mardi 18 février 2025

La conjuration des matamores

Le tueur en série Poutine, parrain de la mafia russe, ne supporte pas d'être traité de nazi. C'est lui qui décide qui l'est et qui ne l'est pas. S'il fait la guerre à l'Ukraine, c'est pour la sortir des griffes des nazis qui la dominent. Sergio Mattarella, le président de la république italienne, a provoqué la fureur de Moscou. Le 5 février, il avait rappelé, rapporte Le Monde (1), l’avènement de « régimes despotiques et illibéraux » ayant conduit à « l’accentuation d’un climat de conflit », faisant prévaloir « le critère de la domination » et aboutissant à « des guerres de conquête ». Et il avait conclu : « Tel était le projet du IIIe Reich en Europe. L’agression russe d’aujourd’hui contre l’Ukraine est de cette nature ».

Le Kremlin est furieux (ou feint de l'être). Cette déclaration de Sergio Mattarella  « ne peut pas rester et ne restera pas sans conséquences », a réagi la porte-parole de la diplomatie russe, réitérant les menaces dont la Russie est maintenant coutumière et rappelant que « malheureusement, l’Italie est le pays où le fascisme est né » et que le président italien « sait combien de soldats italiens ont tué nos grands-pères et nos arrière-grands-pères sur notre territoire pendant la seconde guerre mondiale sous des bannières et des slogans nazis ». Ramenant l'Italie à son passé, elle oublie d'expliquer en quoi les crimes commis quotidiennement par l'armée russe en Ukraine seraient plus justifiés que ceux des fascistes ou des nazis. Le gouvernement russe ne change pas d'attitude : lui seul peut critiquer les autres et il n'est absolument pas admissible qu'on fasse de même à son égard.
Voilà deux ans que l'Ukraine résiste à la guerre de Poutine qui pensait devenir maître du pays en trois jours. Combien de morts, combien de viols, de tortures, de rafles d'enfants a déjà causé cette guerre infâme  qu'aucune justification ne peut excuser (2) ? Combien d'autres demain ?
Poutine, trop heureux d'avoir face à lui désormais des interlocuteurs américains d'une grande faiblesse intellectuelle, de peu de courage, mais d'une arrogance sans borne, s'est trouvé des alliés en Ubu Trump et sa clique, prêts à négocier une improbable paix avec le chef mafieux russe sans associer ni l'Ukraine, ni l'Union européenne aux négociations. Dans leur suffisance, tous ces grands sont très petits. Le sort de l'Ukraine est dans les mains de psychopathes qui se partagent le monde. Aujourd'hui, l'Ukraine, demain la Géorgie, Gaza, Panama, les pays baltes, la Moldavie et tant d'autres pays. 

(1) https://www.lemonde.fr/international/live/2025/02/17/en-direct-guerre-en-ukraine-a-la-sortie-de-la-reunion-d-urgence-a-l-elysee-olaf-scholz-se-dit-oppose-a-une-paix-de-diktat-imposee-a-kiev_6549023_3210.html
(2) A voir sur arte.tv :
https://www.arte.tv/fr/videos/114586-000-A/enfermes-par-les-russes-yahidne-2022/
https://www.arte.tv/fr/videos/109330-000-A/ukraine-sur-les-traces-des-bourreaux/

jeudi 13 février 2025

Un monde encrapulé

Le club des crapules (comme l'appelle le Sunday Times -1) s'est considérablement élargi. A Poutine, Xi Jinping, Khamenei et Kim Jong-un s'ajoutent maintenant Trump et sa bande de cowboys qui jouent au shérif. On peut y ajouter Netanyahou et on a une sacrée brochette de gangsters sans foi (sinon celle que chacun a en lui-même) ni loi (sinon celle qu'ils imposent violemment aux autres). A voir la montée en puissance des populistes et des extrémistes de droite, le club risque de s'élargir beaucoup plus encore dans les années à venir.

Ubu Trump a l'intention de s'approprier la bande de Gaza et de la transformer en un immense temple de la consommation. Il avait déjà, lors de son premier mandat, le même projet pour la Corée du Nord. Ce président n'est qu'un vulgaire promoteur immobilier des années '60. "A l'époque, il avait fait miroiter la perspective d'une Corée du Nord prospère, en sécurité, riche en investissements occidentaux et en stations balnéaires, en échange d'un désarmement nucléaire de la péninsule", rappelle The Sunday Times (1) Il poursuit aujourd'hui le même rêve à Gaza. Les Gazaouis n'ont qu'à aller se faire voir ailleurs, en Egypte et en Jordanie par exemple. Et qu'on ne demande pas à Trump de se soucier de l'avis de la population nord-coréenne ou gazaouie. Il n'a que mépris pour elles. Il en autant pour les Ukrainiens.
Voilà qu'il négocie directement avec le tueur en série Poutine sur le dos des Ukrainiens. Il n'a jamais caché son admiration pour le tsar de la mafia russe et discute avec l'agresseur sans faire de même avec l'agressé. John Bolton, un de ses anciens  conseillers, affirme (2) que "le président Trump s'est rendu à Poutine, avant même que les négociations n'aient commencé". Il se dit convaincu que "Poutine ne veut pas du tout négocier avec Zelensky. Il veut négocier avec Trump parce qu'il pense qu'il peut obtenir davantage de résultats avec lui. Et il a raison." Il sait que pour Trump peu importe la justice, ses intérêts priment. "Honte à l'administration Trump!", dit encore Bolton.

Le monde est aujourd'hui sous la coupe de brutes qui imposent leurs vues, qui négocient entre eux, se partagent le monde, sacrifient sans états d'âme des populations. Les crapules mènent le monde. L'hiver pourrait être long.  

(1) Roger Boyes, "Le Club des crapules prévoit le crépuscule américain", The Sunday Times (Londres), 29.10.2024, in Le Courrier international, 21.11.2024.
(2) site de La Libre, 13.2.2025.

mardi 11 février 2025

Make America Ridiculous Again

Mais où Ubu trouve-t-Il le temps de dormir ? Il a tant de problèmes à régler. Voilà que Suffisant Ier vient de signer un décret pour abolir les pailles en papier et les remplacer par des pailles en plastique (1). Un décret indispensable. La tradition capitaliste doit primer. On sait qu'Il fait supprimer toutes les indicateurs qui témoignent du dérèglement climatique, de la dégradation de l'environnement et de la perte de biodiversité, qu'Il veut aussi faire démonter toutes les éoliennes et favoriser les énergies fossiles. Son ambition est sans limite. Il veut nous faire revenir aux golden sixties. 
Pour préserver la santé de cet envoyé de Dieu, on se permet de Lui avancer, en vrac, quelques idées - c'est autant de temps pendant lequel Il pourra se reposer - qu'Il pourra formaliser en décrets.
Il est urgent de supprimer les stations d'épuration (de toute façon, l'eau propre est appelée à être salie un jour), de mettre fin aux recherches sur le cancer (on  finit tous par mourir de quelque chose), d'interdire les ceintures de sécurité dans les voitures (chacun doit être à tout moment libre de ses mouvements et surtout de sortir son colt), de supprimer les casques pour les cyclistes et les motocyclistes (il faut savoir vivre dangereusement si on est un homme), d'interdire le tri des déchets (chacun les brûlera dans son jardin ou sur son balcon), de supprimer les forêts (elles sont responsables des incendies) et de les remplacer par des terrains de golf, d'imposer, pour ses propriétés ignifuges et isolantes, l'amiante dans les bâtiments, d'interdire les produits bio (ils manquent de viande rouge), d'obliger les cantines des écoles à servir un steak de 300 grammes à chaque enfant à chaque repas, de réserver l'usage du vélo au week-end, d'obliger les parents à inscrire leur enfant à un club de tir dès leur naissance. 
Certains s'inquiètent : le Donald aura-t-Il le temps de prendre toutes ces mesures ? Qu'ils se rassurent : Il est le Lucky Luke du décret. Il signe plus vite que son ombre. C'est le Tout-Puissant.

L'élévation moyenne du niveau des mers et des océans, selon le GIEC, a été de 21 cm entre 1900 et 2020 et le rythme ne cesse de s'accélérer. La cause : l'augmentation des températures qui entraîne la fonte des glaciers et des calottes glaciaires. Et puis les mers et les océans se dilatent, du fait aussi de la hausse des températures, les molécules d'eau se séparent et prennent plus de place, donc l'eau gagne en volume et son niveau monte.
Le scénario intermédiaire du GIEC envisage un réchauffement de 2,7°C d'ici 2100 et prévoit une hausse de 71,8 cm en 2100 par rapport à 1900 (2). Un scénario qui implique le respect de l'Accord de Paris, conclu en 2015, et que Ubu vient de déchirer.
Parmi beaucoup d'autres villes et coins du monde, la Nouvelle-Orléans est et sera particulièrement touchée, comme l'ensemble du Golfe du Mexique (et son nouveau nom n'y changera rien - 3). Certaines zones côtières seront parfois submergées, d'autres englouties. Les petits Etats insulaires du Pacifique sud ne vont pas tarder à disparaître. De même qu'une majeure partie de la métropole de Shangai. Au Bangladesh, 22 millions de personnes se retrouveraient sous eau. De très nombreux pays asiatiques, l'Afrique de l'ouest, les Pays-Bas, le nord de la France et de la Belgique, et d'innombrables zones côtières sont appelées à disparaître sous les eaux.
Mais qu'importe, pourvu que Mar-a-Lago soit sauvé. Dieu sauvera le Nazareth américain.

(1) https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/02/11/etats-unis-donald-trump-signe-un-decret-pour-revenir-aux-pailles-en-plastique_6541027_3244.html
(2) https://www.arte.tv/fr/videos/119961-011-A/le-dessous-des-cartes/
(3) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/02/12/un-journaliste-refoule-de-la-maison-blanche-car-son-employeur-n-utilise-pas-le-terme-golfe-d-amerique_6542954_3210.html

dimanche 9 février 2025

L'enfermement d'un homme libre

Dans son roman "Le Village de l'Allemand - ou le journal des frères Schiller" publié en 2008 (1), Boualem Sansal fait débarquer un de ses personnages principaux, Malrich qui vit en région parisienne, à l'aéroport d'Alger. Là, comme d'autres voyageurs, il est maintenu à l'écart, interrogé, puis enfin laissé libre d'aller où il veut. Mais d'autres n'ont pas cette chance, embarqués dans un camion, vers une destination inconnue. "Longtemps, je me suis demandé ce qu'étaient devenus ceux de l'autre groupe. Je refusais de penser qu'ils les avaient torturés, tués, déportés ou quoi d'autre. Je préfère croire qu'ils les ont simplement jetés en prison et que les parents ne seront pas inquiétés."

Il y aura bientôt trois mois, l'écrivain algéro-français a vécu la même chose que ce qu'il décrivait dans ce roman il y a dix-sept ans. Il a été arrêté à sa descente d'avion en provenance de Paris et envoyé en prison par le gouvernement algérien.
"Assez, crie son éditeur Jean-Marie Laclavetine (2). Assez de prudence diplomatique, assez de chuchotements dans les couloirs des chancelleries, assez de mises en garde sur le caractère ombrageux des dirigeants algériens qu’il ne faudrait surtout pas braquer, assez de lâchetés camouflées sous les rodomontades, assez de « oui, mais », assez de défilements, assez d’hypocrisie."
Faute de visa, l'avocat de Boualem Sansal ne peut lui rendre visite. Malade, il a été hospitalisé, puis renvoyé à l'isolement en prison. "Boualem Sansal est utilisé avec cynisme et cruauté par des dirigeants qui veulent faire payer à la France des différends qui n’ont rien à voir avec lui, ni avec son œuvre."
La protection consulaire a été refusée à Boualem Sansal, "coupable d’avoir écrit et parlé en homme libre".
Jean-Marie Laclavetine le considère comme un prisonnier d’opinion, "enfermé au mépris des droits de la défense, des règles internationales et des simples lois d’humanité".
"Vous qui gouvernez la France, dit-il encore, comment pouvez-vous supporter une situation aussi insultante, une telle atteinte aux droits d’un citoyen français, qui est par ailleurs une des grandes voix de notre littérature ? Votre inertie est inacceptable, comme est inacceptable l’instrumentalisation du cas de Boualem Sansal par des politiciens de tous bords  (...). Un seul mot d’ordre doit prévaloir, en dehors de toute considération partisane : il faut libérer Boualem Sansal."

Il a compris que l'islamisme et le nazisme c'était du pareil au même. Il a voulu voir ce qui nous attendait si on laissait faire comme on a laissé faire en Allemagne, à Kaboul et en Algérie où les charniers islamistes ne se comptent plus. Au bout du compte, ça lui a fait tellement peur qu'il s'est suicidé. Il pensait qu'il était trop tard, il se sentait responsable, il disait que notre silence était de la complicité, il disait que nous sommes dans le piège et qu'à force de nous  taire en faisant semblant de discutailler intelligemment, nous finirons par devenir des kapos, sans nous en rendre compte, sans voir que les autres, autour de nous, le sont déjà.
Boualem Sansal, "Le Village de l'Allemand - ou le journal des frères Schiller".

(1) nrf - Gallimard.
(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/02/boualem-sansal-prisonnier-pour-delit-d-opinion-reste-enferme-au-mepris-des-droits-de-la-defense-et-des-regles-internationales_6527783_3232.html
A lire : https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/11/29/smain-laacher-sociologue-des-deux-cotes-de-la-mediterranee-boualem-sansal-et-kamel-daoud-sont-consideres-comme-des-traitres_6420829_3232.html

vendredi 7 février 2025

Demolition man

Qui les Etats-Unis peuvent-ils encore faire rêver ? Le rêve américain a été enterré par l'empereur du Monopoly qui prétend rendre sa grandeur à l'Amérique et ne réussit qu'à sidérer et scandaliser son propre pays et même la planète entière par sa capacité inouïe de démolition, alliée à une faiblesse intellectuelle qui l'amène à être dans la provocation perpétuelle pour exister. Il ne connaît ni la cohérence ni la raison, pas plus que le sens de la nuance. Il n'écoute que ceux qui veulent aller encore plus loin que lui dans le cynisme. 

Souvent, des accords entre partenaires visent un résultat gagnant-gagnant. Trump, lui, a d'autres objectifs. Avec la hausse annoncée des tarifs douaniers, il se lance dans le perdant-perdant. Sa suffisance l'aveugle. On attend le moment où il se prendra les pieds dans le tapis. Et ce sera évidemment la faute du tapis. Lui n'est jamais responsable. Il est totalement irresponsable.

Ubu roi du monde ne veut plus que son pays participe à des conflits armés un peu partout, mais il fait la guerre à tout le monde : aux étrangers, aux transgenres, aux fonctionnaires, aux organisations humanitaires, à ceux qui ont enquêté sur lui, à ceux qui ne l'ont pas soutenu, aux pays voisins des Etats-Unis, à l'Union européenne, à la Chine, aux Gazaouis, à la Cour pénale internationale, au climat. Et même et surtout à la démocratie. Picsou Ier et sa bande de milliardaires n'aiment pas les autres. (F)Elon Musk, l'homme sans statut autre que le plus riche la planète, a pour seule mission (sans devoir rendre de compte à personne sinon Trump) de licencier à tour de bras. Il le fait avec un malin plaisir, reprenant le leitmotiv de son gourou : you're fired ! Il veut (notamment) liquider l'USAID, l’Agence américaine pour le développement international, chargée de l’aide humanitaire à l’étranger. L'aide humanitaire, voilà bien un concept totalement étranger à cette bande de rascals. Que des gens ne soient plus aidés, éduqués, soignés, nourris, qu'ils meurent demain ou après-demain, que leur importe ? L'idéologie xénophobe et mortifère de Trump l'amène à  affirmer que l'agence est dirigée par "une bande de dingues radicaux".  Musk, lui, la considère comme "une organisation criminelle". Ce gang de mafieux ne sait que faire des milliards de dollars qu'ils possèdent, mais ils n'en auront jamais assez et ils n'ont que mépris pour les gagne-petit et les défavorisés.

Qu'on se rassure cependant : la Maison blanche  va héberger en son sein un bureau de la foi. Il s'opposera aux préjugés anti-chrétiens. Est-il chrétien de supprimer toute aide humanitaire ?  En qui ou en quoi Trump a-t-il foi, sinon en lui-même et en l'argent ? Tu aimeras ton portefeuille comme toi-même. C'est dire s'il l'aime.

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/02/04/elon-musk-mene-l-offensive-trumpienne-contre-l-etat-federal-d-usaid-a-l-agence-de-protection-de-l-environnement_6530532_3210.html
https://www.lemonde.fr/international/article/2025/02/06/c-est-un-coup-d-etat-la-colere-des-employes-de-l-usaid-cobayes-de-la-purge-administrative-de-donald-trump-et-elon-musk_6533800_3210.html

mercredi 5 février 2025

Un monde nouveau

Comme tous les génies, il est incompris. Et pourtant, cet homme est un visionnaire et un bienfaiteur. Le Prix Nobel de la Paix 2025 devrait lui être attribué toutes affaires cessantes, sans attendre l'automne.
Ubu roi du monde veut vider la bande de Gaza de ses habitants, les envoyer s'installer en Egypte et en Jordanie, mettre la main sur leur territoire, le nettoyer et le rebâtir pour en faire la Riviera du Proche-Orient. On imagine déjà la bande de Gaza : d'immenses centres commerciaux, des parcs d'attraction, des terrains de golf, de luxueux immeubles de logement avec vue sur mer. Le bonheur.
Demain, il pourrait agir de même en Ukraine, au Soudan, au Yemen, au Congo, dans tous les pays en guerre. Les Ukrainiens seraient relogés en Pologne, dans les pays baltes, en Russie et dans tous les pays d'Europe qui ont envie de les accueillir. L'Ukraine deviendrait territoire américain et serait the place to be pour les tiktokeurs les plus avides de découvertes étonnantes.
Bien malin qui peut suivre l'instable et incohérent Trump, sinon en comprenant qu'il se prend à la fois pour l'empereur de la planète et le roi du Monopoly et qu'il est l'homme le plus cynique qui ait jamais dirigé la première puissance mondiale. On repense à cette famille américaine d'origine palestinienne qui expliquait son refus de voter pour Kamala Harris parce qu'elle voulait "donner une leçon" aux Démocrates à cause de leur attitude trop tolérante à l'égard de Netanyahou (1). Elle aurait dû réfléchir à deux fois.

dimanche 2 février 2025

Cette gauche qui a perdu le nord

De plus de gens de gauche sont fustigés par d'autres gens de gauche : ils ont viré à droite. Voire à l'extrême droite. La preuve : ils défendent l'universalisme, ce concept occidental, donc colonialiste, qui veut que les droits soient identiques pour tous et toutes. Et puis, ils pourfendent l'islamisme, donc ils sont islamophobes, le crime suprême pour cette gauche qui a perdu le nord.
La droite et l'extrême droite progressent partout, elles sont au pouvoir dans de plus en plus de pays. Mais où est la gauche ? Que fait-elle ? Que dit-elle ? Plutôt que de hurler sur la montée de l'extrême droite et du populisme, elle serait bien inspirée de mener son introspection et de se remettre en question. Quelle image donne-t-elle d'elle en jouant les imprécateurs ?

Que signifie être de gauche aujourd'hui ? "Est-on de gauche, s'interroge Gérard Biard (1) quand on abandonne l'intérêt collectif pour lui préférer une société découpée en minorités  et communautés repliées sur leurs intérêts sectoriels ?" Est-on de gauche quand on s'assoit sur la laïcité pour défendre les religions ou plus précisément l'islamisme dans sa grande entreprise de conquête des sociétés partout où vivent des musulmans ? "La laïcité, qui donne la primauté à la raison et au libre arbitre sur les croyances et les diktats des dogmes, qui permet l'émancipation et l'exercice de la liberté de conscience, est philosophiquement et historiquement liée à la gauche." Est-on de gauche quand on abandonne à leur sort (par occidentalocentrisme ?) les habitants et surtout les habitantes de pays musulmans contraints de se plier à des règles patriarcales ? "Est-on de gauche quand on cesse de défendre les opprimés, tous les opprimés ?" Est-on de gauche quand on se transforme, comme les élus de LFI, en culs-bénits ? "Est-on de gauche quand on s'affiche aux côtés des pires prédicateurs et idéologues fondamentalistes, quand on calque ses discours sur leurs prêches fielleux, quand on conspue les blasphémateurs pour flatter un électorat supposément bigot et réduit à ses seuls convictions religieuses ?" Est-on de gauche quand on renonce à l'universalisme ? Des phrases, écrit encore Gérard Biard, comme "la démocratie n'est pas exportable", "le voile libère les femmes, réduire la révolte iranienne à cette question, c'est néocolonial", "l'excision des filles est une coutume ancestrale qu'il faut respecter, sans a priori européanocentré", sont éminemment progressistes. Il n'empêche qu'elles ressemblent davantage à une version contemporaine, gentrifiée et inclusive de la plus rustique toi y en a bon sauvage, moi dire à toi quoi faut faire et quoi y en a bon pour toi. Y a-t-il un racisme tolérable, qui soit de gauche ?"  
Est-on de gauche quand on défend des régimes totalitaires, obscurantistes, sexistes, patriarcaux ?

Dans une lettre de 1959, Albert Camus oppose "la gauche libre" à "la gauche progressiste". "La seconde expression, rappelle Philippe Lançon (2), désigne alors la gauche stalinienne, mais cet antagonisme a survécu à Staline et à ses successeurs. On le voit vivre sous nos yeux. Camus pense que sans la liberté de penser, d'écrire, de débattre avec une fermeté sans trop de coups bas, de se taire aussi, le progrès dont se prévaut cette gauche militante est un mensonge ou un leurre."

Comme d'autres, je n'ai pas l'impression d'avoir abandonné mes valeurs, mais je constate que certains (et ils sont trop nombreux) par électoralisme, ont vendu leur âme non pas au diable mais à dieu (à moins que les deux ne fassent qu'un ?), se montrent méprisants pour des populations qui ont le malheur de souffrir d'oppressions exercées par des gens qu'ils considèrent, ici, comme des alliés dans leur conquête du pouvoir. Cette gauche-là ne libère personne. 

(1) Gérard Biard, "La gauche en questions", Charlie Hebdo, 18.12.2024.
(2) "Philippe Lançon, "Motion de Camus", Charlie Hebdo, 11.12.2024.