jeudi 5 mars 2020

Vieux monde

Le nouveau monde est un vieux pays. L'élection  présidentielle américaine se jouera entre Trump d'un côté et Biden ou Sanders de l'autre. Respectivement 74, 78 et 79 ans au moment de l'élection en novembre. Les Etats-Unis sont devenus une affaire de vieux. C'est dans les vieilles casseroles qu'on fait les meilleures soupes, dit-on. Qu'arrive-t-il à ce pays pour qu'il ne fasse désormais confiance qu'à de vieux mâles blancs? Les Etats-Unis sont-ils devenus le pays de la gérontocratie, comme le fut l'Union soviétique? Ils ne sont en tout cas pas encore prêts à élire une femme.

Mais la France ne l'est pas plus. Les journaux régionaux présentent chaque jour, en cette période électorale, les listes pour les municipales du 15 mars. Si on feuillette, à titre d'exemple, la Nouvelle république - Indre d'hier, on constate que les têtes de liste se prénomment Ludovic, Michel, Jacky, Alain, Jean-François, Roland, Patrick, Hervé, Jacques, Alain, Daniel, Philippe, Pascal, Guy, Pascal, Christian. Claude laisse planer le doute sur son genre. Seules, une Danielle et une Coralie représentent les femmes têtes de liste du jour. Les Français ne semblent pas plus prêts que les Américains à faire confiance aux femmes.

Mais en quoi ou en qui ont-ils confiance, les Français? En pas grand-chose et pas grand-monde, répond Thomas Legrand qui commentait ce matin la récente enquête du CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (1). "Nous sommes méfiants, las et moroses", constate-t-il. Alors que les Allemands et les Britanniques se retrouvent dans les termes sérénité, bien-être et confiance, les Français s'identifient plutôt à méfiance, lassitude et morosité. "Que nous arrive-t-il?", se désole l'éditorialiste de France Inter
46% des Allemands et des Britanniques - soit près de la moitié - pensent que "on peut faire confiance à la plupart des gens". Les Français sont seulement 33% - un tiers - à partager cet avis.
Et 62% d'entre eux pensent que "la plupart des gens cherchent à tirer profit les uns des autres". 
"La défiance française n'est pas neuve, estime Thomas Legrand, elle ne cesse d'interroger, alors que nous sommes censés être le pays de l'art de vivre, avoir parmi les meilleurs services publics du monde, un système de solidarité et de redistribution généreux. C'est peut-être parce que ce système semble unique, fragile et menacé que se développe une angoisse particulière et nationale."
Mais Thomas Legrand nous invite à ne pas désespérer des Gaulois, constatant que les cent cinquante  participants à la Conférence citoyenne sur le climat étaient au départ, "presque par réflexe, méfiants, cyniques, sceptiques" et "s'avèrent, en réalité, investis, généreux, positifs". Restera au gouvernement  au terme de cette expérience, à faire appliquer les propositions des citoyens. Au risque, sinon, de briser définitivement toute confiance. Même dans les mâles blancs, jeunes ou vieux.

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