dimanche 20 juillet 2014

Folie aveugle

A la fois assassine et suicidaire. On ne sait comment traiter autrement l'attitude de l'Etat israélien vis-à-vis de la population de Gaza.
L'objectif de l'opération menée par l'armée israélienne est clair, même si des fous furieux qui ont tué trois adolescents israéliens lui en ont offert une occasion qu'on n'oserait qualifier d'idéale: "nous avons été mandatés à l'échelon politique pour frapper durement le Hamas", a affirmé le porte-parole de l'armée le 8 juillet (1).
"Depuis le début ou presque, le gouvernement israélien savait que les garçons étaient morts. Et s'il a prétendu qu'il restait un espoir c'était un prétexte pour démanteler les cellules opérationnelles du Hamas en Cisjordanie", écrit Jonathan J. Goldberg (1). Qui affirme que le gouvernement de Netanyahou a voulu, dès le début, faire du Hamas le responsable de ce crime alors qu'il savait pertinemment qu'il s'agissait "d'un dérapage d'un clan familial d'Hebron affilié au Hamas".
La violence a évolué ensuite en spirale, le nombre de morts, y compris des enfants, étant actuellement multiplié par cent du côté palestinien.
C'est la loi du Talion appliquée jusqu'à l'excès, dans une violence démesurée. La loi du Talion, c'est celle de l'homme qui régresse de plus de deux mille ans. Mais ici, ce n'est même pas œil pour œil, c'est yeux pour œil, écrit Charb: "pour un œil, les deux yeux, pour une dent, toute la mâchoire" (2).

Des amis me relataient récemment leur voyage en Palestine, leur écœurement face à l'humiliation que les Israéliens font subir quotidiennement aux Palestiniens. Allant jusqu'à établir une politique d'apartheid stigmatisant la population palestinienne, comme les nazis l'ont fait avec les Juifs.
"Quand il n'y a pas de progrès vers la paix, une escalade de la violence s'ensuit automatiquement. La décision de Netanyahou de ne pas s'orienter vers la partition du pays l'a mené au bord d'une implosion politique qui l'empêchera de relever le défi de toute sa carrière: l'Iran", écrit le journaliste israélien Ari Shavit (3).
Les œillères israéliennes mènent les deux populations dans le mur. "Israël ne veut pas d'un Etat palestinien viable, avec un territoire et des frontières clairement définis, écrit Youssef Bazzi (4). Mais Israël ne veut pas non plus être l'Etat de tous ses habitants (y compris les Palestiniens). Il n'est ni capable de se séparer des Palestiniens ni de les englober. Son problème, c'est l'existence même des Palestiniens. Le seul fait qu'ils existent rend impossible la réalisation de l'Etat juif." Le journaliste libanais constate l'aveuglement de l'Etat palestinien, "prisonnier d'un projet non viable", son absence de volonté de recherche de solution, sa course dans une impasse. "Les Israéliens sont engagés dans une fuite en avant et se laissent aller au délire qui consiste à refuser tout à la fois la solution de deux Etats (israélien et palestinien côte à côte) et la solution d'un seul Etat pour les Juifs et les Arabes. Leur seule perspective, c'est toujours plus d'occupation et de spoliations. Israël a décidé de vivre dans la guerre permanente. De ne pas s'accorder la paix ni de donner leurs droits aux Palestiniens. (4)"

Cette spirale imbécile de la violence déborde fatalement partout. Dans les deux camps, là-bas comme ici, des attiseurs de haine appellent à casser, sinon, à tuer des Arabes ou des Juifs (4). La confusion entre Juifs et Israéliens, entre Palestiniens, Arabes et Musulmans fait l'affaire des va-t-en-guerre et des extrémistes de tous bords.

Aujourd'hui, l'armée israélienne a tué 87 personnes à Gaza.

Résumons-nous: l'homme, s'il n'est pas désespéré, est désespérant.

(1) "Une guerre dont personne ne voulait", Forward (New-York), 10.07.2014, in Le Courrier International, 17.07.2014. (note: Le Courrier International présente l'hebdomadaire Forward comme la "publication de référence de l'intelligentsia juive américaine".)
(2) "Le suicide d'Israël", Charlie Hebdo, 16 juillet 2014.
(3) "Tel-Aviv n'est plus une bulle", Ha'Aretz (Tel-Aviv), 10.07.2014, in Le Courrier International, 17.07.2014.
(3) "Israël n'est pas un Etat normal", Al-Mustaqbal (Beyrouth), 13.07.2014, in Le Courrier International, 17.07.2014.
(4) www.lesoir.be/6-52/article/actualite/belgique/2014-07-19/manifestation-pro-gaza-derape-bruxelles-photos

jeudi 10 juillet 2014

Coucou, roux, coucou

Le temps automnal que nous connaissons en ce début juillet ne doit pas nous amener à relâcher notre action dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il a des conséquences dramatiques. En voici une preuve de plus: d'après des généticiens écossais, d'ici quelques centaines d'années, si le réchauffement de la planète se poursuit, celle-ci pourrait bien ne plus compter aucun roux (1). Ce qui serait bien triste, la diversité humaine y perdrait des couleurs. Une, en tout cas. "Une belle tête, sous une perruque rousse, n'est autre chose que le Soleil au milieu de ses rayons; ou le Soleil lui-même n'est autre chose qu'un grand œil sous la perruque d'une rousse", écrivait Cyrano de Bergerac (2). 
On voit par là que pour le bien de la planète il faut à la fois lutter contre le réchauffement climatique et faire des enfants roux. 
Personnellement, ma conscience citoyenne m'a amené à agir des deux manières. 
"On reconnaît le rouquin aux cheveux du père et le requin aux dents de la mère", disait Pierre Desproges (2).

(1) http://www.lalibre.be/lifestyle/magazine/les-roux-une-espece-en-voie-de-disparition-53bbef4a357013fdc9c5edb1
(2) cité par Xavier Fauche in "Roux et rousses - un éclat très particulier", Gallimard Découvertes.

dimanche 6 juillet 2014

Boire et déboires

Le Français est chauvin, le Belge ne cesse de le dire. Lui ne l'est pas. Mais alors pas du tout, il en est convaincu. 
Quittant pour quelques jours la France, à la veille du match de foot opposant les Bleus à l'Allemagne, je n'y vois guère de drapeaux aux couleurs nationales arborés aux fenêtres. Arrivant en Belgique, à Tournai plus précisément, je n'y compte pas les centaines, les milliers de drapeaux affichés aux fenêtres et aux murs des maisons, accrochés aux voitures, à leurs rétroviseurs, les gens vêtus de rouge-jaune-noir. L'hystérie collective a gagné le pays. Les journaux ne parlent que de foot, que de cette équipe nationale qui enthousiasme le pays et ira, c'est sûr, jusqu'en finale. Si pas au-delà. Le monde a dû s'arrêter de tourner. La presse n'a plus ni espace ni temps pour aborder d'autres sujets. On voit par là que le Belge est un supporteur comme les autres, chauvin, nationaliste, sûr que son équipe est la meilleure.

Ce samedi à 18h, à l'heure de la rencontre opposant les équipes belge et argentine, je sors en ville. Elle n'est qu'une clameur.  Les supporteurs en retard se pressent vers la grand-place, où se donne la grand messe. Ailleurs, les rues sont vides, d'un calme inhabituel à cette heure. Derrière des fenêtres, on entend parfois les commentaires du journaliste de la RTBF, on devine des gens vêtus aux couleurs nationales. La police a mobilisé ses chevaux qui frappent le pavé de leurs sabots. Autour des poubelles s'entassent des canettes de Jupiler. Les rues sentent l'urine. Les homme savent pourquoi. Déjà, la rumeur de la foule s'est adoucie. La Belgique est menée au score. "A la chanson wallonne", à Saint-Piat, l'amertume a gagné les verres. Dans un café du quartier de Sainte Marguerite, Che Guevara ne parvient pas à motiver la petite dizaine de supporteurs qui regardent la télé d'un œil déçu: "hasta la victoria siempre", dit-il. On sait quel camp il soutient.
Aux terrasses des cafés, des supporteurs trop sensibles au stress, boivent une bière, loin des écrans. Au café "Le Paradis", on espère un miracle. Mais c'est Messi et non les Diables qui y fait la loi. La fête est finie. C'est trop injuste. On était pourtant les meilleurs. "Chuis trop zaraf", dit un jeune au bord des larmes. La pluie tombe drue, nettoyant les trottoirs et les coins de porte. Une écharpe aux couleurs belges dérive lentement sur l'Escaut.

samedi 28 juin 2014

Coïtus interruptus

Il faut se rendre à la raison, même si elle est cruelle, l'animateur radio est comme l'homme: mortel. Certains ne pouvaient y croire, sûrs qu'ils animeraient leur émission jusqu'à la (prochaine) nuit des temps. Et même au-delà. La nouvelle directrice de France Inter vient d'annoncer à Ivan Levaï, 77 ans, qu'elle n'avait plus besoin de ses services pour assurer la revue de presse du week-end. Le journaliste est outré, s'estime rangé "dans la catégorie des vieux cons caducs" (1). 
Daniel Mermet, 71 ans, est dans le même cas. L'homme, qui était devenu pour nombre de ses auditeurs le gourou du politiquement incorrect et de l'altermondialisme, avait aussi mué, insensiblement, en une caricature de lui-même. Il se dit aujourd'hui victime "d'une décision politique" (2). 
Si ces animateurs sont des victimes, c'est d'abord d'eux-mêmes, de ne pas avoir accepté le temps qui passe, de ne pas avoir envisagé leur retraite (et donc accepter de se mettre en retrait), de ne pas avoir organisé leur succession. A ne pas être capable d'entrevoir sa propre obsolescence, on devient effectivement un vieux con.
Nicolas Bedos se réjouit de la décision de son père, Guy, qui vient de mettre fin à sa carrière sur scène, en pleine forme à 80 ans: "quand on aime vraiment les gens, on a envie que ça finisse en beauté. Et moi, je fais partie de ceux qui ne disent pas: oh non, c'est dommage! Je fais partie de ceux qui l'ont encouragé, par amour, par grande estime, par admiration pour le chemin accompli" (3).
Ils sont trop nombreux ces personnages publics, qu'on a aimés et appréciés, mais qui ont la prétention d'affirmer que l'âge n'a pas prise sur eux et qui finissent pathétiquement, sur scène ou à l'antenne, n'étant plus admirés que de leurs seuls fan(atique)s pour ce qu'ils furent bien plus que pour ceux qu'ils sont. 

Je ne t'ai jamais dit
Mais nous sommes immortels
Immortels
As-tu pensé parfois
Que rien ne
Finirait?
Dominique A

(1) http://ecrans.liberation.fr/ecrans/2014/06/24/vire-de-france-inter-ivan-levai-dit-avoir-ete-range-dans-la-categorie-des-vieux-cons-caducs_1049523
(2) http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/28/daniel-mermet-prive-dantenne-vrai-martyr-changement-necessaire-253291
(3) "Guy Bedos en toute liberté", France 3, 23 juin 2014.
Relire aussi sur ce blog: "Coucouroucoucou, Mouskourou", 11 mars 2014.

mercredi 25 juin 2014

Les belles histoires de Marraine Lapine

Voici l'histoire de Marraine Lapine. Elle n'a pas eu de chance dans la vie. Elle a un papa bouledogue  (oui, la nature est parfois bizarre) qui est méchant. Il n'aime pas les autres, tous ceux qui ne sont pas bouledogues ou lapins. Il aboie tellement fort que beaucoup de gens évitent de s'approcher de lui.
Mais Marraine Lapine n'est pas comme son papa. Elle est très gentille. D'ailleurs, elle a tout plein de filleuls qui l'aiment beaucoup.
Elle aurait voulu s'associer avec d'autres familles d'autres pays pour être un tas de chouettes copains et gagner tous ensemble de l'argent. Mais elle n'a pas voulu faire équipe avec des loups. Elle a essayé de discuter avec eux, mais elle s'est rendu compte qu'ils avaient de grandes dents. Plus grandes que les siennes à Marraine Lapine. Alors, elle a dit : tant pis, on ne fera pas une chouette grande famille. C'est parce qu'elle a le sens du sacrifice. Elle a fait sa B.A., sa bonne action. C'est bien la preuve que Marraine Lapine est gentille et que ceux qui disent le contraire sont des menteurs.

Lire:
http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/25/groupe-parlement-europeen-marine-pen-a-fait-sacrifice-253187
www.lesoir.be/580496/article/actualite/belgique/elections-2014/europeennes/2014-06-24/marine-pen-echoue-former-un-groupe-au-parlement-europeen
http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/24/pari-rate-marine-pen-les-nationalistes-saiment-les-uns-les-autres-253153

lundi 23 juin 2014

Sacré nom de dieu

Une société ne peut vivre sans règles. Elles sont indispensables à son organisation. Sans elles, ce serait la porte ouverte à la violence. Les sympathiques militants de l'Etat islamique en Irak et au Levant l'ont bien compris. C'est pourquoi ils ont édicté une charte (1) qui devrait être un modèle pour tous les fascistes de la planète. Elle prévoit, pour celles et ceux qui s'opposent à la volonté de Dieu, "l'exécution, la crucifixion, l'amputation des bras ou (et) des jambes, ou l'exil". Elle n'autorise les femmes à sortir de chez elles que si c'est vraiment indispensable et uniquement si elles sont accompagnées d'un homme (légitime) et entièrement couvertes. Elle interdit l'usage de l'alcool, du tabac et des drogues. Et les habitants de Mossoul et tous ceux qui seront soumis à cette loi ne peuvent protester, puisque toute manifestation publique est interdite.
Résumons-nous: Dieu est amour.

Je bois du vin, et l'on me dit, à droite et à gauche:
"Ne bois pas de vin, c'est l'ennemi de la religion!"
Quand j'ai su que le vin était l'ennemi de la religion, 
J'ai dit: "Par Allah! Laissez-moi boire son sang, c'est un acte de piété."

Ne suis pas la Sunnat, laisse ses préceptes;
Ne refuse à personne le morceau que tu possèdes;
Ne calomnie pas, n'afflige pas un seul cœur;
Je te garantis le monde à venir... Apporte du vin.

Omar Khayyâm, Quatrains (Mille et Une Nuits)

(1) www.liberation.fr/monde/2014/06/23/les-16-commandements-de-l-etat-islamique-en-irak-et-au-levant_1048158

mardi 17 juin 2014

Les chiens sont lâchés

Est-ce l'œuf ou la poule? Le succès du FN aux élections européennes a-t-il libéré les hommes qui se comportent en chiens? Ou est-ce parce que l'époque est à la haine de l'autre, à l'exclusion et à l'expression violente que la fille à papa Le Pen triomphe? Les deux causes se renforcent.
En tout cas, les agressions homophobes se multiplient, tout comme celles contre les Juifs ou les Roms.
Dernière en date: le lynchage d'un adolescent rom par une douzaine de personnes qui le soupçonnaient d'être l'auteur d'un cambriolage (1). L'adolescent est dans un état critique. Cette brutale attitude de cow boys qui se prennent pour des justiciers inquiète.
Imaginons le pire: le parti de la famille Le Pen est au pouvoir. A chaque fois, ce sera la victime de l'agression qui sera forcément coupable. Elle "avait qu'à pas" être là ou faire ce qu'elle a fait, provoquer en montrant sa différence, être ce qu'elle est, tout simplement. Brusquement, la violence dénoncée par ailleurs devient légitime. L'époque sent mauvais.

La théorie du "grand remplacement" fait son chemin, nous dit-on. Des peuples (entendez les Arabes) se sont donné pour objectif de remplacer le peuple français. L'expression fait florès à l'extrême droite, y compris chez les Le Pen (2). Même si les chiffres disent l'inverse. "L'an dernier, le solde migratoire de la France, c'est-à-dire la différence entre les entrées et les sorties, était selon l'INSEE de quarante mille personnes (ce qui n'est rien). Parler d'invasion est délirant", estime le démographe Hervé Le Bras (3). Ce qui n'empêche pas la fille à papa Le Pen de parler d'une "immigration considérable" (2). Le nombre d'immigrés (dont des Européens) qui s'installent en France, parfois provisoirement, est de 0,4% de la population française, alors que la moyenne de l'OCDE est de 0,6% (2).

Pendant ce temps, papa et fifille Le Pen se disputent par lettre (4). Ou font semblant. Le vieux qui a dû céder sa place ne s'en remet pas et reproche à la présidente qui est aussi sa fille de ne pas assumer l'héritage. Tu es aussi raciste que moi, lui dit-il, tu aimes aussi fréquenter les nazis (5). L'héritière d'un père condamné neuf fois par la Justice pour négationnisme ou racisme voudrait donner d'elle une image proprette. Mais papa se fait un malin plaisir de rappeler qu'on n'échappe pas à son destin et qu'on ne peut cracher dans la soupe surtout qu'on est née avec une petite cuillère en argent dans la bouche.

(1) http://www.liberation.fr/societe/2014/06/17/quand-les-riverains-s-en-prennent-aux-roms_1043446
www.liberation.fr/societe/2014/06/16/un-jeune-rom-dans-le-coma-apres-avoir-ete-lynche_1042828
(2)
http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/11/grand-remplacement-lidee-raciste-propage-252747
(3) Télérama, 4 juin 2014.
(4) www.huffingtonpost.fr/2014/06/13/perles-lettre-ouverte-jean-marie-le-pen-marine_n_5491096.html?utm_hp_ref=france
(5) Marine Le Pen a participé, début 2012 à Vienne, à un bal organisé par des néo-nazis. Elle a déclaré ne pas voir "où est le problème". (Re)lire sur ce blog: "Difficultés de la filiation" (27 février 2012) et "Vieilles marmites" (16 janvier 2012).

Passage

Apprenant le décès de quelqu'un que j'ai connu en politique, je me suis rendu aux Portes d'Enfer.       J'y ai vu passer son âme.

les Portes d'Enfer, sur la Gartempe (Vienne)

vendredi 13 juin 2014

Du vent


Non loin de chez moi, un projet de sept éoliennes fait du bruit. Comme partout, des "riverains" s'y opposent. Même si les plus proches d'entre eux se trouveront à plus de 800 mètres de ces moulins à vent. Mais le nymbisme semble bien être le mal du siècle. 
Ci-dessous le courrier que je viens de leur adresser.


Mesdames, Messieurs,

habitant L., à proximité de T., je viens de recevoir votre folder dans lequel vous vous opposez à l'implantation d'éoliennes dans notre région.
Que vous vous souciiez de notre cadre de vie, je m'en réjouis, mais je vous avoue rencontrer certaines difficultés à comprendre vos arguments.
Tout d'abord, je ne parviens pas à savoir de combien d'éoliennes il s'agit: vous parlez d'une enquête publique concernant "7 éoliennes", mais votre carte en indique 20 du côté des H. et en illustre 17.
Ensuite, je ne peux accepter telle quelle la liste de vos critiques contre les éoliennes, qui ressemble fort à un « copier-coller » de toutes celles que s’échangent les comités anti-éoliens à travers l’Europe.
Vous parlez de "nuisances sonores et visuelles". Personnellement, j'ai eu l'occasion de voir, de près, d'un peu plus loin et de très loin, des éoliennes, en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne, et je dois dire que si je les ai vues, je ne les ai pas entendues, mis à part un chuintement quand on se trouve à leur pied et tout au plus à 200 mètres. Dès que le vent augmente, le bruit ambiant fait de même et celui des éoliennes se perd dans l'ensemble.
Quant à leur impact visuel, vous me permettrez d'estimer qu'il s'agit là d'un point de vue purement subjectif. Personnellement (et ça n'engage évidement que moi), je les trouve rassurantes, apaisantes, modernes et design. C'est peut-être bête à dire, mais j'adore voir tourner des éoliennes. Dans les débats publics sur les éoliennes, c’est en général le dernier argument qui tienne : les éoliennes sont-elles belles ou pas ? Juste une question d’esthétique donc.
Vous affirmez de manière assez précise que les éoliennes "font subir une dévalorisation aux biens situés à proximité, et ce dans une fourchette comprise entre -28% à -46% de leur valeur d'origine". Je ne sais d'où vous tenez ces chiffres. De mon côté, j'ai lu une étude – en Wallonie -  qui réfute totalement votre affirmation. Des maisons ont été revendues, à partir desquelles la vue s'ouvre sur des éoliennes, sans que leur valeur ait baissé. C'est donc, sans doute, qu'il y a des gens qu'elles ne dérangent pas ou qui les apprécient.
Vous dénoncez la destruction de la faune: ici encore, aucune étude, à ma connaissance, ne le confirme. Et s'il doit y avoir parfois des oiseaux tués par des éoliennes, leur nombre n'a rien à voir avec celui, bien plus élevé, des oiseaux tués par le trafic automobile et par la chasse. Envisagez-vous l’interdiction de ces activités ?
Elle "ne subsistent que grâce aux subventions", dites-vous. Vieil opposant au nucléaire, je serais curieux de savoir quelles fortunes les pouvoirs publics ont dépensé pour lui permettre de se développer et de gérer aujourd'hui l'ingérable problème des déchets. Donc, oui, l'énergie, quelles que soient ses formes, a un coût pour la société.
Les éoliennes ne fonctionnent, dites-vous encore "que 15% des 365 jours d'une année". Voilà  bien une rumeur que se refilent tous les comités anti-éoliens. J'ai entendu la même en Belgique où j'ai vécu et où j'ai vu tourner pendant des années, au moins 25 à 28 jours par mois (quand ce n'est pas 31 – je l’ai par exemple vérifié quotidiennement du 1er au 31 mars 2013 * ), les 7 éoliennes érigées à proximité de chez moi.
Elles "ne créent pas d'emplois industriels en France", affirmez-vous. Comme d'autres pays, la France a pris du retard en ce domaine. L'opposition de principe n'aide évidemment pas le secteur à se développer, même si, en Allemagne, par exemple, il a créé bien plus d'emplois que le nucléaire.
Enfin, vous regrettez qu'elles "ne profitent qu'à une minorité de propriétaires-exploitants". Mais vous soulignez par ailleurs que la Communauté de Communes, donc la collectivité, donc les citoyens, en bénéficieront (le groupe de soutien aux éoliennes cite les chiffres de 50.000 € annuels pour la minuscule commune de T., tout récemment au bord de la faillite, et autant pour la Communauté de communes). Cherchez l'erreur. Si demain on se met à interdire toute activité industrielle qui ne rapporte qu'à quelques-uns, j'imagine que l'économie française serait définitivement ruinée. A moins que vous ne souhaitiez - c'est peut-être votre projet, après tout pourquoi pas? - passer à une économie de type communiste.
Vous terminez en posant la question de savoir quel héritage nous voulons laisser à nos enfants. Personnellement, j'aimerais leur laisser une Terre la plus propre possible, d'où auraient disparu les énergies polluantes et sans leur laisser pendant des siècles de dangereux déchets nucléaires.

Je l'ai vécu en Belgique comme en France: l'opposition aux éoliennes semble reposer sur un principe... d'opposition, sur des rumeurs, sur la résistance au changement et surtout sur une attitude d'autruches. Que proposent, que font les opposants pour réduire leurs consommations, pour changer de mode de production d'énergie?
La région de L. a refusé, voilà des années, l'enfouissement de déchets nucléaires. Elle a eu bien raison. Mais soyons cohérents : on ne peut refuser les déchets tout en acceptant la logique nucléaire, à moins de tomber dans le « nimbysme » (not in my backyard – pas dans le fond de mon jardin). Donc, quelles formes d’énergie pour remplacer le nucléaire?
Peut-être le projet que vous contestez envisage-t-il trop d'éoliennes. Peut-être les éoliennes en projet sont-elles trop hautes. Peut-être certaines sont-elles prévues trop près de certaines habitations. Je n’en sais rien et c'est possible, mais vous n'en dites rien et je serais prêt à vous suivre si vous pouvez démontrer que leur impact paysager pourrait être diminué.
Sans doute faudrait-il exiger que ces éoliennes soient « citoyennes », en ce sens que les riverains puissent y investir prioritairement et en retirer donc, sous l’une ou l’autre forme, des bénéfices. Cette pratique a déjà prouvé, ailleurs, tout son « intérêt ».
A Houyet, petite commune rurale de Wallonie, les habitants et les communes environnantes sont propriétaires de 2/3 du parc éolien. J’y ai rencontré des habitants très fiers de « leurs » éoliennes. Le concept est le suivant : « le gisement vent appartient aux citoyens et est l’une de leurs ressources énergétiques. (…) Les retombées économiques et financières de l’exploitation du gisement vent sont réservées majoritairement aux habitants de la région et à leurs sympathisants dans le pays, soit à titre individuel ou associatif, soit par le biais de leurs administrations communales, intercommunales, etc. » (extrait d’un document que je tiens à votre disposition - voir www.vents-houyet.be)

Je suis persuadé que c’est dans ce sens qu’il faut aller, plutôt que de s’en tenir à un refus de principe de tout parc éolien, au risque que votre combat reste un combat d'arrière-garde, s'inscrivant dans une démarche de résistance à un  changement  indispensable. Les éoliennes sont aujourd’hui un moyen, parmi d’autres, de changer de modes d’énergie. Elles  génèrent, comme les autres modes, mais moins que d’autres, certaines gênes. Faut-il, absolument, les refuser ? Si oui, il faut alors cesser toute consommation d’énergie.
Il n’est pas question d’accepter n’importe quoi, mais pas non plus de refuser tout changement. Et chacun doit en prendre sa part.

* lire sur ce blog "Et pourtant elles tournent", 31 mars 2013.

lundi 9 juin 2014

Vomissures

Jean-Marie L'Infect a encore frappé. Fort. Le président "d'honneur" du FN est coutumier des propos violents, racistes, antisémites, négationnistes. Ils le font exister. Il a toujours prétendu dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. On en arriverait presque à penser qu'il croit vraiment que tout le monde pense comme lui. Mais, pas complètement idiot, il a aussi compris que sa fifille - pour faire réussir son parti - a dû imposer à ses troupes de penser bas sans parler haut (1). Ce qu'il ne supporte pas, estimant  que le parti qu'il a fondé sombre dans le politiquement correct. Et puis, s'il est toujours actif, c'est pour rassurer la frange dure du FN: oui, le parti est toujours aussi celui des racistes, des antisémites, des négationnistes et de tous ceux qui n'aiment pas les autres.
Voilà donc que Le Pen père, s'en prenant aux artistes qui ont appelé à se défier du FN, a affirmé, parlant plus précisément de Patrick Bruel, que "on fera une fournée la prochaine fois" (2). Face au tollé qu'ont suscité ces propos, la fille à papa Le Pen a considéré qu'il s'agissait là d'une "faute politique". Certains journalistes parlent déjà d'une "rupture" entre père et fille (3). C'est conclure trop rapidement.
S'il s'agit d'une faute politique, il faut comprendre que le vieux Le Pen n'aurait pas dû tenir publiquement de tels propos qui déforcent la tentative de dédiabolisation du FN. En réalité, il s'agit de bien plus qu'une faute politique: une faute humaine.
Il y a peu, le même Le Pen, lors d'un meeting électoral, avait affirmé qu'il avait la solution contre la démographie galopante: "Monseigneur Ebola". Ici encore, ses propos avaient suscité l'indignation. Sa fille avait - sans rire - excusé papa: il témoignait "d'une inquiétude par rapport à un virus mortel" (4).
Aujourd'hui encore, même si elle prend ses distances avec papa, elle le protège. Elle se dit "convaincue que le sens donné à ses propos relève d'une interprétation malveillante". Ce sont les autres qui sont malveillants, pas lui. Ce qu'elle condamne, ce n'est pas ce qu'il a dit, mais le tort que ses déclarations causent à l'image qu'elle essaie de donner de son parti.
Si la fille à papa veut être crédible, elle doit tuer le père: l'exclure du parti, larguer un président d'honneur qui, bien plus que son parti, déshonore l'humanité.

(1) On en retrouve de multiples témoignages dans "Bienvenue au Front", de Claire Checcaglini (Jacob-Duvernet, 2012) et de "Revenus du Front" de Nadia et Thierry Portheault (Grasset, 2014).
(2) www.liberation.fr/politiques/2014/06/08/sos-racisme-denonce-une-nouvelle-sortie-antisemite-de-jean-marie-le-pen_1036209
(3) www.lalibre.be/actu/international/marine-le-pen-vs-jean-marie-le-pen-la-rupture-539559e43570d60b4dc38c7a
(4) France Inter, 9 juin 2014, Journal de 13h.
Et aussi:  http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/09/lintervieweuse-ingenue-pen-amie-denfance-marine-a-lultradroite-252795