens doivent avoir l'audace de se confronter aux questions posées par l'art et, dans ce cas, à la représentation de la souffrance que l'art nous donne."
Les intégristes chrétiens appellent leur mouvement "l'automne catholique". L'appellation est pertinente. L'automne est la saison où la vie disparaît, celle qui nous mène vers la saison morte qu'est l'hiver. Décidément, oui, vivement l'heure d'été (3).

(1) JT de la RTBF, 4 mars 2012
(2) LLB, 3 février 2012
(3) voir billet du 1er mars
Lire aussi "Intolérances", 5 novembre 2011

dimanche 4 mars 2012

Amour, gloire et beauté

Zappant ce samedi soir, on tombe sur Hubert-Félix Thiéfaine. Le voir chanter à la télé est un événement. On s'arrête. Ce sont les Victoires de la Musique. L'artiste y est reconnu et célébré. On s'en réjouit.
Mais on déplore que la télévision publique française ait fait appel, pour cela, à une présentatrice peu à la hauteur. "J'avais demandé qu'on enlève ce truc rouge", se plaint-elle en décachetant une enveloppe. Une voix masculine lui répond que c'est pour lui compliquer la tâche. "Tu peux garder tes blagues à deux balles", lui rétorque-t-elle. Plus tard, elle soupirera un "enfin!" agacé quand un technicien vient lui tendre son micro. A un autre moment, elle imagine que ce doit être l'heure de la pub sur TF1 et que donc des téléspectateurs ont dû débarquer en nombre. Lors d'une de ses interventions, elle entre en scène en mastiquant. On soupçonne qu'elle n'a pas eu le temps de finir son sandwich.
C'était les Victoires de la Musique. H.F. Thiéfaine et Catherine Ringer y ont été reconnus pour leur talent. Tant mieux. Mais ce n'était pas les Victoires de la télé, décidément de plus en plus vulgaire.

jeudi 1 mars 2012

Vivement l'heure d'été

La triste "burqa pride" de l'ULB continue à faire des vagues. Certains profitent de l'occasion pour régler leurs comptes. Notamment avec Caroline Fourest qu'ils ne supportent décidément pas. C'est le cas d'Investigaction, tant sûre d'être l'expression de la vérité face aux "Mediamensonges", qui tente de renverser la vapeur: la coupable, c'est bien la journaliste française, pas ses censeurs qui étaient juste des galopins chahuteurs. Ils s'y mettent à cinq pour sonner la charge. Haro sur l'infidèle, la blasphématrice.
C'est le cas aussi de Pascal Boniface. Le Vif (1) pose la question: "Peut-on encore critiquer l'islam?". La réponse est évidemment affirmative. Mais Pascal Boniface, qui y est interviewé, classe Caroline Fourest parmi "les intellectuels faussaires": "sous couvert d'une dénonciation générale de tous les intégrismes, elle cible surtout les musulmans, parce qu'elle sait que c'est médiatiquement porteur", dit-il.
Pascal Boniface a-t-il lu Caroline Fourest? On se le demande. Elle a écrit des ouvrages tels que "Frère Tariq", oui, où elle démontre le danger des doubles discours du prédicateur qui joue les chevaux de Troie des Frères musulmans, tant aimé des islamo-gauchistes pour qui l'islam est intouchable. Même dans ses errements islamistes aux relents fascistes. Mais Caroline Fourest a aussi écrit "Foi contre choix - La droite religieuse et le mouvement prolife aux Etats-Unis". Avec Fiammetta Venner, elle a écrit "Les nouveaux soldats du pape - Légion du Christ, Opus Dei, traditionnalistes" ou encore "Tirs croisés - La laïcité à l'épreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman". Mais certains ne veulent connaître que ses critiques de l'islamisme qu'ils refusent de distinguer de l'islam, alors même que c'est tout l'enjeu de ses analyses.
Pascal Boniface, dans le Vif toujours, estime que "les amalgames entre islamistes, terroristes et musulmans sont fréquents". Donnant en fait par là raison à Caroline Fourest et indiquant qu'il ne veut connaître d'elle que ce qu'il a envie d'en dire.
Qui lit et écoute ses chroniques (2), qui lit Pro Choix (3), saisit les nuances et le discours universaliste et profondément antiraciste et antifasciste, comprend que, tout en respectant les religions, elle se bat contre celles, toutes celles qui veulent imposer par la force ou la menace leurs règles dans la sphère publique. Mais visiblement, allez savoir pourquoi, les nuances dérangent. Qui n'est pas avec moi est contre moi, avait dit un prophète.
L'accusation d'islamophobie est aujourd'hui utilisée à la moindre occasion. Critiquez Saint Tariq, critiquez la burqa, critiquez les délires obscurantistes de certains imams, critiquez la violence commise au nom d'un dieu quelconque et vous y avez droit. On sera bientôt qualifié de blasphémateur par ceux qui, maniant l'art de la contradiction, prétendent lutter pour que tout être humain puisse être autonome.
Dans "La tentation obscurantiste" (4), Caroline Fourest écrit que "ceux qui pensent que le déclin de l'empire américain annonce la revanche de la guerre froide se trompent. Aujourd'hui, ce sont les intégristes musulmans qui, partout dans le monde, incarnent cette bipolarité. Ce sont eux qui triompheront si des progressistes leur déroulent le tapis rouge. Qu'ils le fassent par naïveté, par crétinisme, par cynisme ou par stratégie, ceux-là sont en train de contribuer à fortifier le troisième totalitarisme de l'ère contemporaine".
Dans le même numéro du Vif, Edouard Delruelle, philosophe et directeur adjoint au Centre pour l'Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme, affirme que "Caroline Fourest n'est pas islamophobe. Elle est d'ailleurs un bon exemple de personnes qui doivent pouvoir s'exprimer sur ces questions. J'ai lu ses écrits, elle dénonce, parfois de façon virulente, tous les obscurantismes, sans stigmatiser l'islam ni inciter à la haine envers les musulmans".
Quant à Jean-Philippe Schreiber, directeur du Centre interdiscipliaire d'étude des religions et de la laïcité, il considère qu'à l'ULB, "c'est plus un obscurantisme politique que religieux qui s'est exprimé ce mardi noir". Mais cet obscurantisme a des supporteurs qui luttent contre les médiamensonges et connaissent, eux, la vérité.
On a le droit de traiter ses confrères de faussaires. Encore faudrait-il s'assurer qu'on ne s'appuie pas, pour ce faire, sur une analyse tronquée. Au risque d'apparaître comme un homme de mauvaise foi. Un faussaire de débat. Amen.

(1) 24 février 2012
(2) http://carolinefourest.wordpress.com
(3) www.prochoix.org/cgi/blog
(4) C. Fourest, La tentation obscurantiste, Grasset, 2005