mercredi 8 mars 2023

Cette sainte haine des femmes

Les islamistes exècrent les mécréants (qui ne pense pas exactement comme eux est mécréant), mais plus que tout ils détestent les femmes. Surtout quand elles ont le culot de se révolter ou de vouloir se former. 
Depuis octobre, c'est par centaines que des écolières et des lycéennes ont été gravement intoxiquées dans leurs écoles en Iran. Fin février, au moins une trentaine (certains parlent d'une centaine) d'établissements scolaires ont été touchées par de mystérieuses attaques. Des objets s'apparentant à de petites bombes sont jetés dans l'enceinte des écoles, dégageant de la fumée et des odeurs extrêmement désagréables. Les jeunes filles étouffent, n'arrivent plus à respirer, souffrent de nausées, de maux de tête, d'engourdissements, de palpitations. Fin février, on dénombrait au moins 830 victimes, dont un grand nombre a été hospitalisé. Seules les écoles de filles sont visées, pas celles qui accueillent les garçons.
Les autorités minimisent. C'est "la nature faible" de ces jeunes filles qui explique leurs malaises. En réalité, tout laisse croire que c'est l'affaiblissement du régime des mollahs, secoué par une virulente contestation, qui est en cause. Il veut prouver sa force en s'attaquant aux filles. Dans un reportage, on entendait une mère jurer que plus jamais elle ne mettrait ses filles à l'école. C'est vraisemblablement le but visé.
"Au sein de la société iranienne, écrit Le Monde (1), de plus en plus de voix commencent à accuser le régime d’être derrière ces événements dans le but de revenir sur certaines libertés obtenues ces derniers mois par les contestataires. De fait, les femmes sont de plus en plus nombreuses à décider de ne plus couvrir leurs cheveux, en dépit de la loi iranienne qui l’impose. « L’empoisonnement dans les écoles de filles, dont le caractère intentionnel a été confirmé, n’est ni arbitraire ni accidentel. Toucher à la liberté vestimentaire acquise grâce à la contestation nécessite de répandre la peur », avertit sur Twitter le célèbre instituteur Mohammad Habibi, de Téhéran. Pour ce syndicaliste tout juste sorti de prison, le seul moyen d’arrêter cette mystérieuse série d’empoisonnements passe par une importante mobilisation du monde de l’éducation."

Même situation dans l'Afghanistan des talibans, ces soi-disants étudiants. Dans les années '90, 40% des médecins étaient des femmes, 70% des professeurs des écoles, 60% des professeurs d'universités, près de 50% des étudiants. Aujourd'hui, seules 14% des femmes savent lire (2).
La plupart des emplois sont interdits aux femmes, elles doivent se couvrir non seulement la tête mais aussi le visage, ne peuvent sortir qu'accompagnées d'un homme, ne peuvent accéder à l'université, pas plus qu'aux parcs publics. Les talibans autant que les mollahs iraniens haïssent les femmes, elles n'ont selon eux pour fonction que de tenir un ménage et faire des enfants. 
Faizan Mustafa rappelle (2) que Mahomet a dit : "Tout musulman homme ou femme doit rechercher la connaissance" et aussi "A qui prend le chemin de la recherche de la connaissance, Allah fera prendre l'un des chemins du paradis". Ce spécialiste en droit constitutionnel relève que Aïcha, la femme du Prophète, était une érudite, que le Coran ou les hadiths n'évoquent aucune interdiction pour les femmes d'acquérir des connaissances et que c'est une femme, Fatima Bint Muhammad Al-Fihriya, qui a créé une des premières universités modernes du monde, celle de Fès : l'université Al-Quaraouiyine. "Ce que les talibans font aux femmes est anti-islamique", dit-il.
Ce n'est pas une question de culture ou de religion, affirme Rina Amiri, envoyée spéciale américaine pour les droits des femmes et des filles. "La communauté mondiale, disait-elle en début d'année (3), doit s'élever contre ces pratiques extrémistes, ou les talibans se sentiront plus forts et inspireront d'autres atteintes aux droits des femmes, des filles et des populations vulnérables ailleurs dans le monde". Visiblement, c'est le cas en Iran à présent. 
"Etre une fille est aujourd'hui un crime haïssable, et ce soir je maudis le Créateur de m'avoir faite pour mener une existence si misérable et humiliante", écrivait récemment une étudiante afghane.

En Iran, les femmes emprisonnées parce qu'elles s'opposent au régime islamique sont violées. "Est-ce que c'est dans le Coran ?", demande l'avocate Shirin Ebadi, Prix Nobel de la Paix 2003 (4). "C'était un des slogans des manifestants : Est-ce que le viol, c'est écrit dans le Coran ? Avec ce simple slogan, le peuple leur a dit : vous n'êtes pas des religieux. Au fond, le peuple iranien a toujours été très laïque. Et a fortiori maintenant. Les Iraniens ont vu ce qu'était une religion qui gouverne. Ils sont devenus laïques."

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/01/en-iran-des-dizaines-d-ecolieres-victimes-d-intoxications-malveillantes_6163710_3210.html
A lire aussi : https://www.lalibre.be/international/moyen-orient/2023/03/05/en-iran-les-cas-dintoxication-continuent-lenquete-se-poursuit-des-echantillons-suspects-retrouves-43DW2BQJ4FCP7EIKXRHGF37UHE/
https://www.huffingtonpost.fr/international/article/collegiennes-empoisonnees-en-iran-l-enquete-n-avance-pas_214841.html
(2) Faizan Mustafa, "Interdire l'université aux femmes est anti-islamique", The Indian Express  (Bombay), 28.12.2022 in Le Courrier international, 12.1.2023.
(3) Zahar Joya, "Etre une fille est un crime", Rukhshana Media (Kaboul), 5.1.2023, in Le Courrier international, 12.1.2023. 
(4) Rencontre avec Shirin Ebadi, Prix Nobel de la Paix 2003, Charlie Hebdo, 18.1.2023.
Sur le même sujet, (re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2023/01/dieu-orphelin-de-naissance.html

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