mercredi 20 janvier 2016

La nature (in)humaine




Le dit-on assez? La nature va mal. Et on n'est pas sûr que les décisions de la COP21 y changeront grand-chose. Aujourd'hui, quantité d'espèces disparaissent presque aussi vite que fond la glace du pôle nord. Selon la journaliste américaine Elisabeth Kolber, qui a mené à ce sujet une analyse durant cinq ans(1), un tiers des amphibiens seraient menacés de mort et il en va de même pour un quart des mammifères ou encore un sixième des oiseaux. "En tout, plus de dix pour cent de la faune actuelle s'éteindrait en une génération. Un tel événement se produit en général tous les cent millions d'années, et beaucoup plus lentement, et voilà que nous avons la (mal)chance d'y assister en direct, relève la reporter dans un demi-sourire (2)."
L'urbanisation sans cesse croissante, la déforestation, la désertification, les champs pétroliers, l'agriculture intensive, la production et la consommation de viande, l'extension des zones d'élevage, l'augmentation des transports terrestres et aériens, la surpêche, la production de CO2, l'emprise d'un tourisme de plus en plus massif, la commercialisation des animaux, le réchauffement climatique, voilà autant de causes humaines de la dévastation de la nature.
Bien sûr, ici et là, et même un peu partout, des citoyens, des associations, des pouvoirs publics tentent si pas de renverser la vapeur, en tout cas d'éviter le pire.
Mais l'économie a toujours besoin de plus d'espace, sur terre comme dans les airs, pour se développer. D'espaces aseptisés, débarrassés de cette nature incontrôlée ("La Terre, cette rebelle à mater",  écrit Fabrice Nicolono) (3). En France, 70.000 hectares sont bétonnés chaque année. Si on apprécie (parfois) la nature en vacances, il ne faudrait cependant pas qu'elle nous empêche de vivre au quotidien. On peut reprocher à quantité de responsables (?) politiques leur servilité au rouleau compresseur de l'économie et de la croissance, mais il faut aussi constater qu'il sont trop peu nombreux les citoyens qui s'opposent aux nouveaux centres commerciaux, aux nouveaux lotissements, à ces villes qui s'installent à la campagne parce que l'air y est plus sain... Combien d'entre nous râlent sur ces villes qui n'offrent plus de place pour se garer et se réjouissent de voir se développer, à la périphérie des villes, des zones commerciales excessivement gourmandes en espaces de nature ou en terres agricoles? Un environnementaliste français faisait récemment remarquer qu'en Allemagne, quand un centre commercial s'installe, ses parkings sont exclusivement prévus ou sur son toit ou dans son sous-sol. En France comme en Belgique, comme dans trop de pays, chaque commerce a ses parkings gigantesques, étalés à l'horizontale et bétonnés. 
L'homme est un bipède à quatre roues qui dévore la nature. Et se moque de l'avenir de ses enfants.

Les êtres humains sont les seuls animaux dont j'ai réellement peur.
George Bernard Shaw



(1) La 6e extinction. Comment l'homme détruit la vie, éd. La Librairie Vuibert, 2015.
(2) Erwan Desplanques: La voix de la faune, Télérama, 23 décembre 2015.
(3) Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu'est devenue l'agriculture, éd. Les Echappés, 2015.

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