vendredi 8 octobre 2010

Vaticancans

Le Vatican n'aime décidément pas les prix Nobel.
Il n'avait pas aimé que Dario Fo reçoive le prix Nobel de Littérature (c'était en 1997). Dario Fo, anti-conformiste notoire, n'épargne aucun pouvoir dans ses textes théâtraux. Ni les responsables politiques, ni l'armée, ni la police, ni l'Eglise. La censure, il connaît.

Le Vatican n'avait pas aimé que José Saramago reçoive le même prix (c'était l'année suivante). Il faut reconnaître qu'avec son "Evangile selon Jésus-Christ", ouvrage passionnant, Saramago a fait de Jésus une victime sacrificielle, portant la marque d'une faute commise par son père.
Plus récemment, dans "Les Intermittences de la mort", Saramago imagine que la mort, dans un pays non nommé, a cessé d'agir. Ce qui n'est pas aussi réjouissant qu'on pourrait le penser de prime abord. Les problèmes sont nombreux, les protestations se succèdent. Notamment celles des délégués des religions. Ainsi, le cardinal reconnaît que "si la mort disparaissait, il n'y aurait plus de résurrection possible et que sans résurrection l'église perdrait tout son sens". Plus loin, l'un de ses représentants donne raison au philosophe: "c'est exactement pour cela que nous existons, pour que les gens passent toute leur vie pris dans l'étau de la peur et pour que, leur heure venue, ils accueillent la mort comme une libération, Le Paradis, Paradis ou enfer, ou rien du tout, ce qui se passe après la mort nous importe bien moins qu'on ne le croit généralement, la religion, monsieur le philosophe, est une affaire terrestre, elle n'a rien à voir avec le ciel", ajoute ce "représentant renommé du secteur catholique" qui avoue faire semblant de croire à la vie éternelle". On voit comment Saramago, cet grand écrivain au regard ironique, a su ne pas se faire aimer du Vatican.

Aujourd'hui, le Vatican n'aime pas que le physiologiste britannique Robert Edwards ait reçu (c'était au début de la semaine) le Prix Nobel de Médecine. Edwards est l'inventeur de la fécondation in vitro, le père des bébés éprouvettes. Mais l'Eglise n'aime pas l'insémination artificielle. La naissance est un don de Dieu, estime le Vatican. Et Dieu n'aime pas la concurrence. Mais comment ne pas s'adresser à la concurrence quand Dieu n'a plus rien dans ses cartons? Dans LLB du 5 octobre, le Pr Yvon Englert, chef de la clinique de fertilité à l'hôpital Erasme à Bruxelles, estime que ce prix est justifié par "la révolution dans la prise en charge de la stérilité humaine que représente aujourd'hui la fécondation in vitro qui s'est révélée une technique utilisable dans un très grand nombre de pathologies médicales empêchant d'avoir des enfants". Il ajoute que "la FIV est en quelque sorte un précurseur d'une évolution de la médecine dont on voit tout doucement se dessiner les contours, à l'aube du XXIe siècle, en l'occurrence la thérapie cellulaire. Cela consiste à prendre des cellules au patient, à les traiter en laboratoire puis à les réinjecter. En ce sens, dit-il, la FIV est une technique visionnaire".
En fait, ce Nobel applaudit la vie. Tout comme il récompense l'évolution. Mais le Vatican a peur de la vie et n'aime pas l'évolution.

Voir à ce propos l'amusant dessin de Vadot dans les dernières pages du Vif de ce vendredi.

1 commentaire:

gabrielle a dit…

Avez-vous lu la délicieuse remarque de Paul Hermant dans sa chronique à propos de la critique du Vatican à l'attribution du Nobel au père de la FIV?
"C'est curieux (...) car il semble tout de même que les textes saints nous apprennent que Jésus lui-même fut le fruit d'une opération du saint-esprit."