lundi 30 mars 2020

Chut !

Dans dix ans, nous disait-on récemment (1), le silence de la nature aura disparu de la Terre. Il est aujourd'hui impossible, sur la majeure partie de la surface terrestre, de ne pas entendre un seul bruit causé par les activités humaines pendant un quart d'heure. Quinze minutes sans bruit non naturel, voilà la définition du silence. Voitures, camions, motos et bus, trains, engins agricoles, avions, tronçonneuses, tondeuses, ponçeuses, foreuses, tirs de chasse laissent peu de place au silence. Plus aucun lieu en France n'est à l'abri du bruit. Ce qui met en danger de nombreuses espèces animales qui ont besoin de calme.
Et voilà qu'un petit virus impose le silence. Dans nos campagnes que certains qualifient de reculées et déjà calmes habituellement, voilà que plus un avion ne nous survole, plus une voiture ne passe pendant plus d'une demi-heure. Quasiment aucune le dimanche après-midi ni la nuit.
La faune en profite pour prendre ses aises. Même en ville. On a vu des sangliers cavaler en plein centre de Barcelone, un puma se promener dans un quartier résidentiel du Chili, une famille de canards en balade le long du périphérique parisien, protégée par la police. Les plages de Lima, interdites aux humains, sont occupées par des milliers d'oiseaux, tant sédentaires que migrateurs.
"Le silence n'est pas l'absence de quelque chose, mais la présence de tout." Il suffit de savoir l'écouter.

(1) Arte, "28 minutes", 25.11.2019.
(2) France 2, Journal, 29.3.2020, 20h.

3 commentaires:

Bernard De Backer a dit…

Pour mettre les choses en perspective, voir "L'histoire du silence. De la Renaissance à nos jours" d'Alain Corbin, historien des sensibilités. "Alors même, remarque Alain Corbin, que notre seuil de tolérance sonore a singulièrement baissé depuis le XIXe siècle, les individus hyperconnectés d’aujourd’hui n’existent pourtant que par le bruit : en parlant sans cesse, en s’assourdissant de musique, en se conformant « au bruit afin d’être partie du tout », ils redoutent désormais de faire silence, « c’est-à-dire d’être soi ».

Michel GUILBERT a dit…

Merci pour cette référence.
Alain Corbin vient de publier "Terra icognita - Une histoire de l'ignorance" (Albin-Michel). "Connaître, comprendre les hommes du temps jadis suppose de prendre en compte ce qu'ils ne savaient pas." Un ouvrage (que je n'ai pas lu) sûrement utile en ces temps où tout le monde est convaincu de tout savoir.

Berbnard De Backer a dit…

Assurément, mais également de prendre en compte “comment ils savaient”. A cet égard, et un peu hors sujet, la mise en lumière par Tsvetan Todorov de la perception cognitive du débarquement des conquistadors espagnols par les Indiens (Aztèques, Mayas, et Incas) dans “La conquête de l’Amérique” est très instructive, tout comme celle développée par Nathan Wachtel dans “La vision des vaincus” à propos des Incas. Ce ne sont probablement ni les armes, ni les virus qui ont causé la défaite de ceux qui deviendront les précolombiens et qui étaient plus de mille soldats face à un, mais bien leur interprétation religieuse des signes. Ce qui nous renvoie à la perception et à l’attitude des radicaux religieux face au Coronavirus. Corbin parle sans doute de la Conquête de l’Amérique, cette Terra Incognita mais connue autrement, dans son livre.