dimanche 2 juin 2024

RN comme Rance National

Que s'est-il passé ? Il y a vingt ans, la jeunesse disait haut et fort qu'elle "emmerde le Front national" et voilà qu'une part importante de la jeunesse actuelle se laisse séduire par le Rassemblement national, frère jumeau du même Front bas.
Le jeune loup et la mère grand s'affichent côte à côte, tout sourire, sur toutes les places de France et s'apprêtent à faire un carton à l'élection européenne dimanche prochain. Lors de débats, l'un et l'autre ont fait et font la démonstration de leurs grandes limites intellectuelles, mais peu importe pour leurs électeurs leur absence totale d'idées novatrices et audacieuses, leurs revirements, leur bêtise et leurs contradictions. Les sourires, les tapes dans le dos, les flatteries, les phrases creuses et les selfies font office de programme.

Jordan Bardella, tête de liste, évite tant qu'il peut de participer à des débats collectifs, préférant y envoyer certains de ses colistiers, bien conscient de sa faiblesse argumentaire. Le récent débat entre lui et le premier ministre Gabriel Attal a vite tourné à l'avantage de ce dernier qui n'a eu aucun mal à démontrer que le jeune leader d'extrême droite ne maîtrise aucun dossier. Bardella est capable, sur un même sujet, de dire blanc un jour et noir le lendemain, sans sembler se rendre compte de ses contradictions. A moins qu'il s'en moque, convaincu que ce ne sont pas ses idées faisandées qui lui permettront de l'emporter.
Le FN-RN se présente comme anti-système, mais ne fait que conforter le vieux système. Au Parlement européen, ses élus ont systématiquement rejeté les textes qui tentent de sauver le climat et d'améliorer la biodiversité. Et dans le domaine économique, ils défendent les intérêts des plus grands groupes capitalistes. "Selon l'enquête publiée par jevotelobby, des élus du Rassemblement National ont voté à répétition pour défendre les intérêts de grandes multinationales. Super-profits de Total, emballages jetables de McDo, voitures de luxe… loin de son image “antisystème”, l’extrême droite protège les intérêts des puissants et bloque les changements indispensables sur l’urgence climatique."  (1) Deux exemples parmi beaucoup d'autres : le RN a voté l’amendement McDo contre l’interdiction des emballages jetables à usage unique et a rejeté l’amendement Ferrari, accordant ainsi un privilège aux voitures de luxe non françaises sur la réduction des émissions de CO2. 

Un sondage réalisé pour Arte (2) dans l'ensemble de l'Union européenne fait apparaître les priorités des électeurs européens : la santé (41 %), la guerre (38 %), puis à égalité l'environnement et le pouvoir d’achat. L'immigration vient en cinquième position. Le FN-RN prétend défendre, avec des arguments de repli économique suicidaire, le pouvoir d'achat et met en avant la lutte contre l'immigration tout en rejetant systématiquement toute tentative de protection de l'environnement. Sur sa liste figure Thierry Mariani, un élu européen cul et chemise avec le régime de Poutine pour qui il affiche toute son admiration. Le FN-RN est ainsi un parti totalement à côté des enjeux actuels mais qui doit son succès à ses analyses tronquées, au repli identitaire et à la résistance au changement. 

Un texte de loi sur les salaires minimaux dans l'UE a été rejeté par les élus RN (3). Et ils se sont abstenus sur la directive sur la transparence salariale qui permet de lutter contre les écarts de rémunération entre hommes et femmes. Ce sont ces mêmes élus qui osent prétendre être les seuls à défendre le peuple.

"Sur tous les sujets qui font l’actualité, écrit Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde (4), la guerre en Ukraine, la menace russe, le RN a de quoi inquiéter tant sa défense autoproclamée de la souveraineté française s’accorde mal avec la complaisance manifestée par ses dirigeants à l’égard de Vladimir Poutine. En matière économique, les incohérences de son projet sautent aux yeux car si elle a renoncé à torpiller la monnaie unique, Marine Le Pen n’a pas pour autant validé ses règles de fonctionnement. La politique budgétaire qu’elle défend – une accumulation de dépenses et de baisses d’impôts à vocation électoraliste – l’expose à de sérieuses déconvenues."
Du FN au RN, c'est toujours le même vieux parti réac. Cécile Prieur, directrice de la rédaction du Nouvel Obs (5): "Derrière l’image normalisée de ses 88 députés et de son candidat aux européennes, c’est bien un repli hors d’âge que nous vend le parti lepéniste, un Frexit à bas bruit qui découlerait du détricotage méthodique des traités européens qu’il prône. Quant à la préférence nationale, cette idéologie rance, xénophobe et raciste, elle est toujours la pierre angulaire du programme frontiste, brandie sans rire comme la réponse à tous les maux sociaux. Plus c’est gros, plus ça passe : il n’est qu’à voir l’expression de plus en plus décomplexée du racisme, à la table des éditorialistes comme sur les réseaux sociaux, pour comprendre à quel point sont désormais grandes ouvertes les vannes identitaires."

Dimanche prochain, les jeunes électeurs (et les moins jeunes) diront s'ils préfèrent un avenir certes plein d'incertitudes mais vivable et séduisant à un passé moisi et malodorant.

(1) https://secure.avaaz.org/campaign/fr/jordan_bardella_doit_sexpliquer_loc/?baluBfb&v=158274&cl=21400540821&_checksum=93b8fca16515295a4aed277f616d3610bbc13ffa19a7e06dca29cf6b49d897cb
(2) Arte, Journal, 6.5.2024.
(3) https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2024/05/16/europeennes-2024-comment-ont-vote-les-eurodeputes-francais-sur-les-textes-concernant-l-emploi-et-la-protection-sociale_6233542_4355770.html
(4) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/14/l-extreme-droite-n-est-pas-devenue-moins-radicale-qu-a-l-epoque-de-jean-marie-le-pen-mais-elle-est-plus-difficile-a-combattre_6233034_3232.html
(5) https://www.nouvelobs.com/politique/20240516.OBS88442/derriere-le-storytelling-bardella-le-vrai-visage-de-l-extreme-droite.html


2 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

L'idée que les jeunes sont "progressistes" et donc dans "le camp du Bien" et que les vieux sont "réacs" (presque un syntagme pavlovien : "les vieux réacs") a été souvent démentie dans l'histoire. Il suffit de penser au Gardes rouges ou au jeunesses hitlériennes. Notons que chez les jeunes séduits par le RN, ce sont davantage des garçons que des filles. Séduction par le "virilisme" ? Il faut croiser le genre avec l'origine sociale pour mieux comprendre le phénomène.

Michel GUILBERT a dit…

Effectivement, Bernard.
Même phénomène en Flandre : un article de La Libre ce jour révèle que "en Flandre, les jeunes filles sont plutôt attirées par Groen, les garçons par le Vlaams Belang et la N-VA".