mardi 18 avril 2017

L'heure du choix

Cette élection poussera-t-elle les Français à repenser leur système démocratique? Vont-ils enfin cesser de croire en l'homme ou la femme providentiel-le? Ont-ils compris qu'il ou elle n'existe pas? Le croquemitaine existe, oui, il a pris la forme d'une blonde, mais le père Noël n'existe pas plus que le prince charmant. C'est dur à admettre mais il faudra en passer par là pour que la démocratie avance.
Les Français attendent tout de leur président, tout et son contraire. Il doit mettre fin au chômage, sauver les petits commerces en milieu rural, redynamiser les banlieues, redonner sa fierté à la France,  rénover fondamentalement le système scolaire, ne pas bousculer les institutions, être proche d'eux et être au-dessus de la mêlée, prendre rapidement et avec sang froid les décisions qui s'imposent sans précipitation, il doit être proche et distant, juste, intelligent et compassionnel, stratège et spontané, sévère et sympathique.
Quelle place cette campagne (les candidats et les médias) a-t-elle sérieusement accordé aux vrais enjeux: cette arrivée sans précédent de réfugiés, le dérèglement climatique, les conflits moyen-orientaux, le partage des ressources et des richesses, les règles du vivre-ensemble? On a parfois l'impression que les candidats ont passé plus de temps à dézinguer leurs adversaires qu'à développer leurs projets.
Amnesty International a formulé des recommandations par rapport à l'accueil des réfugiés et la protection des libertés individuelles et, après avoir analysé les propositions des onze candidats en ces matières, a bien dû constater (1) qu'ils n'étaient qu'une poignée à s'en préoccuper de manière positive. Si certains ne s'en soucient tout simplement pas, d'autres formulent des propositions dangereuses, parfois contraires aux engagements pris par la France. Seuls Hamon, Macron et Mélenchon rejoignent, pour partie au moins, les positions d'A.I.

Quel choix auront ce dimanche les Français? Ceux qui se soucient de défendre la valeur famille pourront choisir entre Madame fille de et tante de et Monsieur époux de et père de
Plus largement, si on ne prend compte que les principaux candidats, le choix se fera entre Monsieur Bloodsweatandtears, Madame J'aimepaslesautres, Monsieur Langelot, Monsieur Lefrondeurfrondé et
Monsieur Leslendemainsquichantent. Chacun avec son enthousiasme, mais aussi ses contradictions, ses approximations, ses erreurs voire ses mensonges, avec parfois des solutions aussi simplistes que les analyses qui les justifient. Beaucoup d'électeurs choisiront celui ou celle qui les fait espérer ou rêver ou les deux. De quel espoir est porteur quelqu'un qui veut quitter l'Union européenne, qui veut rejeter les migrants à la mer, qui dit son admiration pour Trump ou pour Poutine ou qui pense que la Syrie ne peut se passer d'Assad? Beaucoup d'électeurs affirment ne pas vouloir voter "par défaut". Mais le défaut n'est-il pas dans le fruit dès le début? Pourquoi la France ne pourrait-elle avoir un président comme les autres, comme en Allemagne, au Portugal, en Suisse, en Autriche, en Italie, quelqu'un qui préside sans règner, qui joue le sage au-dessus de la mêlée et laisse son gouvernement gouverner? François Hollande voulait être un "président normal". ll y a maldonne. Les Français veulent un président omnipotent, qui leur promet la lune et aussi les étoiles et le soleil. Et qu'ils conspueront dès qu'il sera élu.

(1) https://www.amnesty.fr/liberte-d-expression/actualites/les-candidats-et-les-droits-humains?utm_medium=email&utm_source=newshebdo


samedi 15 avril 2017

Des histoires de portes

A une semaine du premier tour de l'élection présidentielle française, le nombre d'indécis n'a jamais été aussi important, affirment les instituts de sondage. On pourrait donc croire que les meetings de campagne servent à convaincre. Ce n'est pas le cas de ceux de François Fillon: ils n'ont visiblement pour but que de galvaniser les supporteurs, pas de faire passer un message auprès de ceux qui s'interrogent. Trois personnes qui assistaient au meeting toulousain du candidat de la droite pour "se faire une idée" ont été mises à la porte parce qu'elles n'exprimaient pas assez d'enthousiasme. Elles avaient "une attitude de neutralité qui pouvaient les rendre suspectes" (1). Dans un meeting,  on attend de vous que vous soyez fan(atique)s. Qui cherche à se faire sa propre opinion inquiète.

Pendant ce temps, la bête de scène qu'est Jean-Luc Mélenchon grimpe dans les sondages. L'homme est incontestablement de gauche, je devrais m'en réjouir, mais je n'y arrive pas.
D'abord, je me méfie de ceux qui disent parler au nom du peuple. Le peuple existe-t-il? Est-il homogène, parle-t-il d'une seule voix, pense-t-il de la même manière? Il faut toujours préférer le pluriel au singulier. Qui sait ce qu'est le peuple? Un homme qui exerce des responsabilités politiques depuis plus de trente ans, qui a été conseiller régional, sénateur, ministre, président de parti, député européen sait-il ce qu'est le peuple?
On sent chez Mélenchon des accents populistes qui (m') inquiètent. On connaît sa hargne envers la plupart des journalistes. Il rejoint là celle de bon nombre de populistes qu'une presse libre dérange.
Il est, et c'est réjouissant, pour une France qui ouvre ses portes aux candidats réfugiés. "Candidat de la paix", il veut offrir l'asile à ceux qui fuient la guerre, la misère et le terrorisme. Bravo! Mais, dans le même temps, il est prêt à quitter l'Union européenne. Il veut renégocier les traités européens et, si cela s'avère impossible, il menace de quitter le navire. En février 2016, le député européen organisait "le procès" de l'U.E. et de sa "masse immense d'insectes bureaucratiques". Une expression qui, elle aussi, flirte avec le populisme. Ainsi donc, pour Mélenchon, la France devrait ouvrir davantage ses frontières en même temps qu'elle les refermerait? Peut-on être internationaliste à l'autre bout du monde et nationaliste à sa porte? Peut-on critiquer les murs et les frontières et vouloir en rétablir autour de soi? Mélenchon est-il le frère de Chevènement qui est à l'origine du nationalisme de gauche? "Face aux faiblesses d'une Europe coupable, selon lui, de tous les maux, écrivait Libération à l'occasion de ce "procès" (2), il s'agirait ni plus ni moins de préparer le Plan B, c'est-à-dire la sortie de l'euro et de l'Union européenne. Il s'agit là d'une logique binaire qui réduit le champ des possibles à une alternative. (...) Les peuples européens n'ont pas à choisir entre l'Europe des marchés et l'Europe des Nations. Entre l'Europe libérale et le Plan B, il existe une autre voie, celle d'une Europe démocratique, écologique et solidaire".
Moins d'Europe ne sauvera personne. Au contraire. Comment améliorer les politiques sociales, environnementales, sécuritaires, de migration, sinon en les harmonisant, en les tirant vers le haut au niveau du continent? Oui, le modèle économique européen est inégalitaire; oui, l'U.E. n'est pas assez démocratique. Mais la quitter pour ces raisons serait témoigner d'un manque d'imagination, de volonté et de combativité; faire preuve de lâcheté et de mépris pour toutes celles et tous ceux qui se sont battus pour abolir les frontières. Quitter l'U.E. serait choisir la régression. Avons-nous un autre choix que d'aller de l'avant, vers une Europe plus forte et plus solidaire?
Dans de très nombreux pays, l'U.E. est devenu le bouc émissaire idéal. L'ancienne ministre belge et ex-députée européenne Isabelle Durant, aujourd'hui députée du parlement bruxellois, le déplore: selon elle, écrit la Libre Belgique (3), "nombreux sont les parlementaires qui ont préféré plonger tête baissée dans la logique du c'est la faute à Bruxelles, plutôt que de se retrousser les manches pour jouer un rôle dans la construction européenne. On est typiquement dans l'européanisation des échecs et la nationalisation des réussites, note la députée." Nombreux sont les parlementaires qui hurlent, de facto, avec les loups populistes, qui expriment critique et dédain pour l'U.E. Quand demain les Britanniques auront quitté l'Europe qui pourront-ils rendre responsables de leurs échecs? Récemment, le Parlement bruxellois organisait un débat intitulé "Europe, je t'aime, moi non plus". "Il y avait six parlementaires sur 89", note Isabelle Durant. Cracher semble plus facile qu'entrer dans un débat.

Post-scriptum:
sur la sortie de l'euro et de l'UE, un billet Jean Quatremer:
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2017/04/11/sortir-de-leuro-ben-voyons/
et l'avis de Joan Sfar qui s'apprêtait à voter Mélenchon, mais a changé d'avis...:
http://tempsreel.nouvelobs.com/presidentielle-2017/20170415.OBS8050/le-coup-de-gueule-du-dessinateur-joann-sfar-contre-la-melenchonsphere.html
et l'avis de Jean-Pierre Filiu par rapport à la position de Le Pen et de Mélenchon sur la Syrie:
http://filiu.blog.lemonde.fr/2017/04/16/le-pen-melenchon-meme-combat-en-faveur-de-bachar-al-assad/

(1) http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/04/14/pas-assez-enthousiastes-ils-se-font-virer-d-un-meeting-de-fillon_1562897
(2) http://www.liberation.fr/planete/2016/02/02/europe-le-contresens-du-plan-b-de-melenchon_1430572
(3) "Les Belges veulent se réapproprier l'Europe", LLB, 1.4.2017.
(re)lire sur ce blog "Vive l'Europe (quand même!)", 15 mars 2017.

vendredi 7 avril 2017

Lettre à Elvire et à mes amis français

Cette lettre a été envoyée personnellement par mél à mes amis, connaissances et copains français.

Chère Elvire,
Cher-e-s ami-e-s français-es,

je sais qu'aucun d'entre vous ne votera pour Marine Le Pen, qu'aucun d'entre vous ne se laisse abuser par son sourire carnassier, qu'aucun d'entre vous ne peut croire à l'entreprise de dédiabolisation de son parti, qu'aucun d'entre vous ne pense qu'on peut avancer en faisant marche arrière.
Mais certains d'entre vous laissent entendre ou entendent autour d'eux qu'il faudra peut-être en passer par là pour se débarrasser du F.N., qu'après tout, si une majorité de Français devait se donner une présidente d'extrême droite, celle-ci ferait vite la démonstration de son incompétence et de la bêtise de son programme et que le Front national perdrait aussi vite le crédit dont il dispose actuellement parce qu'il n'a jamais exercé le pouvoir.
Certains estiment aussi que, de toute façon, même si la fille à papa devait présider la France elle n'arriverait pas à la gouverner, faute de disposer d'une majorité parlementaire. Ce dont je ne suis pas si sûr, vu les positions de plus en plus dures du parti nommé Les Républicains, vu aussi les appétits de pouvoir de certains, prêts à vendre leur âme au (dé)diable pour quelques portefeuilles ministériels.
L'hypothèse Le Pen m'angoisse. Le jusqu'au-boutisme de François Fillon et l'éclatement prévisible de la droite autant que de la gauche pourraient bien profiter à la Le Pen. Ce qui est incompréhensible, parce que, au vu de la quantité de casseroles qu'elle trimbale derrière elle, on croirait plutôt qu'elle concourt pour Top Chef (1). Mais - on l'a vu avec la victoire du Brexit et de Donald Trump - nous avons visiblement quitté l'ère du raisonnable. Aujourd'hui, tout est possible et permis et la probité compte peu. Marine Le Pen ne jure que par la police et réclame une justice plus ferme et plus rapide, sauf quand elle est concernée personnellement, pauvre petite fille riche martyrisée par un système dont elle aura profité mieux que personne.

Nous sommes venus de Belgique nous installer en Berry, Hélène et moi, il y a bientôt quatre ans, dans une France  ouverte, un des acteurs majeurs de l'Union européenne. C'est en tant que citoyens européens, libres de circuler et de s'installer dans cet immense espace commun que nous pouvons vivre cette belle aventure d'un changement de vie qui nous a notamment permis d'avoir le plaisir de rencontrer plusieurs d'entre vous. Aujourd'hui, je suis inquiet. Pour nous, mais aussi et surtout pour tous ceux, Français ou non, qui vivent déjà dans des conditions difficiles. Je pense particulièrement à ceux qui vivent de manière extrêmement précaire, à ceux qui ont cru que la France, patrie des droits de l'homme, leur ouvrirait ses portes et leur permettrait de vivre en sécurité, loin d'une terre natale qui ne leur offre que guerre et misère. Tels les jeunes Afghans, Érythréens, Pakistanais, Soudanais à qui, avec beaucoup d'autres (et c'est réjouissant de voir autant de gens se mobiliser!), j'apporte un peu d'aide.

Il ne faut jamais donner sa chance au pire. Il est toujours pire que ce qu'on imagine.
Une victoire de l'extrême droite, ce serait un triomphe pour les racistes, les sexistes, les homophobes, les antisémites, une libération de la violence verbale comme physique. C'est ce qui se passe aujourd'hui aux Etats-Unis, où les agresseurs racistes et antisémites se sentent légitimés par la victoire de Trump. Marine Le Pen est l'arbre qui cache (mal) la forêt. Dans l'arrière-cuisine du F.N., derrière sa façade repeinte, ça sent toujours le même graillon qui donne envie de vomir.
Proche de l'autocrate Poutine (dont elle a été chercher la bénédiction à Moscou), soutien du boucher Assad (2), admiratrice d'Ubu Trump (qu'elle est convaincue avoir inspiré), l'héritière dirige un parti affairiste et fondamentalement raciste qui compte, et de loin, le plus grand pourcentage d'élus mis en examen ou condamnés (3). A lire et entendre les militants et sympathisants du FN, le racisme s'y porte bien et s'y exprime allègrement (c'est le terme le plus approprié, hélas) (4). Ses soutiens inventent et diffusent des théories du complot, toutes plus hallucinées les unes que les autres. La vérité ne compte pas pour eux, seuls valent les arguments, même totalement insensés, qui peuvent semer le trouble dans des esprits prêts à se laisser coloniser.
Marine Le Fiel se présente fièrement comme une des deux seules femmes candidates à l'élection présidentielle et a été faire un sketch à Beyrouth, tentant de se faire passer pour une féministe. Curieusement, elle est la seule candidate qui ait refusé de rencontrer l'équipe du mensuel féministe Causette (5). Courage, fuyons!

Une victoire de Le Pen constituerait une menace immense pour l'Union européenne, si elle parvenait à mettre en application son projet d'abandon de l'euro (6), voire de retrait de l'Union européenne et de fin de la libre circulation des citoyens européens. Son programme se résume en un mot: casser.
Peut-être faut-il rappeler aux électeurs potentiels de la démolisseuse pourquoi l'Union européenne s'est construite. Pour unir des peuples qui pendant plus de deux millénaires se sont affrontés; pour éviter désormais toute guerre militaire et économique; pour bâtir des projets communs; pour se donner des règles collectives, parce que la nature, l'eau, la pollution, la culture, la vie n'ont pas de frontières.
Les pro-Brexit, les anti-européens, Trump, Poutine, les islamistes, les populistes se frottent déjà les mains, émoustillés par la perspective de la fin d'une union et du triomphe du nationalisme. Allons-nous nous retrouver dans une France racrapotée sur elle-même, fermée aux étrangers? Si cela devait être le cas,  il y aura eu, pour nous, tromperie sur la marchandise. Ce n'est pas cette France-là que nous avons choisie, pas cette France-là qui nous a accueillis. Pas une France qui se donnerait une petite présidente, mesquine, repliée sur un passé mythifié, voilée dans son drapeau. Faire confiance à Marine Le Pen serait monter dans une voiture conduite par un conducteur qui enclenche la marche arrière et appuie à fond sur l'accélérateur en roulant sans rétroviseur. L'embardée ne devrait pas tarder. Et elle ferait d'innombrables victimes. Surtout parmi les plus vulnérables.

Ne laissez personne dire qu'il votera pour Le Pen sans réagir, ne laissez personne penser que la France peut traverser aisément une expérience aussi rétrograde qui s'avérera vite génératrice de dégâts difficilement réparables. Un million quatre cent mille étrangers membres de l'Union européenne vivent en France, dont la moitié d'actifs. Le principe de "préférence nationale" et la taxe sur les emplois d'étrangers les pénalisera (7). Ils le seront plus encore si la France quitte la zone euro et, pire, l'Union européenne. Si les étrangers devaient fuir la France, ce serait une catastrophe totale pour les régions françaises qui se désertifient. Certaines revivent un peu, ou en tout cas subsistent, grâce à l'installation de citoyens européens attirés par la qualité de vie et de paysage des campagnes françaises. Certaines écoles rurales restent parfois ouvertes grâce à l'arrivée d'enfants venus d'ailleurs, notamment de réfugiés. Refermer le pays sur lui-même serait une erreur historique pour ces zones qui se sentent déjà abandonnées et le seraient ainsi bien plus demain.
Quitter l'U.E. serait une catastrophe de plus pour les agriculteurs, quoi qu'en dise la Le Pen qui multiplie mensonges et contre-vérités pour les séduire. Les étudiants français savent-ils que, si leur pays devait quitter l'Union européenne, il abandonnerait du même fait le programme Erasmus?
Quitter l'U.E. serait une catastrophe totale pour une ville comme Strasbourg qui accueille non seulement le Parlement européen mais aussi de nombreux services et organismes européens (8). Ce serait une perte pour Angers qui accueille l'Office communautaire des Variétés végétales, pour Valenciennes où siège l'Agence de l'Union européenne pour les chemins de fer.
En Grande-Bretagne, les conséquences négatives du Brexit se font déjà sentir: l'Orchestre baroque de l'Union européenne, qui y était basé depuis 1985, va quitter le Royaume-Uni pour s'installer à Antwerpen en Belgique. Sa directrice estime que les restrictions en matière d'immigration et de libre circulation deviendront trop compliquées à gérer. L'Orchestre des jeunes de l'Union européenne va, lui aussi, quitter la Grande-Bretagne pour un autre pays européen, pour éviter les contraintes administratives à venir (9). Diverses entreprises et institutions s'apprêtent à faire de même. De nombreuses banques de la City pensent délocaliser une partie de leur personnel à Francfort.
Un constructeur automobile allemand qui envisage un investissement de 80 millions en Alsace a ajouté une clause dans le contrat: si d'ici la fin 2017 la France manifeste son envie de sortir de la zone euro, le contrat sera nul et non avenu (10).
Ce n'est pas moins d'Europe qu'il nous faut, c'est une meilleure Europe, plus axée sur le social et sur le culturel. Marine Le Pen se dit convaincue que hors de l'U.E. la France retrouvera sa grandeur, alors qu'elle ne sera plus qu'un petit pays sur la scène mondiale.

Chère Elvire,
Cher-e-s ami-e-s français-es,
j'espère que le pire n'arrivera pas et je n'ai pas voix au chapitre (électoral). Mais je vous en prie, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour cela. Parlez, argumentez, votez et encouragez à aller voter (pour un candidat qui défende une Europe plus forte et plus juste), faites barrage aux nuisibles, faites comprendre à celles et ceux qui sont tentés de voter pour la candidate de l'extrême arrière que ce serait là le choix du suicide, même pas assisté.
Certains observateurs estiment que l'abstention pourrait être importante et qu'elle profiterait à MLP. Beaucoup de jeunes annoncent leur intention de voter blanc ou de s'abstenir, si pas au premier, en tout cas au second tour. J'ai entendu un jeune affirmer qu'il votera Mélenchon au  premier tour et qu'il devra se retenir pour ne pas voter MLP au second "pour créer de l'instabilité". L'anthropologue et spécialiste de la finance Paul Jorion affirme recevoir des mails de personnes annonçant qu'elles voteront Mélenchon au premier tour et Le Pen au second si Mélenchon n'y est pas (11). Tous ces gens veulent "leur" donner une leçon, ce "leur" étant visiblement un pronom indéfini. Ils n'ont pas l'air conscients que cette leçon, cette instabilité ils seront les premiers à se les prendre dans la figure, comme un boomerang incontrôlé. Tous les programmes, tous les candidats ne se valent pas. Certains sont extrêmement dangereux!
Certains experts estiment que la reine des nuisibles pourrait être élue grâce aux abstentionnistes: c'est l'absention différenciée qui pourrait la faire gagner même avec moins de 50% des voix (12). Si on veut éviter le pire, il faudra absolument aller voter, en se bouchant le nez s'il le faut. Peut-être pas pour quelqu'un qu'on apprécie, mais pour éviter la peste noire, une épidémie qu'on éradique difficilement.

En attendant, je vais me mettre à l'espagnol. Ou plutôt au catalan. Cent soixante mille personnes ont manifesté à Barcelone en février pour réclamer l'accueil de plus de réfugiés (13). Si la fille à papa Le Pen l'emporte, allez hop, direction l'Espagne!
Ou alors Lampedusa? Cette île italienne de 6.000 habitants a vu débarquer et passer par chez elle en  vingt-cinq ans 350.000 demandeurs d'asile, sans que cet afflux n'altère "l'esprit d'accueil qui caractérise depuis toujours les Lampédusiens" (14).
Mais, franchement, c'est au beau milieu de la France que j'ai envie de continuer à vivre.
Comme disent les politiques chez vous à la fin de leurs discours, vive la France! Mais celle des Lumières! Et vive l'Europe!
Délivrez-nous du mal. Amen et cordialement.
Michel Guilbert

Les hommes avaient perdu le goût
De vivre, et se foutaient de tout
Leurs mères, leurs frangins, leurs nanas
Pour eux c´était qu´du cinéma
Le ciel redevenait sauvage,
Le béton bouffait l´paysage... d'alors (...)
Oh, tu peux rire, charmante Elvire,
Les loups regardent vers Paris.

                                          Albert Vidalie

Post-scriptum: une nouvelle chanson de Maxime Le Forestier, sur la France. Elle a pour titre "Vieille dame":
http://www.huffingtonpost.fr/maxime-le-forestier/paroles-vieille-dame-maxime-le-forestier_a_22037379/?utm_hp_ref=fr-homepage
http://www.huffingtonpost.fr/2017/04/14/maxime-le-forestier-revient-avec-un-morceau-politique-sur-la-fra_a_22038662/?utm_hp_ref=fr-homepage

A lire aussi: ce patron français qui incite ses 4.500 salariés à ne surtout pas voter pour Marine Le Pen et "son programme aberrant":
http://www.huffingtonpost.fr/2017/04/04/jean-luc-petithuguenin-a-alerte-ses-salaries-sur-les-risques-du_a_22024942/?utm_hp_ref=fr-homepage
Et cet autre chef d'entreprise qui prend aussi une position ferme contre MLP:
http://www.huffingtonpost.fr/guillaume-cairou/chef-entreprise-marine-le-pen_a_22035252/?utm_hp_ref=fr-homepage
Sur les intox des candidats sur l'U.E., lire:
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/04/07/presidentielle-le-festival-d-intox-des-candidats-sur-l-europe-lors-du-grand-debat_5107575_4355770.html
A (re)lire sur ce blog:
"Vive l'Europe (quand même)!", 15 mars 2017;
"Gens honnêtes et honnêtes gens", 17 février 2017;
"Le sens de la famille", 31 janvier 2015;
"Vieilles marmites", 16 janvier 2012
et tant (trop!) de billets sur les Le Pen, leurs mensonges, leur agressivité et leurs casseroles.

(1) http://www.lemonde.fr/videos/video/2017/02/27/les-affaires-qui-menacent-marine-le-pen-en-3-minutes_5086394_1669088.html
(2) Bernard Guetta, France Inter, 21.2.2017, 8h15.
(3) "Le F.N. compte, et de loin, le plus grand pourcentage d'élus mis en examen. De 1997 à 2012, 15,7% des élus F.N. ont été mis en examen ou condamnés, contre 3,12% des élus du parti Les Républicains et 1,94% des élus P.S. Mais peu importe, c'est tout de même le F.N. qui dénonce le plus vivement la corruption de nos hommes politiques." Guillaume Erner, Charlie Hebdo, 8 février 2017.
(4) Revue de presse,  France Inter, 19.2.2017 et chronique de Guillaume Meurice, "Si tu écoutes, j'annule tout", France Inter, 28.2.2017. Et aussi Nadia et Thierry Portheault, "Revenus du Front - deux anciens militants FN racontent", Grasset 2014. Et encore Claire Checcaglini, "Bienvenue au Front - journal d'une infiltrée", éd. Jacob-Duvernet 2012.
(5) "Les allégations féministes de Marine Le Pen", Causette, mars 2017, p. 24.
(6) http://www.huffingtonpost.fr/henri-weber/la-sortie-de-euro-fn-est-un-scenario-catastrophe-anti-national/?utm_hp_ref=fr-homepage
(7) https://oeilsurlefront.liberation.fr/les-intox/2017/03/30/si-une-arrivee-de-le-pen-au-pouvoir-changerait-enormement-de-choses-pour-les-europeens-en-france_1559262
(8) le Centre d'information sur les institutions européennes, l'Enterprise Europe Network, l'Antenne Media, les Centres de Documentation européenne, l'Etat-Major du Corps européen, la Fondation européenne de la Science, l'Assemblée des Régions d'Europe et d'autres institutions encore.
(9) Dépêches Notes, France Musique, 20.2.2017.
(10) France Inter, 1.3.2017, Journal de 7h.
(11) Télérama, 22 mars 2017 et
http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/03/09/a-roubaix-il-y-en-a-meme-qui-revendiquent-de-ne-pas-aller-voter-a-la-presidentielle_5091970_4854003.html
(12) http://theconversation.com/pourquoi-et-comment-marine-le-pen-peut-gagner-avec-moins-de-50-dintentions-de-vote-74994
(13) http://www.lalibre.be/actu/international/quelque-160-000-manifestants-a-barcelone-pour-l-accueil-des-refugies-en-espagne-58a88c61cd702bc31943f1b6
(14)  Le Courrier international n° 1371, 9.2.2017, p. 42.

mercredi 5 avril 2017

Big Brother is watching you

L'Administration américaine aurait l'intention d'obliger les touristes qui veulent se rendre aux Etats-Unis à communiquer leurs contacts téléphoniques, les mots de passe de leurs comptes sur les réseaux sociaux et leurs données financières. Les touristes devraient également répondre à un questionnaire portant sur leur idéologie (1).
Je me permets d'ajouter quelques modestes suggestions pour améliorer la sécurité des Etats-Unis.
En demandant leur visa, les touristes devraient faire parvenir à l'ambassade américaine copie de leurs bulletins scolaires depuis la première année primaire et des contrats d'assurance qui les couvrent, eux et leur famille, ascendants et descendants. Les touristes devraient également signer un document s'engageant à ne pas être malades, à ne pas se blesser et à ne pas avoir d'accident durant la durée de leur séjour. Ils pourraient également s'engager à ne pas penser durant cette même période.
Les touristes devraient prendre l'avion nus et sans le moindre bagage, ce qui éviterait tout risque qu'ils cachent des armes ou des explosifs et serait à la fois bénéfique pour le commerce américain, puisqu'ils devraient s'acheter vêtements, chaussures, ordinateur, téléphone, etc., une fois autorisés à entrer sur le sol américain.
On notera que cette volonté de transparence est assez étonnante de la part d'un président qui a toujours refusé de publier ses déclarations d'impôts. On a toujours pensé qu'Ubu Trump n'avait aucun sens de l'humour. Voilà qu'il nous prouve le contraire.

(1) http://www.lalibre.be/actu/international/l-administration-trump-veut-consulter-les-telephones-et-comptes-sociaux-des-touristes-58e3c2a3cd70812a6539026d
http://www.liberation.fr/planete/2017/04/04/faudra-t-il-bientot-donner-son-mot-de-passe-facebook-pour-entrer-aux-etats-unis_1560507

vendredi 24 mars 2017

Gardons nos distances

Trois maisons voisines et trois écriteaux presque semblables: "Attention au chien", "Chien méchant", "Chien bagarreur". On se méfie, on passe sur le trottoir d'en face, sans cependant voir ni entendre aucun molosse, pas même un caniche.
Un peu plus haut dans la même rue, un écriteau sur une porte: "Danger, ne restez pas ici".
On obéit, on reprend sa voiture et on rentre chez soi.
Il y a des villages accueillants, d'autres qui le sont moins. Allez savoir à quoi ça tient. 

mercredi 22 mars 2017

Les braves sociologues

Ils sont gentils, les sociologues. Ils nous offrent des explications simples à des problèmes compliqués.  Ils ont mieux compris les situations que les gens qui les vivent au quotidien. Et les sociologues blancs, très gentiment, n'hésitent pas à prendre la parole à la place de personnes d'origine maghrébine qui n'ont visiblement pas bien compris ce qui se passe autour d'elles.
Lundi, sur le plateau de l'émission 28 minutes sur Arte (1), il était question, une fois encore de lutte contre la radicalisation islamiste. Le sociologue Michel Fize a une explication: s'il y a de plus en plus de jeunes radicalisés en France, c'est "parce qu'il y a de plus en plus de souffrance, de désespérance, de colère, tous ces sentiments étant mêlés, qui font qu'un jeune va basculer parce qu'il ne voit plus une société qui lui apporte un sens". Nadia Remadna, fondatrice de la Brigade des Mères, lui répond, à partir de son expérience que, chez les radicalisés, "on a tous les profils", le facteur social en étant un parmi d'autres. Il faut sortir, dit-elle, du cliché du jeune abandonné socialement. "On ne se radicalise pas parce qu'on est pauvre, on se radicalise à cause d'une idéologie. Il faut travailler sur les rabatteurs qui transmettent la haine à nos enfants". Elle appelle à s'éloigner du "discours de victimisation".
Abdelghani Merah, frère aîné de Mohamed Merah qui a assassiné neuf personnes, va dans le même sens, appelant à empêcher de nuire des prédicateurs extrêmement dangereux et dont certains sont bien connus des autorités. Lui qui a été élevé par ses parents "dans la haine des Français et des Juifs" vient de traverser la France à pied durant trente-neuf jours (2) pour défendre la laïcité et la République qu'il remercie: "j'ai été élevé par la France, par la police de proximité, par l'Education nationale".
Le sociologue n'a pas l'air de l'entendre, il enfonce le clou et renforce le cliché: "qui sont les plus exclus de notre société?, demande-t-il. Des jeunes qui appartiennent à ces quartiers, souvent, du fait de leur couleur de peau, plus discriminés que les autres". Nadia Remadna a des gestes de dénégation, lève les yeux au ciel. Visiblement, elle n'a pas été entendue. Puis, Michel Fize a ce constat imparable: parlant de l'agresseur d'une militaire à Orly il y a quelques jours, il constate que "dans l'histoire de cet homme, on s'aperçoit que tout pourrait avoir basculé après la perte du frère aîné, qui l'a littéralement traumatisé. Donc y a un problème de lien social qui s'est défait progressivement, une cicatrice qui ne s'est pas fermée." C'est le même sociologue qui en appelait quelques minutes auparavant à la complexité des analyses. Il ne nous explique pas pourquoi la perte d'un frère amène un homme de trente-neuf ans à vouloir tuer des gens qui n'ont rien à voir avec son histoire personnelle, pourquoi un sentiment d'abandon social mène des jeunes à se transformer en tueurs lâches. A quoi sert un sociologue? A nous dire que les agresseurs sont des victimes? A nous culpabiliser? On repense à Edwy Plenel pour qui la barbarie de Daech n'est que la réponse à notre barbarie (3). Et celle des nazis à qui répondait-elle?
(note: j'ai zappé ensuite, tant les braves explications du bon blanc m'apparaissaient insupportables. Il faut dire que s'annoncait alors le sketch de Thibaut Nolte, le roi du cliché... J'en avais mon compte pour ce soir-là.)

(1) http://sites.arte.tv/28minutes/fr/bertrand-perier-et-eddy-moniot-radicalisation-comment-empecher-le-passage-la-violence-28minuten
(2) http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/19/le-frere-de-mohamed-merah-nous-raconte-les-deux-moments-forts-de_a_21895652/?utm_hp_ref=fr-homepage
(3) cité par Philippe Val dans "Malaise dans l'inculture", Grasset, 2015, p. 249.

mercredi 15 mars 2017

Vive l'Europe (quand même) !

Il est de bon ton de critiquer l'Union européenne. Les populistes (qu'on appelle à tort eurosceptiques alors qu'ils sont au moins europhobes ou plus clairement anti-UE) l'accusent de tous les maux. C'est le bouc émissaire idéal. Elle briserait toute identité nationale et ôterait toute marge de manœuvre aux gouvernements nationaux. Pour d'autres, elle ne serait que le jouet des grandes multinationales et des lobbies économiques. Pour d'autres encore, elle serait tout cela et bien pire encore. Toujours elle est vue comme un machin déconnecté des réalités des citoyens et géré par des technocrates qui édicteraient des règles contraires aux intérêts des pays membres. Alors que ses différentes instances sont exclusivement composées de personnes désignées, par élection ou non, par les différents pays membres de l'Union (1).

Au départ, l''Europe s'est bâtie sur l'économie et le commerce, c'est une réalité, et elle doit évoluer vers plus de justice sociale et de solidarité encore. Les lobbies industriels y ont une influence trop importante, c'est un fait. Les entreprises y ont trop de poids. Mais quel intérêt ont tous ces contempteurs de l'Europe à jeter le bébé avec l'eau du bain? L'Europe souffre aujourd'hui d'une image ternie, mais aussi des analyses faciles, populistes, des rumeurs du Café du Commerce. Peut-on rappeler d'où elle vient? Rappeler que son premier objectif était de mettre fin à plus deux millénaires de guerre entre les peuples qui y vivent? Rappeler que la nature et l'eau se moquent des frontières et qu'on ne peut aujourd'hui intervenir uniquement sur des territoires nationaux si on veut les  préserver? Peut-on rappeler que l'U.E. agit dans des domaines extrêment divers?

Personnellement, j'ai eu la chance de participer à des festivals transnationaux aidés par des subventions européennes. J'ai eu le plaisir de jouer dans un spectacle financé par le programme Euraphis (qui cherche à mettre en valeur le patrimoine touristique des villes). Je connais de nombreuses institutions culturelles, des parcs naturels, quantités d'organisations de jeunesse, d'éducation permanente et de projets locaux qui ont bénéficié d'aides européennes. Avec d'autres militants écologistes et naturalistes, nous avons pu nous appuyer notamment sur les directives européennes sur l'eau, sur les oiseaux et sur le programme Natura 2000 pour nous opposer à un projet des années '60 potentiellement nuisible à l'environnement qui voulait se développer à la frontière franco-belge. La Province de Hainaut où j'ai longtemps habité a bénéficié pendant des années de subsides Objectif 1, qui soutiennent les régions en retard de développement. Et si certains des projets soutenus par cette aide ont pu être contestés ce fut le fait des pouvoirs locaux et régionaux concernés plutôt que de l'Union européenne. 
J'entends un peu partout les agriculteurs contester la P.A.C., la Politique agricole commune  (2),  mais s'effrayer à l'idée de n'être plus aidés par l'Europe. Je les entends s'opposer à l'importation de produits étrangers sur leur territoire tout en espérant exporter toujours plus leurs productions dans les pays voisins. Comme si les frontières pouvaient n'être fermées que dans un sens.
J'ai vu mes étudiants, belges et français, revenir enthousiasmés de leur année passée dans un établissement  d'enseignement en Lettonie, en Italie, en Roumanie, en Espagne, en Pologne ou aux Pays-Bas, dans le cadre d'échanges Erasmus. Ici où je vis au beau milieu de la France (grâce au principe de libre circulation des citoyens européens), les infrastructures d'accueil des paysans et des maraîchers qui participent à une importante foire mensuelle ont été rénovées grâce à des subventions européennes. Récemment, je visitais un musée rural dans le Limousin, lui aussi rénové grâce à l'U.E.

Hier en Grande-Bretagne, aujourd'hui-même aux Pays-Bas, demain en France et ailleurs, des partis et des candidats veulent enclencher la marche arrière, mettre à terre une construction, entamée il y a soixante ans, difficile, délicate, passionnante et en chantier permanent. Après celle du Brexit, une autre victoire des casseurs serait une catastrophe stupide. Le repli sur soi, la fermeture des frontières vont à contre-courant de l'Histoire et de l'humanité.
Pour en finir avec les analyses simpliste et les mensonges sur l'U.E., il est temps que celle-ci se fasse mieux connaître de ses citoyens, notamment dans les secteurs social, culturel, environnemental, de susciter une nouvelle mobilisation, de relancer un projet collectif.

Post-scriptum: durant la période 2014-2020, la Région Centre - Val de Loire aura reçu plus de 630 millions d'euros de l'Union européenne, une ressource plus importante que celle de l'Etat français, affirme François Bonneau, président de la Région (Journal de France 3 Centre, 29 mars 2017).

(1) (re)lire sur ce blog "Allo, la Terre, ici Bruxelles!", 7 juin 2016.
(2) http://bruxelles.blogs.liberation.fr/2017/02/28/reforme-de-la-pac-comme-un-elephant-au-milieu-du-salon/

lundi 13 mars 2017

Les yeux au beurre noir de la démocratie

C'est compliqué la démocratie. Ça se fait bousculer. Ça pose plein de questions. Comme le peuple, ça a bon dos.
Erdogan le mégalomaniaque voudrait changer la constitution turque pour avoir tous les pouvoirs, être le chef, et le seul, de l'Etat, du gouvernement et de la justice. Et sans doute directeur de rédaction de tous les organes de presse de son pays. Pas sûr que son peuple l'entendra de cette oreille, il envoie ses ministres faire campagne dans les pays européens où les communautés turques sont importantes. Il compte ainsi sur les expatriés pour faire passer son projet. Il injurie les gouvernements européens qui s'opposent aux meetings de ses représentants sur leur sol. Ce ne sont pas des démocraties, dit-il. Il va jusqu'à leur reprocher des méthodes nazies. Et dans le même temps, il fait tout ce qu'il peut, dans son propre pays, "champion du monde des journalistes emprisonnés" (1), pour empêcher les meetings de l'opposition. Il veut donc pouvoir s'exprimer librement partout, sans laisser ceux qui ne sont pas d'accord avec lui en faire autant. Le vote des Turcs de l'étranger pose question quand les enjeux sont aussi importants. Est-il démocratique de donner à des gens qui ne vivent pas dans un pays le même droit de vote qu'à ceux qui y résident et vont devoir subir, au prix de leur liberté parfois, physique et d'expression, les conséquences du référendum? Le principe "un homme - une voix" doit-il être, en toutes circonstances appliqué? Est-il toujours démocratique?
En France, dans la droite ligne de la campagne du Brexit et de celle de Dingo Trump, certains candidats multiplient impunément les mensonges. François Fillon a fustigé les médias qui avaient annoncé le suicide de sa femme. Mais personne ne trouve trace d'une telle information. Voilà à présent qu'il évoque un faits divers dans le Vaucluse: des garçons s'amusaient, dit-il, à envoyer au lance-pierres des lames de rasoir dans les jambes de filles portant des jupes courtes. Ici encore, personne n'a entendu parler de tels agissements (2).
Marine Le Fiel, elle, monte d'un cran encore dans ses théories du complot. Si l'U.E., a-t-elle affirmé, veut créer une armée européenne, c'est pour "tenir le peuple par les armes". Elle parle de "sombre projet" qui illustre les "dérives totalitaires" de l'Europe. Peut-être faudrait-il alors supprimer l'armée française? Elle pourait tenir le peuple par les armes. Elle dénonce "le projet mondialiste", affirme que  ses adversaires sont soutenus par "les tireurs de ficelles à Wall Street ou à Bruxelles" (3). Bref, les vieux arguments populistes outranciers et mensongers. La démocratie consiste-t-elle à laisser des candidats dire n'importe quoi? Les campagnes électorales autorisent-elles tous les sketchs, même les plus stupides ? Pas sûr qu'on puisse se rassurer en se disant que les électeurs savent faire preuve de maturité.

(1) https://rsf.org/fr/actualites/la-turquie-pays-champion-du-monde-des-journalistes-emprisonnes
(2) http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/11/lintrouvable-fait-divers-evoque-par-francois-fillon-en-meeting/?utm_hp_ref=fr-homepage
(3) http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/11/chateauroux-marine-le-pen-discours-complotiste/?utm_hp_ref=fr-homepage

vendredi 3 mars 2017

Mieux vaut avoir son passé derrière soi

La logique des électeurs est parfois difficile à suivre. 
François Fillon est de plus en plus lâché par les siens. Le champion choisi par la droite est soupçonné d'emplois fictifs. Il aurait engagé son épouse comme assistante parlementaire sans qu'elle n'occupe la fonction. Il risque pour cela d'être mis en examen. A droite, de nombreuses voix s'élèvent pour pousser Alain Juppé, battu par Fillon au second tour de la primaire de la droite, à prendre sa place. Et cette perspective devient de plus en plus crédible. Vollà d'ailleurs qu'un sondage annonce que, s'il était candidat, Juppé passerait devant Macron et Le Pen (1).
Ainsi donc, pour de très nombreux Français, mieux vaut un candidat déjà condamné pour emplois fictifs (2) qu'un candidat qui a toutes les chances de l'être. 
On voit par là que l'électeur est un être insaisissable.

(1) http://www.lalibre.be/actu/international/d-apres-un-sondage-juppe-devancerait-macron-et-le-pen-s-il-se-presentait-direct-58b94fbdcd708ea6c0f424c3
(2) "Il est contraint de quitter la vie politique en 2004, la cour d'appel de Versailles l'ayant condamné à 14 mois de prison avec sursis et à un an d'inéligibilité pour prise illégale d'intérêts dans le cadre de l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris." (Wikipedia)

mercredi 1 mars 2017

C'est trop injuste

Pathétiques. François Fillon et Marine Le Pen sont pathétiques. Les voilà tous deux rattrapés par la Justice. Les voilà tous deux qui hurlent au grand complot d'une justice instrumentalisée par le gouvernement. Les voilà tous deux qui en appellent au peuple pour les défendre. Alors que c'est à eux-mêmes que doivent s'en prendre ces deux grands bourgeois qui se croyaient au-dessus des lois et surtout au-dessus de la morale.
François Fillon affirme qu'il n'a "pas été traité comme un justiciable comme les autres". Il l'est, répond le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier (1), mais un candidat à la présidence de la République ne peut être considéré comme un justiciable comme les autres. On attend de lui, s'il veut accéder à la fonction suprême, qu'il ait respecté les règles communes. C'est bien le moins qu'on puisse en attendre.
"Au-delà de ma personne, c'est la démocratie qui est viséee", clame Fillon. "Ne vous laissez pas abuser!", dit-il. Par qui? Par lui?  Le champion de la droite se fait résistant et appelle à le rejoindre: "Résistez! Je le fais! Ma famille le fait!". Faut-il résister à la justice? Le voilà même qui parle d'assassinat politique. Ne confondrait-il pas assassinat et suicide? ll va falloir confier l'affaire au commissaire Maigret. Il adore les sombres affaires de province.
Marine Le Pen, de son côté, affirmait encore tout récemment qu'on a suffisamment parlé de cette affaire, qu'il est temps de passer à autre chose. On l'a connue plus virulente vis-à-vis de ses adversaires. Serait-elle fatiguée? Elle s'avère plus prompte à critiquer le fonctionnement de la justice qu'à répondre à une convocation de cette police qu'elle aime tant et qu'elle ne supporte pas de voir méprisée. Et voilà que même le syndicat policier Alliance, pourtant très à droite, se rebelle face aux menaces qu'elle a proférées contre les fonctionnaires aux ordres.
Magnifique dessin de Coco en une de Charlie Hebdo ce jour: on y voit Fillon dans les bras de Le Pen s'encourant, poursuivis par un juge. "Taubira, reviens!", dit Fillon. "On veut une jusice laxiste!", crie Le Pen.
On voit vers qui regardent ces deux candidats, vers Erdogan, vers Orban, vers Trump, tous ces chefs d'Etat qui aime(raie)nt mettre à leur service la presse, la justice et la police. Le Pen et Fillon nous laissent entrevoir ce qu'ils seraient s'ils arrivaient au pouvoir: des autocrates, éliminant les corps intermédiaires entre eux et leur cher peuple. Décidément, il a bon dos, le peuple.

(1) France Inter ce jour, journal de 13h.