lundi 26 mai 2014

Drapeau en berne

Encore des électeurs bernés. A peine le parti de la famille Le Pen a-t-il remporté, en France, les élections européennes que le ciel bleu de ce dimanche se charge lundi de nuages qui ne tardent pas à déverser des trombes d'eau sur un hexagone de plus en plus étroit. Les températures dégringolent, chacun rallume son feu. Bref, c'est l'automne en mai. L'hiver frappe à la porte.

L'Europe a connu ce 25 mai un dimanche plus brun que noir. 25% des Français qui se sont rendus aux urnes ont choisi de voter pour le parti qui les invite à regarder leurs pieds plutôt que l'horizon, à préférer les clôtures aux ponts. Une électrice française explique qu'elle n'apprécie pas les idées du Front bas National, mais qu'elle a voté pour lui "pour la raison que vous savez". "Laquelle?", lui demande de préciser la journaliste. "L'immigration", dit-elle (1).
25% des Français ont choisi de multiplier largement le nombre des députés du FN qui jusqu'ici ont juste brillé par leur absence au Parlement européen. Des profiteurs d'un système qu'ils critiquent et méprisent, incapables d'y apporter des idées nouvelles. Le programme du FN tient sur un timbre-poste. Le Pen père siège depuis trente ans au Parlement européen où on parle plus de lui pour les procès dont il est l'objet pour insultes ou racisme que pour des propositions créatives et novatrices. Ses dernières incontinences verbales, infectes, dignes des nazis (2),  ne l'ont pas empêché d'être réélu. Sans doute par des électeurs "anti-système", ou naïfs ou cyniques.
Voilà donc le parti de la famille Le Pen, poursuivi pour "extorsion en bande organisée et faux et usage de faux"(3), devenu - très provisoirement, on l'espère - le premier de France. Ce parti qui repose sur de grandes valeurs telles que la suffisance, le mépris, la tromperie, la désignation de boucs émissaires (les étrangers, les musulmans, les Juifs, l'Europe et on en passe), la peur de l'autre, le repli sur soi, le rétropédalage, séduit un électeur français sur quatre.
"Vous vous sentez responsables de cette victoire?", demande la journaliste à des représentants du Modem, des Verts et du Front de Gauche (1). Le FN lui-même, par son approche insultante à l'intelligence humaine, est responsable de son succès. Tout autant que ses électeurs, que les abstentionnistes qui ne lui ont pas fait barrage (et qui aujourd'hui se scandalisent de cette victoire avant de s'en accommoder demain), des médias qui adorent interviewer la fille à papa Le Pen parce qu'elle fait de l'audience, et du PS et de l'UMP dont les représentants sont devenus des notables déconnectés de la société et qui accumulent les casseroles (voir l'affaire Bygmalion à l'UMP). Même si le FN en fait tout autant, en pratiquant le népotisme ou en utilisant les mandats politiques au profit de ses élus (voir l'absentéisme des députés européens du FN (4) et les mandats locaux dans le sud-est dans les années '90).
Jean-Marie Le Pen a, paraît-il, parlé de "séisme" à propos du succès de son parti. On est d'accord avec lui, mais partiellement. Il s'agit bien d'une catastrophe, mais elle n'est pas naturelle. Elle est culturelle.

Aujourd'hui, beaucoup de Français se disent honteux de la place du FN dans le paysage politique de leur pays. A cette heure, il pleut toujours. Des larmes de colère, de rage et de désespoir. Les pluies sont acides.

Voilà voilà que ça recommence
Partout partout et sur la douce France
Voilà voilà que ça recommence
Partout partout ils avancent.
                  Rachid Taha - "Voilà voilà"

Attention, mon ami, je l'ai vue
Méfie-toi, la bête est revenue
C'est une hydre au discours enjôleur
Qui forge une nouvelle race d'oppresseurs
Y a nos libertés sous sa botte
Ami, ne lui ouvre pas ta porte.
                  Pierre Perret - "La bête est revenue"

(1) France Inter, Journal, 26 mai 2014, 13h.
(2) sur ce blog, "L'Europe entre détestables et détestés", 21 mai 2014.
(3) sur ce blog, "Pauvre petite fille riche", 17 avril 2014.
(4) sur ce blog, "Chère Marine", 19 mai 2014, et "Cracher dans la soupe", 15 mai 2014.

1 commentaire:

gabrielle a dit…

Lupus pilum mutat, non mentem. Le loup change de peau, pas de mentalité.

http://blogs.mediapart.fr/blog/dianne/270514/le-fn-et-les-connards-de-journalistes

http://www.lemonde.fr/politique/article/2014/05/27/la-numero-2-du-fn-dans-l-ouest-poussee-a-la-demission-car-favorable-au-droit-de-vote-des-etrangers_4427203_823448.html#xtor=RSS-3208