lundi 28 mars 2011

Marche arrière

Les fascistes flamingants du Voorpost ont manifesté hier à Enghien, réclamant l'appartenance de cette ville wallonne à la Flandre. Ils reviendront, ont-ils prévenu. Et dans d'autres villes et communes "volées à la Flandre": Comines, Mouscron, Flobecq, Mont de l'Enclus, Tournai, etc. On ne sait en quoi ces communes furent volées. Tournai a appartenu au Comté de Flandre, c'est vrai, lui-même part du royaume de France. Mais la ville connut aussi bien d'autres dominations. Et on peut penser que si on remonte le cours de l'histoire, on risque fort de se retrouver sur une pente particulièrement savonneuse et que la guerre pourrait éclater si tous les anciens propriétaires se mettaient à revendiquer leurs villes et communes. Demain les Espagnols et les Autrichiens vont-ils exiger de reconstituer leurs Pays-Bas? Les Français vont-ils redessiner leur empire qui s'étendait de la Méditerranée à la Frise? Les Francophones exiger qu'on parle à nouveau le français à Gand et Anvers? Et pourquoi Tournai ne serait-elle pas à nouveau ville anglaise comme elle le fut de 1513 à 1519 ? On voit par là que le fascisme et le nationalisme s'inscrivent à contre-courant de l'histoire, refusant le présent, craignant l'avenir et se réfugiant dans un passé (mal) choisi.

mercredi 23 mars 2011

Y a bon pub

La publicité doit être bonne. Jamais mauvaise. C'est une règle.
Exemple de mauvaise pub: une photo montre un enfant jouant avec des algues vertes sur une plage. Le texte indique "Bonnes vacances. L'élevage industriel des porcs et les engrais génèrent des algues vertes. Leur décomposition dégage un gaz mortel pour l'homme". L'affiche est signée par France Nature Environnement qui invite à agir avec elle (1). La régie publicitaire de la RATP en a interdit l'affichage dans le métro parisien pendant le Salon de l'Agriculture: "ces visuels très dénigrants sont contraires au principe de neutralité du service public", dit-elle. Une autre photo montrait un homme pointant sur sa tempe un épi de maïs, comme s'il jouait à la roulette russe. Le maïs était transgénique et l'affiche a connu le même sort.
Exemple de bonne pub: un homme chevelu et barbu vit dans une cabane. Visiblement, il a fait le choix de "retourner" à la nature. Mais voilà qu'un beau jour, s'éloignant de son havre de paix et de silence, il approche d'une route et y voit passer le dernier modèle de Mercedes. Aussitôt, il se rase et enfile un costume. Il ne tient plus. La civilisation et ses top modèles lui manquent. On ne peut quitter la société de consommation. Elle finit toujours par vous rattraper.
Question: ce visuel très dénigrant pour la décroissance et ses adeptes est-il conforme au principe de neutralité du service public qui le diffuse sur ses chaînes télé?
Dans Télérama (2), Vincent Rémy signale que le président (socialiste) du Conseil régional de Bretagne a assigné en justice France Nature Environnement et relève que l'interdiction de ces "pubs" suivait de peu la réaction de Bruno Le Maire, Ministre de l'Agriculture, qui parlait de "scandale" à propos de ces affiches. "Une provocation, disait-il: elle oublie la détresse qui a conduit certains agriculteurs au suicide."
"Mais de qui se moque-t-on?, lui répond Vincent Rémy. Qui conduit les producteurs de porcs au suicide? Les écologistes, les lanceurs d'alerte, les photographes d'algues vertes? Ou le lobby agro-chimico-industriel, les barons du syndicalisme et les coopératives agricoles qui ont promu ce délire productiviste?"
La pub pour des bagnoles n'est-elle pas une provocation qui oublie la détresse de tous les proches d'accidentés de la route?
On voit par là qu'il n'y a pas plus cynique que la pub. Et que le cynisme se porte bien à droite et chez une pseudo-gauche.

Eux, ils étaient capables de déféquer sur un peuple entier, et de venir vivre chez lui et de déféquer encore en dépeçant la terre, et c'est pourquoi ils aimaient tant la propriété, parce qu'ils l'avaient assassinée, souillée, avaient déféquée dessus et qu'ils aimaient par-dessus tout leurs endroits à chier. (...)
Et ils s'y noieraient un jour, ils sombreraient tous dans leurs propres déchets et le monceau de déchets qu'ils auraient fait du monde, et alors, enfin, ils connaîtraient la véritable paix et le bonheur qu'ils avaient toujours recherchés.
Toni Morrison, in Tar Baby, 1981


(1) www.fne.asso.fr
(2) 26 février 2011

lundi 21 mars 2011

Women in black

C'est une photo couleurs, mais elle a l'air en noir en blanc. Plutôt en noir qu'en blanc, en fait. On y devine, plus qu'on y voit, une vingtaine de femmes. Et s'agit-il vraiment de femmes? On est face à une masse noire. Des femmes bâchées, l'une ou l'autre porte une casquette de style base-ball par-dessus sa tenue noire. Ici ou là, très rarement, on aperçoit, en regardant bien, un oeil, là où le niqab (ou la burqa?) laisse une toute petite place à la vie, à l'existence. La photo est publiée en double page de la Libre Belgique du 11 mars dernier. Elle a été prise par Muhammed Muheisen pour Associated Press. Que nous dit-elle? Que des femmes manifestent: "down with Ali", dit le calicot de l'une d'elles. La légende nous explique que "à Saana, au Yémen, un groupe de femmes manifeste pour la démission du président Ali Abdullah Saleh". On se demande ce qu'elles réclament: le départ du président, c'est clair. Mais exigent-elles le droit de se balader en niqab ou au contraire celui de le jeter aux orties et de se montrer, de s'afficher? On a du mal de ressentir de l'empathie avec cette masse noire et informe. Au milieu d'elles, une petite fille avec une robe blanche et des pois roses, cachée par un parapluie blanc. Comme un espoir. On aimerait que la vie revienne.

Vive(ment) la libéralisation de la poste

La poste belge s'est bien préparée à la libéralisation imposée par l'Union européenne. Elle s'est transformée en bpost. Personne ne sait comment ça se prononce. Ce n'est pas grave. Tout le monde continue à "aller à la poste".
Le JT de la RTBF nous apprend ce jour (1) que Filip De Winter, le bien nommé, leader d'un Vlaams Blok qui n'ose plus dire son nom, a été invité à assister ce week-end à un match d'Anderlecht. Invité par bpost qui ne s'en défend pas: c'est un geste commercial, explique l'un de ses représentants qui affirme ne l'avoir pas invité personnellement, mais avoir donné des places au Vlaams Belang (le nom politiquement correct des fachos flamingants), tout en ignorant qu'il s'agit là d'un parti d'extrême-droite. On se dit qu'on aimerait que la libéralisation de la poste soit une réalité et qu'on puisse confier son courrier à un autre opérateur. Histoire de poser un geste commercial.

(1) le décor a été renouvelé, mais le présentateur n'a toujours pas pris de cours de diction... Tout ça pour ça.

mardi 15 mars 2011

Les apprentis sorciers

Voilà que l'énergie nucléaire s'avère dangereuse. Extrêmement dangereuse même. C'est une surprise. C'est pourtant la technologie du futur, sans CO2, sans peur et sans reproche. C'est la solution, seule et unique, pour lutter contre le réchauffement climatique. Une technologie sûre et sous contrôle. C'est ce qu'ils nous disent tous: les électriciens et les partis politiques (à l'exception bien sûr de ces hommes des cavernes que sont les écologistes). En fait, ils le disaient. A présent, ils ajoutent une nuance: "le risque zéro n'existe pas" (1).
Au Japon, il existe d'autant moins que des centrales nucléaires ont été construites à des endroits inappropriés, soumis à de forts risques sismiques. Le lobby nucléaire l'a voulu ainsi (2). En France, Henri Guaino, de la bande à Sarko, jamais avare d'un trait de génie, a rétorqué aux attaques anti-nucléaires en affirmant que "on peut aussi bien retourner à la préhistoire et s'éclairer à la bougie". Ce qui est là, on en convient, propos d'un homme particulièrement éclairé. Les mêmes pauvres arguments ("le nucléaire ou rien") avaient été développés par certains esprits indigents au Sénat chez nous lors du débat sur la loi de sortie du nucléaire le 16 janvier 2003.

Personnellement, j'y avais - entre autres - tenu les propos suivants:
"L'énergie nucléaire ne s'inscrit pas dans une perspective de développement durable. Quelles que soient les garanties de sécurité que l'on puisse offrir, les réacteurs présentent des dangers et même si les risques d'accidents sont faibles, leurs conséquences sont incalculables, non seulement à l'échelle de notre pays mais bien au-delà. De plus, la production d'énergie nucléaire génère des déchets que nous laisserons aux milliers de générations qui nous succéderont. L'énergie nucléaire n'est donc pas aussi propre que certains se plaisent à l'affirmer. (...) Le choix de la filière nucléaire n'est pas celui d'une forme de production économe en énergie, qu'elle soit électrique ou autre. On le constate, les pays les plus nucléarisés sont aussi ceux qui maîtrisent le moins leur consommation énergétique. La Belgique est le troisième pays le plus nucléarisé au monde, mais c'est aussi - après le Luxembourg - celui qui émet le plus de CO2 par habitant, soit 12 tonnes par an. Notre consommation d'énergie est l'une des plus élevées au monde. (...) Nucléaire signifie donc, en général, non maîtrise des consommations, voire gaspillage. Pourquoi ? Parce que la surabondance et la centralisation des moyens de production génèrent une surconsommation, et donc un gaspillage dans tous les domaines. (...) La sortie progressive du nucléaire, et donc le choix d'une autre politique énergétique, devrait nous permettre de réaliser d'importantes économies d'énergie. Différentes études (...) ont fait apparaître qu'il était possible, à l'horizon 2020, de diminuer de 30% les consommations d'énergie finale. (...)
En conclusion, je dirai que cette sortie progressive du nucléaire marque l'entrée de la Belgique dans le club des pays qui vivent et vivent bien sans énergie nucléaire, l'entrée dans une autre culture de l'énergie sans doute, dans une autre politique de l'énergie en tout cas, qui marque une réorientation structurelle vers une politique énergétique réduisant les risques et l'héritage négatif pour les générations futures, qui déconcentre la production et augmente l'emploi, qui investit dans les énergies renouvelables et dans la recherche et qui génère non seulement une attitude, mais surtout des actions concrètes en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie, et ce dans tous les secteurs, et donc une réelle capacité de respecter Kyoto."

Voilà bientôt vingt-cinq ans que la centrale de Tchernobyl a explosé. Saura-t-on un jour combien de morts elles a provoquées? Autour d'elle, la radioactivité reste, aujourd'hui encore, vingt-cinq fois supérieure aux normes admises (2). L'explosion n'était que le fait de soviétiques incompétents. Les accidents japonais ne sont dus qu'à un séisme naturel. Eric Besson, ministre français de l'Industrie, n'est d'ailleurs pas dupe: ce qui arrive à Fukushima n'est "qu'un accident grave, mais pas une catastrophe nucléaire" (3). On voit par là que si ce n'est que grave et pas catastrophique, on peut dormir tranquille.

(1) cf le "Café serré" de Thomas Gunzig ce matin sur la Première
(2) JT RTBF, 13.03.2011

(3) LLB, 15.03.2011

Voir sur ce blog
"Nucléaire? Non merci!!!", 15.10.09
"La neutralité du nucléaire", 03.10.09

"Nucléaire: vous en voulez encore?", 01.10.09

" La meilleure blague du moment", 06.11.08

samedi 5 mars 2011

L'air du temps

Hier soir dans un documentaire sur Arte, la styliste Vivienne Westwood citait, de mémoire, Aldous Huxley. Je la cite, de mémoire également: pour Huxley, les trois choses les plus détestables sont le nationalisme exacerbé, le mensonge organisé, la distraction non stop. Quand on voit comment nous fonctionnons dans nos pays, quand on voit et écoute des De Wever, des Sarko et des MAM (1), des Berlusconi, on se dit qu'elle est assez détestable notre époque.

(1) qu'on surnomme, paraît-il, "mensonge après mensonge".


Prochaines réflexions sur ce blog vers la mi-mars.