jeudi 19 novembre 2015

Deux femmes

De l'intelligence! De l'intelligence! De l'intelligence! Voilà ce à quoi tout le monde appelle face au triomphe de la bêtise. Et voilà qu'une femme politique, qui se verrait volontiers en présidente de la République, démontre elle-même qu'elle manque cruellement de cette intelligence.
Interviewée par Patrick Cohen sur France Inter ce matin (1), l'héritière de Jean-Marie Le Pen affirme que Christiane Taubira a déclaré qu'il fallait "comprendre les jeunes qui partent en Syrie". Voilà une déclaration qui la fâche. En réalité, la Ministre de Justice a dit (un enregistrement d'iTélé, diffusé par Cohen, en témoigne): "Il faut s'interroger sur les ressorts profonds qui font que des jeunes soient réceptifs à ce discours de destruction, de dévastation, de mort tout simplement. (...) Il nous faut comprendre cela." La nuance est de taille, mais qu'importe pour la présidente du Front national qui ne s'embarrasse pas de ces détails? Elle estime qu'une ministre de la Justice n'a pas à comprendre, mais à réprimer: "C'est de la folie, vous m'entendez? C'est de la folie! Madame Taubira, dans ce domaine, comme à l'égard des criminels et des délinquants qui pourrissent la vie de nos concitoyens, n'a à mon avis qu'une seule priorité, c'est d'essayer de comprendre leur ressort intime, se pencher au chevet de ces considérations. C'est le rôle d'une assistante sociale, sûrement pas le rôle d'une ministre de la Justice."
Mais, lui rétorque Bernard Guetta, "si vous ne comprenez pas l'ennemi, vous perdez la guerre."
"Ce que je veux, répond la présidente du parti familial, c'est que cet ennemi ne soit pas sur mon territoire." Pas de chance: il l'est. Puisque quasiment tous les attentats commis en France cette année l'ont été par de jeunes Français.
On voit par là que Marine Le Pen utilise, une fois de plus, le mensonge comme argument et qu'on peut être malin sans être intelligent. La fille à papa a hérité de beaucoup de choses de son père, mais comme lui les nuances lui échappent, de même qu'une certaine capacité à réfléchir. Si elle suivait une formation à l'Entraînement mental, elle apprendrait à identifier et comprendre les causes d'un problème pour pouvoir envisager les solutions les plus adaptées. Louper cette étape-là est une grossière erreur. Mais MLP n'a que des solutions toutes faites. Des yaqua. Et elles sont aussi mauvaises qu'elle.

De l'intelligence, de la tolérance, de la compassion, de l'amour, une femme qui en témoigne, c'est Latifa Ibn Ziaten. Son fils, militaire français, a été assassiné par Mohamed Merah en mars 2012. Depuis, elle voue sa vie à rencontrer des jeunes qui pourraient être tentés par le radicalisme. Elle a reçu ce jour, pour cela, le prix de la Fondation Chirac.
"Que faut-il faire pour que cessent ces massacres?", lui demande Claire Servajean, sur France Inter toujours (2)? "Aller vers l'autre", dit-elle. Elle a réussi à dissuader deux jeunes de partir en Syrie: "il suffit de dialoguer. On ne peut pas faire avec la violence ou la haine, mais avec notre cœur on peut réussir. Il faut tendre la main aujourd'hui." Elle qui se sent plus que jamais stigmatisée, qui hier encore à l'aéroport a vu un homme s'éloigner ostensiblement parce qu'elle s'était assise à côté de lui, appelle à éviter les amalgames: elle croit au vivre-ensemble, dans le respect, la dignité, la tolérance, l'amour, le respect de nos valeurs communes. "C'est un travail de fond qu'il faut faire, avec les parents, avec l'école, avec ces jeunes", estime-t-elle.

Ce matin sur France Inter, le ciel était bas et lourd. Plombé. A 13h, il y avait une lueur qui perçait la chape nuageuse.

(1) http://www.liberation.fr/video/2015/11/19/prise-en-flagrant-delit-d-intox-marine-le-pen-quitte-le-plateau-de-france-inter_1414670
Note: il paraît que, furieuse, MLP est partie sans attendre la fin de l'émission. Ne supporterait-elle pas les interviews?
(2) France Inter, Journal de 13h, 19 novembre 2015.



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