vendredi 27 novembre 2015

L'assassinat de l'intelligence

Revenons sur cet imam, esprit éclairé, qui veut interdire la musique qui, si nous l'écoutons, nous transformera en porc ou en singe (1). L'auteur de ce billet peut en témoigner: il en écoute beaucoup et de tous styles depuis soixante ans. Et voilà à quoi il ressemble:


Un physique pour le moins original, dû à l'écoute de chansons traditionnelles françaises pour enfants, de Clash, de Jacques Brel, de Thélonius Monk, des Frères Jacques, de Dominique A, d'Ann Pierlé, de Franz Schubert, de Lo'Jo, de Claire Diterzi, de Black Sabbath, d'Hugues Aufray, de Ballaké Sissoko et Vincent Segal, de Who, des Compagnons de la Chanson, de Sapho, de Zao, de Wallace Collection, de Don Cherry, des Beatles, de Rachid Taha, de Pink Floyd, de Camille, des Fabulous Trobadors, d'Art Blakey, du Taraf de Haïdouks, des Nits, de Nick Cave, d'Alain Bashung, de Brigitte Fontaine et de tant d'autres. Sans oublier le Père Duval.
On voit par là qu'il faut toujours écouter l'imam de Brest.

Plus sérieusement, l'émission "Permis de penser" (2) posait récemment la question suivante: "le mal a-t-il à voir avec l'inaptitude à penser?". C'est une bonne question.
Revenant sur les propos ahurissants de l'imam, la psychanalyste Houria Abdelouahed rappelle qu'aucune parole prophétique n'interdit la musique. C'est Omar, second calife, connu pour sa misogynie (au point qu'il avait enterrée vivante une de ses filles) qui refusait d'entendre les voix féminines et a ainsi interdit la musique. C'est plus simple. "Comment l'Etat permet-il ce genre de propos?, demande la psychanalyste. Comment peut-on confier des enfants de la République à de tels terroristes? On arrive à interdire toute pensée autour de l'art et de la vie." Le philosophe sénégalais Souleyman Bachir Diagne, spécialiste de l'islam, se déclare surpris d'apprendre que cet enseignement se donne en toute liberté à des enfants: "il faut haïr profondément l'humanité pour tenir de tels propos, dit-il. Ce n'est pas de l'endoctrinement, mais un assassinat de l'intelligence et de la capacité d'émotion des enfants".
Autre sentence d'un imam, diffusée par Laure Adler, animatrice de l'émission: il affirme qu'une femme ne peut se refuser à son mari et il ne s'agit pas là de soumission. Elle ne peut lui couper la parole lorsqu'il parle, elle doit l'écouter lorsqu'il s'adresse à elle, lui obéir lorsqu'il lui ordonne de faire quelque chose. "Affligeant!", réagit Houria Abdelouahed qui dit ne pas comprendre de tels propos de la part d'un jeune "habillé à l'ancienne comme à l'époque des califes, comme s'il n'y avait pas ces quinze siècles qui nous séparent!" Elle cite un autre imam, en Allemagne cette fois, qui, s'appuyant sur un verset coranique qui dit aux hommes que leurs femmes sont leur champ de labour où ils peuvent se rendre quand ils le veulent, affirme que si un homme, à l'extérieur de chez lui, a du désir pour une autre femme, il doit aussitôt rentrer chez lui finir sa besogne avec sa femme. "Il faut réfléchir aux assises pulsionnelles de la fondation islamique, dit-elle. Le propre de la civilisation humaine, c'est l'arrêt de la pulsion, qu'on retrouve dans toutes les religions: tu ne tueras point, tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin." Mais ici, et Daech est dans cette perspective, dit-elle encore,  le message est: vous pouvez tuer, forniquer, prendre des captives... "La liberté est la grande absente de l'islam", entend-on dire le regretté Abdelwahab Meddeb, dans un enregistrement.
Souleyman Bachir Diagne souligne l'ignorance profonde des sociétés musulmanes, y compris par rapport à leur propre religion. L'éducation est plus que jamais nécessaire, dit-il. Houria Abdelouahed lui répond en écho qu'il faut miser sur l'éducation et l'enseignement pour aider ces enfants (djihadistes) qui ont "de vraies failles identitaires, narcissiques".

Juste avant, dans l'émission "Sur les épaules de Darwin" (3), Jean-Claude Ameisen nous faisait réentendre le discours de Malala Yousafzai lors de sa réception du Prix Nobel de la Paix en 2014. Elle avait alors dix-sept ans. Elle dénonce les mariages forcés, le travail des enfants, l'analphabétisme, l'esclavage, les violences. Elle dit s'exprimer au nom des soixante-six millions de filles privées d'éducation et a créé une fondation pour permettre aux filles d'aller à l'école, en premier lieu chez elle, au Pakistan. "Comment se fait-il, demande-t-elle que construire des tanks soit si facile et construire des écoles si difficile? Comment se fait-il que donner des canons soit si facile et donner des livres si difficile? " Quatre cents écoles ont été détruites au Pakistan par des factions islamistes. En Afrique, Boko Haram a démoli mille cent écoles.

(1) (re)lire, sur ce blog, "Noirs prêches", 23 novembre 2015 et écouter le billet de C. Fourest sur France Culture (23.11.2015) "La démocratie face aux prêcheurs de haine":
https://carolinefourest.wordpress.com
(2) sur France Inter, 21 novembre 2015:
http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1189829
(3) sur France Inter, 21 novembre 2015:
http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1191971


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