dimanche 29 décembre 2024

Refuser l'obscurité

Boycotter et censurer sont aussi à la mode que insulter et annuler. Triste époque, dirait-on au risque de passer pour un vieux con. On le serait plus encore si on disait O tempora, o mores. Disons-le sans crainte au point et à l'âge où nous en sommes.
Le problème de la censure est que chacun appelle à l'exercer contre le camp d'en face, tout en s'indignant que ceux du sien puissent en être victimes.

Heureusement, on se rend compte qu'on est loin d'être seul à soupirer.
Par exemple, en écoutant hier Christophe Bourseiller sur France Inter (1) qui rappelait l'importance de Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, roman qui évoque un futur dystopique où le savoir est rejeté le savoir, la mémoire annihilée et les livres brûlés. Bourseiller y voit un livre prémonitoire repensant, notamment, à la campagne d'épuration littéraire qui, en 2019 au Canada, a vu la bibliothèque d'une trentaine d'écoles catholiques détruire près de cinq mille livres "dans un but de réconciliation avec les nations premières". Ont ainsi disparu des albums d'Astérix, de Tintin, de Lucky Luke et tant d'autres. L'initiatrice de la campagne a même organisé, toujours sous couvert de bienveillance, une cérémonie de "purification par la flamme".  Une trentaine de livres ont été brûlés dans un but "éducatif". On n'était alors pas loin du concept d'art dégénéré qui a amené les nazis à pratiquer des autodafés. Pas loin non plus des pratiques de l'Inquisition.

On se réjouit aussi en lisant que, sous l'impulsion notamment du sympathique et toujours militant Sam Touzani, artiste citoyen, 530 artistes belges, issus de toutes les disciplines, ont signé une carte blanche récemment publiée dans Le Soir, dans laquelle ils s'opposent aux boycotts culturels des institutions et des artistes israéliens. "Une vieille recette qui promet tout, en ne résolvant rien. Sous prétexte de solidarité, on réclame aujourd’hui que des ponts culturels soient détruits par le bulldozer du moralisme. Nous, citoyens libres et artistes, refusons de céder à ce mirage dangereux. Boycotter les institutions culturelles et les artistes israéliens pour défendre la cause palestinienne ? Un raccourci séduisant, certes, mais derrière la rhétorique enflammée, ce geste refuse d’affronter la complexité et choisit la facilité de l’exclusion."
Les signataires rappellent que ce boycott vise les institutions culturelles, prétendument au nom de la justice, institutions qui constituent autant d'espace de rencontre où peuvent se croiser et même s'affronter des voix multiples, y compris les plus critiques. "Boycotter ces espaces, c’est museler précisément ceux qui osent défier les dogmes, dénoncer les injustices et rêver d’un autre monde." Briser une boussole, éteindre la lumière n'a jamais aidé à mettre fin à une guerre ou à une injustice.
Et puis, la censure est une spirale sans fin. "Imaginons un instant appliquer la logique du boycott culturel à d’autres nations. Les artistes chinois ? Écartés, car Pékin n’incarne pas vraiment un modèle de libertés. Les Russes ? Boycottés, histoire de prolonger la guerre froide. Et que dire des Iraniens, des Afghans ou des Syriens ? Adieu la poésie persane, le cinéma iranien et la littérature afghane, car leurs gouvernements échouent au test démocratique. Le Maroc, la Tunisie, l’Algérie ? Pas exactement des phares de démocratie. Et que dire encore de l’extrême droite en Hongrie ou en Italie ? Jusqu’où pousser cette logique absurde, où chaque nation est tour à tour exclue pour les péchés de son gouvernement, confondant nations et individus, États et œuvres ?"
"Ce dont le monde a besoin, affirment encore les signataires, ce n’est pas de murs culturels, mais de ponts solides. La paix ne se construira jamais en fermant les portes, mais en les ouvrant, même aux idées qui nous dérangent. En dynamitant les ponts culturels, on ne fait pas pression sur les oppresseurs : on étouffe les opprimés. En croyant dénoncer l’injustice, on la perpétue."

De son côté, Sam Touzani ajoute ceci : "Quoi que vous pensiez du conflit au Proche-Orient, quel que soit votre degré d’implication ou d’indifférence, sachez ceci : boycotter des artistes israéliens n’est pas un acte de résistance, mais une erreur tragique. Boycotter des artistes, c’est étouffer les voix qui, souvent, portent elles-mêmes des messages de justice et d’ouverture. Des horreurs du pogrom du 7 octobre 2023 à la tragédie qui se joue à Gaza, les souffrances humaines nous rappellent une vérité essentielle : face à ces tensions, la meilleure posture est claire : empathie pour tous, aveuglement pour personne". (...) "Je défends depuis toujours la solution de "deux peuples, deux États", vivant côte à côte dans une paix juste et durable. Mais cette paix restera une chimère tant que les héritiers des assassins d’Itzak Rabin et d’Anouar El Sadate dicteront l’histoire de ce confetti, un territoire qui, sans être Israël, n’attirerait guère plus d’attention que le Soudan. Seul un leadership dépassant la haine, éclairé et ouvert aux artistes, pourra œuvrer à la paix."
Et il invite à agir, "non contre quelqu’un, mais pour quelque chose de plus grand. Signez, partagez cette pétition, et faites entendre une voix de résistance créative" :

Il y a des jours où on est content de ne pas être à la mode. Même peut-être d'être un vieux con. Mais heureux de l'être parmi tant d'autres.

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/ce-monde-me-rend-fou/ce-monde-me-rend-fou-du-samedi-28-decembre-2024-1361015


mardi 24 décembre 2024

L'enfant et l'inhumanité

On pense à ces braves gens qui se sont opposés à l'ouverture à Bélâbre d'un centre d'accueil de demandeurs d'asile. Aujourd'hui, ils triomphent alors que le projet est enterré (1). On a gagné, se réjouissent-ils. Que gagne-t-on en fermant des portes ?
Combien parmi eux iront à la messe de Noël se prosterner devant la représentation d'un enfant né dans une étable parce que ses parents ont été chassés de partout et que d'autres braves gens les ont repoussés parce qu'ils sont étrangers ? (2)
Depuis deux mille ans (et plus sans doute), c'est toujours la même histoire : celle qui oppose des gens qui ne veulent pas d'histoire à d'autres qui ont une histoire douloureuse.

On pense à ce manuscrit de Shakespeare, rédigé dans les années 1590, un monologue qui parle de la condition des réfugiés qui affluaient à Londres suite aux guerres de religion qui déchiraient l’Europe. Dans la pièce dont il est tiré (écrite par plusieurs mains), Thomas More, alors sheriff de Londres, répond à une foule qui se déchaîne contre les étrangers (un fait historique survenu le 1er mai 1517).

“Imaginez le spectacle de ces malheureux étrangers / Leurs bébés sur le dos, avec leur misérable baluchon / Marchant péniblement vers les portes et les côtes pour être déportés / Imaginez que vous trôniez, vous, monarques de vos caprices, / L’autorité de l’Etat rendue muette par vos vociférations, / Drapés dans votre bonne conscience ; / Qu’auriez-vous obtenu ? […] / Vous auriez montré que l’ordre pouvait être bafoué et, selon cette logique, / Pas un de vous ne devrait atteindre un grand âge / Car d’autres voyous, au gré de leurs caprices, Avec les mêmes mains, avec les mêmes raisons et au nom du même droit, / Vous attaqueront comme des requins et les hommes, comme des poissons voraces, / Se dévoreront entre eux. Si vous alliez en France ou en Flandres, dans une province allemande, en Espagne ou au Portugal, vous seriez les étrangers, seriez-vous contents / De trouver un peuple de tempérament aussi barbare / Qu’explosant en atroce violence / Ne vous donnerait pas d’abri / Vous mettrait le couteau à la gorge / Vous méprisera comme des chiens / et comme si Dieu ne vous avait pas aussi créés / Et comme si vous n’aviez pas le droit de demander de l’aide  / Que penseriez vous d’être ainsi traités ? / Ceci est le cas de l’étranger / Et ça, votre colossale inhumanité.”

(1) (Re)lire sur ce blog : 
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2024/12/entre-soi.html
(2) (Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2023/04/le-chaos-dans-leurs-tetes.html

dimanche 22 décembre 2024

Le temps des rustres

Les grossiers personnages ont le vent en poupe. On le voit avec le succès des extrêmes, à droite comme à gauche. On le voit avec le retour au pouvoir d'un Trump aux Etats-Unis, l'accession d'un Millei en Argentine. On le voit avec Orban, avec Erdogan, avec Salvini, avec tant d'autres.
On le voit aussi avec le nouveau président géorgien, connu pour ses propos obscènes (1). Il n'est  pas élu au suffrage universel direct, mais par un collège d’électeurs, contrôlé par le parti au pouvoir, Rêve géorgien. L'actuelle présidente, pro-européenne, Salomé Zourabichvili, annonce qu'elle ne quittera pas sa fonction tant qu'il n'y aura pas de nouvelles élections législatives. Elle estime, comme l'opposition, que le scrutin du 26 octobre dernier, dont les résultats ont octroyé un quatrième mandat à Rêve géorgien, a été "truqué" avec l’aide de la Russie. Le très probable futur président, Mikheïl Kavelashvili, est un ancien footballeur dont la candidature en 2015 à la présidence de la Fédération de football avait été refusée parce qu’il n’avait pas suffisamment de diplômes. Il ne parle aucune langue étrangère. Il n'est pas assez bon pour être président de la fédération de foot mais assez pour présider le pays. Ses discours devant le Parlement sont souvent pleins d’obscénités et alignés sur les idéologies d’extrême droite, affirment ses opposants. Certains affirment que ceux qui l'ont nommé à ce poste l'ont fait par provocation, si contents de nommer président un rustre. Comme un bras d'honneur à la démocratie et à la civilité .

Vladimir Poutine est d'un autre style de rustre, entre ado provocateur et vieux dément. Il y a quelques jours, lors de sa conférence de presse annuelle - qui consiste toujours pour lui en une interminable logorrhée - il a proposé aux Occidentaux "une sorte de duel technologique du XXIe siècle". Roulant des mécaniques, le Rambo russe a déclaré : "Que l’on se mette d’accord sur une cible, par exemple à Kiev, qu’ils y concentrent toutes leurs forces de défense aérienne et antimissile, et nous frapperons là avec l’Orechnik (le nouveau missile russe de moyenne portée qu'il présente comme inarrêtable). Menons une telle expérience, un tel duel technologique et voyons ce qui se passe. C’est intéressant. Je pense que cela sera utile à la fois pour nous et pour les Américains." Le voilà dans une cour de récréation : "tu ne pourras pas m'attraper-er !". 
"Les gens meurent, et il trouve ça intéressant. Quel con", a réagi Volodymyr Zelensky. Son chef de cabinet, Andriy Iermak, avait, lui, traité Vladimir Poutine de "vieux crétin ayant perdu la boule". 
Poutine a toujours ressemblé à un serpent froid et imperturbable, le voilà en gorille se frappant la poitrine pour intimider ses adversaires. Le voilà en tsar des rustres.

Je ne suis qu'un serpent
Et de murs en murs
De prairie en prairie
Je perpétue mes hécatombes
D'ailleurs je mange les œufs de colombe
Bertrand Belin, Oiseau.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/14/georgie-le-parlement-largement-considere-comme-illegitime-elit-comme-president-du-pays-le-prorusse-mikheil-kavelashvili_6447488_3211.html
(2) https://www.courrierinternational.com/article/guerre-en-ukraine-un-fou-furieux-vladimir-poutine-propose-un-duel-de-missiles-a-kiev_225936


vendredi 20 décembre 2024

Entre-soi

Il fut souvent question ici du projet d'un Centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) à Bélâbre, village du sud-ouest de l'Indre. Porté par la commune, le projet était vivement combattu par une partie de la population locale soutenue par l'extrême droite (RN et Reconquête), tandis qu'une autre partie défendait le projet au nom de la devise de la République française et en particulier de la fraternité.
Le Préfet de l'Indre vient d'enterrer définitivement le projet. "La société Viltaïs, qui avait répondu à l’appel du projet de l’État, rencontre de grosses difficultés financières. C’est la cause première de l’abandon du projet", explique dans la Nouvelle République (1) le maire Laurent Laroche.
Du côté des anti, on triomphe. "On a gagné", se rengorgent-ils. Parmi eux, les patrons de la supérette du village qui, à la NR, "se disent « fiers » de « cette victoire qui est la nôtre, au sein de l’Union bélâbraise ». Ils balaient d’un revers de la manche « l’excuse invoquée d’un manque de moyens de l’association Viltaïs pour justifier l’abandon du projet. La réalité, c’est qu’on s’est battu pour que ce projet qu’on a voulu nous imposer, ne voit pas le jour. Et on a gagné. Peu de communes ont réussi ce qu’on a fait », soulignent Frédéric et Patricia Fassiaux qui digèrent difficilement de s’être vus « catalogués d’extrémistes de droite » et de « racistes »." 
Leur fille, elle, s'affiche moins hypocritement : elle campe solidement à l'extrême droite. Elle qui avait pris la tête de ce combat des grognons, entend mener une liste du Rassemblement national aux prochaines élections municipales. 
Les patrons de la supérette ne sont pas racistes puisqu'ils ont une pensée émue pour les Mahorais. Et plus encore "« Nous ne sommes pas dans le rejet des autres. Au contraire, on est prêts à aider tout le monde : c’est d’ailleurs ce qu’on fait pour Mayotte », indique Patricia Fassiaux en montrant le chariot contenant la collecte alimentaire organisée au profit des sinistrés mahorais." (1).
Allez, encore un petit effort de charité bien chrétienne pour les pauvres et demain ils seront prêts à accueillir à Bélâbre des réfugiés mahorais. Après tout, Mayotte, c'est la France.

(1) https://www.lanouvellerepublique.fr/indre/a-belabre-les-visions-de-laurent-laroche-et-de-ludivine-fassiaux-s-opposent-toujours-apres-l-abandon-du-projet-de-cada

mardi 17 décembre 2024

Jammerlijk

Pauvre homme ! On le plaint amèrement. Alors que son train était à Vilvoorde, ce voyageur de la NMBS (la SNCB en néerlandais) a été salué par un Goeiemorgen ! Bonjour ! prononcé par l'accompagnateur du train. La convivialité ne colle pas toujours avec les règles belges. Et les règles linguistiques belges veulent, depuis une loi du 18 juillet 1966, que les annonces dans les trains soient toujours faites dans la langue de la région où se trouve le train. Or Vilvoorde se trouve en Région flamande. Le voyageur a donc déposé plainte. (1) Ce bonjour francophone a profondément heurté ce pauvre homme. Peut-être sa journée en a-t-elle été totalement perturbée. 
Se plaint-il quand en gare de Lille, ville d'un pays où la seule langue officielle est le français, les informations à destination des voyageurs flamands sont faites en néerlandais ? (2)

Me revient un billet écrit il y a bien longtemps (3) :
"Dans le train Mouscron - Bruxelles, lors de ses (seuls) arrêts à Herseaux, Tournai, Leuze et Ath, les annonces aux voyageurs se font en français. Mais dès l'entrée en terre bruxelloise (et sans que le train ne se soit arrêté depuis Ath), le chef de train devient bilingue. Au cas, peut-être, où de clandestins néerlandophones auraient investi le train lors de son passage en gare de Hal (où il ne s'arrête pas). Que faut-il en conclure ? Que le voyageur flamand qui aurait embarqué en gare francophone n'a qu'à comprendre le français ? Et qu'il n'a droit à sa langue natale que quand celle-ci correspond avec le sol ? Que c'est la loi du sol qui prime? Il faut surtout en conclure que le ridicule n'a jamais empêché les trains de rouler et que la Belgique est un pays qui pratique d'étranges rites, vides de sens. C'était ma rubrique Avec la SNCB, gagnez un voyage en absurdie." 

(3) https://moeursethumeurs.blogspot.com/1996/05/petite-chronique-periscopique.html

samedi 14 décembre 2024

Tous fascistes

La députée écologiste Sandrine Rousseau a un avis cinglant sur tout et tout le monde et ne se prive jamais de le donner. Même quand on ne lui demande pas. Grande prêtresse de la morale (la sienne), elle flingue qui ne pense pas comme elle. En fonction de ses critères, prioritairement féministes et décoloniaux. Récemment (1), elle s'en est pris à Boualem Sansal, l'écrivain emprisonné par le gouvernement algérien pour avoir le grand tort d'être un esprit libre. Elle commence par contester son emprisonnement, avant d'ajouter un mais. "Je voudrais aussi poser que les propos et les positions tenus (par Boualem Sansal) sont des propos relevant de l’extrême droite" et aussi "d’une forme de suprémacisme". "Le suprémacisme, c’est quand même l’idée qu’il y a des civilisations qui sont supérieures aux autres. C’est précisément ce qui va nous emmener dans le chaos." On ne sait en quoi des propos qu'a pu tenir Sansal sont d'extrême droite et suprémacistes, mais on comprend que Sandrine Rousseau estime qu'un écrivain algérien doit s'exprimer selon les critères qui sont les siens à elle et doit respecter son gouvernement même s'il s'agit d'une dictature. Un point de vue de colonisateur totalement opposé à ce qu'elle défend : c'est elle, française, qui dicte à un écrivain franco-algérien comment il doit se comporter. S'en rend-elle compte ? A-t-elle lu le moindre roman de Sansal ? A-t-elle compris que les critiques de l'islamisme qu'on peut y lire sont très féministes ? Mais Rousseau défend le port du voile - ce vêtement qui empêche les femmes d'exister - au nom du respect de l'identité. Elle apparaît finalement comme une coloniale anti-féministe qui s'ignore. En accusant Boualem Sansal de manière aussi clash, Sandrine Rousseau soutient la dictature algérienne. Rousseau, fasciste !

A l'Université Libre de Bruxelles, l'université de la libre pensée créée pour combattre « l'intolérance et les préjugés » en répandant la philosophie des Lumières, des cercles étudiants se sont récemment opposés à une soirée-débat avec Georges-Louis Bouchez, président du Mouvement réformateur, et Louis Sarkozy, fils de. "Pas de fachos sur notre campus", clamaient les opposants à la soirée. On n'est pas sûr que l'un et l'autre aient eu grand-chose d'intéressant à dire, mais on est sûr qu'ils sont tous deux très à droite. Sont-ils pour autant fachos ? Ces étudiants n'acceptent-ils de débattre qu'avec ceux qui pensent comme eux ? Sont-ils incapables d'opposer des arguments ? Etudiants, fascistes !

Pour beaucoup de militantes et de militants intersectionnels, le système patriarcal est blanc, forcément et exclusivement blanc. Ils refusent de voir qu'il n'est pire patriarcat aujourd'hui que les religions sous leur forme intégriste et en particulier la religion musulmane qui dans ses dérives politiques force les femmes à se voiler la tête quand ce n'est pas le corps entier. Soutenir le port du voile ou de la burqa est une attitude très sexiste et même raciste qui témoigne d'un profond mépris pour les femmes afghanes, iraniennes, pakistanaises et autres. Ce sont les mêmes souvent qui soutiennent, ou au moins ferment les yeux sur leurs dérives, l'extrême droite islamiste et les régimes les plus violents de la planète sous prétexte qu'ils sont les ennemis des Etats-Unis. Intersectionnels, fascistes !

C'est la mode aujourd'hui : traiter qui ne pense pas comme vous de fasciste ou le classer à l'extrême droite. Une réaction fainéante qui ne vous oblige pas à l'analyse ni à la nuance et qui fait perdre aux mots leur sens. Nous voilà donc tous fascistes puisque nous nous retrouvons toujours, inévitablement, face à des gens avec qui nous sommes en désaccord.
Chez moi, j'ai supprimé tous les miroirs. Je crains d'y croiser le visage d'un fasciste. 

(1) https://www.lefigaro.fr/culture/pour-sandrine-rousseau-boualem-sansal-n-est-pas-un-ange-20241211

mardi 10 décembre 2024

Les tortionnaires et leurs amis

Depuis longtemps, on savait. On savait que le régime des Assad était celui de l'horreur. Mais aujourd'hui l'ouverture des prisons nous fait découvrir à quel point le sadisme et la violence qu'ils pratiquaient étaient  d'une barbarie rarement atteinte, d'une inhumanité totale. 
Même des adolescents en étaient victimes. Dans la Syrie d'Assad, on se retrouvait en prison pour avoir dessiné un graffiti ou pour avoir déploré la situation des militaires. Et cette prison était le pire des enfers. Tabassages, tortures, mort, c'est ce qui attendait les détenus. "A coups de barre de fer et de câble électrique, les bourreaux du régime s’attardaient à briser corps et âme jusqu’à ce que mort s’ensuive", écrivent les envoyés spéciaux du Monde (1). Des prisonniers voués à disparaître étaient jetés dans des cellules d'un mètre sur un mètre. Des dizaines de milliers de prisonniers ont ainsi été tués par le régime. "Dans un rapport publié en 2022, l’Association des détenus et disparus de (la prison) Saydnaya estimait à 30 000 le nombre de prisonniers torturés à mort ou exécutés entre 2011 et 2018, au plus fort de la répression et de l’anéantissement des régions qui échappaient au contrôle du régime. Les corps n’ont jamais été restitués aux familles." Et pour cause : le régime les faisait disparaitre. "Dans l’aile ouest de Saydnaya, les corps des détenus, tués sous la torture, étaient placés dans du sel avant d’être envoyés vers un hôpital militaire. Hamed se souvient, lui, de corps dissous par des produits chimiques. La privation de nourriture, d’eau et de soins médicaux était généralisée."
La répression de la population depuis le soulèvement de 2011 aurait fait au moins 500.000 morts. Certains pensent que le chiffre d'un million ne serait pas exagéré.

Depuis longtemps, on savait. Mais certains ne voulaient pas savoir. A l'extrême droite comme à l'extrême gauche, on apprécie les extrémistes violents.
"Depuis son arrivée à la tête du parti cofondé par son père, écrit Le Monde (2), Marine Le Pen a toujours regardé les révolutions arabes avec scepticisme, disant préférer « une dictature laïque à une dictature islamiste ». Elle a toujours été entourée de conseillers qui, comme son père, faisaient les yeux doux au régime Assad. Tels le député européen Thierry Mariani, le conseiller régional Andréa Kotarac, actuel membre du cabinet Le Pen, l'ancien député européen Aymeric Chauprade ou encore son ami Frédéric Chatillon, "prestataire du RN, largement enrichi par l’argent du régime syrien dont il assura la propagande politique durant la révolution, et la communication touristique avant cela. Proche de dignitaires baasistes, Frédéric Chatillon voyageait fréquemment en Syrie cependant qu’il jouait un rôle-clé dans les campagnes de Marine Le Pen".
"Jordan Bardella, président du RN, a considéré la chute de Bachar Al-Assad comme « une catastrophe géopolitique », en raison du « risque migratoire » qu’elle ferait courir à l’Europe, écrit encore Le Monde. Aucun des deux leaders d’extrême droite ne s’est jamais attardé ni sur les souffrances infligées par Bachar Al-Assad à son peuple, ni sur le rôle que son régime a joué dans l’exil de millions de Syriens."

Mélenchon, lui, a, selon Le Monde, "toujours sous-entendu que le soulèvement syrien était téléguidé par les Etats-Unis et le Qatar, et que cette guerre était d’abord une affaire de « pipelines » et de « gazoducs ». (...) Le 29 novembre, il moquait, lors d’une conférence devant un public conquis, des « rebelles habillés de pied en cap dans des camions tout neufs », « des bazookas, des fusils et des Toyota flambant neufs » achetés « à la boutique du coin ». Insinuant l’intervention d’un agent étranger. Lequel ? Selon M. Mélenchon, « un sénateur américain » aurait « vendu la mèche », disant : « Al-Qaida a toujours été notre agent d’intervention. »"
Comme Marine Le Pen, Mélenchon avait "mis en doute les attaques chimiques menées par l’armée syrienne en avril 2018 dans la Ghouta orientale, une banlieue de Damas, selon des révélations de l’Observatoire syrien des droits de l’homme. « Si [le gouvernement français] a ces preuves, qu’il les montre ! », avait-il asséné. " Aujourd'hui, le gourou de LFI hurle qu'il a toujours  "défendu la révolution citoyenne de 2011 contre la dictature de Bachar Al-Assad" et dit s'inquiéter de l'arrivée au pouvoir d'islamistes. Comme le fait remarquer un opposant syrien, il est moins inquiet "quand il s’agit du Hamas ou du Hezbollah, qui a mené des crimes d’ampleur en Syrie". 
L'antiaméricanisme primaire de Mélenchon tourne au mépris de la population syrienne, voire au racisme. Il préfère soutenir des dictateurs parce que, selon lui, ils font partie du camp des ennemis des Etats-Unis plutôt que de dénoncer la barbarie avec laquelle ils traitent leur population. 
Le FN-RN et LFI sont aussi écœurants et inaudibles l'un que l'autre. Qu'ils se taisent.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/12/10/syrie-a-la-prison-de-saydnaya-l-espoir-brise-des-familles-de-disparus_6439197_3210.html
(2) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/12/09/marine-le-pen-et-jean-luc-melenchon-rattrapes-par-leur-soutien-passe-a-bachar-al-assad_6438963_823448.html
A lire aussi sur le régime Assad et ses soutiens internationaux :
https://www.courrierinternational.com/article/recit-la-syrie-d-assad-ou-le-royaume-de-la-peur-et-du-silence_225445?at_medium=email&at_campaign=alerte_courrier&at_creation=article_lire_la_suite


lundi 9 décembre 2024

A qui le tour ?

Chaque matin, en ouvrant son ordinateur pour découvrir les nouvelles de la nuit, on espère apprendre la mort d'un tyran ou la chute d'un dictateur. Hier, la journée de dimanche a bien commencé : on apprenait que le Boucher de Damas a été forcé de fuir son pays, un pays qu'il mis à feu et à sang, dont il a tué 500.000 à un million de ses habitants et fait fuir des millions d'autres. Il s'est réfugié à Moscou. Il a démissionné, a déclaré le Kremlin dans cette novlangue (de pute) dont il est coutumier.
On pense aux amis syriens, à leur joie d'apprendre que s'en est fini de cette famille de dictateurs qui a fait régner la terreur sur son peuple pendant plus de cinquante ans. Reste à espérer que les libérateurs - présentés comme des islamistes assagis en radicaux - joueront ce rôle jusqu'au bout et que la Syrie connaîtra enfin la démocratie.
La fin d'Assad, estiment de nombreux commentateurs, est aussi celle de "l'axe de résistance iranien" et un échec pour Poutine, l'homme qui n'a jamais d'état d'âme, qui avait mis son armée au service du Boucher. Comme d'autres, on se met à rêver dans ce monde désespérant. Et si les mollahs iraniens subissaient le même sort ? Si, en quelques jours, le peuple se soulevait et l'armée, fatiguée d'être un instrument de répression, rendait les armes ou les retournait contre ses maîtres ? Si les mollahs et les ayatollahs couraient se réfugier à Moscou ? Et s'il arrivait la même chose en Russie, si les militaires épuisés et sacrifiés dans une guerre insensée signifiaient au tueur en série du Kremlin qu'il a perdu le pouvoir ? On les imagine alors tous se marcher les uns sur les autres pour entrer dans un avion. On les voit déjà réfugiés sur une petite île de l'Océan Arctique où monte chaque jour un peu plus le niveau de la mer à cause du dérèglement climatique.
Même si on sait que demain les nouvelles ne seront pas aussi réjouissantes, on sourit, on espère.

samedi 7 décembre 2024

Le bazar

Quel bazar, la France ! La politique et aucun de ses représentants ne sortent grandis de cette chute (prévisible) du gouvernement Barnier.
Le premier responsable en est le monarque Macron (1). C'est Emmanuel I qui a pris, après les élections européennes de juin, cette décision incompréhensible de dissoudre l'Assemblée nationale. C'est lui qui a fait fi ensuite de l'arrivée en tête du Nouveau Front Populaire aux législatives et a choisi de nommer un premier ministre issu du parti de droite réduit à peu de chose.
La responsabilité en incombe aussi à Michel Barnier qui n'a gouverné qu'à droite et a cédé aux revendications du FN-RN, avant de voir celui-ci s'amuser d'être le maître du jeu. La fille à papa Le Pen craint de devenir inéligible, suite au procès qu'a intenté à son parti et à elle-même le Parlement européen. Il était temps pour elle de détourner l'attention de ses fraudes et, qui sait ?, de bénéficier de l'immunité présidentielle en cas d'élection anticipée. La gauche, elle, ne semble pas gênée d'avoir fait tomber le gouvernement avec l'aide d'une extrême droite contre laquelle elle prétend lutter de toutes ses forces. Auparavant, cette même gauche n'avait pas été capable - elle ne semble même pas en voir eu l'idée - de prendre la main, qu'elle avait pourtant, en négociant avec le centre pour former une majorité et présider un gouvernement de coalition. LFI, elle, n'a plus aujourd'hui qu'un programme réduit à celui des Gilets jaunes : "Macron, démission !" (qu'on peut traduire par "Mélenchon, président !"). Jean-Iznogoud Mélenchon trépigne, il croit toujours son heure venue et rêve toutes les nuits qu'il sera bientôt calife à la place du calife. Tellement imbu de lui-même, il n'a plus conscience qu'il est devenu, avec sa politique du bruit et de la fureur, un repoussoir. En cas de duel entre lui et un candidat du FN-RN (Le Pen ou Bardella), tout indique qu'il serait vraisemblablement nettement battu, mais il croit tellement, soutenu par des courtisans qui l'idolâtrent, en son destin de rédempteur. Et de toute façon, pour lui et ses adeptes, le chaos semble être devenu un objectif en soi.

Dans Marianne (2), Natacha Polony se fâche sur "les irresponsables et les boutiquiers" : "Y a-t-il aujourd’hui dans le personnel politique plus de dix individus dont les citoyens français puissent se dire qu’ils défendent l’intérêt général plutôt que leur carrière ou leur boutique ? Y a-t-il plus de dix représentants qui sachent analyser la nature des difficultés que rencontre le pays et considèrent qu’ils pourraient s’extraire des logiques de parti pour tenter de répondre à l’urgence ?"
Il est temps que les représentants des partis démocratiques se mettent autour de la table et négocient un accord de gouvernement, à l'image de ce qui se pratique dans tout Etat démocratique. Le compromis est inhérent à la démocratie, n'en déplaise à LFI qui n'admettra jamais qu'il n'a pas la majorité et continue à hurler qu'il n'appliquera que son programme, rien que son programme et tout son programme.

"Les élections législatives n’ont rien clarifié, sauf une chose, constatent trois élus de Place publique (3) : une majorité de Français refuse encore de donner les manettes à l’extrême droite. Il n’y eut, au fond, qu’un vainqueur incontestable le 7 juillet : le front républicain, dont le seul but était de barrer la route au Rassemblement national." Raphaël Glucksmann, Aurore Lalucq et Aurélien Rousseau estiment que "le moment est venu de se montrer fidèle au sursaut républicain du deuxième tour des élections législatives, ce qui suppose le dialogue et la confrontation des idées entre partis n’ayant ni le même projet ni les mêmes visions. Face à l’absence de majorité absolue, c’est le chemin que nous avions proposé dès le soir du 7 juillet. Et c’est plus que jamais le seul à pouvoir nous sortir de l’ornière." Ils appellent les groupes parlementaires concernés à "prendre la main et (...) voir s’ils peuvent dégager une plateforme minimale, attendue aujourd’hui par une majorité de Français, sur le pouvoir d’achat, les retraites, la réduction du déficit, la réindustrialisation du pays, la transition écologique ou la réforme du mode de scrutin comme de l’architecture institutionnelle".

C'est là en effet une priorité que devrait se donner le nouveau gouvernement et le président : changer les règles constitutionnelles aujourd'hui inadaptées à la situation politique, sortir de cette présidence monarchique de la Ve République, quitter le système majoritaire à deux tours et adopter le suffrage proportionnel. "En France, le système majoritaire à deux tours, que ce soit pour l’élection du président, pour celle des députés, ou celle des élus locaux, génère une culture à l’antithèse de celle du compromis parlementaire", analyse Paul Magnette, président du Parti socialiste belge (4). Pour lui, les prérequis d’un bon fonctionnement d’une démocratie parlementaire reposent sur "une faible personnification du pouvoir, des partis importants qui reposent sur un travail collectif, une culture de la négociation, la recherche de majorités qui dépassent les blocs politiques…". 
"Il y a différents systèmes de coalition en Europe, rappelle Paul Magnette qui est aussi politiste. Le système à l’allemande, avec souvent de grandes coalitions : hier les sociaux-démocrates se retrouvaient avec les libéraux et les Verts, demain les conservateurs avec les Verts… C’est un peu la même chose en Belgique ou aux Pays Bas. Et puis vous avez d’autres systèmes de coalition avec une forte structure majoritaire, des blocs de droite ou des blocs de gauche : c’est le cas aujourd’hui en Italie ou en Espagne. Enfin, vous avez, comme dans les pays nordiques, des systèmes dans lesquels les coalitions ne sont pas forcément majoritaires. Elles sont formées à l’intérieur du bloc de gauche ou du bloc de droite. Quand le bloc de gauche n’a pas de majorité, il ne forme pas de gouvernement avec la droite. Mais il doit, pour faire adopter des lois, et évidemment le budget, chercher des majorités en dépassant son propre espace politique. Et cela fonctionne."

La situation semble enfin évoluer, sans qu'on sache évidemment à ce stade si un gouvernement de coalition pourrait voir le jour. Hier, écrit Le Monde (5), Olivier Faure, le premier secrétaire du PS "s’est dit prêt à discuter avec les macronistes, et même la droite, sur la base « de concessions réciproques ». Il s’est dit aussi prêt à faire « des compromis sur tous les sujets », y compris sur l’abrogation de la réforme des retraites, hautement symbolique pour la gauche. Le patron du PS a ainsi évoqué « un gel » de la réforme, et non plus une abrogation immédiate, avec la nécessité d’organiser « une conférence de financement ». Jean-Donald Mélenchon est furieux, ce qui ne le change guère.
Ce qui fait largement défaut à la France dans le chaos actuel, ce sont des hommes ou des femmes d'Etat. Peut-être en a-t-on une sous la main ? Depuis juillet, S'EGOlène la Royale ne cesse de clamer qu'elle est disponible pour être première ministre. "On est assez peu nombreux finalement dans le paysage politique à avoir l'expérience, à n'être rejeté par aucun des groupes politiques. (...) Si à un moment c'est une possibilité, oui, bien sûr." (6) Enfin, quelqu'un de responsable sans la moindre ambition personnelle. Juste se mettre au service de son pays. Admirable.

https://www.courrierinternational.com/article/vu-d-allemagne-chute-du-gouvernement-incorrigibles-francais-a-toujours-montrer-les-autres-du-doigt_225338
(2) https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/natacha-polony-irresponsables-et-boutiquiers-reste-t-il-a-lassemblee-quelques-defenseurs-de-linteret-general?at_medium=Email_marketing&at_campaign=NL_La_Quotidienne&at_format=jours_ouvres&_ope=eyJndWlkIjoiMWRhMjc0MDM2MDEzNTMyNzJkNjYxMmIyOWM2M2NiMDAifQ%3D%3D
(3) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/05/raphael-glucksmann-aurore-lalucq-et-aurelien-rousseau-apres-la-censure-du-gouvernement-barnier-les-forces-politiques-du-front-republicain-doivent-se-reunir-pour-definir-les-convergences-possibles_6431253_3232.html
(4) https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/05/paul-magnette-la-regle-du-jeu-politique-francaise-rend-tres-difficile-la-democratie-parlementaire_6430776_3232.html
(5) https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/12/06/le-parti-socialiste-recu-a-l-elysee-se-met-en-rupture-avec-la-france-insoumise_6434139_823448.html
(6) BFMTV, 26.11.2024, cité par Charlie Hebdo, 4.12.224.


mercredi 4 décembre 2024

Les écologistes anti-écolos

Depuis longtemps, certains agriculteurs ne cessent de clamer qu'ils sont les seuls et vrais champions de l'écologie. Ils la pratiquent quotidiennement. C'est une priorité pour eux. Comment comprendre alors qu'ils s'attaquent aujourd'hui aux sièges d'associations naturalistes ? 
Le message est clair : « Foutez-nous la paix ! », disent des militants de la Coordination rurale qui ont déversé des pneus et du fumier sur les locaux de l’association Manche Nature à Coutances. Ils ont également répandu de la terre et du fumier devant l’Office français de la biodiversité, dans la même ville, rapporte Le Monde (1) avant de déposer une tête de sanglier et des peaux de renards. Retour à des pratiques moyenâgeuses. 
A Gap, dans les Hautes-Alpes, des manifestants ont muré les locaux de la Société alpine de protection de la nature, alors que des salariés et des bénévoles étaient à l’intérieur.
A Châteauroux, dans l'Indre, des militants de la FNSEA ont déversé de la paille devant les locaux de l’association Indre Nature. Quand les salariés se sont réfugiés à l’étage, des agriculteurs montés dans les nacelles des tracteurs ont tambouriné contre les volets et ont tenté de les soulever.
En quoi des associations environnementales sont-elles responsables du malaise du milieu agricole ? La FNSEA qui durant des décennies a poussé ses membres à toujours surinvestir, à s'agrandir toujours plus, à se vendre pieds et poings liés à l'agro-industrie, à se rendre malades et à tuer la nature en consommant des quantités de pesticides, a d'immenses responsabilités dans la crise actuelle. Mais elle les reporte sur ceux qui font ce qu'ils peuvent pour essayer de sauver une situation qui se dégrade à toute vitesse, notamment du fait de l'agriculture intensive.

Certains agriculteurs s'en sont même pris à l'INRAE, l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, un établissement public à caractère scientifique et technologique qui mène des recherches notamment pour aider les agriculteurs à mieux s'adapter au dérèglement climatique. Pourquoi s'y attaquer ? Pas sûr que les agriculteurs eux-mêmes le sachent, mais ils ont visiblement besoin de boucs émissaires.

Dans leur ligne de mire, notamment le Mercosur, ce traité d'échanges économiques avec des pays d'Amérique du Sud. Les viticulteurs le voient d'un bon œil, pas les éleveurs qui redoutent, et on les comprend, de voir vendue sur le sol européen de la viande produite dans des conditions peu contraignantes. Le Mercosur n'est pas (encore) adopté, mais pourquoi alors ces agriculteurs se prennent-ils maintenant pour des douaniers en arrêtant et en contrôlant le contenu de camions qui circulent sur les routes françaises ?

Les autorités les laissent faire, compréhensives ou (surtout) effrayées à l'idée de se les mettre à dos. La Confédération paysanne, qui rassemble des agriculteurs et des éleveurs qui prennent clairement leur part dans la sauvegarde de l'environnement, mène des actions plus policées et plus conviviales (2). Si ses membres faisaient un dixième de ce que font les militants de la Coordination rurale ou de la FNSEA, les maires, les gendarmes et la justice agiraient immédiatement et les traiteraient d'éco-terroristes. Mais les agro-terroristes ont tous les droits.

(1) https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/11/28/des-associations-ecologistes-denoncent-des-violences-d-agriculteurs-a-travers-la-france_6417501_3234.html
(2) https://www.lanouvellerepublique.fr/chateauroux/chateauroux-la-confederation-paysanne-de-l-indre-offre-des-produits-locaux-et-demande-des-aides-directes
(Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2019/07/pas-maintenant.html