mardi 20 mai 2014

Une Europe sans charentaises

La plupart des Européens sont comme Monsieur Jourdain: ils pratiquent et profitent de l'Europe tous les jours, mais ne s'en rendent pas compte.
En Hainaut, on ne compte pas les projets locaux et régionaux qui ont bénéficié de larges subventions dans le cadre du programme Objectif 1. Même la place du village où j'habitais a été rénovée grâce à tels crédits (1). Ici, au cœur de la France, l'espace consacré au marché dans un hameau voisin a été rénové grâce à des fonds FEDER.
En tant qu'enseignant j'ai vu de très nombreux étudiants profiter du programme Erasmus. Dans un sens comme dans l'autre: nos étudiants ont eu la chance de pouvoir aller étudier à l'autre bout de l'Europe et nous avons eu le plaisir d'accueillir des étudiants venus d'Espagne ou de Sardaigne, de Lituanie, de Pologne ou de Roumanie. J'ai moi-même eu l'occasion de donner quelques heures de cours à Bucarest.
Le Parc naturel des Plaines de l'Escaut, en Belgique, est en train de créer, avec le Parc naturel régional Scarpe-Escaut, côté français, le premier parc naturel transfrontalier. Des fonds européens soutiennent les initiatives prises par les deux parcs. La nature ignore les frontières.
La Maison de la Culture de Tournai participe à un partenariat, sous forme de festival, avec des institutions sœurs de France et de Flandre. Les fonds INTERREG de l'Union européenne le soutiennent.
On pourrait citer ainsi des centaines, des milliers de projets, dans d'autres domaine aussi, dans l'économie, dans la recherche, dans le social, dans l'agriculture évidemment, qui bénéficient de larges subventions européennes.

Ce qui n'empêche pas quantité d'électeurs d'annoncer qu'ils voteront pour les partis qualifiés à tort d'eurosceptiques, alors qu'ils sont clairement europhobes, proposant un retour en arrière, un repli sur soi, forcément sclérosants et appauvrissants à tous points de vue. Des partis qui n'ont pour programme que le port des charentaises, pour slogan que "home sweet home". Leurs électeurs sont-ils assez naïfs pour ne pas se rendre compte que voter contre l'Europe c'est voter contre ses propres intérêts, qu'on n'avance pas en reculant?
"L'agriculture française reçoit chaque année 9 milliards d'euros de l'Union européenne, rappelait récemment un représentant de la FNSEA. La politique agricole est la principale, si pas la seule, politique européenne commune. Les agriculteurs sont les premiers Européens, affirmait-il." (2) Quelques jours auparavant, plusieurs agriculteurs d'un village du Centre de la France recevaient un candidat du parti de la famille Le Pen et lui apportaient leur soutien. Cherchez l'erreur, l'incohérence.

Il ne faut surtout pas moins d'Europe. Il en faut plus, il faut une meilleure Europe. Une Europe plus sociale, plus axée sur le développement durable, une Europe plus novatrice, plus ouverte. Les problèmes d'énergie, d'emplois, de transport, d'immigration, d'environnement, de culture, de recherche, d'agriculture, etc. ne se règleront pas qu'au seul niveau national. Au contraire. Toutes ces thématiques nécessitent une vision large et concertée.
L'Europe évolue. Pour la première fois, c'est le Parlement européen qui désignera le président de la Commission. Donc les électeurs ont la main. "Le Parlement européen est en train d'acquérir une maturité politique, estime Françoise Castex, eurodéputée socialiste sortante, aujourd'hui militante à Nouvelle Donne en France. Il prend conscience de son pouvoir et je fais le pari que, s'il n'est pas trop dominé par les eurosceptiques, il va en user pour réorienter l'Union européenne." (3) Elle relève que c'est le Parlement européen qui a, malgré une gauche minoritaire, fait rejeter le traité Acta, renforcé la protection des données personnelles, voté sur la neutralité du Net. Elle regrette que "la plupart des partis, dans cette campagne, parlent de tout, sauf du rôle concret des élus au Parlement européen".

Ce 25 mai, ne pas aller voter ou voter pour les europhobes, c'est s'enfermer chez soi et fermer ses volets, plutôt que de chausser ses bottines de marche pour aller voir plus loin.


Pour faire un choix entre les grandes familles politiques en lice:
http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/18/europeennes-plus-quune-semaine-choisir-coup-main-252220

(1) crédits qui, il faut bien le dire, ont été distribués, en Hainaut, par saupoudrage. Mais la responsabilité incombe ici aux autorités régionales wallonnes.
(2) France 3, Journal, 12 mai 2014, 19h30.
(3) http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/03/changement-cela-passera-forcement-parlement-europeen-251883

2 commentaires:

Grégoire a dit…

L'Europe, telle qu'elle est, est la réponse qu'ont trouvée les politiques pour éviter une troisième guerre mondiale (quoi qu'en ce moment, avec l'Ukraine...). Vieux principe libéral : "faites du commerce, vous en ferez pas la guerre". Et je dois bien avouer, qu'avec la suppression des frontières, l'existence de l'euro nous facilite grandement la vie quotidienne, individuelle. Cependant, la frappe de la monnaie est un droit régalien qui nous a été enlevé. Nous avons un euro trop fort qui nous pénalise (on paye les ouvrier d'Airbus en euros et on vend les appareils en dollars...) et que la France n'a plus le droit, seule, de dévaluer sa monnaie. Une dévaluation diminuerait le poids de la rente et favoriserait la circulation de la monnaie et le commerce... Le Danemark fait partie de l'Europe, a gardé sa monnaie et s'en porte très bien, par exemple. Même l'économiste Bernard Maris commence à songer que pour la France une sortie de l'Euro ne serait pas si dramatique.
Ceci dit, selon moi, le principal handicap de l'Europe actuelle, c'est la langue. L'épouse d'un ex-collègue qui travaille à l"Europe", comme on dit, reçoit régulièrement des suggestions comme celle de faire du latin la langue officielle. L'Esperanto pourrait, ou aurait pu, faire l'affaire, mais la volonté manque. Il nous manque une langue commune qui faciliterait une culture commune. Une Europe culturelle existait avant 14, celle de Rainer Maria Rilke...
Je me souviens de Milquet nous promettant, il y a plus de vingt ans, que grâce à l'Europe, des milliers d'emplois seront créés... Je ne dois pas être le seul à m'en souvenir et à faire le même constat...
J'attends aussi une Europe qui protège, et pas seulement les fromages au lait cru.

gabrielle a dit…

@ Grégoire
En 2006, la présidence finlandaise de l'UE a publié des bulletins d'info en latin tout au long de ses six mois de mandat :
http://www.eu2006.fi/NEWS_AND_DOCUMENTS/NEWSLETTERS/EN_GB/NEWSLETTERS/INDEX.HTM

Si une langue commune pour l'UE était un jour choisie, n'optons surtout pas pour l'anglais. Cela faciliterait trop la vie des grandes oreilles étatsuniennes. :-)