vendredi 2 mai 2025

Derrière l'écrivain, un peuple réduit au silence

Dans deux semaines, il y aura six mois que Boualem Sansal est emprisonné à Alger. Coupable d'être critique envers le régime algérien. Comme l'écrit Le Monde (1), "le silence s’installe autour de sa cause. Il menace d’aggraver le sort d’un homme qui paie de sa liberté le choix d’avoir voulu rester dans son pays tout en cinglant le pouvoir de ses critiques".   
Lisa Romain vient de publier un essai : "Boualem Sansal à l’épreuve du réel" (2). "L’autrice, écrit Le Monde, montre (...) avec talent que l’œuvre de (Sansal) consiste en un effort de retrouvailles avec le réel. Car l’accès au réel s’est trouvé obturé par la propagande islamiste comme par celle du régime algérien, que Boualem Sansal a l’une et l’autre combattues en démocrate, en laïc et en partisan des identités plurielles dont son pays est fait (arabe, kabyle, juive, européenne, etc.). Aux yeux de Sansal, les médias algériens aux ordres et les consciences occidentales au jugement altéré par la culpabilité postcoloniale contribuent à brouiller la réalité de l’Algérie contemporaine. Tout comme la tendance au « quituquisme » (qui tue qui ?). On désigne par là une mentalité frisant le complotisme, qui empêche d’attribuer les massacres islamistes à leurs véritables auteurs, soit qu’on cherche à ceux-ci des circonstances atténuantes en en faisant de modernes « damnés de la terre », soit qu’on voie dans leurs exactions la main des militaires algériens (les puissants d’Alger n’étant par ailleurs nullement exonérés par Sansal de leurs propres méfaits)."

En Belgique francophone, à l'initiative du Pen Belgique francophone, une quarantaine d'auteurs ont publié en commun des textes de soutien à leur prestigieux confrère algéro-français, réunis sous le titre "Amorces de récits - En soutien à Boualem Sansal" (3).
L'un de ces auteurs, Christophe Roche-Ford, revient sur l'accusation principale adressée par le pouvoir à l'écrivain : avoir osé enfreindre un tabou. Dans une interview, il a questionné "la légitimité historique du tracé de la frontière héritée de la colonisation entre l'Algérie et le Maroc". La Guerre des Sables avait eu lieu en 1963 à son sujet. C'est l'Organisation de l'Unité africaine qui y avait mis fin, "reconnaissant l'intangibilité des frontières coloniales, essentielle à la stabilité du continent africain". Pour avoir questionné ce tracé, Sansal est aujourd'hui poursuivi notamment pour "acte terroriste ou subversif" et la presse algérienne parle de lui comme d'un "traitre" et d'un "pantin révisionniste anti-algérien". 
Voilà l'Algérie, qui s'est enfermée dans son passé de lutte anti-colonialiste, qui défend la frontière tracée par les colons.

"En invoquant l'histoire pour interroger les frontières, il (Boualem Sansal) a fait sortir de sa contenance un pouvoir intransigeant sur le contenu du pays", écrit Jean-Marc Rigaux, avocat et écrivain. "La ligne artificielle dessinée par l'ancien colonisateur pour séparer le royaume chérifien du Maroc de l'Algérie encore inexistante devient paradoxalement une ligne de défense du caractère intangible du pays. Tout ce qu'a fait ou non la France a été et reste néfaste. Sauf cela. La limite. Ici. Chez nous. Là. Chez eux."

"En attendant, écrit encore Christophe Roche-Ford, "ce passé qui se met en travers du présent verrouille la situation politique et est une pièce maîtresse de la névrose du pouvoir algérien, se réclamant de la guerre de libération du peuple algérien tout en confisquant sa liberté, et qui a conduit à l'arrestation arbitraire de Boualem Sansal." L'emprisonnement d'un écrivain questionne la liberté de tout un peuple. "La nuit de Boualem Sansal en sa prison est aussi la très longue nuit du peuple algérien." 

(1) https://www.lemonde.fr/livres/article/2025/04/30/boualem-sansal-a-l-epreuve-du-reel-de-lisa-romain-l-ecrivain-qui-engage-son-lecteur_6602011_3260.html
(2) éditions Cerf.
(3) Asmodée Edern, Pen Belgique francophone. 


lundi 28 avril 2025

Les cahiers au feu et le prof au milieu

La bande de philistins qui tente de diriger les Etats-Unis s'est donné une grande mission : tout casser. A commencer par la science et l'éducation. "Nous devons, honnêtement et agressivement, attaquer les universités dans ce pays." C'est ce qu'avait déclaré en 2021 celui qui est devenu au début cette année vice-président des Etats-Unis, J.D. Vance, qui n'a visiblement jusqu'à présent impressionné personne par la finesse de ses analyses, sa hauteur de vue ou sa sagesse "Nous avons besoin de sagesse, avait-il affirmé, et il y avait de la sagesse dans ce que Richard Nixon a dit il y a quarante, cinquante ans : Les professeurs sont l'ennemi". 
On aurait aimé qu'il explique ce que signifie attaquer honnêtement ou encore en quoi il serait sage de s'attaquer aux enseignants, mais en est-il capable ?
Ces béotiens n'ont pas besoin de se justifier, l'échange, le débat, la discussion leur sont aussi étrangers que l'intérêt collectif. Donc, ils cognent, ils coupent, ils dépècent, ils mentent, ils insultent. Il faut leur reconnaître cela : dans ces domaines, ils ont de grandes compétences.
Ils coupent les vivres aux universités qui ne s'alignent pas sur leurs ukases, ils suppriment des organismes de recherche ou taillent dans leurs subventions, ils dépècent le ministère de l'Education.
Les universités ont été sommées de retirer de leurs programmes toute référence à la recherche sur l'environnement, sur les inégalités ou les discriminations. Quand on a cassé le thermomètre, on ne constate plus de fièvre. Ainsi le veut l'idéologie trumpienne, "improbable cocktail de nationalisme chrétien et de techno-fascisme crétin mixé dans le bureau ovale" (1). "Soyez (et soyons) encore plus stupides", serinent ceux que Giuliano da Empoli appelle "les ingénieurs du chaos". L'irrationnel devient la norme, "le savant est moqué et l'ignorant porté aux nues". L'ignorance n'empêche rien, au contraire : Ubu Trump est devenu président de la première nation mondiale. 

Avant lui, son collègue illibéral Vikor Orban avait déjà agi de la sorte : en 2010, il supprimait le ministère hongrois de l'Education nationale. Il ne cesse de restreindre l'autonomie des enseignants (ceux du public, les écoles catholiques et protestantes étant favorisées), d'augmenter leur charge de travail, d'intervenir dans le contenu des manuels scolaires. Il leur a même interdit la grève. Des milliers d'enseignants ont préféré démissionner. Ceux qui restent se résignent, par peur d'être dénoncés. (2)

Pendant ce temps (3), le tueur en série Poutine transforme les lycées russes en antichambres de l'armée. Plusieurs fois par semaine, les élèves, vêtus d'une tenue militaire, sont conditionnés au nationalisme et à la nécessité de prendre prochainement les armes pour défendre la patrie. 

"L'ignorance, c'est la force", proclame le Parti dirigé par Big Brother dans 1984  de George Orwell. 

(1) Olivier Pascal-Moussellard, "La guerre au savoir est déclarée", Télérama, 26.3.2025.
(2) Marc Belpois, "Orban, touche pas à ma fac !", Télérama, 16.4.2025.
(3) Un reportage dans le Journal d'Arte en témoignait récemment.

vendredi 25 avril 2025

En arrière

Ubu Trump affirme aujourd'hui que "la Crimée restera avec la Russie". L'Espagne devrait réclamer la Floride. Après tout, le traité de Paris de 1783 l'avait redonnée à l'Espagne. Et de très nombreux Floridiens parlent espagnol. La Californie aussi pourrait redevenir espagnole. Ou mexicaine. Le Mexique pourrait réclamer le Nouveau-Mexique. Et la Russie l'Alaska.
Avec Trump et sa clique d'incultes incapables, on n'a pas fini de rire. Jaune.

mardi 22 avril 2025

Hors-sol

C'est une histoire comme il y en a trop. Celle d'un jeune homme qui a trouvé sa place, mais est en butte à une administration tatillonne, sourde et aveugle. C'est l'histoire de Manssour, jeune paysan mauritanien qui travaille en CDI pour trois fermes creusoises, mais que la préfète veut renvoyer dans son pays où il est en danger.
L'un de ses patrons, producteur de fromage, était soulagé : "C’est la croix et la bannière pour trouver des employés qualifiés, polyvalents et qui restent sur des postes si difficiles", déclare-t-il au Monde (1). En l'engageant il y a deux ans, après de longues et vaines recherches, il a vite constaté "que Manssour Sow était aussi à l’aise à la traite qu’à la transformation laitière, aux volailles ou à la découpe". Malgré tout cela, malgré son intégration dans le village de Maisonnisses, son implication dans le club de foot voisin, Manssour n'obtient toujours pas son titre de séjour. "Les conditions de régularisation se sont durcies avec l’arrivée de Bruno Retailleau Place Beauvau et sa circulaire de janvier, rappelle Le Monde. Celle-ci demande aux préfets de recentrer les régularisations accordées dans les métiers en tension : sont exigés trois ans de présence en France et douze mois d’ancienneté dans le travail, et l’exercice d’un métier relevant d’une liste arrêtée par décret. En la matière, Manssour Sow coche toutes les cases. Sauf qu’il fait l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français) non exécutée de moins de trois ans – un obstacle non négligeable, compte tenu de l’allongement de un à trois ans de la durée de validité d’une OQTF, depuis la loi sur l’immigration de 2024."
Voilà donc un homme qui se rend utile, qui travaille, dont ont un impératif besoin trois agriculteurs et que, de manière totalement insensée, l'administration veut renvoyer chez lui.  "Manssour a le plus d’ancienneté et de compétences, affirme un de ses employeurs. C’est lui qui forme les nouveaux. Quand je m’absente, je lui laisse les clés les yeux fermés. Sans lui ce serait mission impossible." Cent cinquante habitants ont manifesté récemment pour soutenir le jeune paysan. « A quoi bon être subventionnés par des programmes d’Etat visant à redynamiser nos villages si en parallèle ça ne se traduit pas humainement, déplore le maire, Dominique Berteloot. Manssour participe de ces efforts : c’est un jeune dans un territoire âgé, qu’on voit à la bibliothèque, aux commémorations, aux fêtes, au foot. » « S’il devait partir, ça déstructurerait nos fermes, le village, mais aussi notre famille », abonde Aurélie Lardy, chez qui loge Manssour Sow.
Le Tribunal administratif de Limoges s'est penché sur son cas et doit rendre sa décision aujourd'hui.

On voit par là que les partis politiques et les élus qui luttent fermement contre l'immigration n'ont, contrairement à ce qu'ils prétendent, aucune connaissance des besoins de terrain. Ils sont déconnectés des réalités, enfermés dans une idéologie qui méprise quantité d'employeurs et est nuisible au dynamisme local. Et à l'avenir de personnes qui ne souhaitent que se réaliser utilement et s'intégrer. Ces partis et ces élus sont hors-sol, quand ceux qu'ils méprisent ont les pieds bien plantés dans leur terre.

Post-scriptum (23.4) : Le tribunal de Limoges enjoint à la Préfecture de la Creuse de réexaminer le cas de Manssour d'ici un mois. https://www.lamontagne.fr/limoges-87000/economie/le-tribunal-administratif-de-limoges-ordonne-a-la-prefecture-de-creuse-de-reexaminer-la-situation-de-manssour-sow-travailleur-agricole-sans-papier_14676204/

(1) https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/17/dans-la-creuse-la-mobilisation-pour-regulariser-un-ouvrier-agricole-sans-papiers-emblematique-du-manque-de-main-d-uvre_6596970_3224.html
https://www.lamontagne.fr/maisonnisses-23150/actualites/le-seul-crime-que-jai-commis-cest-de-travailler-en-creuse-un-ouvrier-agricole-est-menace-d-expulsion_14675619/

samedi 19 avril 2025

La confession

Le Vatican et les évêques de France vont-ils se confesser ? Depuis 1955, ils savaient que l'abbé Pierre était un sacré déviant. Depuis septante ans, ils avaient connaissance d'accusations à son encontre d'agressions sexuelles. Mais ils se sont tus. C'est que selon l'évêque de Versailles de l'époque, l'abbé Pierre était devenu « un symbole aux yeux des masses qu’il galvanise à la manière d’un prophète ». On ne touche pas aux prophètes. Seuls eux peuvent toucher.
Ce sont les journalistes Laetitia Cherel et Marie-France Etchegoin qui révèlent cette information dans leur livre  « L’Abbé Pierre, la fabrique d’un saint » (Allary Editions). "Elles rapportent, écrit Le Vif (1) une « ‘procédure judiciaire’, entamée par l’organe de la curie romaine chargé de contrôler les moeurs et la foi des membres de l’Église, le Saint-Office », qui a été « freinée par les évêques en France, vite refermée et enterrée deux ans plus tard, en 1957″. Les alertes ont été nombreuses entre 1955 et 1957, venues notamment du Canada et des Etats-Unis, mais ignorées. Et l'abbé vedette a pu poursuivre ses agissements pervers en toute sérénité pendant des décennies.

Peut-être ses supérieurs hiérarchiques se sont-ils contentés de l'inviter à se confesser. C'est pratique la confession : vous avouez vos péchés, et hop une petite amende que l'Eglise catholique appelle pénitence. Deux pater, trois ave, éventuellement un peu de flagellation et vous voilà lavé de vos péchés. Vous récidivez ? Pas de problème : vous vous confessez à nouveau. C'est le godwashing. Reste à présent aux victimes de ce prophète malsain à porter plainte contre le Vatican et tous ceux qui savaient mais ont pratiqué l'omerta pour ne pas faire tomber un faiseur de fidèles.

Mais l'affaire est déjà éclipsée : en ce week-end pascal, l'Eglise catholique fait la fête. Elle n'a jamais vu autant de jeunes venir à elle. Le nombre de jeunes qui demandent le baptême atteint des records : "plus de 17 800 personnes devaient recevoir le baptême à Pâques, rapporte Le Monde (2), soit 45 % de plus qu’en 2024. Si les femmes représentent environ les deux tiers de ce groupe, c’est surtout sa jeunesse qui frappe : les mineurs constituent 41 % de l’ensemble, et les 18-25 ans 42 % des adultes. Si le dynamisme est indéniable, il ne compense toutefois pas la chute, ces dernières décennies, des baptêmes de nouveau-nés."
Les évêques et les prêtres constatent que "parmi ces catéchumènes, et en particulier chez les plus jeunes d’entre eux, la découverte de la foi s’accompagne d’une soif de radicalité, qui, elle-même, passe par une demande de cadres stricts et de règles comportementales précises. Là encore, le mimétisme avec l’islam saute aux yeux : pour beaucoup, établir ces règles revient à tracer une frontière nette entre le licite et l’illicite."
Une frontière qui semble bien floue pour une Eglise enfermée dans son hypocrisie.

(1) https://www.levif.be/international/europe/france/le-vatican-savait-tout-et-depuis-longtemps-des-agissement-de-labbe-pierre/
(2) https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/04/18/les-catechumenes-une-jeunesse-catholique-en-quete-de-radicalite_6597472_3224.html

mardi 15 avril 2025

Trumpisation des campagnes

On s'interroge. Ce calicot accroché ce soir sur la façade de la Communauté de communes Marche occitane - Val d'Anglin à Lignac pose question : qui donc peut s'opposer aux couloirs écologiques ? Des militants de l'urbanisme qui souhaitent que la bétonisation s'étende partout dans les campagnes ? Des anti-nature et même anti-chasse qui craignent que la vie sauvage se développe ? Des hypocondriaques qui ont peur des maladies que peuvent transmettre les être vivants qu'ils ne contrôlent pas ? Des amateurs de golf ? A moins qu'il ne s'agisse simplement de militants d'extrême droite, stupides et craintifs de ce qui leur est étranger, comme peuvent l'être des militants d'extrême droite. 




Post-scriptum : il semble bien que des agriculteurs soient les auteurs de cet étrange calicot. "Les villes devraient être construites à la campagne, l'air y est tellement plus pur", écrivait Alphonse Allais. A contrario, la campagne devrait s'installer en ville, la nature y est moins présente. Les agriculteurs pourraient y produire sur le bitume. 
On notera que, comme les chasseurs, les agriculteurs se présentent souvent comme les premiers des écologistes. La terre, nous en vivons, nous la respectons, nous serinent-ils. Allez savoir pourquoi on a du mal à les croire.


samedi 12 avril 2025

Béotien

Entendu ce midi sur France Inter dans un sujet sur la lecture : "Trump ne lit rien, jamais".
Tout s'explique. 

Non seulement il ne lit pas, mais, en plus, ce philistin veut empêcher les autres de lire. 
La bibliothèque Haskell à Stanstead n'a pas d'équivalent dans le monde. Littéralement à cheval sur la frontière américano-canadienne, l’endroit avait (...) été construit comme un espace de culture pour rassembler les deux communautés, rappelle la présidente québécoise du conseil d'administration de la bibliothèque. Depuis plus de cent ans, les visiteurs tant américains que canadiens y avaient librement accès grâce à un accord entre Washington et Ottawa. Ce qui ne plaît pas au Père Ubu. L'accès principal pour les Canadiens vient d'être fermé, à la suite d’une "décision unilatérale" du gouvernement américain. "L’identité même de la bibliothèque puise dans la longue histoire de coopération et d’harmonie entre les deux pays", affirme Sylvie Boudreau. "Pour accéder à la porte d’entrée de la bibliothèque et salle d’opéra Haskell, il faut emprunter le trottoir qui se trouve sur le territoire des États-Unis", indique le quotidien québécois Le Devoir (1). Désormais, les Canadiens devront imaginer et mettre en place une autre solution d'accès.

Récemment, la secrétaire à la Sécurité intérieure américaine, Kristi Noem, est venue sur place, moins pour visiter la bibliothèque que pour narguer les Canadiens. "Elle « s’amusait » à sauter de part et d’autre d’une ligne tracée au sol pour marquer la frontière, tout en déclarant que le côté canadien était le « 51e État », un « grand manque de respect », selon la présidente de la bibliothèque." Cette institution symbole d'amitié et de rencontre entre les deux pays est désormais, du fait des béotiens qui dirigent les Etats-Unis, celui de la fracture. S'attaquer aux savoirs et aux sciences semble bien être le principal objectif de cette bande de cowboys illettrés. 

(1) https://www.ledevoir.com/societe/857908/autorites-americaines-restreignent-acces-bibliotheque-stanstead
Sujet dans le Journal d'Arte de ce 12 avril : https://www.arte.tv/fr/videos/122485-029-A/arte-journal-12-04-2025/ (à partir de 5'50).


mardi 8 avril 2025

Le club des immatures

Trump et sa clique de cowboys sont des professionnels de la suffisance et du cynisme, mais des amateurs en politique, en économie et en sécurité. Avec eux, l'Amérique n'est pas plus grande, elle est de plus en plus fragile et racrapotée sur elle-même. Elle fait rire et pleurer, elle effraie, elle inquiète par le niveau d'incompétence fanfaronne de ses dirigeants.

Evoquant le Signalgate, le Wall Street Journal (qui n'est pas vraiment un journal de gauche...) écrit que quand on pense à l'équipe de Trump "le terme immature vient à l'esprit. Malhabile aussi. Il y a beaucoup d'amateurisme dans tout ça.". Les échanges à propos de la préparation d'une attaque contre les Houthis ont eu lieu sur une application cryptée destinée au grand public. Un peu comme si ces dix-neuf ministres et (ir)responsables divers s'étaient réunis dans une arrière salle de restaurant croyant y être à l'abri d'oreilles indiscrètes. "On n'a pas l'impression ici d'être en présence de professionnels impassibles, d'autant qu'ils s'expriment souvent sur le registre de l'émotion." D'autant aussi qu'ils ont invité par erreur dans ce groupe, censé être confidentiel et protégé, le directeur de la rédaction de The Atlantic. Et qu'ils ont eu le culot (et la bêtise) de le nier et de s'attaquer à la personnalité du journaliste qui dès lors a tout publié en bloc. "Ce qui les a fait passer pour doublement stupides. Ils donnaient l'impression de gens qui n'étaient ni très malins, ni fins stratèges." Finalement, écrit encore The Wall Street Journal, "ce n'est pas l'hypocrisie qui est au cœur de ce scandale, mais l'imprudence, la bêtise et le déni". (1)

Aujourd'hui, c'est la course en avant de Trump sur les droits de douane qui effraie les bourses et de grands investisseurs américains (2). Il s'imaginait qu'il allait mettre à genoux tous les pays de la planète. Et il découvre, surpris et fâché, que la Chine notamment augmente, à son tour, ses droits de douane sur les produits d'importation des Etats-Unis. Trump trépigne. On l'entendra bientôt hurler que c'est lui qui en a eu l'idée le premier. Avec lui, on ne quitte jamais vraiment la cour de récréation. Si ce n'est que ses décisions immatures peuvent avoir (et ont déjà eu, quand on songe aux dégâts considérables engendrés par la suppression des budgets de l'Usaid) des conséquences catastrophiques sur son propre pays comme dans le monde. Mais Ubu ne se trompe jamais. Seuls les autres ont tort.

Père Ubu, entrant. -- Oh ! vous savez, ce n'est pas moi, c'est la Mère Ubu et Bordure.
(Alfred Jarry, Ubu Roi, acte I, scène VI)

(1) Peggy Noonan, "Le Signalgate, un fiasco créé par des dirigeants immatures", 27.3.2025, in Le Courrier international, 3.4.2025.
(2) https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/04/08/droits-de-douane-entre-donald-trump-et-les-marches-financiers-un-bras-de-fer-tres-risque_6592437_3234.html

dimanche 6 avril 2025

Votez Miss Culot (monstre)

On en apprend tous les jours. On ignorait que Martin Luther King avait été condamné pour détournement de fonds publics et avait ainsi été déchu du droit de vote. La fille à papa Le Pen se réclame de lui dans son combat pour "les droits civiques des Français aujourd’hui (...) mis en cause ".
Si on élit demain la reine du culot, elle l'emportera haut la main. 

mercredi 2 avril 2025

Une voix étouffée

 Boualem Sansal a été condamné à cinq ans de prison. Honte à l'Algérie ! Et à tous ceux qui se taisent.


Au-dessus de l'entrée du Théâtre du Soleil


Et devant la mairie du 5e arrondissement à Paris.





lundi 31 mars 2025

Les dégâts de la Marine

La fille à papa a hérité du parti de son père. Elle l'a pris tel quel, tout en essayant de le dédiaboliser, d'en donner une image plus respectable, de laisser croire qu'il était moins raciste, moins antisémite, moins injurieux. Elle en a cependant gardé les pratiques, tout en sachant que certaines étaient illégales. Le FN-RN a toujours craché sur l'Union européenne tout en l'utilisant à son avantage même si c'était au mépris des règles. Lors du procès qui vient de s'achever pour détournement de fonds au Parlement européen, elle et les élus de son parti n'ont marqué aucun regret de n'avoir pas respecté ces règles.
Aujourd'hui, on les entend tempêter : l'inéligibilité décidée de Marine Le Pen et de huit eurodéputés de son parti serait une attaque contre la démocratie. Mais sur quoi repose une démocratie sinon sur des règles ? Elle vacille quand ses dirigeants les modifient à leur avantage. Comme Erdogan qui emprisonne ses opposants pour essayer de gagner des élections qu'il s'attend à perdre. Comme Ubu Trump qui envisage déjà deux mois après le début de son second mandat d'en faire un troisième, ce que lui interdit la Constitution américaine. Quand on entend Poutine et Orban venir au secours de la fille à papa, on n'arrive pas à croire que c'est la démocratie qui est en danger, mais plutôt l'autocratie. Savoir qu'il existe une justice et qu'elle fait respecter les lois est rassurant et fait précisément croire en la démocratie.
"Tête haute, mains propres", disaient-ils. Aujourd'hui, ils baissent la tête, les yeux sur leurs mains sales. 

samedi 29 mars 2025

Culture et barbaries

Le première image, immense, est celle de Poutine. En gros plan. Il annonce l'attaque de l'Ukraine. Il faut la dénazifier, affirme-t-il, la démilitariser. On entend une voix féminine qui hurle "Ta gueule !" et on voit une femme se jeter sur cette image projetée sur la toile de fond de scène, l'agiter, tenter de l'arracher. Le visage de Poutine se déforme, autant que sa voix. Et tous deux finissent par se figer. Poutine s'arrête dans un rictus qui lui laisse un air idiot. 
Voilà la première scène de "Ici sont les dragons - première époque - 1917, La victoire était entre nos mains", le dernier spectacle du Théâtre du Soleil (1).
On y passe des tranchées de la Première guerre mondiale au Palais d'Hiver de Petrograd, du front germano-russe dans l'ouest de l'Ukraine à la scène du théâtre à la Cartoucherie de Vincennes. C'est la naissance des totalitarismes que nous remémore ce spectacle vertigineux, glaçant et fascinant à la fois. Les totalitarismes d'hier qui annoncent - on le comprend vite - ceux d'aujourd'hui. 
« Pour pouvoir envisager qui est Vladimir Poutine, nous devions comprendre de quel ventre, encore fécond, il sortait », expliquait au Monde (2) Ariane Mnouchkine, directrice et metteuse en scène.
"Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil ont voulu remonter aux sources, comprendre les rouages de cet infernal système despotique, écrit Fabienne Pascaud dans Télérama (3). Pendant des semaines, des mois, ils ont entrepris un colossal travail de recherche, de lecture d’essais historiques, politiques, sociologiques, de biographies. Pour nous faire entendre et voir en langues russe, allemande, française, et en scènes hautes en couleur, passions, violences et même facéties, comment la guerre de 1914-1918, la révolution bolchevique de 1917 ont permis le marasme."
On y entend les inquiétudes de Churchill, les premières réflexions hallucinées du caporal Hitler, les certitudes sourdes de Lénine et des siens qui ont confisqué dès le début, à leur profit, la révolution et anéanti tout espoir de démocratie. "C'est nous qui décidons - je veux dire le parti."
« La vérité des faits a été trop trahie. Cette histoire est celle d’un mensonge de dimension planétaire dont nous subissons encore les conséquences », affirme Ariane Mnouchkine au Monde.

Les dragons pondent leurs œufs dans d'innombrables nids, mais plus nombreux encore sont les fous qui s'y précipitent pour les couver.
Extrait du spectacle "Ici sont les dragons", Théâtre du Soleil.

A quelques pas de la Cartoucherie de Vincennes, dans le 4e arrondissement de Paris, le Musée Picasso présente une exposition temporaire intitulée « L’art dégénéré : le procès de l’art moderne sous le nazisme". Elle revient sur l’exposition de propagande Entartete Kunst, organisée en 1937 à Munich, qui présentait plus de 700 œuvres d’une centaine d’artistes, représentants des différents courants de l’art moderne, d’Otto Dix à Ernst Ludwig Kirchner, de Vassily Kandinsky à Emil Nolde, de Paul Klee à Max Beckmann, de Vincent Van Gogh à Pablo Picasso, dans une mise en scène conçue pour provoquer le dégoût du visiteur. Ce fut le début d'une purge. Plus de 20 000 œuvres de 1400 artistes classés dégénérés aussi bien en France, qu’en Allemagne, sont ainsi retirées, vendues ou détruites. Le Musée Picasso présente une soixantaine de ces œuvres sauvées de la censure destructrice des nazis. "Sur les murs du musée Picasso, la réunion de ce petit noyau de tableaux et de sculptures présentés à Munich cause aussi un électrochoc, mais inversé, écrit Sophie Cachon dans Télérama (5). On y découvre, troublé, la puissance toujours aussi palpable de mouvements n’ayant en commun que l’impardonnable modernité honnie des partisans de Hitler." Et on pense aux artistes russes d'aujourd'hui qui ont fui leur pays, à la volonté de Poutine de disposer d'une industrie cinématographique qui raconte son Histoire. On pense à Trump qui fait la chasse aux politiques culturelles et aux artistes qui font selon lui de l'idéologie et veut prendre le contrôle d’institutions culturelles pour restaurer la « vérité dans l’histoire américaine » (6). Et on se dit que l'Histoire ne nous a rien appris et que ce sont ces gérontocrates qui sont atteints de dégénérescence. 

Ce temps m'en veut. Je ne fais pas son affaire. Je suis trop peu nationaliste, pas assez raciste. Le bruit m'effraie ; au lieu de jubiler quand rugit le "Heil", au lieu de lever le bras à la romaine, j'enfonce mon chapeau sur la tête.
Ernest Barlach, lettre à Reinhard Piper, 11 avril 1933, cité dans l'exposition "L’art dégénéré : le procès de l’art moderne sous le nazisme".

Le jeu était terminé. (…) On m’appelait « artiste dégénéré », « l’effroi du citoyen », « corrupteur de la jeunesse », « fleur de pénitencier ».
Oskar Kokoschka, Ma vie, 1971

(1) Jusqu'au 27 avril - 
https://theatre-du-soleil.fr/fr/notre-theatre/les-spectacles/ici-sont-les-dragons-2024-2470
(2) https://www.lemonde.fr/culture/article/2024/11/27/avec-ici-sont-les-dragons-ariane-mnouchkine-sur-le-pied-de-guerre_6416612_3246.html
(3) https://www.telerama.fr/theatre-spectacles/ici-sont-les-dragons-ariane-mnouchkine-et-le-soleil-face-a-un-immense-defi-theatral_cri-7035799.php
(4) Jusqu'au 25 mai -
https://www.museepicassoparis.fr/fr/lart-degenere-le-proces-de-lart-moderne-sous-le-nazisme
(5) https://www.telerama.fr/arts-expositions/l-art-degenere-au-musee-picasso-une-exposition-historique-sur-ces-uvres-jugees-subversives-par-les-nazis_cri-7036917.php
(6) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/28/donald-trump-veut-prendre-le-controle-d-institutions-culturelles-pour-restaurer-la-verite-dans-l-histoire-americaine_6587248_3210.html



mardi 25 mars 2025

Autocrates pour l'éternité

Comment rester au pouvoir ?
Il y a la méthode Poutine : empoisonner ses opposants, organiser des accidents domestiques dont ils sont étrangement victimes ou les faire abattre par des hommes de main.
Il y a la méthode Netanyahou : continuer coûte que coûte la guerre pour éviter d'être traduit en justice et se débarrasser des magistrats gênants.
Il y a la méthode Erdogan : emprisonner par milliers ses opposants en les accusant de délits imaginaires.
Il y a la méthode Trump : supprimer les élections. Avant d'être réélu en novembre, il avait annoncé que cette élection serait la dernière. Un de ses sbires vient de le confirmer.
La suffisance dévore ces autocrates. Peu importent les morts, les droits humains, l'économie, l'environnement, seul compte leur pouvoir qu'ils rêvent éternel. Ils sont et seront empereurs d'un champ de ruines et de désespoir.
Les dictateurs sont comme les transhumanistes : ils rêvent d'immortalité. Nous, on ne rêve pas. On fait des cauchemars.

dimanche 23 mars 2025

Le courage

Alexander Skobov est de ceux qui forcent le respect et l'admiration. A l'âge de dix-neuf ans, il avait été arrêté pour avoir publié un magazine critique du gouvernement soviétique et avait été condamné à suivre un traitement psychiatrique dans un hôpital pénitentiaire pendant trois ans. Ce traitement ne l'a pas brisé. Ce « marxiste n’acceptant pas le régime soviétique » a une nouvelle fois, en 1982, été condamné pour « propagande antisoviétique » et contraint à un nouveau traitement psychiatrique. Il a alors passé cinq ans à l’hôpital, avant d’être libéré à l’été 1987. Ce traitement ne l'a pas brisé. Professeur d’histoire, il est resté actif politiquement et s’est opposé dès le début à Poutine qu'il qualifie de "nouvel Hitler". Vendredi, il a été condamné à seize ans de prison pour « apologie du terrorisme » et « participation aux activités d’une communauté terroriste ». La Russie, comme tous les régimes totalitaires, accuse ses opposants de ses propres crimes. 

Alexander Skobov s'est rangé, dès les premières invasions russes, du côté de l'Ukraine. "La Russie n’était attaquée par personne, elle n’était menacée par personne. C’est le régime nazi de Poutine qui a attaqué l’Ukraine. Uniquement au nom de la mégalomanie de ses dirigeants, et de leur soif inhumaine de domination sur tout ce qui les entoure. Ils affirment leur pouvoir en tuant des centaines de milliers de personnes. Ce sont des dégénérés, des rebuts de l’humanité, une racaille nazie. La culpabilité de la dictature nazie de Poutine dans la préparation, le déclenchement et la conduite d’une guerre d’agression est évidente et ne nécessite aucune preuve. De la même manière, notre droit à une résistance armée contre cet agresseur, que ce soit sur le champ de bataille ou de l’intérieur de son territoire, ne nécessite aucune justification. Mais il serait risible d’attendre une telle reconnaissance de la part d’un régime qui jette les gens en prison simplement parce qu’ils ont exprimé une condamnation morale de l’agression. Toutes les possibilités de protestation légale contre l’agression de la Russie de Poutine ont été anéanties."

Alexander Skobov savait qu'il retournerait en prison. Lors de son procès, il a dénoncé le rapprochement entre Moscou et Washington : « Depuis 1945, l’Europe construit un monde sur les principes du droit, de la justice, de la liberté et de l’humanisme. Aujourd’hui, ce monde est mis en pièces par deux scélérats des deux côtés : le Kremlin et Washington, où des personnes aux valeurs profascistes sont arrivées au pouvoir. Nous assistons à une tentative répugnante de conspiration purement impérialiste entre deux prédateurs, encore plus vile que les accords de Munich de 1938. » Alexander Skobov va être envoyé dans une colonie pénitentiaire de haute sécurité. Il ne fera pas appel. "Je n’ai rien à débattre avec les marionnettes de la dictature sur la manière dont elles appliquent leurs lois, déclarait-il en janvier dernier. De toute façon, ces lois sont celles d’un État totalitaire, conçues pour réprimer la dissidence. Je ne reconnais pas ces lois et je ne m’y soumettrai pas. Que les armes parlent pour moi. Je ne ferai pas non plus appel contre les décisions ou actions des représentants du pouvoir nazi. Je ne cherche pas la clémence de mon adversaire armé."

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/21/russie-l-historien-alexander-skobov-condamne-a-seize-ans-de-prison_6584368_3210.html
https://desk-russie.eu/2025/01/27/je-nai-rien-a-debattre-avec-les-marionnettes-de-la-dictature.html

vendredi 21 mars 2025

La Mecque du mépris

Boualem Sansal est à présent menacé de dix ans de prison. C'est la peine réclamée contre lui par le tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d’Alger. Il est poursuivi, rapporte Le Monde (1), en vertu de l’article 87 bis du code pénal, qui sanctionne « comme acte terroriste ou subversif tout acte visant la sûreté de l’Etat, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ». Selon son éditeur Gallimard, il fait l’objet de plusieurs chefs d’accusation, notamment « atteinte à l’unité nationale, outrage à corps constitué, pratiques de nature à nuire à l’économie nationale et détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays ». Pour dire les choses plus simplement, il a le grand tort d'être critique du pouvoir algérien. Son avocat attend toujours une réponse à ses demandes de visa.
De nombreux responsables politiques français, dont le Président, réclament, depuis quatre mois, la libération de Boualem Sansal. Une certaine gauche danse d'un pied sur l'autre à cause de sa vision particulière de la liberté d'expression.
Ce matin, le dessinateur et réalisateur Enki Bilal était l'invité de France Inter (2). il a lancé un appel à Jean-Luc Mélenchon pour qu’il soutienne Boualem Sansal. « Il y a une dizaine d'années, le leader de la France Insoumise m'avait dit tout le bien qu'il pensait de mon travail, ce qui m'avait fait très plaisir, et on a surtout évoqué la liberté de création, de penser, d'écrire, etc. Je voudrais, au nom de cette rencontre, qu'il envoie un tweet, qu'il fasse un message, comme tous les hommes politiques. Boualem Sansal risque dix ans de prison pour quelque chose de monstrueusement injuste."
L'homme connu pour sa logorrhée débridée risque cependant de rester muet. Une eurodéputée de son parti considère l'Algérie comme "La Mecque de la liberté". La France qui se dit insoumise l'est surtout à la décence et au respect des droits humains.

(1) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/03/20/boualem-sansal-devant-ses-juges-je-n-ai-rien-voulu-faire-contre-mon-pays-je-n-ai-fait-qu-exprimer-une-opinion_6583875_3212.html
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/15-de-plus/15-de-plus-du-vendredi-21-mars-2025-9334730


mercredi 19 mars 2025

Ubu s'en va-t-en guerre

« Nous mesurerons notre succès non seulement par les batailles que nous gagnerons, mais aussi par les guerres que nous empêcherons, et peut-être plus important encore, par les guerres que nous ne commencerons pas ». Voilà ce qu'avait affirmé Ubu Trump le 20 janvier dernier, lors de son investiture. Il ne veut pas de guerre, mais il en fait quand même. Les récents et scandaleux bombardements à Gaza  qui ont fait plus de 430 morts ont été opérés avec son accord. Les premiers responsables en sont le Premier ministre Netanyahou et son nouveau chef de guerre, mais le président américain a clairement marqué son accord à cet épisode sanglant.
Avant cela, il avait ordonné, rappelle Pierre Haski (1), "l’action militaire la plus importante de son deuxième mandat : des bombardements massifs des zones tenues par les rebelles Houthis au Yémen. Et à travers les Houthis, il menace explicitement leur parrain, l’Iran". Cette attaque, rapporte l'éditorialiste de France Inter, "a provoqué de gros dégâts dans le port d’Hodeida ou en détruisant une centrale électrique à Sanaa, la capitale, faisant plus de 50 morts, selon un bilan des Houthis. Mais il a accompagné ce bombardement d’une mise en garde sur son réseau social : « Chaque nouveau tir des Houthis sera désormais considéré comme ayant été tiré par les armes et le leadership de l’Iran. L’Iran sera responsable et en subira les conséquences, qui seront sévères »." Bref, il est prêt à entrer en guerre avec l'Iran s'il le faut.
On voit par là que le roi de toutes les Amériques doit abandonner son grand rêve : être couronné du Prix Nobel de la Paix. Souvent homme varie. Surtout lui.

lundi 17 mars 2025

Se mobiliser (continuer à)

En 1967 et 1968, la jeunesse était dans la rue. Elle se soulevait un peu partout dans le monde. Pour s'opposer à la guerre du Vietnam, mais aussi à un monde sclérosé, conservateur, enfermé dans la reproduction de vieilles valeurs, un monde qui avait fait de la consommation le but de la vie.
Il y a quelques années, les jeunes (et aussi de moins jeunes), un peu partout à travers la planète, se mobilisaient pour la sauvegarde du climat. Il y a cinq ans, la crise du Covid-19 nous laissait croire à un monde nouveau, plus sobre, plus raisonnable, respectueux du vivant. Mais le vieux monde est reparti de plus belle au mépris de l'avenir de la planète et de l'humanité. Et nous voilà en 2025 dans le pire encore, un monde qui se fait la guerre, qui s'arme, qui se déchire, où on assiste médusés à un combat entre deux vieux primates primates prêts à mettre la terre à feu et à sang pour s'imposer comme le mâle alpha avec le soutien de populations déboussolées qui pensent trouver en eux un guide. La guerre est à nos portes et le monde à deux doigts de sa perte. Nous nous scandalisons, nous nous indignons, mais que faisons-nous ? Nous assistons à la destruction du monde et des valeurs humanistes scotchés à nos écrans. Nous devrions manifester quotidiennement devant les ambassades russe et américaine, mais nous nous contentons de soupirer depuis nos canapés. Prisonniers de notre confort, nous refusons de remettre en question nos modes de vie dévastateurs, nous continuons à voyager, à consommer, à vivre comme hier alors que demain est plus que jamais menacé. 

L'ambiance est plombée et nous le sommes tout autant, peu réactifs. Les réseaux qu'on dit sociaux nous referment sur nous-mêmes, cultivent l'individualisme, montent les identités les unes contre les autres.
Sur France Inter, une journaliste a pris l'habitude de demander, à son invité, à la fin de son interview, de choisir entre liberté, égalité et fraternité. La plupart des personnalités choisissent la liberté. La liberté, c'est trop souvent celle de faire ce qu'on veut, au mépris des conséquences collectives de nos actes, celle de rejeter, d'insulter voire d'agresser qui n'est pas ou ne pense pas comme nous. Ce qui nous fait défaut actuellement, c'est la fraternité, la solidarité, le souci du bien collectif. Bien sûr, on voit un peu partout des gens, des jeunes notamment, continuer à se mobiliser pour la paix, pour la planète, pour le bien commun. Mais les mouvements sont épars, éclatés, discrets, trop discrets. Sommes-nous fatigués, désespérés ?

"Les jeunes font face à une situation inédite dans l’histoire de l’humanité, estime Nellly Pons, autrice de Le Grand épuisement (1). Si les générations précédentes ont connu des crises économiques ou sanitaires, la montée des guerres et des extrémismes, les jeunes d’aujourd’hui doivent, en plus, faire face à l’idée de finitude, c’est-à-dire celle de notre potentielle mort collective du fait de nos activités. Le fait d’avoir d’ores et déjà dépassé six des neuf limites planétaires, propulsant l’humanité hors de sa zone de sûreté, est quelque chose de totalement nouveau. Non seulement c’est d’une violence inouïe, mais en plus, les jeunes ne sont pas aux commandes. Ils n’occupent pas les postes stratégiques et décisionnels qui pourraient influer sur le cours des choses. Il y a de quoi se sentir totalement démuni."
A la suite d'Hartmut Rosa, philosophe et sociologue, Nelly Pons s'appuie sur le concept de résonance. "Il nous invite à réagir au monde avec empathie, à se laisser traverser par lui, à entrer en relation. C’est exactement ce qui nous manque aujourd’hui, en témoigne l’épidémie de solitude qui se répand dans les sociétés occidentalisées. La notion de résonance peut aussi être étendue à la relation que nous entretenons avec nos milieux de vie et les êtres qui les peuplent, aux vivants non-humains. Nous ne devrons notre salut qu’à notre capacité à comprendre notre interdépendance avec le monde vivant, en en respectant l’intégrité et en s’inspirant de ses dynamiques pour réorganiser nos sociétés humaines."

Résumons-nous : résonnons, résonnons !

 (1) Actes Sud, 2025, 
https://www.levif.be/societe/nelly-pons-autrice-ne-serions-nous-pas-en-train-de-faire-un-burnout-collectif/

jeudi 13 mars 2025

Sinistres comiques

Le tsar et sa clique de mafieux ont enfin une bonne idée : démilitariser l'Ukraine. C'est une des conditions que pose le dictateur russe. En contre-partie, il faudra alors, dans le même temps, ce n'est que logique, que la Russie en fasse autant. Sinon, le grand méchant loup avalera cette Ukraine sans défense. L'agressé se désarmerait tandis que l'agresseur conserverait sa force de destruction ? Ce ne serait que naïveté autodestructrice de l'accepter. Dans la foulée, il faudra que tous les autres pays suivent. Démilitarisons la planète. Et consacrons les énormes économies ainsi réalisées à la lutte contre le dérèglement climatique et donc à la sauvegarde de la biodiversité à laquelle appartient l'humanité. Sortons de la logique suicidaire dans laquelle nous entraînent les nuisibles.
Ce n'est - évidemment - pas ce qu'envisage le tueur en série Poutine : les petits ne peuvent attaquer, ni même se défendre. Ils doivent laisser les grands les agresser librement. Et il prévient : déployer des soldats de la paix en Ukraine serait une déclaration de guerre à la Russie. Qui peut croire une seule seconde que le régime russe aspire à la paix ? Poutine a décidément un humour particulier.

De l'autre côté, Ubu Trump, l'autre grand humoriste actuel, continue à vouloir englober le Canada dans les Etats-Unis. Tout comme le Groenland. Il semble réellement convaincu qu'une part importante du monde se rêve américaine. Il vomit le terme inclusion, mais veut l'appliquer aux autres Etats. Tous les Etats du monde devrait aujourd'hui annoncer qu'ils veulent annexer les Etats-Unis. Pas sûr que Trump soit capable de goûter l'ironie. 

Depuis la (non) rencontre entre le président Zelensky et son homologue américain flanqué de son roquet, qui ont tous deux reçu le premier de la plus ignominieuse des façons, la relation a évolué plus favorablement grâce à des représentants américains moins rustres (1). Et la balle est à présent dans la camp du tsar de toutes les Russies.
Avant cela, Claude Malhuret, sénateur français, avait tenu un discours vif et carré à la tribune du Sénat (2).
"L’Europe est à un tournant critique de son histoire. Le bouclier américain se dérobe, l’Ukraine risque d’être abandonnée, la Russie renforcée. Washington est devenu la cour de Néron. Un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique. C’est un drame pour le monde libre, mais c’est d’abord un drame pour les États-Unis." Son message tourne en boucle notamment aux Etats-Unis où il a été vu par des millions de personnes qui étaient visiblement en attente d'un discours aussi clair et percutant.
"Jamais dans l’histoire un président des États-Unis n’a capitulé devant l’ennemi. Jamais aucun n’a soutenu un agresseur contre un allié. Jamais aucun n’a piétiné la Constitution américaine, pris autant de décrets illégaux, révoqué les juges qui pourraient l’en empêcher, limogé d’un coup l’état-major militaire, affaibli tous les contre-pouvoirs et pris le contrôle des réseaux sociaux. Ce n’est pas une dérive illibérale, c’est un début de confiscation de la démocratie. Rappelons-nous qu’il n’a fallu qu’un mois, trois semaines et deux jours pour mettre à bas la République de Weimar et sa constitution."
En un mois, constate-t-il, Trump a fait plus de dégâts qu’en quatre ans de sa présidence précédente. "Nous étions en guerre contre un dictateur, nous nous battons désormais contre un dictateur soutenu par un traître." Nous devons faire face, clame Claude Malhuret. Parce que la défaite de l'Ukraine serait aussi celle de l'Europe. Il faut réarmer militairement et moralement celle-ci. "Le sort de l’Ukraine se joue dans les tranchées, mais il dépend aussi de ceux qui aux États-Unis, veulent défendre la démocratie, et ici de notre capacité à unir les Européens, à trouver les moyens de leur défense commune et à refaire de l’Europe la puissance qu’elle fut un jour dans l’Histoire et qu’elle hésite à redevenir. Nos parents ont vaincu le fascisme et le communisme au prix de tous les sacrifices. La tâche de notre génération est de vaincre les totalitarismes du 21e siècle."
On aimerait que tous les chefs d'Etat européens, des membres du Parti Républicains (s'ils ne sont pas tous transformés en valets agenouillés), que les Démocrates, les soi disants influenceurs qui défendraient la démocratie et le droit, aient une voix aussi forte. Que tous leurs discours couvrent le bruit et la fureur qui dominent. Et nous redonnent espoir.

mardi 11 mars 2025

Libérez Boualem Sansal

Depuis quasiment quatre mois, Boualem Sansal est emprisonné par le régime algérien. Régime dictatorial et aussi antisémite. "Selon des sources judiciaires algériennes, rapportait en février Le Courrier international (1), des hommes sont venus dans la chambre du romancier pour lui conseiller vivement de changer de conseil et de prendre « un autre avocat français non juif. » Pour essayer de l’en convaincre, ces émissaires particuliers ont expliqué que le remplaçant non juif de Me François Zimeray aurait une chance d’obtenir un visa afin de pouvoir le visiter." Dans la foulée, l'écrivain a entamé une grève de la faim. On cherche en vain de ses nouvelles depuis lors. Son avocat, qui n'a toujours pas pu le voir, vient d'affirmer qu'il n'en a plus aucune depuis deux semaines.
En février, de nombreux écrivains, francophones et étrangers, se sont rassemblés à Paris pour réclamer la libération de l'écrivain franco-algérien.
Le Monde (2) rapporte que pour Pascal Bruckner, l’embastillement de Sansal est le symptôme de la « peur profonde » qui anime ce régime. "Tout pouvoir qui emprisonne un écrivain est un pouvoir faible et, en général, il ne dure pas, a prévenu Sylvain Tesson, avant de cingler : « Le président Tebboune possède les clés d’une geôle, mais c’est tout le pouvoir qu’il possède. Dans l’histoire de l’humanité, personne ne citera jamais plus une seule phrase de lui, alors que l’œuvre de Boualem demeurera vivante. » S’adressant à son tour au dirigeant algérien afin de lui confier une « parole amicale », Daniel Pennac a lancé : « Pour l’amour de l’intelligence et de la douceur humaine, rendez sa liberté à Boualem… et, tant que vous y êtes, rendez-lui aussi l’Algérie »".
"Des écrivains ont stigmatisé les « idiots utiles, bien installés dans leur sofa parisien, qui pinaillent » (selon les mots de Sorj Chalandon), jusqu’à insinuer que, au fond, Sansal l’a bien cherché… « Aurait-il dû dire patati, et pas dire patata ? La vie intellectuelle est pleine de Purgon et de Diafoirus qui tâtent le pouls et la conscience de l’écrivain emprisonné », a déploré Philippe Lançon. « Nous sommes là pour toi, Boualem, a promis Paule Constant, nous sommes là pour toi sans l’ombre d’un “mais”. »"
Le 13 mars, c'est à Bruxelles qu'aura lieu un rassemblement de soutien à l'initiative des Universalistes. "Libérez Boualem Sansal, là, immédiatement, sans condition !!! Emprisonné depuis le 16 novembre 2024, l'immense romancier franco-algérien, est arbitrairement détenu, en Algérie, accusé de « complot contre la sûreté de l’État ». Condamné au silence et à l'isolement, il n'a pas pu s'exprimer depuis, tout comme ses avocats. Alors on spécule sur sa condition. D'autant plus que sa santé décline et qu'il est atteint d'un cancer. A nos yeux, cette situation est scandaleuse et il s'agit d'y mettre fin le plus rapidement possible.Venez faire entendre votre voix, le 13 mars prochain à 20h, au théâtre La Tricoterie, aux côtés de nombreux intellectuels, artistes et politiques qui prendront la parole pour exiger sa libération immédiate et inconditionnelle. Soutenons Boualem Sansal !"

(1) https://www.courrierinternational.com/article/justice-algerie-boualem-sansal-a-decide-d-entamer-une-greve-de-la-faim_228048
(2) https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/02/19/des-ecrivains-reunis-en-soutien-a-boualem-sansal-a-l-institut-du-monde-arabe-nous-sommes-la-pour-toi-sans-l-ombre-d-un-mais_6553357_3212.html

dimanche 9 mars 2025

L'Europe, plus que jamais

A qui reconnaît-on un imbécile ? Notamment à son incapacité à imaginer que les effets de son action puissent être exactement opposés à ce qu’il en attendait. La prétention et la bêtise vont souvent de pair.
Poutine allait avaler l'Ukraine en deux temps, trois mouvements, transformer les Ukrainiens en Russes et les couper à jamais de l'Europe. Et que ça saute ! Ça a sauté, mais pas comme il l'imaginait. Trois ans après, l'Ukraine résiste toujours vaillamment et cette tentative de colonisation n'a fait que renforcer la volonté des Ukrainiens d’appartenir à l’Union européenne et à l'OTAN.
De son côté, Trump, en s'alignant derrière son camarade Poutine, en trahissant l'Ukraine et en affirmant que l'Union européenne a été créée pour "foutre en l'air" les Etats-Unis a amené les Européens à resserrer les rangs et à tenter de construire une défense commune. "Donald Trump, en voulant détruire l’Europe, force sa recomposition, écrit Sylvie Kauffmann, éditorialiste au Monde (1). L’Europe qui se réveille n’a plus le même visage que l’Europe assoupie. L’UE est une formidable structure de paix, pas de guerre." A l'UE d'adapter maintenant son fonctionnement pour éviter de se laisser piéger par les complices des dictateurs, tel Orban le poutinolâtre.

L'Union européenne repose sur la démocratie, la solidarité, l'égalité hommes-femmes, le respect des droits humains, de l'Etat de droit et de la souveraineté des états. Voilà pourquoi les dictateurs rêvent de la mettre en miettes.
A l'est et à l'ouest de l'Europe, les discours déments dominent. Les théories complotistes, les contre-vérités, les arguments les plus irrationnels, les mensonges, la religion sont utilisés pour justifier l'injustifiable. "Désormais, écrit Riss (2), faire de la politique consiste d'abord à lutter contre l'irrationnel. C'est peut-être sur ce terrain que l'Europe peut marquer sa différence. Elle doit rester le continent de la raison. (...) Les droites et les extrêmes droites d'Europe et d'Amérique affirment que l'enjeu du XXIe siècle est de défendre leur identité chrétienne. Non, ce n'est pas l'identité chrétienne qui doit être défendue, mais la raison, qui est constitutive de notre identité européenne. La seule qui a émancipé les peuples et qui permet de combattre les arbitraires délirants, à la fois des idéologies religieuses et politiques."

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/05/donald-trump-en-voulant-detruire-l-europe-force-sa-recomposition_6576423_3232.html
(2) Riss, "L'Europe, centre du monde libre", Charlie Hebdo, 26.2.2025.

mercredi 5 mars 2025

Insoumis à la solidarité

Les moments de grande crise sont des révélateurs. La gauche française, nous explique Le Monde (1), se déchire sur l'Ukraine. Elle est divisée depuis longtemps sur de nombreux points. Cette fois, c'est - est-ce une surprise ? - sur le soutien à l'Ukraine.
Les écologistes appellent à « un engagement militaire et financier renforcé », qui passerait notamment par « la fourniture des équipements de défense avancés » ou « le renforcement de la présence de troupes européennes dans les pays frontaliers de l’Ukraine ». Tandis que les socialistes affirment leur volonté de  « financer ce soutien militaire à l’Ukraine », de saisir « les 210 milliards d’euros d’avoirs russes gelés dans nos banques » et d’arrêter de laisser « transiter par nos ports, avec la complicité de nos entreprises, son gaz naturel liquéfié ». Enfin, il appelle à un « grand emprunt commun de 500 milliards », seule façon de « sauver la paix et la sécurité en Europe ». Pas question cependant de financer le réarmement de l'Ukraine pour les communistes et les insoumis (à la solidarité ?). Un élu communiste veut que Macron aille négocier avec Poutine (ce qu'il a déjà tenté et on sait le tsar sourd) et un élu LFI estime que « notre sécurité n’est pas en cause dans l’immédiat ». La sécurité des Ukrainiens et de leurs voisins n'a donc pas d'importance, seule compte la nôtre, pour ces élus de partis qui se sont longtemps présentés comme internationalistes et ne sont finalement que des partis souverainistes comme ceux de l'extrême droite qui prennent comme ils peuvent de timides distances avec leurs idoles Trump et Poutine.

Pour financer le réarmement de l'Ukraine, certains proposent d'utiliser les liquidités que la Banque centrale de Russie avait placées dans des établissements financiers étrangers : 300 milliards d'euros dans le monde, 209 rien qu'en Europe. Jusqu'à présent, les intérêts - un peu moins de 3 milliards par an - profitent aux Ukrainiens, mais le capital reste gelé. L'Union européenne a toujours refusé d'y toucher, par respect du droit international. Un droit dont le régime russe se moque chaque jour. Mais l'envie de puiser là de quoi financer l'aide à l'Ukraine fait son chemin. Une proposition dans ce sens sera soumise au vote du Parlement européen la semaine prochaine. Et en France, Gabriel Attal réclame maintenant la saisie de ces avoirs. De même que les socialistes et les écologistes. Le gouvernement, lui, y reste opposé, toujours au nom du droit international. "C’est aussi ce que disent les Insoumis, qu’on a connu plus offensifs contre la finance…", constatait ce matin l'éditorialiste de France Inter Patrick Cohen. "Alors, formellement, ils ont raison : le principe d’immunité souveraine protège les Etats et leurs biens. Mais dans le chaos actuel, l’argument fait doucement rigoler l’avocat spécialisé que j’ai interrogé hier. Parce que le droit international, il dit en premier qu’on ne doit pas envahir son voisin. Et que les agressions donnent lieu à des réparations. L’Irak a payé pendant plus de 30 ans pour l’invasion du Koweït, quelque 52 milliards. L’Europe pourrait donc bien faire payer la Russie tout de suite. Ou utiliser ses avoirs comme garantie. Et puis le droit, Poutine s’assied dessus, il ne respecte rien, ni le droit de la guerre, ni aucun autre. La quasi-totalité des actifs européens et américains en Russie ont déjà été confisqués. Qui imagine Poutine saisir la Cour internationale de justice, l’organe judiciaire de l’ONU, pour récupérer son argent ?"
Autre argument pour s'opposer à cette prise de guerre : l’idée du « précédent économique » qui pourrait effrayer les investisseurs. "Argument partagé là encore par le gouvernement et par les Insoumis." Ici encore,  les Insoumis se montrent tout à coup très soumis aux marchés et aux investisseurs. A moins qu'ils ne le soient au régime russe ? Conclusion de Patrick Cohen : "Contrairement à ce que l’exécutif voudrait faire croire, le sujet des avoirs russes est bien plus politique que juridique. Question d’astuce et de volonté. Pour aider l’Ukraine et gratter des roubles, il n’est pas interdit d’être un peu roublard".

Pétition à signer sur Avaaz :

Post-scriptum : 
Me revient cette chanson qu'on chantait dans les manifs fin des années '70 - début des 80.
Prenez l'argent où il est / Dans les banques, dans les banques / Prenez l'argent où il est / Dans les coffres des banquiers.
Mélenchon a dû la chanter. Il a bien changé.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2025/03/04/la-gauche-se-fracture-sur-l-aide-a-l-ukraine_6576306_823448.html
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/l-edito-politique-du-mercredi-05-mars-2025-8009881

lundi 3 mars 2025

Boycott USA

Serait-ce l'amorce d'un mouvement important ? Les appels au boycott des produits américains se multiplient dans le nord de l'Europe. Ailleurs aussi, on l'espère.
La compagnie pétrolière norvégienne Haltbakk Bunkers, opérateur numéro un dans les ports norvégiens, a annoncé qu'elle ne ravitaillera plus les navires de la marine américaine. Et ce suite à l'épisode scandaleux de vendredi, le « plus grand merdier jamais présenté en direct à la télévision par l’actuel président américain et son vice-président ».
"Dans son communiqué, explique Le Monde (1), conclu par le slogan « Slava Ukraini ! » (« Gloire à l’Ukraine ! »), Haltbakk Bunkers, dont le compte Facebook n’était plus accessible dimanche 2 mars, rend hommage à la retenue du président ukrainien, face au « spectacle télévisé de plantage de couteau dans le dos », organisé par l’administration américaine. « Cela nous a rendus malades », affirme l’entreprise, qui « encourage tous les Norvégiens et les Européens à suivre [son] exemple »."
Gunnar Gran, le président de Haltbakk Bunkers affirme que cette décision est « morale » :  sa compagnie a cessé de fournir les navires russes, dès le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Il est donc logique pour lui d'en faire autant vu l'attitude  des Etats-Unis vis-à-vis des Ukrainiens. Pour lui, plus un seul litre de fuel ne sera livré aux navires militaires américains "tant que Trump n’aura pas quitté le pouvoir".
Dans les pays nordiques, les appels au boycott des produits américains se succèdent. "Si l’impact de cette action est encore difficile à évaluer, les participants espèrent inspirer une mobilisation plus large, au niveau européen, capable de faire trembler les entreprises américaines." Certains annoncent avoir vendu leurs actions dans des compagnies américaines. L'un d'eux "espère faire plonger « la Bourse américaine dans le rouge pendant quelques jours", seul moyen visiblement de toucher Trump et son équipe de mafieux. Un peu partout en Europe, les ventes de Tesla s'effondrent. Tous ces milliardaires ne connaîtront jamais le sort que leur camarade Poutine réserve aux Ukrainiens, mais si l'économie américaine est ne serait-ce qu'un peu plus small que great again, les entreprises américaines pourraient demander des comptes aux Infâmes qui dominent aujourd'hui les Etats-Unis. Les consommateurs ont un pouvoir qu'ils n'exercent pas assez (2). 

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/03/03/les-appels-au-boycott-contre-les-produits-americains-s-etendent-en-europe-du-nord_6574506_3210.html
(2) (Re)lire sur ce blog : https://moeursethumeurs.blogspot.com/2025/02/lukraine-cest-nous.html

samedi 1 mars 2025

Les perroquets de Poutine

Toute la presse parle de l'humiliation subie hier par Zelensky. Mais franchement qui est humilié dans cet épisode ignoble, sinon les Etats-Unis ? Un pays qui doit maintenant se regarder dans le miroir et admettre qu'il est présidé par deux petites frappes qui, dans la cour de récré, ont coincé un petit : "si tu ne donnes pas ton goûter au caïd, on te casse la gueule. Ferme-la, dis merci et fais-toi plus petit que tu ne l'es. T'es pas en position de discuter". On en est à ce niveau-là. Les Etats-Unis sont dirigés par un duo de gros bras grossiers, incultes et agressifs, The Poutine's Parrots. Ce ne fut pas un échange hier, mais une menace de passage à tabac d'un petit qui, après tous les coups qu'il a reçus du caïd, croyait trouver un soutien et n'a reçu que brimades, menaces et engueulades.
Lire le verbatim de cette (non) rencontre, c'est plonger dans l'irrationnel le plus effrayant.

https://www.lemonde.fr/international/article/2025/02/28/verbatim-l-escalade-verbale-entre-trump-vance-et-zelensky_6570416_3210.html

A lire aussi :
https://nepassubir.fr/2025/03/02/le-clash-zelensky-chasse-de-la-maison-blanche-par-trump-ou-par-poutine/

vendredi 28 février 2025

Répugnant

Ça fait un bon moment qu'on a compris que l'Ubu américain est un vrai sale type. Chaque jour, il dépasse les bornes, un peu plus odieux à chaque fois. Aujourd'hui, Trump a pulvérisé ces bornes. Le président américain n'est qu'un valet de Poutine, il en est devenu le porte-parole et il joue son rôle avec une arrogance plus insupportable que jamais. Quelle honte de traiter de la sorte un résistant, un président qui, avec son armée, son équipe et sa population, fait ce qu'il peut pour tenter de préserver l'indépendance de son pays face à un régime brutal qui tue, viole, massacre, détruit sans vergogne ! Quel mépris pour les Ukrainiens ! L'attitude et les mots de Trump et Vance alors qu'ils recevaient Volodymyr Zelensky sont d'une indécence totale. Les deux racketteurs ont voulu imposer leur loi, continuant à vouloir faire de l'agressé l'agresseur.

"D’un côté, rappelait ce matin Alain Frachon dans Le Monde (1), un homme qui a échappé à la conscription durant la guerre du Vietnam pour cause de malformation à un pied (aujourd’hui, ça a l’air d’aller mieux). Né richissime, Trump affiche le teint hâlé des bien portants. Il est toujours entre deux parties de golf en Floride, où il passe le quart de son temps, ses soirées bercées par le doux clapot atlantique. De l’autre côté, pâle, traits tirés, infatigable, héroïque, Zelensky préside au destin d’un pays en guerre depuis trois ans, bombardé toutes les nuits par les Russes. Il n’a pas le temps de jouer au golf, lui." 
Et l'agent orange, ce pâle type, a le culot de faire la leçon au président ukrainien. Pour qui travaille-t-il ?
"Le discours trumpiste se coule dans la rhétorique poutinienne. En moins de deux semaines, les concessions à Moscou se sont accumulées – même si elles se dessinaient déjà depuis l’administration de Joe Biden : pas d’Ukraine dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ; pas de force de l’OTAN en tant que telle pour surveiller un éventuel cessez-le-feu ; nécessaires concessions territoriales de la part de Kiev. Il y a plus. Avant même la paix en Ukraine, Trump prépare la normalisation des relations avec Poutine. Il colle à la désinformation du Kremlin : aux Nations unies et au G7, les Etats-Unis se refusent à dire que la Russie a « agressé » l’Ukraine !"
Voilà les Etats-Unis qui votent maintenant à l'ONU avec la Russie et les pires régimes de la planète.
La rencontre entre Zelensky le résistant et Trump le collabo était sans espoir. On ne peut discuter avec un tel individu bouffi de suffisance. On attend de l'Union européenne qu'elle soutienne fermement Zelensky et l'Ukraine et qu'elle rappelle au grossier personnage qu'est Trump les règles minimales de la décence. Le former à l'intelligence et au respect est mission impossible.

Post-scriptum : il y a trois jours, le Gorafi, journal satirique, annonçait que Trump exigeait que l'Ukraine s'excuse d'avoir été envahie par la Russie. On en est quasiment là.
https://www.legorafi.fr/2025/02/25/donald-trump-ordonne-a-lukraine-de-sexcuser-davoir-ete-envahie-par-la-russie/

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/27/comment-en-est-on-arrive-la-a-la-guerre-a-l-exact-contraire-des-illusions-du-debut-du-siecle-a-ce-pivotement-americain-vers-la-russie_6567228_3232.html

jeudi 27 février 2025

Les beaux jours

A quoi s'attendre ? Trump révulse, indigne, scandalise, sidère, fâche, mais un peu partout on l'applaudit. L'extrême droite en fait un modèle. Jordan Bardella salue "ce vent de liberté qui souffle aujourd'hui sur toutes les démocraties occidentales que Trump incarne aux Etats-Unis".
Nous voilà prévenus : l'arrivée du FN-RN au pouvoir signifierait que le gouvernement français se sentirait libre de licencier ses fonctionnaires par milliers, de démolir le sytème de santé, de mettre à sac la culture, de soumettre la justice à ses caprices et à ses intérêts, de mettre fin à l'Union européenne, de supprimer de la devise nationale les valeurs d'égalité et de fraternité, d'abandonner les notions de solidarité et de compassion, de poursuivre le saccage de l'environnement, de chasser les étrangers, de sanctifier le mensonge. Le plaisir de détruire ne peut s'exercer pleinement que grâce à une liberté sans limite.
Quand on connaît la fascination qu'exercent aussi Poutine et son régime de mafieux sur la fille à papa Le Pen, on peut préjuger de ce que deviendrait la France commandée par ce parti du peuple. Un pays invivable, à l'odeur irrespirable, où la liberté de certains ne s'exerceraient qu'au détriment de celle de tous les autres.
Les programmes scolaires et de télévision devraient donner priorité à l'Histoire. Trump n'en a visiblement aucune notion, lui qui affirme que "l'Europe a été créée pour emmerder les Etats-Unis" et que c'est l'Ukraine qui a déclenché la guerre. Poutine, lui, réécrit chaque jour l'Histoire, comme le faisait Staline.
De l'intelligence, de l'intelligence ! Si ce n'est pas trop demander.

lundi 24 février 2025

L'Ukraine, c'est nous

Voilà trois ans aujourd'hui que le tsar de toutes les Russies a lancé sa nouvelle offensive impérialiste et assassine contre l'Ukraine. Elle devait durer trois jours, mais elle perdure. A un prix humain désastreux. Selon les Nations Unies, cette guerre a fait plus de 28 000 victimes civiles et plus de 10 000 morts, mais le bilan réel est très probablement plus élevé. Côté militaire, difficile de connaître les chiffres, ils se comptent en dizaines  de milliers de morts. Et en centaines de milliers de blessés et de morts du côté russe où la vie de la piétaille ne compte pas. 10,6 millions d'Ukrainiens ont été déplacés, 12,7 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire, 2 millions de logements ont été détruits ou endommagés, 200 000 personnes ont fui leurs foyers de l'est rien que ces six derniers mois. Un tiers du territoire ukrainien serait contaminé par des mines ou des munitions. (1)
Et Dingo Ier, roi des Amériques et du reste du monde, veut mettre fin à cette guerre en donnant raison à l'agresseur et en niant les droits de l'agressé qu'il insulte (c'est la seule chose qu'il sait faire). Le père Ubu américain se contente de répéter la propagande russe et ses éléments de langage pour forcer l'Ukraine à se mettre à genoux. Livrer l'Ukraine, même partiellement, au serpent Poutine, c'est ouvrir le droit à la guerre pour quiconque joue les machos et méprise l'Etat de droit et la démocratie. Qui empêchera demain Poutine d'avaler l'ensemble de l'Ukraine, puis la Géorgie, la Moldavie, les pays baltes ? Comment peut-on encore entendre de pseudos experts tenter de nous rassurer en prétendant que la Crimée et les territoire de l'est lui suffiront ? N'ont-ils rien retenu des Accords de Munich de 1938 ? Une partie de la Tchécoslovaquie - qui n'avait pas été invitée à négocier ces accords - a été livrée à Hitler, ce qui devait mettre fin, chez lui, à toute velléité de nouvelles conquêtes. On sait ce qu'il en fut. 

Et nous, nous restons là, atones. Comme si tout cela était loin et ne pouvait nous atteindre. Comme si nous ne pouvions rien y faire. Le monde brûle dans notre indifférence. Mais elle peut durer parce que rapidement d'autres pays européens seront touchés.
Derrière l'avenir de l'Ukraine, c'est le nôtre qui se joue. Poutine et Trump veulent mettre fin à la démocratie qui les empêche d'exercer un pouvoir absolu. Poutine, Musk et Vance, constate Raphaël Glucksmann (2), "voient nos démocraties comme des ennemies à abattre et mettent la puissance américaine au service des extrêmes droites européennes les plus poutinistes ; les services de sécurité allemands comme danois prévoient une guerre russe sur le sol de l’Union européenne avant 2029 ; les Baltes et les Finlandais creusent des tranchées : que nous faut-il de plus pour éprouver enfin l’ébranlement commun qui seul permet les grands sursauts ?" 
L'écrivain ukrainien Andreï Kourkov pense aussi que "ce n'est plus seulement le sort de l'Ukraine qui est en jeu, c'est un rapport d'influence sur le monde entier. L'Ukraine n'est qu'un instrument de la domination." (3) Si l'Ukraine tombe, Trump aura toute latitude pour mettre, lui aussi, la main sur les pays qu'il convoite. Son allié Poutine trouvera cela simplement normal. Les néo-colonialistes se partagent le monde.

Comment soutenir le peuple ukrainien ? En réclamant de l'Union européenne un soutien sans faille à l'indépendance de l'Ukraine et en renforçant les moyens militaires européens. "L’UE sera écrasée et démembrée si elle ne devient pas en quelques mois la puissance politique, militaire, économique, souveraine et intégrée qu’elle n’arrive pas à être depuis des décennies, écrit encore Raphaël Glucksmann  . Les petits pas qu’affectionnent ses dirigeants – que rien ne prédestinait à faire face à une situation aussi grave – ne suffiront plus, il faut un saut de géant."
Des partenariats doivent se nier d'urgence entre démocraties. "Il s’agit donc de trouver en nous, en chacun de nous, les ressources morales et la force mentale de changer notre rapport au monde. Et il s’agit pour les dirigeants européens, en étroite coordination avec nos alliés britanniques et canadiens, d’annoncer rapidement un plan à court et moyen terme de protection de nos nations et de sauvegarde de nos démocraties. Ce plan doit partir d’un constat réaliste – déléguer notre sécurité aux Etats-Unis de Donald Trump est suicidaire – et proposer des mesures immédiates ainsi qu’un cap intangible pour les années à venir."

La défense de l'Ukraine et de la démocratie implique aussi de faire barrage - partout - à l'extrême droite, soutien et de Poutine et de Trump. Laisser prospérer ces partis de la haine, ennemis de la démocratie, est suicidaire. L'ensemble du champ politique doit se remettre en question et sortir - mais c'est sûrement un vœu pieux - de positionnements électoralistes.

Enfin, si l'on veut s'opposer à Trump et sa mafia, c'est sur leur terrain qu'il faut le faire : le commerce et l'économie. La seule valeur que connaît Trump est le dollar. On peut rêver d'un boycott mondial des produits américains (Facebook et ses dérivés, X, Google (4), Mc Donald, KFC, Coca-Cola, Fanta, Red Bul, Pepsi, Kellogg's, General Motor, Tesla, Apple,  M&M's, Heinz, Nesquik, Snickers, Marlboro, la liste est longue. On peut rire d'une telle idée, mais on ne peut rire du pire qui s'avance. On ne peut rire du bruit des bottes et des bombes.

(1) chiffres de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés dans un message publié ce jour.
(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/02/22/raphael-glucksmann-eurodepute-jamais-la-menace-d-une-guerre-a-l-interieur-des-frontieres-de-l-union-europeenne-et-de-l-otan-n-a-ete-aussi-elevee_6558261_3232.html
(3) "Les Ukrainiens continuent à refuser la défaite", interview d'Andreï Kourkov, Télérama, 12.2.2025.
(4) Il existe des moteurs de recherche solidaires : Lilo et Ecosia, par exemple.
A lire : https://nepassubir.fr/2025/02/23/leurope-et-lukraine-vont-elles-se-faire-trumper/


mercredi 19 février 2025

Sauver l'Ukraine

La conjuration des crapules aura la peau de l'Ukraine. Cette infection contagieuse qu'on appelle Trump se prépare à livrer le pays à son ami Poutine en prélevant au passage sa part de gâteau.
Tout ça pour ça. Tant d'héroïsme de la part du peuple ukrainien, tant de courage et de détermination chez son président, tant de morts, de blessés, de destructions, de terreur, pour, au bout du compte, voir l'infect président américain injurier tout le monde et affirmer, avec sa bêtise et sa suffisance habituelles et en multipliant les mensonges, qu'avec lui tout se serait bien passé.
Cet homme inculte et grossier n'a jamais rien eu et n'aura jamais rien d'un héros. Le pire est son royaume. S'il arrive, si l'Ukraine est vraiment livrée à la mafia russe, il faudra que l'Union européenne et tous les pays qui croient encore en la justice et la démocratie coupent les ponts avec les Etats-Unis. La Russie est boycottée depuis le début de son agression de l'Ukraine. Il faudra faire de même avec les Ponce Pilate qui livrent l'agressé à son agresseur. 
D'ici là, on attend des positions fortes et fermes vis-à-vis de Trump de la part des représentants de l'UE et de ses chefs d'Etat. On en attend autant de la part de l'ONU, des élus américains, de l'opinion publique américaine et un peu partout dans le monde. Abandonner l'Ukraine, c'est dérouler le tapis rouge à Poutine, c'est mettre en danger l'indépendance de quantité de pays, c'est se coucher devant les dictateurs. Il n'est plus temps de se dire sidéré.  

https://www.lemonde.fr/international/live/2025/02/19/en-direct-guerre-en-ukraine-le-pays-n-est-pas-a-vendre-dit-volodymyr-zelensky-aux-etats-unis_6549023_3210.html

mardi 18 février 2025

La conjuration des matamores

Le tueur en série Poutine, parrain de la mafia russe, ne supporte pas d'être traité de nazi. C'est lui qui décide qui l'est et qui ne l'est pas. S'il fait la guerre à l'Ukraine, c'est pour la sortir des griffes des nazis qui la dominent. Sergio Mattarella, le président de la république italienne, a provoqué la fureur de Moscou. Le 5 février, il avait rappelé, rapporte Le Monde (1), l’avènement de « régimes despotiques et illibéraux » ayant conduit à « l’accentuation d’un climat de conflit », faisant prévaloir « le critère de la domination » et aboutissant à « des guerres de conquête ». Et il avait conclu : « Tel était le projet du IIIe Reich en Europe. L’agression russe d’aujourd’hui contre l’Ukraine est de cette nature ».

Le Kremlin est furieux (ou feint de l'être). Cette déclaration de Sergio Mattarella  « ne peut pas rester et ne restera pas sans conséquences », a réagi la porte-parole de la diplomatie russe, réitérant les menaces dont la Russie est maintenant coutumière et rappelant que « malheureusement, l’Italie est le pays où le fascisme est né » et que le président italien « sait combien de soldats italiens ont tué nos grands-pères et nos arrière-grands-pères sur notre territoire pendant la seconde guerre mondiale sous des bannières et des slogans nazis ». Ramenant l'Italie à son passé, elle oublie d'expliquer en quoi les crimes commis quotidiennement par l'armée russe en Ukraine seraient plus justifiés que ceux des fascistes ou des nazis. Le gouvernement russe ne change pas d'attitude : lui seul peut critiquer les autres et il n'est absolument pas admissible qu'on fasse de même à son égard.
Voilà deux ans que l'Ukraine résiste à la guerre de Poutine qui pensait devenir maître du pays en trois jours. Combien de morts, combien de viols, de tortures, de rafles d'enfants a déjà causé cette guerre infâme  qu'aucune justification ne peut excuser (2) ? Combien d'autres demain ?
Poutine, trop heureux d'avoir face à lui désormais des interlocuteurs américains d'une grande faiblesse intellectuelle, de peu de courage, mais d'une arrogance sans borne, s'est trouvé des alliés en Ubu Trump et sa clique, prêts à négocier une improbable paix avec le chef mafieux russe sans associer ni l'Ukraine, ni l'Union européenne aux négociations. Dans leur suffisance, tous ces grands sont très petits. Le sort de l'Ukraine est dans les mains de psychopathes qui se partagent le monde. Aujourd'hui, l'Ukraine, demain la Géorgie, Gaza, Panama, les pays baltes, la Moldavie et tant d'autres pays. 

(1) https://www.lemonde.fr/international/live/2025/02/17/en-direct-guerre-en-ukraine-a-la-sortie-de-la-reunion-d-urgence-a-l-elysee-olaf-scholz-se-dit-oppose-a-une-paix-de-diktat-imposee-a-kiev_6549023_3210.html
(2) A voir sur arte.tv :
https://www.arte.tv/fr/videos/114586-000-A/enfermes-par-les-russes-yahidne-2022/
https://www.arte.tv/fr/videos/109330-000-A/ukraine-sur-les-traces-des-bourreaux/

jeudi 13 février 2025

Un monde encrapulé

Le club des crapules (comme l'appelle le Sunday Times -1) s'est considérablement élargi. A Poutine, Xi Jinping, Khamenei et Kim Jong-un s'ajoutent maintenant Trump et sa bande de cowboys qui jouent au shérif. On peut y ajouter Netanyahou et on a une sacrée brochette de gangsters sans foi (sinon celle que chacun a en lui-même) ni loi (sinon celle qu'ils imposent violemment aux autres). A voir la montée en puissance des populistes et des extrémistes de droite, le club risque de s'élargir beaucoup plus encore dans les années à venir.

Ubu Trump a l'intention de s'approprier la bande de Gaza et de la transformer en un immense temple de la consommation. Il avait déjà, lors de son premier mandat, le même projet pour la Corée du Nord. Ce président n'est qu'un vulgaire promoteur immobilier des années '60. "A l'époque, il avait fait miroiter la perspective d'une Corée du Nord prospère, en sécurité, riche en investissements occidentaux et en stations balnéaires, en échange d'un désarmement nucléaire de la péninsule", rappelle The Sunday Times (1) Il poursuit aujourd'hui le même rêve à Gaza. Les Gazaouis n'ont qu'à aller se faire voir ailleurs, en Egypte et en Jordanie par exemple. Et qu'on ne demande pas à Trump de se soucier de l'avis de la population nord-coréenne ou gazaouie. Il n'a que mépris pour elles. Il en autant pour les Ukrainiens.
Voilà qu'il négocie directement avec le tueur en série Poutine sur le dos des Ukrainiens. Il n'a jamais caché son admiration pour le tsar de la mafia russe et discute avec l'agresseur sans faire de même avec l'agressé. John Bolton, un de ses anciens  conseillers, affirme (2) que "le président Trump s'est rendu à Poutine, avant même que les négociations n'aient commencé". Il se dit convaincu que "Poutine ne veut pas du tout négocier avec Zelensky. Il veut négocier avec Trump parce qu'il pense qu'il peut obtenir davantage de résultats avec lui. Et il a raison." Il sait que pour Trump peu importe la justice, ses intérêts priment. "Honte à l'administration Trump!", dit encore Bolton.

Le monde est aujourd'hui sous la coupe de brutes qui imposent leurs vues, qui négocient entre eux, se partagent le monde, sacrifient sans états d'âme des populations. Les crapules mènent le monde. L'hiver pourrait être long.  

(1) Roger Boyes, "Le Club des crapules prévoit le crépuscule américain", The Sunday Times (Londres), 29.10.2024, in Le Courrier international, 21.11.2024.
(2) site de La Libre, 13.2.2025.