mardi 8 mai 2012

Profil grec

On est content d'être belge, plutôt que grec. Quand on est belge, on a droit à 510 jours (au moins) pour former un gouvernement. Quand on est grec, à 48 heures, pas plus.  C'est comme cela. Les marchés n'ont pas le temps. Il est déjà question de nouvelles élections qui annuleraient celles de dimanche dernier (il y a deux jours à peine). On ne discutera pas. Après tout, la Grèce est le berceau de la démocratie. La démocratie fonctionne dorénavant en temps réel. Elle n'a plus droit à la réflexion et à la négociation qui consomment un temps irréel. Elle doit produire des résultats immédiats. 
En Grèce, voilà que des néo-nazis, venus de nulle part, sinon d'une période obscure, occuperont vingt-un sièges du Parlement sur trois cents. Leur chef fait son entrée à une conférence de presse. Les journalistes sont fermement invités à se lever, par respect pour lui. Ceux qui n'ont pas le sens du respect sont invités à sortir (1). En cette journée anniversaire de la fin de l'horreur nazie, des néo-nazis annoncent que les étrangers n'auront plus droit de cité dans leur pays. On a envie de les prendre au mot. On imagine que plus aucun étranger ne mette les pieds en Grèce.  Le premier secteur économique du pays, le tourisme, s'effondrerait. On comprend par là que les néo-nazis grecs sont aussi stupides que leurs équivalents de toute l'Europe. Il existe une internationale de la bêtise, celle de ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leur ventre. Ce qui n'est déjà pas rien. On en convient.

(1) JT de France 2, 8 mai 2012

lundi 7 mai 2012

L'échec de la Star Ac

Il était 20h ce dimanche soir quand on entendu un bruit étrange, mais pas vraiment inattendu, qui semblait venir de France. Un son qui ressemblait à "bling-blong". Quelque chose s'était cassé.
Le résultat de l'élection présidentielle est moins la victoire de François Hollande que la défaite de Nicolas Sarkozy. "La droite a totalement investi dans le nombril d'un narcisse, explique Jean-François Khan (1). Quand le narcisse tombe, la droite s'effondre."
Ce que célèbrent les Français (et une partie de l'Europe), c'est avant tout la chute d'un président arrogant, dépassé par son ego. "Nicolas Sarkozy était censé dépoussiérer la présidence, il l'a dévaluée, estime Hervé Gattegno (Le Point, RMC) (2). Ce qui a marqué son mandat, ce sont ses écarts de langage et de conduite. Un certain relâchement des mœurs présidentielles, une fascination décomplexée de l'argent, jusqu'à la provocation. Et puis, la surexposition des émotions, des sentiments, des bonheurs et des déboires conjugaux. Il est devenu un Président de téléréalité, un mélange bizarre d'homme ordinaire et de vedette médiatique, dont la vie quotidienne serait un spectacle permanent. Il ne faut pas s'étonner si, à la fin, le public l'élimine comme un vulgaire candidat de la Star Ac."
Jean Quatremer (Libération) estimait, il y a peu, que "rares sont ceux qui, à Bruxelles, mais aussi dans la plupart des capitales européennes, regretteront Nicolas Sarkozy. En cinq ans, sa volonté de marginaliser les institutions communautaires au profit des Etats, son mépris des petits pays, mais aussi son agressivité lui a attiré beaucoup d'ennemis, même si chacun salue son engagement dans le sauvetage de l'euro" (3). 
Quelqu'un qui doit particulièrement se réjouir de la défaite de Sarkozy, c'est Patrick Rambaud. Le voilà dégagé de sa série "Chronique du règne de Nicolas Ier". Il entamait la dernière en date, la cinquième, par une "adresse à notre déprimante majesté afin qu'elle prenne ses dispositions et la porte". Voici cette adresse, aujourd'hui entendue: "Incommensurable Seigneur, voyez avec clarté les choses comme elles sont, jusqu'à quels excès, quels malheurs, quels périls vous ont poussé votre penchant naturel, la satisfaction de vous-même. Gémissez-en utilement, courageusement, et sauvez votre Etat en embrassant, par une pénitence également juste, le remède unique à tant de calamités présentes et à venir: dégagez, Sire" (4).
Hier soir sur les plateaux de télé, les Sarkozystes estimaient que c'est la crise qui a eu raison de leur président. Ils ont raison, sauf que ce n'était pas la crise, mais son état de crise permanente.

(1) JT de la RTBF, 6 mai 2012.
(2) cité par LLB, 5 mai 2012.
(3) http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2012/04/
bruxelles-ne-regrettera-pas-nicolas-sarkozy.html
(4) Patrick Rambaud: "Cinquième chronique du règne de Nicolas Ier", Grasset 2012

dimanche 6 mai 2012

Vroum, vroum

Près de quatre mille personnes sont mortes sur les routes françaises en 2011. En ce mois d'avril 2012, le nombre de morts a cependant régressé de 22% par rapport à avril 2011 (1). Les causes: le mauvais temps et le prix des carburants qui incitent à lever le pied. Vivement le litre d'essence à deux euros!
Tous les spécialistes s'accordent aussi à reconnaître que le système du permis à points a fait baisser le nombre d'infractions et, dès lors, le nombre d'accidents de la route.
Ce qui n'empêche pas le Front National d'en réclamer la suppression: le permis à points est pour Marine Le Pen le symbole d'une "chasse à l'automobiliste et aux Français qui utilisent leur véhicule pour travailler" (2). Elle veut supprimer les radars aussi. Ce qui lui amène des supporteurs. Tel Bernard, ancien chirurgien: " Je suis automobiliste, et vraiment le gouvernement nous prend pour des vaches à lait. Il y en a marre des radars" (3).
On voit par là qu'un parti peut être virulent vis-à-vis des terroristes politiques, mais très conciliant avec les terroristes de la route. Qu'on peut lutter contre une certaine insécurité tout en en augmentant une autre. Le populisme n'a pas de prix. La bêtise pas de limite.

(1) JT de France 2, 20h, 5 mai 2012
(2) Libération, 10 avril 2012
(3) in "Bienvenue au Front - Journal d'une infiltrée", Claire Checcaglini, éditions Jacob-Duvernet, 2012

jeudi 3 mai 2012

Vrai de vrai

Où est la vérité? On se le demande. On la cherche. Elle est au fond du puits, nous dit le proverbe. On y descend, on n'y trouve que de l'eau. Elle nous file entre les doigts. 
Lors du débat d'hier soir en France, les deux candidats ont accumulé les mensonges, nous dit-on. Un veritometre remet les pendules à l'heure. Des journalistes, en direct, vérifient et surtout corrigent les déclarations des candidats. Il n'est pas exact, je dirais même plus: il est faux, d'affirmer qu'un fonctionnaire sur deux est un enseignant. Il y en a un sur six précise le veritometre. Le chiffre est sans doute correct et il est sûrement important, voire indispensable, de le rétablir. Mais on fait dire ce que l'on veut à des chiffres pas aussi stables, loin s'en faut, qu'on peut le penser. Le JT de France 2 (1) constate que les candidats sortent des chiffres très éloignés sur le nombre de chômeurs en France. Tous les deux ont raison, nous dit-on, puisque l'un se base sur ceux de Pôle Emploi, l'autre sur ceux du Bureau International du Travail.
Si, régulièrement, on compare d'une année à l'autre (2), en Belgique, des chiffres - par exemple -  de l'immigration, des délits, des accidents de la route, du chômage, on se rend compte qu'aucun n'est fixé. Ainsi, un chiffre de 2008 est d'autant en 2010, mais n'est plus le même si on veut vérifier les mêmes statistiques l'année suivante. Il a changé, dans un sens ou dans un autre, pour des raisons qui nous échappent. 
On voit par là qu'il n'est pas de vérité vraie et immuable. Qu'il est bien sûr facile de crier haro sur les politiques qui manipulent les chiffres, mais que l'administration, la police, les journalistes, les bloggeurs si malins, personne n'a prise sur une vérité qui n'existe pas. Et qu'il faut se méfier des gens qui affirment la détenir.

(1) 3 mai 2012
(2) ce que je fais - ou tente de faire - chaque année, pour mettre à jour les tableaux de chiffres vrais utilisés dans le spectacle "Elise et nous"

mardi 1 mai 2012

Travaillez, prenez de la peine, c'est le fond qui manque le plus

Mais à qui donc appartient la Fête du Travail? On se le demande. Si on suit le JT de la RTBF (1), c'est aux partis politiques: socialistes et libéraux se la disputent (voir le billet d'hier). Les syndicats sont aux abonnés, quasi, absents. La parole est tout d'abord à Thierry Giet, président d'un Ps mou de chez mous, avant tout soucieux d'assurer sa première place de francophone belge, en gérant comme il peut le système capitaliste, qui lui convient, globalement, assez bien. Que le Ps soit, à un certain niveau, proche des travailleurs, on peut l'admettre. Même s'il y a, largement, matière à débat. Mais que le MR revendique un quelconque lien avec la Fête du Travail, alors là, on ne peut être plus dans le culot, la suffisance, le mépris et la morgue. N'empêche: c'est bien de la sorte que le JT de la RTBF s'ouvre. Parlant des syndicats, il se contente de citer une déclaration d'Anne Demelenne de la FGTB. Apparemment, la CSC n'a pas manifesté aujourd'hui. Il n'en est en tout cas pas question. Si les partis politiques l'emportent au culot, la RTBF gagne en "tronquage" de l'information. Où sont la place et la parole des travailleurs?
En France, on le sait, le F Haine, depuis des années, a tenté de transformer le 1er mai en Fête de la FFFFFFFFFRRRRRRRRAAAAAAAAAAANNNce. Entendez par là la France Rance. Ca marche assez bien. Au point que certains manifestants semblent penser que c'est le FN qui est à l'origine du 1er mai, reprochant à Sarko de tenter de le récupérer (2). Nicolas Sarkozy ne récupère rien, il attaque. Voilà que, rassembleur (3), il s'en prend aux syndicats qui feraient mieux de laisser tomber les drapeaux rouges pour se saisir du drapeau de la France. 
Allez, c'était la Fête du Travail. Vivement celle du capitalisme, que les travailleurs soient à la fête.

(1) JT de la RTBF, 1er mai 2012
(2) JT de France 2, 1er avril 2012
(3) Lui qui n' a cessé de tenter de diviser les Français, s'attaquant aux sans-papiers, aux étrangers, aux musulmans, aux Roms, aux fonctionnaires, aux magistrats, aux enseignants, aux journalistes, aux syndicalistes et on en oublie.

lundi 30 avril 2012

Authentiquement simplets

"Le 1er mai est une fête authentiquement libérale", affirme Charles Michel, président du M.R. (1). On peut réécrire l'Histoire, on n'y changera rien. Si les travailleurs fêtent le travail le 1er mai, c'est en souvenir de la réussite du combat des syndicats américains qui, le 1er mai 1886, obtenaient, de haute lutte, la journée de huit heures pour 200.000 travailleurs. D'autres travailleurs ont continué à se battre pour bénéficier des mêmes droits. Le 3 mai 1886, la police tuait trois manifestants à Chicago.
Cinq ans plus tard, le 1er mai 1891, lors d'une manifestation à Fourmies, dans le Nord de la France, l'armée tirait à bout portant sur la foule. Bilan: dix morts, dont huit avaient moins de vingt-et-un ans.
On voit par là que Charles Michel, quand il veut récupérer la Fête du Travail, confond 1er avril et 1er mai et perd une occasion de se taire. On serait libéral, on se ferait discret.
Nicolas Sarkozy est dans le même état d'esprit. Son premier mai sera la fête "du vrai travail". "Le vrai travailleur, c'est celui qui a construit toute sa vie sans rien demander à personne", explique Sarkozy. Sarkozy exhorte aussi ses supporteurs: "aidez-moi, j'ai besoin de vous". On voit par là que Nicolas Sarkozy ne répond à sa définition et n'est pas un vrai travailleur. Juste un "assisté".

(1) Le Soir, 30 avril 2012

jeudi 26 avril 2012

La gangrène s'étend

La France sent mauvais. Un policier est mis en examen pour "homicide volontaire".  Ses collègues manifestent. Le président-candidat-président les soutient avec la virulence qu'on lui connaît. Il demande au parquet de faire appel. Il est pour la "présomption de légitime défense" des policiers. Le président, qui a vécu, vit et vivra dans des quartiers difficiles (c'est ce qu'on croit comprendre de son discours) (1) estime que les habitants de ces quartiers doivent pouvoir vivre en paix. Il suscite l'enthousiasme chez ses supporteurs qui eux aussi, sûrement, vivent la même situation, à Neuilly ou dans le XVIe, par exemple. Et puis l'homme abattu était un récidiviste, en liberté conditionnelle. Bref, un criminel. Où est le problème? Le Ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, soutient et la police et son président. Même s'il comprend que la magistrature (qui rappelle qu'on ne peut confondre mise en examen et condamnation) s'offusque de ses réactions, il trouve qu'elle a tort. On ne touche pas à la police.
Un des grands principes d'une démocratie est la séparation des pouvoirs. L'exécutif n'a pas à intervenir dans les décisions du judiciaire. Entre ces deux tours des élections, la France de Sarkozy semble être un peu moins démocratique.
Le Sarkozy court derrière La Le Pen. Il l'estime d'ailleurs compatible avec la république. Les vrais vainqueurs du premier tour sont bien les Le Pen, fille et père. L'une sourit, arrondit les angles, s'offusque des propos outranciers de son père: oui, le parti est bien dédiabolisé, entendez normalisé; l'autre rassure la vieille garde facho par ses propos à l'humour plus que douteux et aux références honteuses: oui, le parti reste bien celui du diable.
Marine Le Pen sait que la séduction paye. Son résultat au premier tour n'est guère surprenant. Dans le spectacle-animation "Elise et nous", qui met en scène trois candidats aux élections - dont une représentante du Bloc national, les scores de cette dernière (le public vote en fin de débat) ont énormément progressé depuis que la comédienne joue plus à la Marine: texte inchangé, mais dits plus doucement et avec le sourire. Elle a bondi de 10 à 25%.
Marine Le Pen peut aussi remercier Nicolas Sarkozy qui lui a ouvert une voie royale. En supprimant la police de proximité, remplacée par une police de répression (2), il n'a fait qu'empirer le problème de la sécurité. En supprimant des milliers de postes dans l'éducation, il témoigne de son mépris pour la jeunesse et l'avenir. Moins les électeurs sont instruits, et donc capables de critique, d'analyse et de distance, plus ils vote(ro)nt pour le Front national. En mettant en avant le moindre fait d'insécurité, en courant prendre dans ses bras les victimes, en pointant du doigt les Roms et les sans-papiers, Nicolas Sarkozy a ouvert un boulevard à l'extrême droite. "(Le succès du FN) se résume pour moi en une phrase, explique Manuel Abramowicz (3): c'est l'échec de la copie et la victoire de l'original."
La transformation du FN n'est que leurre. On a ravalé la façade, repeinte en blonde. Mais dès qu'on pousse la porte du F Haine, l'odeur reste la même: mélange d'odeur d'égout et de renfermé. Le programme sent le rance, la nostalgie, le patriotisme anti-dreyfusard est devenu anti-musulman. Les mensonges et les déformations sont devenus des habitudes. Marine Le Pen stigmatise "l'invasion migratoire", "en chiffrant à 6 millions le nombre de titres de séjour accordés à des immigrés en vingt ans, alors que l'INSEE l'évalue autour de 2 millions, sans même tenir compte des immigrés retournés dans leur pays d'origine". (4) Quand Marine Le Pen proclamait haut et fort que la France devait quitter la zone euro pour revenir à ce bon vieux franc (un point de son programme disparu de ses tracts depuis que des commerçants et les PME lui ont fait comprendre que ce projet était ridicule et dangereux), elle estimait que cette sortie de l'euro ne conduirait qu'à une dépréciation nationale de 9,7%, "alors que les économistes les plus favorables à l'abandon de la monnaie européenne évoquent, eux, une dévaluation de 20 à 30% et que les économistes libéraux de l'Institut Montaigne pronostiquent une baise de 50%". (4) Mieux valait donc parler de la viande halal, en manipulant, une fois encore, les chiffres.
Le FN a beau se teindre en blonde, "il reste autoritariste, dirigiste, pour le contrôle sur les libertés, avec juste un zeste de modernité", estime Manuel Abramowicz (3).
En attendant, ce parti de braves patriotes sème ses métastases à droite. "Le patriotisme est l'ultime refuge des canailles", estimait l'écrivain anglais Samuel Johnson (5). C'était au XVIIIe siècle. Celui des Lumières.

(1) Journal parlé, 13h, France Inter, 26 avril 2012
(2) lire sur ce blog "Le regard qui tue", 27 mars 2012
(3) LLB, 24 avril 2012
(4) Marianne, 14 avril 2012
(5) cité par John Irving dans son (excellent) dernier roman: "Dernière nuit à Twister River", (Seuil 2011)

vendredi 20 avril 2012

Retour(s) de campagne 2

"Je parle au cortex, pas aux tripes", déclare Eva Joly (1) qui a bien compris que le choix, aux élections présidentielles surtout, est émotionnel. On demande aux candidats du rêve et de la vibration, pas du rationnel. Eva Joly, aussi respectable, rigoureuse et intéressante soit-elle, ne dégage pas de good vibrations.
"Je me méfie instinctivement des gens qui se donnent pour mission de me faire rêver", écrit Jacques Julliard (2). "Je trouve proprement ineptes les appels permanents à l'irrationnel, sous prétexte que, sans lui, on s'ennuie. Imbéciles, mais c'est vous qui obligez les candidats à promettre sans arrêt, à mentir toujours plus de crainte de vous décevoir", ajoute l'éditorialiste qui soutient François Hollande.

La problématique de l'environnement et donc l'avenir de la planète n'auront pas été au coeur des débats durant cette campagne. Sans doute ne font-ils pas rêver. Mais entre PS et UMP, quelles différences dans ce domaine? C'est toujours la voie d'un développement dépassé qui est privilégiée. "L'environnement, ça commence à bien faire", avait déclaré l'énervé président. Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, chef de groupe PS à l'Assemblée nationale, cité parmi les possibles premiers ministres, défend bec et ongles, son projet d'aéroport du Grand Ouest. Il est prévu depuis 1964, il n'y a aucune raison de ne pas le concrétiser enfin sur près de 1500 hectares (dont 800 de béton). Au mépris de toutes les règles et de tous les problèmes environnementaux et énergétiques actuels. Dans une tribune du Monde, il parlait des opposants comme de "partisans de l'immobilisme" et d'un "modèle social basé sur le refus de toute forme de progrès et le repli sur soi!" (3).
Des militants du Ps belge se sont rendus en car au meeting de François Hollande ce mardi à Lille. Ils chantent l'Internationale. Elle n'avait pas mérité cela. C'est faux, très faux (4). On regrette le temps où les socialistes chantaient "Le chiffon rouge" de Michel Fugain. Cette gentille chanson convenaient mieux au projet révolutionnaire socialiste.

Le journaliste américain Philip Gourevitch ne s'étonne pas que très (très) peu d'Américains sachent que des élections présidentielles se préparent en France, moins encore que personne là-bas ne connaisse le nom de François Hollande. "Cela prouve qu'ils se font finalement une idée très juste de l'élection, écrit-il. Parce qu'au fond il n'y a qu'un candidat dans cette campagne, et c'est le président sortant. Si Hollande l'emporte, ce ne sera pas parce qu'il est désiré, mais parce que Sarkozy est devenu indésirable. (...) Sarkozy est lui-même son unique adversaire." (6)

Marine Le Pen qualifie certains de ses adversaires d' "affreux soixante-huitards attardés" (5). Venant d'une répugnante extrémiste retardée, le compliment vaut son pesant de bêtises.
Le mot de la fin à Caroline Fourest et Fiammetta Venner, à l'adresse de celles et ceux qui seraient tentés de voter pour la candidate du FN. "Ceux qui souhaitent se défouler peuvent faire du sport. Ceux qui veulent envoyer un message n'ont qu'à militer dans des associations. Voter Front national relève de la facilité. Ce geste aggrave la situation au lieu de résoudre les problèmes. Ceux qui choisissent quand même de voter FN ont une pointe d'infantilisme dans le cœur. Il  faut être un grand enfant pour croire que l'on peut tout avoir: la sécurité d'un Etat fort et payer moins d'impôt, l'immigration zéro et la retraite à 60 ans. En bon parti démagogique, le FN leur promet. Il  faut avoir le courge de leur dire qu'il leur ment. Et qu'ils doivent choisir: vouloir la retraite à 70 ans (sans immigration) ou la retraite plus tôt mais accepter l'immigration. Si nous avons besoin de l'immigration, il faut bien l'intégrer. Mais comment convaincre les nouveaux citoyens de se sentir pleinement citoyens si le FN monte? La xénophobie défait l'intégration, donc la cohésion." (7)

(1) JT de France 2, 19 avril 2012
(2) Marianne, 7 avril 2012
(3) Tribune publiée dans Le Monde du 15 février 2011, citée dans Télérama, 28 mars 2012
(4) JT RTBF, 18 avril 2012
(5) Journal parlé de 13h, France Inter, 20 avril 2012
(6) Télérama, 18 avril 2012
(7) C. Fourest et F. Venner: "Marine Le Pen - biographie", Grasset 2012

voir aussi www.youtube.com/watch?v=BnYmV8WoTFg

mardi 17 avril 2012

Retour(s) de campagne 1

Installons-nous dans la campagne française. Asseyons-nous et observons ce qui s'y passe. Un coucou joue les réveille-matin; il a dû s'installer dans le nid des autres. Un vieux renard se plante devant nous, il nous regarde droit dans les yeux. Puis, brusquement, il fait demi-tour. Un héron nous survole; il pousse des cris. Une grenouille avance à petits sauts; elle semble se croire aussi grosse que le boeuf du pré voisin. Un chevreuil franchit une clôture, insaisissable. Un rapace nous survole; il trace de grands cercles, guettant ses proies. Les moutons sont nombreux; ils paissent tranquillement.

Mais où est cette campagne électorale française, hors des médias audiovisuels? Se promenant dans le centre de la France, entre Creuse et Vienne, on voit des panneaux vides d'affiche. Parfois l'une ou l'autre de Mélenchon. Aucune autre. Sinon une affiche du candidat Sarkozy aveuglé par deux autocollants du Front de Gauche. Sur le marché d'un petit bourg, cinq ou six militants qui soutiennent François Hollande devisent entre eux, se soucient peu des passants. Une militante des Verts parvient à surmonter son pessimisme et, seule, distribue le programme d'Eva Joly. La France profonde est loin de l'Elysée.

La mère Le Pen (qui est aussi la fille) est à la traîne dans les sondages. C’est de leur faute. Un sondeur ne donnant de bons sondages est un mauvais sondeur. Pour chaque pourcentage supplémentaire qu’elle obtiendra (elle en est convaincue), elle demande que les directeurs des instituts de sondage lui versent un mois de leur salaire. Elle reversera ces sommes à des organisations de bienfaisance. Madame a ses pauvres et ses œuvres. Elle ne s’estime pas reconnue à sa juste valeur. Mais peut-on être aimée quand on n’est pas aimable ? Pendant ce temps, quatre militants du FN, dont le secrétaire départemental du FN de la Haute-Vienne, ont été arrêtés pour avoir menacé les consommateurs d’un bar à Limoges. Armés d’une batte de base-ball, d’une matraque et d’un couteau, ils ont insulté les personnes présentes, les ont traités de « sales communistes » et de « petits-bourgeois ». Ils ont une excuse : ils sortaient d’une réunion du Front National (1). Marine Le Pen n’a pas de chance, elle est mal entourée. Elle oscille entre Calimera et Cruella.

Nicolas Sarkozy sera un autre président, un président différent. Il l’affirme la main sur le cœur. « C’est comme dire à sa femme, Je te promets, je vais changer, écrit Sandrine Blanchard dans Le Monde. Sous-entendu : Je ne serai plus le même. Laisse-moi une deuxième chance. J’ai vieilli, je ne cache pas mes cheveux blancs, je me suis apaisé, je te comprends mieux. » (2) Et s’il fut un président bling-bling, ce n’est pas de sa faute, mais celle de son ex-femme, Cécilia, c’est elle qui a organisé la soirée au Fouquet’s, elle qu’il a essayé de reconquérir sur le yacht de Bolloré. Donc, Nicolas Sarkozy a changé. C’est finalement ce qu’il fait de mieux, changer d’avis. « Les élections sont comme une thérapie pour lui, ça lui donne l’occasion de se transformer. Il devrait annoncer dans son prochain meeting : Cette fois-ci, pour changer, je ne changerai pas. », écrit Mathieu Lindon dans Libération (3), « D‘habitude les candidats disent Voilà ce que je ferai, lui en est réduit à dire Voilà ce que je ne ferai plus. Tout le monde veut être l’anti-Sarkozy, même Nicolas Sarkozy. Il va finir par lâcher : On n’en serait pas là si j’avais été président ces dernières années. »
Il a changé, mais continue à gesticuler, "ivre de lui-même" (5). « L’énergie dont il fait preuve dans la dernière ligne droite ressemble à bien des égards à de l’agitation », écrit Paul Quinio (4) "La France est à la recherche de quelqu'un qui mette le pays en mouvement et pas seulement lui-même", écrit Der Spiegel (5).
A dix-huit jours du premier tour, il présente enfin son programme. Si tant est qu'il en ait un. Un jour, il est européen. Le lendemain, il est eurosceptique. Un jour, il soutient les grandes fortunes; le lendemain, il veut les taxer. Il est "le président qui veut être roi", mais qui n'est que "un homme sans vraie conviction politique" (5).

A suivre.

(1) Libération, 4 avril 2012
(2) Le Monde, 12 avril 2012
(3) Libération, 7 avril 2012
(4) Libération, 10 avril 2012
(5) "De president die koning wil zijn", repris dans Knack, 21 mars 2012

lundi 16 avril 2012

Une page de publiphobie

Vacances en France. On se désintoxique de la télé et on écoute plus quotidiennement encore que d'habitude France Inter. On ne s'étendra pas ici sur la qualité - indéniable - des programmes de la chaîne généraliste publique, mais quand on retrouve sa petite sœur belge, la Première, ce qui saute à l'oreille c'est que cette dernière ressemble à une vulgaire chaîne commerciale. Ses programmes sont truffés de pubs aussi agressives qu'intrusives. Les pubs s'installent n'importe où, coupent en morceaux les émissions. Sans respect pour les présentateurs, leurs invités, leurs auditeurs.
Un exemple ce lundi: dans le Forum de Midi, Fabienne Vande Meerssche se penche sur les problèmes de la STIB. Pour ce faire, elle reçoit différents invités et dialogue avec les auditeurs. Mais, régulièrement, elle se voit forcée de leur proposer de "se retrouver après ceci". "Ceci" étant une page de pub. Ces pubs qui nous prennent pour des cons trouvent difficilement leur place dans des émissions qui parient sur notre intelligence. Avec France Inter, on écoute vraiment la différence. On prolonge alors ses vacances.