La bande de philistins qui tente de diriger les Etats-Unis s'est donné une grande mission : tout casser. A commencer par la science et l'éducation. "Nous devons, honnêtement et agressivement, attaquer les universités dans ce pays." C'est ce qu'avait déclaré en 2021 celui qui est devenu au début cette année vice-président des Etats-Unis, J.D. Vance, qui n'a visiblement jusqu'à présent impressionné personne par la finesse de ses analyses, sa hauteur de vue ou sa sagesse "Nous avons besoin de sagesse, avait-il affirmé, et il y avait de la sagesse dans ce que Richard Nixon a dit il y a quarante, cinquante ans : Les professeurs sont l'ennemi".
On aurait aimé qu'il explique ce que signifie attaquer honnêtement ou encore en quoi il serait sage de s'attaquer aux enseignants, mais en est-il capable ?
Ces béotiens n'ont pas besoin de se justifier, l'échange, le débat, la discussion leur sont aussi étrangers que l'intérêt collectif. Donc, ils cognent, ils coupent, ils dépècent, ils mentent, ils insultent. Il faut leur reconnaître cela : dans ces domaines, ils ont de grandes compétences.
Ils coupent les vivres aux universités qui ne s'alignent pas sur leurs ukases, ils suppriment des organismes de recherche ou taillent dans leurs subventions, ils dépècent le ministère de l'Education.
Les universités ont été sommées de retirer de leurs programmes toute référence à la recherche sur l'environnement, sur les inégalités ou les discriminations. Quand on a cassé le thermomètre, on ne constate plus de fièvre. Ainsi le veut l'idéologie trumpienne, "improbable cocktail de nationalisme chrétien et de techno-fascisme crétin mixé dans le bureau ovale" (1). "Soyez (et soyons) encore plus stupides", serinent ceux que Giuliano da Empoli appelle "les ingénieurs du chaos". L'irrationnel devient la norme, "le savant est moqué et l'ignorant porté aux nues". L'ignorance n'empêche rien, au contraire : Ubu Trump est devenu président de la première nation mondiale.
Avant lui, son collègue illibéral Vikor Orban avait déjà agi de la sorte : en 2010, il supprimait le ministère hongrois de l'Education nationale. Il ne cesse de restreindre l'autonomie des enseignants (ceux du public, les écoles catholiques et protestantes étant favorisées), d'augmenter leur charge de travail, d'intervenir dans le contenu des manuels scolaires. Il leur a même interdit la grève. Des milliers d'enseignants ont préféré démissionner. Ceux qui restent se résignent, par peur d'être dénoncés. (2)
Pendant ce temps (3), le tueur en série Poutine transforme les lycées russes en antichambres de l'armée. Plusieurs fois par semaine, les élèves, vêtus d'une tenue militaire, sont conditionnés au nationalisme et à la nécessité de prendre prochainement les armes pour défendre la patrie.
"L'ignorance, c'est la force", proclame le Parti dirigé par Big Brother dans 1984 de George Orwell.
(1) Olivier Pascal-Moussellard, "La guerre au savoir est déclarée", Télérama, 26.3.2025.
(2) Marc Belpois, "Orban, touche pas à ma fac !", Télérama, 16.4.2025.
(3) Un reportage dans le Journal d'Arte en témoignait récemment.