lundi 9 novembre 2015

Une solution, malgré tout

Vingt ans déjà que Yitzhak Rabin a été assassiné. Vingt ans que s'éloigne de plus en plus tout espoir de paix entre Palestiniens et Israéliens. Que reste-t-il comme chance de voir un jour se créer un Etat palestinien? Comment ne pas comprendre les gestes autant assassins que suicidaires, qui se multiplient ces dernières semaines, de jeunes Palestiniens à qui Israël ne laisse entrevoir pour avenir que des murs? Toujours plus de murs et d'humiliation. L'écrivain israélien Avraham Yehoshua, quasi octogénaire, se dit "triste, déprimé, peut-être plus que jamais" (1). La solution des deux Etats, il a cessé d'y croire, à cause de la progression incessante des colonies palestiniennes. "Imposible d'évacuer les cinq cent mille colons de  Cisjordanie, ce serait la guerre civile. Par la colonisation, Israël a détruit la solution à deux Etats. Mélanger deux populations totalement différentes ne pouvait qu'aboutir à une catastrophe. C'était une terrible erreur." 
Il a beau avoir toujours défendu, depuis 1967, l'existence de deux Etats, il se dit aujourd'hui convaincu que la seule solution réside dans la création d'un Etat binational.  "La solution idéale était bien sûr de créer deux Etats, mais dois-je m'accrocher à quelque chose qui ne va pas se réaliser? Pourquoi ne pas agir étape par étape, avec des cantons, des régions, un peu comme en Suisse, peut-être arriver à deux Etats mais en passant par un Etat binational?" Cette idée, qu'il a défendue dans une tribune (publiée récemment dans Libération et prochainement dans Haaretz), est partagée en Israël, dit-il, "par des gens de la gauche, de la droite libérale, elle dépasse les partis, et c'est pour cela qu'elle pourrait aboutir. Bien sûr, elle comporte des dangers. Mais toutes les solutions en comportent".
Il en appelle aussi aux Européens: "vous avez une responsabilté historique et morale envers les Juifs et les Palestiniens. Car il y a eu la Shoah en Europe, et les Palestiniens ont payé le prix de la création de l'Etat d'Israël. Vous avez le devoir et le pouvoir d'imposer une solution".
Avraham Yehoshua déplore "la montée de la religion" qui "aggrave le conflit territorial", mais  continue à croire qu'une solution doit s'imposer. "Un Etat binational, vu comme une étape vers deux Etats, permettrait de sortir de cette impasse. On donnerait aux Palestiniens un espoir, on en finirait avec cet apartheid qui ne dit pas son nom, avec ce discours sur le processus de paix qui n'est qu'un discours puisqu'on ne fait rien pour la paix. On en finirait avec le simulacre." Et peut-être alors Yitzhak Rabin ne sera-t-il pas mort pour rien.

(1) "En Israël, un Etat d'urgence?", Télérama, 21 octobre 2015.

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