dimanche 20 décembre 2015

L'héritière

Elle voudrait bien ne pas ressembler à papa. Mais c'est difficile. D'abord, elle porte son nom grâce auquel elle occupe la position qui est la sienne: celle de présidente de ce parti qu'il lui a transmis. Comme lui, sur scène, face aux militants, elle ouvre les bras en position christique, de celle qui s'offre pour sauver son peuple de ces étrangers qui veulent le réduire à néant. Mais elle voudrait bien ne pas avoir les mêmes idées nauséabondes que lui. Du moins le faire croire. Alors, elle contrôle son discours, autant qu'elle peut. Mais quand on la renvoie à son essence, elle pète un câble (comme dit Libération), elle se vautre avec délectation dans l'abjection. Parce que le politologue Gilles Kepel a fait un parallèle entre Daech et le Front national - tous deux prônant le repli identitaire avec les conséquences que l'on voit et qu'on peut craindre - l'héritière de la PME Le Pen (slogans haineux et éructations sur mesure depuis 1972) a "twitté" des vidéos de décapitations réalisées par Daech à des fins d'immonde propagande. "La blonde espérance de la France furieuse" (1) ne savait pas très bien qui s'exprimait ni de quoi, mais elle a voulu signifier là l'extrême violence des djihadistes islamistes. La différence avec les pratiques du FN est patente, mais elle ne s'est pas rendu compte, dans son emportement, qu'elle donnait ainsi raison, sans souci des victimes, à tous ceux qui la rejettent: les règles n'existent pas pour elle. Elle qui a "la volonté de tout prendre à papa, même la méchanceté" s'est "rediabolisée elle-même" (1).
Le journaliste Hervé Ghesquière, qui a été, dix-huit mois durant, l'otage des talibans, lui répond vertement (2): "je pensais avoir tout vu, tout entendu de votre part: le mensonge, le cynisme, la manipulation, le fiel, l'intolérance. (...) Je suis à la fois révolté et écœuré par cette ignominie. Comment avez-vous pu avoir l'idée d'utiliser ces images horribles diffusées par l'EI au bénéfice de votre propre propagande?" Qui peut imaginer une seule seconde cette femme impulsive, capable de pratiques aussi ignobles, à la tête de la République française? "L'EI se sert en France du Front national qui prône la division, la suspicion envers les musulmans, les étrangers et classe les citoyens en catégories. Et le FN utilise la monstruosité de Daech pour attiser la peur. Finalement, l'un se nourrit de l'autre", dit-il.
Elle voudrait bien ne pas ressembler à papa. Mais "à son oreille, un vieil homme murmure: tu es ma fille, Marine, et en vain tu m'as renié" (1).

Post-scriptum: le dernier billet de Sophia Aram à ce sujet:
http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1209815

(1) Claude Askolovitch, dans "28 minutes", Arte, 18 décembre 2015, à partir de 29'45: http://www.arte.tv/guide/fr/060828-080-A/28-minutes?autoplay=1
(2) http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/20/lettre-ouverte-a-marine-le-pen_4835377_3232.html

1 commentaire:

gabrielle a dit…

Confirmation du proverbe "Le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre".