samedi 29 novembre 2003

Du cynisme comme profession de foi et des vedettes en politique

Ce texte a été rédigé à l’automne 2003.



A quoi sert une vedette en politique ? A faire des voix. C'est tout ? C'est tout.

Récemment, dans le Soir, Philippe Bodson, « ex-sénateur MR et, simultanément, administrateur de plusieurs sociétés privées », estimait, pour justifier son cumul de mandats privés et public, que des hommes politiques « professionnels » « forment un groupe de gens à part, déconnectés de la réalité et prisonniers du système, or le parlement doit être le reflet de la population ».
Monsieur Bodson, il faut le reconnaître, est resté très connecté sur la réalité des entreprises dont il était administrateur, au point qu’il en oublia de siéger au Sénat. La moyenne annuelle de ses interventions durant les quatre années de son mandat fut de… une (voir les archives du sénat). Il posa deux questions sur l’octroi des licences UMTS, fut le rapporteur d’une loi réglant les impôts sur les revenus de dotation à l’Etat et déposa des amendements sur une proposition de résolution sur la taxe Tobin. Sénateur suppléant en fin de législature, je peux témoigner qu’en un peu moins d’un an, j’ai dû effectivement avoir le rare privilège d’apercevoir Monsieur Bodson une fois ou deux en séance.
Sans doute fut-il durant les quatre ans de son mandat le reflet de la part de population constituée des je-m’en-foutistes, des cyniques et/ou des cumulards (biffez la mention inutile). Il a raison : il faut bien que tout le monde soit représenté !
Un parlementaire qui exerce ce mandat à temps plein se coupe donc de la réalité, d’après Philippe Bodson. Qui n’imagine pas une seconde que des parlementaires qui n’ont pour seule activité professionnelle que leur activité parlementaire (ce qui fut mon cas, comme celui de tous mes collègues écologistes) puissent aussi être impliqués dans des associations socioculturelles, des comités de riverains ou autres a.s.b.l., qu’ils puissent prendre les transports en commun, participer à des journées de rencontres ou de réflexion autant qu’à des activités festives, rencontrer des personnes à propos de demandes très diverses, etc. Bref, être en prise avec la réalité, rester en contact avec de « vraies gens ».

Ses propos, s’ajoutant à la position de son successeur au Sénat, le footballeur Marc Wilmots (qui ne siège plus faute de conviction dans la fonction) témoignent du mépris affiché par ces candidats vedettes, pour la fonction de représentation, et donc pour celles et ceux qu’ils étaient censés représenter. Ces personnages n’accordent qu’une importance subalterne à leur fonction d’élu : elle flatte leur ego mais passe après leur activité professionnelle de base.
Au-delà de ces exemples, reste que ces élus le sont ou l’ont été par des électeurs. Il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent ceux-ci. Se sentent-ils trahis ou au moins comprennent-ils, à défaut de la partager, la position de leurs représentants ? Ou s’en moquent-ils tout simplement ?

Se pose ainsi la question de la motivation du choix dans l’isoloir. Le « vu à la télé » est aujourd’hui, plus que jamais, un critère primordial. Le super-patron ou le super-footballeur le dispute au super-bourgmestre-député, au super-président-de-parti-député-bourgmestre, au super-ministre-président-d’intercommunale. Le pouvoir ou en tout cas l’impression de pouvoir que peut dégager un candidat lui donne aisément… plus de pouvoir. L’essentiel étant d’être élu, il faut être vu. Apparaître de toute façon, avant d’éventuellement être. Il serait temps que tant d’électeurs se remettent en question en s’interrogeant sur leurs critères de choix de leurs représentants.