jeudi 2 novembre 2023

Jour des morts

Le Hamas a gagné. Le 7 octobre, ses terroristes ont tué 1.400 Israéliens, essentiellement des civils, volontairement, méthodiquement, avec plaisir. Un massacre organisé qui n'a épargné personne : enfants, femmes, personnes âgées, handicapées, femmes enceintes, jeunes fêtards, étrangers. Les survivants ont décrit l'extrême sadisme des assaillants, les mutilations, les viols, les tortures. Les caméras de surveillance en témoignent.
Récemment, Le Monde revenait sur cette journée en enfer (1). "L’attaque tourne au massacre. Les Palestiniens infiltrés en Israël – des militants du Hamas en majorité, mais aussi du Jihad islamique, de groupuscules armés confidentiels, ainsi que de simples civils battent, lynchent, torturent, brûlent et assassinent. Dans des vidéos visionnées par Le Monde, sur des logiciels de messagerie comme Telegram ou lors d’une projection organisée par l’armée israélienne – filmées par des caméras placées sur le corps des combattants ou à l’intérieur des voitures, ainsi que par des systèmes de vidéosurveillance –, les violences présentent un niveau de cruauté inédit. « Le mode opératoire de l’attentat-suicide était très normé. Il s’agissait d’une mise à mort qui visait déjà délibérément les civils. Mais là, le cadre explose complètement. Il y a des actes de torture, des mises à mort douloureuses, cruelles », explique Laetitia Bucaille, professeure de sociologie à l’Institut national des langues et civilisations orientales et spécialiste de la société palestinienne."
Le plan était clairement celui-là : massacrer. "Selon des documents saisis par les civils et les forces de sécurité sur les corps des membres du Hamas, les objectifs étaient clairs : tuer le plus possible de personnes, ramener des otages, porter le combat au cœur du territoire israélien. Le Hamas a toujours assumé l’emploi de la violence, notamment au moyen d’attentats-suicides. Il ne fait pas de distinction entre civil et militaire, combattant et non-combattant, considérant l’« entité sioniste » – le mouvement n’a jamais reconnu explicitement l’existence d’Israël – comme une nation en armes."

Ce pogrom organisé, répugnant, scandaleux, écœurant, à mille lieues de toute notion d'humanité - les mots manquent - fait penser à l'horreur de la Saint-Barthélémy, au génocide des Tutsis par les Hutus, au massacre d'Oradour-sur-Glane, à celui de Katyn, à tant d'autres. Il aurait dû révulser et révolter la terre entière. Mais il fut célébré par des manifestations de joie en trop d'endroits par le monde. Après tout, Israël l'avait bien cherché, a-t-on trop entendu. Massacrer des innocents semble donc normal s'ils sont juifs. 

En réaction, l'Etat israélien a estimé n'avoir d'autre choix que tenter d'éradiquer le Hamas, ce mouvement qui n'a pas pour objectif de donner une terre aux Palestiniens, mais de détruire Israël et ses habitants et de faire régner la charia. Le Hamas est une organisation totalitaire et antisémite, aux racines islamo-nazies constatent certains, qui n'admet aucune critique, emprisonne ses opposants et a fait de la violence et de la mort ses valeurs suprêmes.
Israël est tombé dans le piège que lui tendait le Hamas  : ses attaques militaires pour tenter d'éliminer le mouvement et venger ses morts ont provoqué et provoqueront quantité de morts innocentes. La tragédie organisée et voulue par le Hamas en a déclenché une autre.  Impossible de savoir combien, les seuls chiffres sont ceux du Hamas qu'il convient de prendre avec prudence, mais il y en a des milliers, trop, beaucoup trop et elles sont toutes inacceptables. Le Hamas espérait sans doute cette réaction d'Israel et le soutien d'une bonne partie de l'opinion publique internationale, tout en se moquant totalement de la vie des Palestiniens qui ont la grande chance de mourir en  "martyrs". Et c'est ce qui arrive, le Hamas a gagné : les manifestations se sont multipliées contre Israël, dans les pays islamiques comme en Occident, en soutien aux Gazaouis et aux cris de Allah Akbar, et le pogrom a été très vite oublié quand il n'était pas totalement ignoré. Un peu partout, les actes antisémites se succèdent, comme si tout Juif était responsable de la politique du gouvernement israélien. On les compte par centaines. Les affiches que des Français juifs ont placardées dans les rues de leur ville pour appeler à libérer leurs proches retenus en otages sont arrachées, piétinées parfois. Selon le HuffPost (2), une video "enregistrée dans le métro parisien montre un groupe de jeunes reprenant des slogans antisémites d’abord lancés par une seule personne. Parmi les propos enregistrés, on peut entendre des insultes contre la population juive (« Nique les juifs ») et le slogan « Vive la Palestine ». La suite du chant cite également de manière explicite le IIIe Reich avec la phrase suivante : « on est des nazis et on est fiers »."

Dans une lettre ouverte "à tous les humanistes et féministes pour qu’ils ne se taisent plus", publiée récemment dans L'Obs (3), un collectif d'une trentaine de personnalités, essentiellement féminines, appellent "à dénoncer sans réserve les massacres de civils, de personnes âgées et d’enfants commis le 7 octobre, lors de l’attaque du Hamas, et à prendre en compte spécifiquement les violences sexuelles dont les femmes ont été victimes". Elles rappellent les atrocités vécues par tant de femmes et d'enfants, elles rappellent "que la défense des droits des femmes et des enfants est une des valeurs fondamentales de nos sociétés. Que selon le droit international, ils doivent à tout prix rester en dehors des conflits, et que le viol comme arme de guerre est considéré comme un crime contre l’humanité, crime de guerre et instrument de génocide dans les articles 6, 7 et 8 du statut de Rome, qui a institué la Cour pénale internationale." Et pourtant, constatent-elles, "trop peu de voix s’élèvent pour dénoncer avec force ce qui s’apparente bien à un pogrom et un « gynocide ». Certains silences sont assourdissants et la justification de ces atrocités par la politique du gouvernement israélien, insupportable. Nous déclarons qu’un viol est un viol. Qu’un violeur, qu’un assassin d’enfant, quelle que soit son origine, sa religion, la cause qu’il défend ne doit jamais être qualifié de combattant de la liberté ou de militant, mais doit être condamné sans équivoque et jugé. La défense du droit des femmes et des enfants n’a pas de frontière, ni d’appartenance. Et la condamnation des actes ignominieux doit être unanime, en Israël, comme en Ukraine, en RDC ou ailleurs. Ce que vivent les femmes et les enfants de Gaza est insoutenable. Mais nous refusons de mettre dos à dos ces tragédies ou de les justifier l’une par l’autre. Seule la dénonciation de ces drames, sans les comparer, pourrait permettre un jour d’aller vers cette paix que nous souhaitons tous. Les droits des femmes et des enfants devront être au cœur des discussions futures, pour assurer un avenir à l’ensemble des populations de la région." Sans condamnation, c'est notre humanité qui est en danger, disent-elles. 

Parmi les signataires de cet appel, il y a la rabbine Delphine Horvilleur, esprit éclairé comme on en aimerait plus en France. Il y a deux semaines, elle exprimait dans Le Monde son effondrement et son pessimisme. "Je pourrais m’exprimer en tant que juive ou que personne attachée à Israël, bien sûr. Mais en réalité, c’est en tant qu’être humain qu’il me faut simplement parler. Nous sommes projetés dans des images d’une telle inhumanité que la question qui m’habite, c’est de savoir comment préserver notre humanité, s’assurer les uns les autres que, dans les temps à venir, nous parviendrons à ne pas déshumaniser l’autre à un point qui confisquerait notre âme.
Autant je peux comprendre qu’au Proche-Orient des gens n’arrivent plus à le faire, parce que le niveau de haine et de rage y atteint son paroxysme, autant nous n’avons aucune excuse ici. Et je ressens de la colère vis-à-vis de ceux qui, depuis la France, ajoutent de la haine à la haine, qui sombrent dans une déshumanisation absolue de l’autre camp.
Cette faille empathique majeure est, en fait, une faille morale terrible dont la répercussion sera de nous déshumaniser nous-mêmes. De nous enfermer un peu plus dans un entre-soi d’empathies sélectives, une impossible confiance en la parole de l’autre parce qu’il n’a pas su être là. Nous avons le devoir, à distance, d’être les ultimes gardiens d’humanité malgré la rage et la colère, dans la nécessité morale de dénoncer de façon absolument ferme ce qui vient de se produire. Aucune cause, aussi juste soit-elle, ne légitime ces crimes du Hamas. Aucune liberté ou émancipation ne peut se gagner sur cette ignominie."

(2) https://www.huffingtonpost.fr/france/article/antisemitisme-une-enquete-ouverte-a-paris-apres-des-chants-choquants-filmes-dans-le-metro_225185.html
(3) https://www.nouvelobs.com/opinions/20231029.OBS80176/lettre-ouverte-a-tous-les-humanistes-et-feministes-pour-qu-ils-ne-se-taisent-plus.html
4) https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2023/10/15/delphine-horvilleur-face-aux-meurtres-du-hamas-certains-silences-m-ont-terrassee_6194559_6038514.html

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