lundi 27 septembre 2010

Le succès ne se critique pas

Le succès aveugle, qu'il soit électoral, sportif ou autre. Et autorise à refuser la critique. Et plus encore l'autocritique. On le sait. On en a encore la preuve dans la Libre de ce samedi. Le président du Parti Socialiste, plus triomphant que jamais, y est interviewé. Martin Buxan lui demande si le succès de son parti n'est pas lié au clientélisme qu'il entretient. Elio Di Rupo prend son air pincé. On le voit en le lisant. "Pourquoi critiquez-vous ceux qui ont du succès?", demande-t-il. "On nous jette des expressions comme clientéliste qui ne signifient plus rien du tout", dit-il, après avoir affirmé que ce sont "des propos tenus par des gens qui sont intellectuellement conservateurs". On ne sait en quoi le reproche de clientélisme serait intellectuellement conservateur plutôt que l'inverse. Si ce n'est qu'on devrait savoir sans doute que le Ps a modifié de fond en comble ses pratiques. Mais on ne le sait pas assez. Or il faut croire, imagine-t-on dès lors, que désormais le Ps a supprimé les "permanences sociales", que les élus socialistes n'envoient plus de lettres de recommandation aux ministres, aux directeurs d'administration et aux patrons du privé pour soutenir la candidature de leurs "protégés" à un emploi, qu'ils n'interviennent plus dans les dossiers d'attribution de logements sociaux, que les ministres socialistes ne favorisent plus les communes dont ils ont les clés. Le Ps aurait abandonné ces pratiques conservatrices. Et on ne nous dit rien! Mais que fait la presse?
Martin Buxan parle aussi à Elio Di Rupo de la "machine de guerre" qu'est le PS. "Ai-je l'air d'une machine de guerre?", lui rétorque le président, réduisant ainsi son parti à sa propre personne. C'est sûr, ici aussi, les pratiques ont dû changer: le Ps a dû cesser de nommer des directeurs de l'administration en fonction de leur carte de parti, il a dû couper les ponts avec la Mutualité socialiste, avec la FGTB, avec cette myriade d'instances sociales, économiques, culturelles qui gravitent autour du parti. (Il n'y aurait donc plus de constellation. Juste une star.) Et P&V Assurance n'affichera désormais plus sur ses vitrines les affiches des candidats socialistes. Les employés de P&V n'useront plus de leur statut pour faire campagne, comme ce député-bourgmestre qui m'avouait avoir gardé quelques heures "parce que ça fait des voix". Bref, les temps ont changé et nous, conservateurs intellectuels que nous sommes, nous ne le savions pas.
Elio Di Rupo triomphe aujourd'hui dans tous les sondages et tout le monde lui reconnaît - un point de vue qu'on peut aisément partager - une grande opiniâtreté et de grands talents de négociateur. Le voilà même le deuxième homme politique le plus populaire auprès des Flamands, derrière Bart De Wever. Visiblement, cette position d'homme providentiel lui ôte tout sens autocritique. Même si le Ps a un peu plus le sens de l'éthique, il reste le Ps.(1) Et l'histoire a montré que plus il est puissant, plus il se laisse aller à des dérives hégémoniques. Pour être homme d'Etat, il est bon d'être conscient de tous ses états. Pas seulement d'âme.
D'autant que les manières d'agir du Ps ont, parmi d'autres facteurs (soyons de bon compte, bien sûr), un impact sur l'image de la Wallonie dans les autres régions. On ne s'étonnera donc pas de découvrir, dans le sondage que publiait ce même samedi la même Libre, que seuls 12% des Bruxellois souhaitent la création d'une fédération Wallonie-Bruxelles. Même si "en cas de scission inéluctable du pays", ils sont 39% à la souhaiter, contre 34% (quand même!) à rêver d'un Etat bruxellois indépendant. Au JT de la RTBF samedi, des micro-trottoirs (même si on sait qu'on leur fait dire ce qu'on veut) témoignaient de la distance que nombre de Bruxellois affichent avec la Wallonie. Une image ne tient pas qu'à des mots, mais surtout à des manières d'agir. Et là il faut bien convenir qu'il y a un certain retard de travail à récupérer.

Et qu'on ne vienne pas me considérer, comme certains se plaisent à le faire, comme "un anti-socialiste primaire". Ce serait bien mal me connaître. Et ce serait confondre le mot et la chose, croire que se dire socialiste serait l'être et ne pas comprendre qu'on puisse être à la fois socialiste et très critique vis-à-vis du Ps. Quant à l'adjectif de primaire, il implique l'absence d'analyse, d'expérience et de réflexion. Je préfère celui de secondaire.

(1) voir aussi sur ce blog "La stratégie de l'araignée", 12.09.2009

1 commentaire:

gabrielle a dit…

Détail: Martin BuxanT. ;-)