samedi 11 mars 2023

Face à face à Bélâbre

Le village de Bélâbre est fermé à la circulation automobile ce samedi matin, manifestations obligent. Nos visages doivent parler pour nous, les gendarmes ne nous posent pas de question. Des amis croisés un peu plus tard et arrivés par l'autre côté du village nous expliqueront qu'ils leur ont demandé s'ils étaient "pour ou contre", guidant les manifestants vers le groupe de leur choix. Il y a du monde, beaucoup de monde devant la mairie, des gens de toutes générations, femmes, hommes, quelques enfants. On y retrouve des amies et amis, des connaissances. On s'embrasse (moins qu'avant depuis le Covid), se salue, se réjouit de se revoir, d'être aussi nombreux. Sous une pluie fine qui ne cessera pas, le groupe se met en marche, descend la seule rue commerçante du village et se positionne dans le haut de la place, à hauteur du bar-restaurant. Une jeune femme craint de découvrir face à elle des connaissances. On connaîtra maintenant le vrai visage des gens, dit-elle. C'est la question que nous nous posons : qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Mais surtout où sont-ils ? Face à nous, quelques poignées de manifestants épars. Ceux qui sont venus, parfois de loin pense-t-on, dire non à un centre d'accueil de réfugiés, n'ont pas le sens du groupe. Ils ne se connaissent visiblement pas, restent distants les uns des autres. Ce sont surtout des hommes, les femmes sont peu nombreuses. Au fur et à mesure de la matinée, ils seront cependant plus nombreux. Devant eux, se pavane un  tout jeune maire du coin, soutien de Zemmour le haineux, Spike Groen (1), long loden vert, grand chapeau, bottines en cuir et moustaches bien cirées. Il semble vouloir défendre ses manifestants. Régulièrement, il sort sa tablette et photographie celles et ceux qui lui font face. 

Les gendarmes, à l'affût, restent sur les côtés, visiblement prêts à intervenir en cas de heurts ou même de provocation entre les deux groupes.
Du nôtre, les cris fusent, repris en chœur : "Oui au CADA, non à la haine", "Bélâbre, solidarité", "Pas de Zemmour, plus d'amour", "Liberté, égalité, fraternité". Eux réclament "des commerçants, pas des migrants". On a les valeurs qu'on peut. Des jeunes anti-CADA déploient une banderole Reconquête 41. Les rires fusent : "vous vous trompez", "rentrez chez vous", "vous êtes dans le 36". Les anti se rendent-ils compte qu'ils sont récupérés par les zemmouriens ? Ils prennent en otage l'église, du parvis de laquelle ils tiennent leurs discours perturbés par les cris et les sifflets que nous leur adressons. 
Dans notre dos fusent des applaudissements. Le maire et son équipe viennent nous retrouver. Ils sont longuement et chaleureusement applaudis. Merci, tenez bon, bravo, leur crie-t-on. Le maire est ému face à cette foule nombreuse et bienveillante. Il assure qu'il tiendra malgré les menaces, réconforté par ce soutien.
La journée pourrait se poursuivre longtemps ainsi, avec deux groupes qui s'invectivent. Le nôtre remonte vers la mairie, soutenir une dernière fois (avant la prochaine ?) l'équipe municipale, heureux d'avoir été en nombre du côté de la vie et de la lumière. De cette solidarité qui fait tant de bien. Comment leur expliquer, à eux qui ont décidé de voir l'avenir en noir ?

Post-scriptum :
- La Nouvelle République nous apprend (2) que "les opposants au CADA se sont fait couper le sifflet". Un câble de leur sonorisation a été sectionné. La faute à pas de chance sûrement.
- Dans le reportage que France 3 Centre Val de Loire a consacré à ce sujet, on entend un homme déclarer "On est bien chez nous. On n'a pas envie d'avoir ici les étrangers qui vont promener dans la rue, qui sont agressifs, qui sont shootés, qui sont tout simplement dangereux". Est-ce du second degré ? Cet homme s'exprimait avec un fort accent étranger. Il est agressif, c'est vrai, vis-à-vis des autres étrangers. Est-il shooté ? Dangereux ?

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