vendredi 30 décembre 2022

Ces dieux que nous pleurons

Je sais que je ne compte pas beaucoup et vraiment je ne voudrais pas déranger le chœur des pleureuses, mais je ne peux accepter d'entendre que "le monde entier est en deuil" suite à la mort du Roi Pelé. J'aimerais donc qu'on m'enlève de la liste.
Pelé fut meilleur, mille fois, cent mille fois meilleur que moi en football, je ne le conteste pas. Mais comme citoyen, on ne peut dire qu'il fut brillant. On veut bien croire que ce soit difficile de s'affirmer sous une dictature, mais de là à participer à sa gloire, c'est autre chose et particulièrement ombrageant pour l'aura du roi.
Dans le Huffington Post (1), Paul Guyonnet rappelle "son silence et son apathie durant les plus de vingt années de dictature militaire au Brésil, entre 1964 et 1985".  Jamais, écrit-il, Pelé n’aura "le moindre mot pour dénoncer la torture des opposants politiques, les attaques frontales contre les libertés individuelles ou les crimes commis par le pouvoir en place".
"Pire encore, en 1970, alors qu’il est déjà double champion du monde et que l’on dit de lui qu’il est « plus célèbre que le Pape », il se retrouve sans rechigner au cœur de la propagande de la dictature, apparaissant sur des affiches ornées de slogans sans équivoque, comme le relate Le Monde, tels que « Le Brésil, tu l’aimes ou tu le quittes ». Et lorsqu’il conduit la Seleção brésilienne à son troisième titre mondial, il revient fêter la victoire et soulever le trophée à Brasilia au côté de Garrastazu Médici (le dictateur). Peut-être « l’opération de relations publiques la plus réussie de l’Histoire du sport », écrivait en 2013 World Soccer."

D'autres grands joueurs, souligne encore le HuffPost, se sont, eux, affirmés contre la dictature et proches du peuple, tels Socrates ou Maradona. Pelé a toujours minimisé l'existence du racisme au Brésil et a toujours été en bons termes avec tous les dirigeants du pays quel que soit leur bord. Il s'excusait en disant ne rien comprendre à la politique. Par contre, il avait vite compris les affaires. "Pelé aura incarné - bien avant que les termes soient employés - la mondialisation et la marchandisation du football. Premier joueur à multiplier les accords de sponsoring avec des multinationales, le génie brésilien s’affichait encore à près de 80 ans au côté de Kylian Mbappé pour faire la promotion d’une marque de montres de luxe". Il avait tout compris au football et à ce qu'il allait devenir.

(1) https://www.huffingtonpost.fr/sport/article/pele-est-mort-et-sa-passivite-politique-restera-comme-sa-part-d-ombre_212122.html

mercredi 28 décembre 2022

Gare au gorille

Un chantier vous oblige à un détour de plusieurs kilomètres par des routes très étroites à travers la campagne. Face à vous, à la sortie d'un virage, débouche une voiture. Vous avez juste le temps de vous mettre sur l'accotement. La conductrice, elle, y parvient moins bien et vos deux rétroviseurs se heurtent. Vous vous arrêtez et constatez que les dégâts sont limités : visiblement seul le miroir de votre rétro a été brisé. La conductrice s'est arrêtée elle aussi et fait marche arrière pour vous venir voir. Elle pense avoir légèrement dérapé dans la boue de l'accotement. De commun accord, vous décidez de ne pas faire un constat pour si peu. Vous ferez réparer votre rétro au garage et lui enverrez la note qui sera sûrement peu élevée. Vous échangez vos coordonnées et repartez en vous saluant courtoisement  après cet échange entre personnes civilisées et respectueuses.
Trois quarts d'heure plus tard, votre téléphone sonne. Et le ton n'est plus le même. C'est le mari de la conductrice. Que comptez-vous faire ?, demande-t-il d'une voix agressive, aller au garage ? Il vous assure haut et fort que sa femme ne roulait pas à 110 km/h (sic), que ces routes sont pourries, que son rétro "où il y a de l'électronique" a été touché, que vous n'étiez pas sur l'accotement. Vous vous étonnez d'une telle assurance, lui demandez où il était au moment de la rencontre pour en savoir autant. Il répète sa question : allez-vous aller au garage ? Ne croyez pas que ça passera comme vous le pensez ! Après deux-trois minutes, vous comprenez qu'il est hors de question pour lui de dépenser le moindre centime pour votre rétro et que tout dialogue est impossible avec cet homme qui sait ce qu'il s'est passé même s'il n'était pas présent. Il est l'homme qui sait. A l'entendre, à défaut de pouvoir l'écouter, vous vient l'image d'un gorille debout sur ses pattes arrières se frappant la poitrine en grondant. Vous raccrochez. Vous vous dites que sans les mâles dominants le monde serait plus apaisé. 
Résumons-nous : les mâles dominants sont très rétro.

samedi 24 décembre 2022

Etudiants en non droit

Il n'existe visiblement pas de féminin au mot taliban. Il signifie étudiants et pas étudiantes. Ils viennent d'interdire l'université aux filles, après leur avoir interdit, en mars dernier, l'école secondaire. De plus, les femmes doivent porter la burqa ou un hijab en public, elles n'ont plus accès à la plupart des emplois publics, pas le droit de voyager sans être accompagnées d’un parent masculin, pas le droit d’entrer dans les parcs, les salles de sport et les bains publics. Qu'ont-elles encore le droit de vivre ?
On rêve de voir toutes les Afghanes quitter leur pays, laisser ces mâles barbares entre eux. On les imagine désemparés. Que signifie pour eux les termes mères, sœurs, épouses ? Esclaves ? Qu'étudient-ils, ces prétendus étudiants ou chercheurs ? La violence ? La méchanceté ? La bêtise ? Le patriarcat ? Le mépris ? Ils en sont spécialistes, il faut leur reconnaître.

(Pendant ce temps-là, on entend les bonnes âmes prétendre que le patriarcat et l'esclavagisme ne sont le fait que de l'Occident et que le voile est un choix respectable. Je vomis les bonnes âmes.)

mardi 20 décembre 2022

Le silence des pantoufles à crampons

Vingt-quatre millions de Français ont regardé la finale de la Coupe du monde de football ce dimanche après-midi. Soit plus d'un Français sur trois. On comprend par là que l'appel au boycott ne fut pas un franc succès. Mais peut-on en vouloir aux braves fans de foot d'être restés scotchés devant leur écran ? Dans son (excellent, comme toujours) billet de ce lundi sur les ondes de France Inter (1) Sophia Aram relève cette question du politologue et chroniqueur Clément Viktorovitch : « Peut-on vraiment en vouloir aux Français d’avoir suivi une compétition qui les passionne et dont ils ne sont, au fond, pas responsables de l’attribution ? » A l'écouter, il n'est donc que normal de ne pas boycotter un événement dont on n'est pas responsable.
" D’aucuns, dit Sophia Aram, pourraient faire remarquer que s’il faut attendre que les personnes responsables d’un événement soient assez débiles pour boycotter l’événement qu’elles ont elles-mêmes décidé, on ne risque pas de boycotter grand-chose non plus ! Parce qu’à tout bien regarder, cet argument qui exonère le bon peuple de tout, vu qu’il n’est responsable de rien me paraît être un argument pour le moins fallacieux, voire scientifiquement abscons. En rhétorique, on appelle ça « prendre son auditoire pour des cons ». Ou, en tout cas, pour des individus incapables de se mobiliser ou d’avoir une conscience politique en dehors de ce dont ils seraient responsables, c’est-à-dire, pas grand-chose. Comment imaginer un instant sans pouffer qu’il n’y aurait aucune raison de boycotter les marques de fringues qui exploitent des Ouïghours, dès lors qu’on n’est pas responsables de la répression dont ils sont victimes. C’est quoi l’idée ? Que sous prétexte que c’est pas moi qui ai choisi de mettre de l’huile de palme dans le Nutella, il n’y aucune raison que j’arrête de soigner mes épisodes dépressifs en trempant mes Pépitos dedans ?"

Poursuivons dans cet esprit d'irresponsabilité. Si je suis Viktorovitch, pourquoi utiliserais-je moins l'avion ou la voiture ? Ce n'est pas moi qui ai décidé qu'ils fonctionnent avec des énergies polluantes.
Pourquoi refuserais-je de prendre des vols Ryanair ? Ce n'est pas moi qui ai décidé des conditions de travail de merde du personnel de Ryanair.
Pourquoi me priverais-je de viande argentine ou de soja transgénique brésilien ? Ce n'est pas moi qui ai décidé d'en importer et moins encore de saccager la forêt amazonienne pour nourrir le bétail.
Pourquoi paierais-je plus chère mon énergie ? Ce n'est pas moi qui ai décidé cette guerre  d'Ukraine avec laquelle je n'ai rien à voir. D'ailleurs, je ne connais personnellement aucun Russe, ni aucun Ukrainien.
Pourquoi devrais-je être solidaire ? Ce n'est pas moi qui ai décidé que l'homme est un animal social.
Pourquoi devrais-je être intelligent ? Ce n'est pas moi qui me suis éduqué.

Ce discours de dédouanement des gens qui veulent rester sourds et aveugles pour privilégier leur seul plaisir est celui de conservateurs pantouflards et lâches.

(1) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-19-decembre-2022-2874420

dimanche 18 décembre 2022

Un chocolat pacifique

C'est une histoire comme on aimerait en lire beaucoup en ces temps qui semblent conquis par les barbares, les cyniques et les défaitistes. Celle d'une chocolaterie créée en 2019 aux portes du parc national des Virunga dans le Nord-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo. Jusqu'alors, les producteurs de fèves de cacao se contentaient de vendre cette matière première à l'exportation, parfois sans même connaître l'usage qui en était fait. Parmi les vingt-cinq personnes qui travaillent aujourd'hui dans la chocolaterie Virunga Origins seules trois avaient déjà eu auparavant l'occasion de manger du chocolat, certaines sous forme de pâte à tartiner. 

L'organisme Alliance Virunga (1) cherche à stabiliser le Nord-Kivu, cette région qui connaît la guerre depuis trente ans, et à lutter contre la pauvreté en créant des emplois durables. Là, les cacaoyers, ces "arbres à argent", poussent partout. Pourquoi ne pas transformer leurs fèves sur place et ainsi créer de l'emploi en apportant de la valeur ajoutée à la matière première ? Le maître chocolatier brugeois Dominique Persoone a été enthousiasmé par l'idée et y a apporté son savoir-faire et son expérience. 
Actuellement, la chocolaterie produit et commercialise un chocolat noir 63% et un chocolat au lait 38%, tous deux issus de fèves de cacao Trinitario. Vu le succès, l'espace de production sera décuplé en février prochain pour produire mensuellement quinze tonnes de chocolat. La chocolaterie emploie actuellement vingt-cinq personnes, mais a aussi créé de nombreux emplois indirects dans la construction, l'alimentation, le transport, la distribution. Et d'autres entreprises se sont, depuis lors, installées à proximité.
"Actif depuis vingt ans dans l'est du Congo, dans la production de produits agricoles, j'ai ressenti comme une obligation morale de créer de la valeur locale, et non plus seulement l'exporter, relate Dimitri Moreels, codirecteur d'Envirium (Envirium Life Sciences, initiatrice du projet). A travers Virunga Origins, nous leur donnons un accès direct au marché du détail et pouvons donc leur offrir un juste prix, des emplois stables et rémunérateurs, tant pour eux que pour leurs familles." (2) Les actionnaires s'y sont engagés : tous les bénéfices sont réinvestis dans le capital de l'usine et dans le parc national.
Au-delà de la chocolaterie, l'Alliance Virunga a déjà créé via 2.000 entreprises quelque 25.000 emplois, dont 11% sont occupés par des jeunes qui ont quitté les groupes armés. Les revenus des travailleurs aident évidemment leurs familles et permettent aux enfants d'aller à l'école plutôt que de mettre leur vie en danger ou de braconner. Le parc national des Virunga - la zone protégée la plus riche en biodiversité d’Afrique, avec notamment ses célèbres gorilles de montagne (3) - en bénéficie aussi parce que la pression agricole diminue.
Comme le dit Dominique Persoone, "C'est simple : quand vous achetez nos chocolats, les producteurs autour du parc national des Virunga sont heureux, les gardiens du parc sont heureux, les gorilles et le reste de la faune sauvage sont super heureux. Et quand vous mordrez le premier morceau, vous serez extrêmement heureux aussi."

On peut se procurer les chocolats (ainsi que du café et des graines de chia) sur https://origins.virunga.org/fr/boutique/ ou encore dans les boutiques brugeoise et anversoise de Dominique Persoone (The Chocolate Line) ou dans les Delhaize de Reyers (Bxl) et de Braine-l'Alleud.

(1) https://virunga.org/fr/alliance/
(2) Anne-Sophie Leurquin, "Virunga Origins, le chocolat congolais qui rend doublement heureux", Le Soir, 10.12.2022.
(3) https://virunga.org/fr/

vendredi 16 décembre 2022

Ces trucs écolos

C'est un festival dynamique et enthousiasmant consacré à la nature et à l'environnement, avec des rencontres, des débats avec des invités qui viennent parfois de loin, des films, des expositions, un salon du livre nature, des animations nature, un marché bio, des concerts, etc. Il s'intitule Chapitre Nature et existe - ou plutôt existait - depuis des années dans la petite ville du Blanc à la frontière entre Berry et Poitou. Mais la nouvelle majorité qui dirige la ville n'en veut plus et affirme qu'elle n'a pas besoin de ces trucs écolos.
Avons-nous besoin de trucs écolos ? Devons-nous nous empêcher de rouler vite dans des voitures polluantes, devons-nous produire et consommer bio, devons-nous cesser de nous chauffer au charbon ou au fuel, devons-nous refuser d'assister à de palpitants matchs de foot joués dans des stades climatisés ? Bref, devons-nous nous emmerder à changer de mode de vie, à nous poser des questions sur notre avenir et nos responsabilités par rapport à l'avenir de la planète et de l'humanité ? Non, bien sûr. Le maire du Blanc a raison : continuons, insouciants, la fête et après nous les mouches. 
A deux pas de là, à Lignac, où on ne peut pas discuter d'éoliennes, où on refuse de réfléchir à la transition écologique avec les citoyens et où on ne veut pas d'un label bio (même si 24% de la superficie agricole de la commune est exploitée en bio), on sait se mobiliser pour la fête du foot industriel. Trois panneaux à chaque coin de rue nous invitent à assister à la finale à la salle des fêtes. Du pain et des jeux. Nous n'avons pas quitté l'Antiquité. Tout va bien. On crèvera avec le sourire.

La commune d'Argenton-sur-Creuse, plus responsable - oserait-on dire plus intelligente ? - accueillera Chapitre Nature. Ouf !

mercredi 14 décembre 2022

Etat voyou

C'est un régime totalitaire de la pire espèce. Même si tout régime totalitaire fait par définition partie des pires. Les sinistres barbus qui dirigent depuis quarante-trois ans l'Iran emprisonnent, torturent et tuent leur propre population parce qu'elle refuse aujourd'hui de marcher au pas, parce que les femmes veulent tomber le voile qui fait d'elles des êtres de second rang, parce que les Iraniens et les Iraniennes veulent pouvoir espérer de la lumière et simplement vivre libres.
Cet Etat théocratique vit de la haine, la haine des femmes, la haine de la liberté d'expression, de pensée, de réunion, de la liberté de danser, d'écouter de la musique, la haine de la vie. Un régime aussi mortifère, aussi fermé, aussi sinistre n'a pu tenir que par la terreur et la brutalité. Tout un programme. 
"Le régime islamique est mort, affirme la dessinatrice et réalisatrice Marjane Satrapi. C'est aujourd'hui un cadavre puant et encombrant." (1) Mais le moribond fait encore d'immenses dégâts et ne rendra vraisemblablement son dernier soupir qu'à l'issue d'un bain de sang.
Deux jeunes manifestants ont déjà été exécutés par pendaison. Au moins une douzaine de personnes ont été condamnées à mort.
Un humanitaire belge, Olivier Vandecasteele, qui a travaillé six ans en Iran vient d'être condamné à vingt-huit ans de prison sans que personne ne sache pourquoi. Simplement parce que ce régime ne règne que par la terreur. Détenu depuis février dans des conditions innommables, cet homme de 41 ans a entamé une grève de la faim qui met en jeu sa survie. Une pétition (2) appelle les autorités belges à tenter l'impossible pour le sauver.

Aujourd'hui, les barbus iraniens livrent des drones à l'armée russe pour massacrer la population ukrainienne et demande en retour à la Russie des équipements anti-émeutes et des conseillers pour les aider à réprimer leur population qui veut vivre libre (1). Les chacals savent s'allier quand il s'agit de semer la terreur.

Lorsqu'on parle de la souveraineté d'un pays, s'agit-il de la souveraineté du peuple ou de celle d'une oligarchie qui réprime le peuple ? A l'heure de la mondialisation, il est temps de réviser certains concepts. La souveraineté des Etats n'a de sens que si elle ne s'oppose pas de façon flagrante au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Le peuple iranien veut se débarrasser de ce régime et cela ne sera possible que si vous, dirigeants occidentaux, cessez pendant quelque temps de lui fournir les ballons d'oxygène que sont les relations économiques, politiques et diplomatiques. L'immense majorité des Iraniens pense que vous devez déclarer une guerre sans armes au régime ; une guerre avant tout médiatique. Tôt ou tard, aujourd'hui, dans les mois ou les années à venir, vous serez obligés de boycotter le régime politiquement, diplomatiquement et économiquement. 
Chahdortt Djavann en 2009 ("Ne négociez pas avec le régime iranien - Lettre ouverte aux dirigeants occidentaux", Flammarion).

(1) Le Courrier international, 8.12.2022.
(2) https://www.change.org/p/freeoliviervandecasteele?signed=true

(Re)lire sur ce blog :
- "Femmes - Vie - Liberté", 23.10.2022 ;
- "Mahsa Amini", 21.9.2022 ;
- "Comment dit-on hypocrisie en persan ?", 16.8.2022 ;
- "Rushdie et les sombres crapules", 14.8.2022 ;
- "Contre la barbarie", 18.8.2010.

mercredi 7 décembre 2022

Mauvais perdant (vraiment mauvais)

Guillaume Peltier, jeune loup aux dents acérées, a quitté l'an dernier le parti Les Républicains dont il était l'un des députés pour rejoindre Z le Haineux. Il a sans doute fait là la plus grosse erreur de sa carrière politique qu'il imaginait longue et au plus haut.
Il en est devenu plus teigneux encore. Témoin ce qu'il a déclaré le 4 décembre au meeting anniversaire de son nouveau parti : "Je suis français et patriote. Je suis même un homme et un père. Je suis blanc, je suis chrétien, je suis hétérosexuel. Je vis dans la France rurale. Je roule au diesel et je me chauffe au fuel. Et pour tout ça, je n'ai aucune intention de demander pardon. Soyez fiers, adhérez à Reconquête !" (1)
Il aurait pu ajouter : "J'emmerde l'humanité et vous pouvez tous crever !". Son discours n'en aurait été que plus fort. Mais il est jeune encore, il apprendra. 

(1) cité dans Franc-Tireur, 7.12.2022

mardi 6 décembre 2022

Pissons utile

Il est des ressources qu'on ignore trop. L'urine par exemple. La revue Nature affirme qu'on a tort de la considérer comme un déchet dont il faut se débarrasser.
C'est ce qu'a bien compris l'entreprise française Toopi Organics qui "valorise l’urine humaine - engrais naturel riche en azote, phosphore et potassium – en développant une solution pour sa collecte, sa transformation et sa valorisation en biosolutions agricoles" (1).

"Chaque année, constate Toopi Organics, plus de 18 millions de tonnes d’engrais minéraux sont utilisés en Europe. Les engrais les plus importés sont à base d’azote (29%), de phosphore (58%) et de potassium (78%). Notre agriculture est largement dépendante de l’importation, est étroitement liée à l’exploitation de ressources non renouvelables et menace la biodiversité, notre environnement et notre santé."
Par ailleurs, "la gestion de l’urine est un problème mondial. Chaque année, en Europe, 6000 milliards de litres d’eau potable sont souillés par 200 milliards de litre d’urine. Dans le monde, 80 % environ des eaux usées sont rejetées sans traitement. Ailleurs, difficile à traiter, l’urine pollue nos ressources en eau. L’urine humaine représente 50 à 80 % de la teneur en N, P et K pour seulement 1 % du volume total des eaux usées."
Aujourd'hui, déplore Michael Roes, président de T.O., on a des usines pour fabriquer des engrais, puis des usines pour détruire ces engrais, ça s'appelle des stations d'épuration. Faut arrêter ! Ça n'a pas de sens, ce n'est pas efficace. "  (2) Dès lors, son entreprise produit un biostimulant urino-sourcé qui solubilise le phosphore retenu dans les sols et stimule le développement des plantes et des racines. Il peut être utilisé sur les grandes cultures, les vignes, dans le maraichage ou encore les cultures industrielles. La quasi totalité de la production est vendue pour les trois ans à venir et l'entreprise espère créer une vingtaine d'usines en partenariat avec des coopératives agricoles.

Cet heureux recyclage met le doigt sur une aberration tellement ancrée dans notre fonctionnement : nous utilisons des quantités astronomiques d'eau potable pour évacuer l'urine dans nos toilettes. Celles-ci consomment 30% de l'eau potable en Europe. La méthode de Toopi Organics  permet l'économie annuelle de sept milliards et demi de mètres cubes d'eau potable.

Nos sociétés dites modernes nous ont entraînés dans des consommations et des dépendances souvent absurdes. Il en est bien d'autres que celles liées à l'eau.
Ce matin, dans son billet sur France Inter, Alex Vizorek imaginait sa journée sans électricité. Et se rend compte qu'elle est dans tous les gestes de notre vie quotidienne. Lever en retard (le réveil électrique ne fonctionne pas), il ne peut se faire un café, ni prendre une douche (l'eau est froide et il n'y a pas de chauffage). Il ne peut même pas utiliser sa brosse à dents électrique. Pour aller jusqu'à la Maison de la Radio, ni RER, ni vélo ou trottinette électrique. Ne restent que les taxis ou la marche à pied. C'est à pied aussi qu'il doit monter les étages, faute d'ascenseur, pour se rendre compte  que la radio ne peut émettre et qu'il aurait mieux fait de rester chez lui.
Cuisiner, lire, s'informer, se chauffer, se brosser les dents, se raser, se déplacer, bricoler, jardiner, travailler, nous avons laissé l'électricité s'imposer dans nos vies. La nécessité d'agir désormais sobrement devrait nous amener à modifier nos modes de vie. A sortir de notre addiction à l'électricité. Si nous en sommes capables.

(1) https://toopi-organics.com/fr/
(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/carnets-de-campagne/carnets-de-campagne-du-lundi-05-decembre-2022-9427870

jeudi 1 décembre 2022

Enfin !

Mieux vaut tard que jamais, mais ne boudons pas notre plaisir de voir les Diables rouges enfin boycotter la Coupe du monde et quitter le Qatar, sa charia, son mépris pour les droits de l'homme, son exploitation des travailleurs et ses stades climatisés. Reste à espérer que toutes les équipes feront de même en perdant tous leurs matches. C'est pour la bonne cause. Un moment de honte est vite remplacé par le sentiment de dignité. Encore bravo, les gars !

Sur ce blog : "C'est la fête", 15.11.2022.

lundi 28 novembre 2022

Barbarie du crocodile

Peut-on être autre chose qu'un barbare quand on provoque et mène une guerre ? Les mercenaires mandatés par Poutine l'assument. Evgueni Prigojine, patron du groupe Wagner, s'est montré très fier d'une vidéo dans laquelle on voit un de ses ex-combattants, un criminel condamné à vingt-quatre ans de prison, assassiné à coups de masse sur le crâne. Une horrible vidéo digne de Daech. L'homme avait échappé à la prison en devenant mercenaire dans la guerre d'Ukraine. Mais il s'était rendu aux forces ukrainiennes. Renvoyé en Russie, à l'occasion d'un échange de prisonniers, il a été sauvagement massacré par les hommes de Prigojine. Assumant jusqu'au bout sa barbarie, ce dernier, ancien truand devenu oligarque, s'est vanté d'avoir envoyé une masse ensanglantée au Parlement européen. Et ce en réaction à la décision du Parlement de considérer le groupe Wagner comme une organisation terroriste et de qualifier la Russie d’Etat voyou et “parrain du terrorisme”. "Dans une vidéo postée sur le réseau social Telegram, écrit La Libre (1), on peut voir la masse, transportée dans un étui à violon. Sur la masse, tachée de faux sang le long du manche, on peut lire l’inscription “PMC Wagner” sur le dessus, qui ne laisse guère de doute sur son origine". Avec cet envoi glaçant, Prigogine (même s'il s'est depuis lors rétracté par rapport à la vidéo) assume fièrement : oui, il est bel et bien terroriste.

Son mentor et ami, Poutine le serpent, n'est pas capable d'assumer. Cette guerre, il ne l'a jamais voulue, continue-t-il à siffler. Lors d'une rencontre avec des mères de soldats déployés en Ukraine, il a dit "partager la douleur" de celles qui ont perdu leurs fils, en les appelant à ne pas croire les "mensonges" sur l'opération militaire. "Je veux que vous sachiez que moi, personnellement, tous les dirigeants du pays, nous partageons cette douleur. Nous savons que rien ne peut remplacer la perte d'un fils", a-t-il déclaré (2).
Qui peut croire à ses larmes de crocodile ? D'autant qu'il apparaît que cette rencontre n'aurait été qu'une mise en scène (3). C'est en tout cas ce qu'affirme le NewYork Times ou encore l’historien militaire et président de l’Institut Action Résilience, Cédric Mas. Ils ont reconnu plusieurs femmes présentes à la rencontre avec Vladimir Poutine : Nadeszhda Uzunova, présidente d’une association pro-Kremlin et pro-guerre appelée la Confrérie des combattants, financée par le Kremlin ; Olga Belsteva, membre du même parti de Poutine, Russie Unie ; une proche du dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov ; ou encore Yulia Belekhova, ancienne candidate à la Douma au sein du parti du président russe. Par contre, selon Olga Tsukanova, dirigeante du Conseil des mères et des épouses, importante organisation populaire de parents de militaires russes, aucune des mères de l’organisation n’a été conviée, alors qu'elles avaient réclamé une audience.
Poutine est bien le tsar, le tsar de l'hypocrisie, de la lâcheté et du cynisme.

A partir du 1er décembre, sera publiée sur le site internet du Ministère russe de la Justice la liste complète des "agents de l'étranger" et des "traitres"à la nation. Les noms de quelque 250 journalistes, avocats, opposants, militants des droits de l'homme ou écolos, responsables d'ONG seront offerts à la vindicte populaire, pointés comme des personnages nuisibles à la nation russe, des infidèles, des apostats. La même logique que Daech.
Oui, la Russie est un Etat voyou qui s'appuie notamment sur une organisation terroriste pour mener sa sale guerre.

(2) https://www.lalibre.be/international/europe/guerre-ukraine-russie/2022/11/25/poutine-partage-la-douleur-des-meres-de-soldats-tues-et-les-appelle-a-ne-pas-croire-aux-mensonges-sur-loffensive-en-ukraine-IQFH4UTPKFFSREXVM7ZOK7MRCM/
(3)  https://www.lalibre.be/international/europe/guerre-ukraine-russie/2022/11/27/vladimir-poutine-a-t-il-mis-en-scene-sa-rencontre-avec-des-meres-russes-en-colere-A55HJMTV7BER7PQXVNAPF4DM6U/

mercredi 23 novembre 2022

Esclavage choisi

"Nous n'avons pas changé en nous mettant sous les drapeaux de Poutine, nous sommes juste rentrés chez nous, et c'est le principal. Il n'y a eu aucune métamorphose, nous avons tout simplement fait marche arrière vers notre passé soviétique récent. Poutine a juste effleuré notre point sensible... Quel est ce point sensible ? C'est notre servilité. Cet état nous est cher... Tel est notre pays, l'esclavage est notre fatalité, mais aussi notre fétiche. Nous aimons être des esclaves. La majorité écrasante rêve de cela comme de la forme la plus commode de l'existence."
Ces mots de la journaliste Anna Politkovskaïa (1), assassinée en 2006 par le régime de Poutine, résonnent comme un écho antérieur (ils datent de 2003) des plus récents d'Iegor Gran dans "Z comme zombie" (2). 

(1) https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/anna-politkovskaia-1958-2006-le-prix-de-la-verite-4926292
(2) https://moeursethumeurs.blogspot.com/2022/11/zombies-russes.html

(Re)lire sur ce blog : "Relire Anna Politkovskaïa" : 
https://moeursethumeurs.blogspot.com/2022/04/relire-anna-politkovskaia.html

mardi 22 novembre 2022

Traditions mortifères

La COP27, énième grand raout dont on n'espérait pas de grandes décisions à même de sauver la planète, ne nous a pas surpris. Les hommes continuent et continueront leurs jeux dangereux. Le vieux monde est toujours bien vivant. Les industries pétrolières et gazières y comptaient 636 représentants, 25 % de plus qu'à la COP précédente (chiffres de l'ONU). Au point qu'on en arrive à se demander quel est l'objectif de pareil rassemblement : lutter contre le réchauffement climatique ou sauver les producteurs d'énergie fossile ? Ceux-ci ont gagné. Ils ne risquent rien. D'autant qu'ils savent pouvoir compter sur la grande majorité des pays pollueurs et des citoyens qui ne peuvent envisager modifier leur confort et leurs habitudes.
Pendant que se clôturait sans passion et sans gloire la COP27 s'ouvrait la Coupe du monde de football au Qatar, immense pied de nez à l'humanité. Toutes les dix minutes un avion y amène des supporters depuis les pays voisins pour assister à des matchs dans des stades climatisés.
Les projets d'exploitation de gaz et de pétrole continuent à se multiplier à travers la planète, comme si on était toujours dans les années '60. En Allemagne, on continue(ra) à extraire du charbon jusqu'en 2036 en détruisant des milliers d'hectares de nature. La forêt amazonienne continue à brûler. Les routes et autoroutes sont et seront toujours plus nombreuses. Il faudra bien faire rouler tous les véhicules électriques qui devront remplacer les thermiques. En Belgique, les ventes de Porsche ont explosé. Les entreprises de transport n'ont aucun souci à se faire : les gigantesques centres de logistique continuent à pousser au milieu des champs.

Les courses de moto se pratiquent en forêt (en Creuse, par exemple) et les rallyes de voitures dans les campagnes (dans le Condroz) avec la bénédiction des autorités publiques qui jurent leurs grands dieux qu'elles veulent lutter contre le réchauffement climatique mais qu'on ne peut remettre en question des pratiques anciennes. (Et de toute façon, les motos, dès qu'elles roulent en forêt, deviennent vertes...)
Le maire de Nevers veut une ligne aérienne entre Dijon et sa ville pour faire venir travailler quotidiennement des médecins. (Journal, France 3, 15.11.2022, 19h30)
Le Black Friday s'annonce, portant bien son nom, nous invitant à consommer en masse des produits dont nous n'avons nul besoin.

En France, la première ministre ne peut envisager de réduire les vitesse sur les autoroutes de 130 à 110 km/h, car il y a « des gens qui ont besoin de se déplacer sur autoroute et qui peuvent avoir des contraintes de temps ». La tradition veut qu'on roule vite (vers plus de pollution encore) et il faut respecter la tradition.
La nature se meurt et des espèces disparaissent chaque jour. Mais il est hors de question de réglementer plus sévèrement la chasse. On ne touche pas à cette tradition.
Pas question non plus de toucher à la corrida, tradition qui consiste à jouer avec un taureau jusqu'à ce que mort s'en suive. Interdire cette pratique barbare serait de l'écoterrorisme ou - ça vient de sortir - de l'écototalitarisme.
Les repas dans les collectivités doivent rester basés sur la viande, c'est la tradition. On a toujours mangé comme ça, pourquoi faudrait-il changer ?
(C'est étonnant de voir le nombre de gens qui se prétendent révolutionnaires et ne sont que de vieux conservateurs - de tous âges. Souvent, l'homme n'est guère autre chose qu'une moule accrochée à son rocher.)

Alors qu'il faudrait changer radicalement de culture et d'attitude, Poutine n'a rien trouvé de mieux que de raviver une tradition qu'il affectionne : la guerre avec tous les ravages qu'elle entraîne en termes de mort, de misère, de pollution, de pénurie énergétique et alimentaire, de dépenses publiques inconsidérées, de mépris pour la vie humaine. Et voilà qu'Erdogan relance la guerre contre les Kurdes, vieille tradition turque, tandis que les barbus iraniens emprisonnent et tuent les femmes qui rejettent le voile traditionnel qui les empêche de vivre.

Nous mourrons avec nos traditions, de nos traditions. La question, c'est quand ? Demain ou après-demain ? Le choix aujourd'hui, on l'a compris, c'est mourir à petits feux (inondations, sécheresses, incendies, tempêtes, typhons et ouragans, guerres pour l'eau, l'alimentation et l'énergie, etc.) ou à grand feu (guerre nucléaire). Poutine pourrait être celui qui mettra fin à la folie humaine. Pousser sur le bouton nucléaire pourrait être une forme d'aide à mourir. Comme l'écrivait en 2006 Yves Paccalet, l'humanité disparaîtra,  bon débarras !

Je répète : je suis pour l'humain. On ne s'ennuie pas avec lui. Il est le grand personnage du roman de la Terre. Rien d'un héros positif. Non, non, surtout pas. Qu'on arrête avec ça. Plutôt un beau salaud. Sera-t-il condamné ? Va-t-il s'en sortir ? Trouver l'issue ? Ou se suicider ? Surtout, surtout, ne pas raconter la fin. D'ailleurs, personne ne la connaît. Ne pas compter sur lui, l'humain. Sur l'humain, on ne peut pas compter. Se méfier de lui. Tout ça, je me le disais parfois.
Claudie Hunzinger, "Un Chien à ma table" (Grasset, 2022)

Ça fait moins peur
De mourir à plusieurs
Avec ardeur
Nous sommes nos fossoyeurs.
Arno

Post-scriptum : J'oubliais, parmi toutes ces traditions intouchables, celle de la patinoire. Il y en aura une à Châteauroux, nous disait ce soir (23.11) France 3 Centre Val de Loire. On ne peut imaginer Noël sans patinoire, affirment divers intervenants. Mais on peut imaginer janvier sans électricité, nous explique ensuite le journal national. On ne sait plus que penser : doit-on ou non être sobre, économe en eau et en énergie ? Allez, c'est la fête. Soyons fous ! Oui, fous...

mardi 15 novembre 2022

C'est la fête

Le sport, on le sait, ne s'embarrasse pas de politique. Les droits humains, l'avenir de la planète, la sécurité au travail ne le concernent pas. Ses grands rendez-vous internationaux, tels que les jeux olympiques, sont l'occasion de rapprochement entre les peuples, pas entre un peuple et un gouvernement qui l'oppresse, pas entre les peuples et leur avenir. 
Ainsi en est-il de la Coupe du monde de football qui débutera le week-end prochain au Qatar, une monarchie absolue où la charia est la base du droit. Les rapports des organisations de défense des droits de l'Homme constatent que les chantiers de construction des stades et des bâtiments accueillant les équipes et leurs entourages ont provoqué de très nombreuses morts parmi les travailleurs étrangers recrutés pour l'occasion (1). Certains avancent le chiffre de 6.500. C'est dommage, mais c'est la fête !
Vu les températures extrêmement élevées que connaît ce pays, inadaptées à la pratique du sport en plein air, les stades sont climatisés, une aberration totale en ces temps de sobriété énergétique. Mais c'est la fête qui veut cela !
Les autorités qataries ont établi une longue liste d'interdictions à destination des étrangers qui viendront pour cette grande fête : les couples non mariés ne pourront partager une même chambre, l'homosexualité y est condamnée, pas question de filmer les logements des travailleurs immigrés, pas plus que les bâtiments officiels, les universités ou les habitants chez eux. Bref, on est prié de ne regarder que le terrain et rien d'autre. Après tout, c'est la fête du ballon !

Le choix en 2010 du Qatar - pays minuscule (un tiers de la superficie de la Belgique) de 2,5 millions d'habitants où le football ne semble pas émouvoir les foules - fut surprenant et est soupçonné de magouilles. "Le rôle de Nicolas Sarkozy, écrit Le Monde (2) est au cœur des soupçons de la justice française, dans le cadre de l’information judiciaire ouverte, en 2019, par le Parquet national financier pour « corruption active et passive », « blanchiment » et « recel » concernant l’attribution controversée (14 voix contre 8 pour les Etats-Unis) du Mondial 2022 au Qatar". (...) "De nombreux éléments du dossier pénal, véritable plongée dans une opération de lobbying d’Etat, dont Le Monde a pris connaissance, montrent que M. Sarkozy s’est personnellement impliqué pour favoriser la victoire dans les urnes du Qatar, un pays avec lequel il a tissé des liens étroits, tout en bénéficiant, à l’instar de son entourage, des largesses de l’émirat."

Bref, les raisons d'appeler au boycott de la Coupe du Monde ne manquent pas. Ces appels sont nombreux en Europe où de nombreuses communes ont annoncé qu'elles n'installeraient pas d'écran géant sur la place publique. (3)  Mais tout aussi - et sans doute bien plus - nombreux sont ceux pour qui ce boycott serait inutile. On les entend : ce choix fut une erreur dès le départ en 2010, il est trop tard à présent, une faible audience n'améliorera pas la situation des travailleurs, les stades sont construits et les laisser aux trois quarts vides ne changera rien à l'affaire. 
Peuvent-ils entendre le désespoir et la colère de familles indiennes qui sont extrêmement nombreuses à avoir perdu un des leurs au Qatar (4) ? Tous ces travailleurs, selon les autorités qataries, sont morts de mort naturelle. Travailler dans la poussière sous des températures atteignant les 50°C ne peut naturellement mener qu'à la mort. Heureusement, les footballeurs et leurs supporteurs vivront les matches dans des stades climatisés. C'est la fête !

Et elle a déjà commencé, la fête du foot au Qatar. On voit tous ces supporteurs heureux d'être là : des Français, des Argentins, des Brésiliens, des Espagnols, des Portugais, des Allemands, des Anglais. Etrangement, ils ont tous l'air d'être indiens (5). Ne nous posons pas de question : c'est la fête ! La fête de la honte, du ridicule, de l'argent, de l'indifférence, du cynisme.

Note : De nombreux groupes appelant au boycott et proposant parfois des activités alternatives les jours de matchs se sont constitués, tel Hérésie Qatar à Tournai. Voir ce groupe et les autres à l'adresse suivante : 

(1) "Renoncer à regarder le Mondial a-t-il un sens ?", Die Zeit, 30.10.2022, in Le Courrier international, 10.11.2022.
(2) https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/11/14/attribution-du-mondial-au-qatar-nicolas-sarkozy-michel-platini-et-le-rachat-du-psg-au-c-ur-de-l-enquete-de-la-justice-francaise_6149853_3224.html
(3) https://www.liberation.fr/sports/football/coupe-du-monde-en-belgique-des-communes-mettent-les-ecrans-geants-sur-la-touche-20220918_LFYNZP57QRDONFQGWYJBFF3OWY/
(4)  Mihir Vasavda, "Inde - Mon fils est revenu du Qatar dans une boîte", The Indian Express, 20.10.2022, in Le Courrier international, 10.11.2022.
(5) https://www.lalibre.be/sports/football/coupe-du-monde/2022/11/14/mondial-2022-le-qatar-soupconne-de-faire-defiler-de-faux-supporters-a-doha-4WTBCXEIGZACZHY4QDRPSQGHGI/

lundi 14 novembre 2022

And the loser is...

Le monde retient son souffle. Suffisant Ier doit annoncer demain une grande nouvelle, très vraisemblablement sa candidature à l'élection présidentielle américaine de 2024. On sait depuis longtemps que le cas de cet homme relève de la psychiatrie. Mais il continue cependant à nous étonner. Le doute lui est totalement étranger. Sauf quand il perd. Ce qui ne peut arriver. De mauvais président à mauvais stratège en passant par mauvais perdant, voilà le parcours (récent) du Donald. Son ego est tellement boursouflé qu'il n'imagine pas une seconde qu'il puisse être responsable de l'étroitesse de la victoire de son parti, qui a des allures de quasi-défaite, aux élections de mi-mandat. Il l'avait d'ailleurs annoncé : si c'est une grande victoire, ce sera grâce à moi ; si c'est une défaite, ne venez pas me le reprocher. Selon toute vraisemblance, les Républicains auront une courte majorité à la Chambre, tandis que le Sénat reste Démocrate. Les observateurs notent que la majorité des candidats soutenus par le Phare de la Pensée américaine ont été recalés.
Le soir des élections, mardi dernier, il était, selon son entourage, très en colère. Aujourd'hui, il dément :  "Je ne suis pas du tout en colère", affirme-t-il. "Souvenez-vous, je suis un génie stable", a encore péroré celui que son reflet éblouit chaque matin dans son miroir. "ON A GAGNÉ", a-t-il écrit. Il est le seul à le croire. Voilà que dans son propre parti, il se fait traiter de loser. De plus en plus nombreux sont ceux qui estiment qu'il a fait son temps, mais surtout que sa vanité a fait fuir de nombreux électeurs.

Trump est par ailleurs convoqué devant la Commission de la Chambre des représentants qui enquête sur l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Mais, affirmant bénéficier d’une «immunité absolue», il conteste l'assignation à témoigner qu'il en a reçue. Il constate que les présidents américains, anciens et en exercice, qui, dans le passé, ont accepté de témoigner ou de remettre des documents après avoir reçu une assignation à témoigner du Congrès, l'ont fait volontairement, mais, dit-il, aucun «n’a jamais été contraint de le faire». Effectivement, parce quand un responsable refuse de prendre ses responsabilités, il ne reste qu'à le contraindre.  L'intelligence et le courage ne sont pas les qualités premières de ce génie.

https://www.huffingtonpost.fr/international/article/apres-les-midterms-trump-s-en-prend-violemment-a-ron-desantis-et-a-fox-news_210142.html
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/11/12/donald-trump-confronte-a-l-etiquette-redoutable-de-loser-apres-les-midterms-2022_6149581_3210.
https://www.liberation.fr/international/amerique/assaut-du-capitole-donald-trump-fait-languille-pour-ne-pas-temoigner-20221112_5HSEBXPX35CX3BNZWG4IMIR6D4/

samedi 12 novembre 2022

Zombies russes

La Russie est devenue Zombiland, estime Iegor Gran, un Zombiland toxique qui a permis la guerre d'Ukraine. Ils sont (très) nombreux ces Russes qui ont cessé de penser, n'ont aucun sens critique et accordent une confiance ou plutôt une foi aveugle dans leur gouvernement et leur tsar.
"Aucune preuve, aussi concrète soit-elle, n'est capable d'ébranler leurs certitudes. Non seulement, ils ne croient pas ce qu'ils voient, ils préfèreraient perdre la vue plutôt que de douter."
Dans "Z comme zombie" (1), Iegor Gran - écrivain français d'origine russe, fils du dissident Andreï Siniavski - multiplie les exemples de cécité dont font les preuves les Russes qui veulent croire que les Ukrainiens sont tous des nazis et se bombardent eux-mêmes pour pouvoir accuser la Russie.
Des familles russes se déchirent entre ceux qui voient et ceux qui croient. "Comment continuer à vivre quand, sous leurs airs affables, ceux que l'on croyait proches et qu'on pensait connaître sur le bout des doigts ne désirent rien d'autre que la guerre, adhèrent aux élucubrations sur la chienlit nazie et l'Ukraine qui les menace, justifient le bombardement sauvage des hôpitaux et des écoles ?"

Les informations débitées par la zombocaisse, comme certains appellent désormais la télévision russe - "cette boîte qui sonne creux et rend bête" - sont avalées comme parole d'Evangile par quantité de citoyens qui les répercutent autour d'eux sans le moindre recul. Et qu'on n'excuse pas cette foi aveugle par le fait que la télé serait la seule source d'information. Youtube reste accessible et est suivi quotidiennement par un tiers de la population russe. Et quantité de médias étrangers sont consultables via Internet.
Iegor Gran est stupéfait de découvrir l'agressivité de proches, parfois surdiplômés, face à une autre version des faits. Exemple parmi d'autres : "il est impossible de vaincre le peuple russe, ni à l'époque (1945) ni maintenant, car on est tous pour la Russie, tous on se lèvera pour se battre pour notre Union soviétique, et on les vaincra comme on les a déjà vaincus, alors depuis 1947 ils veulent encore une fois déchirer et empiéter sur notre territoire riche, ils n'en ont jamais assez de territoire, mais nous on ne laissera jamais notre terre, la victoire sera toujours pour les soldats russes, qu'on soutient, soldats, on vous soutient, toute la Russie vous soutient !". 

Cette certitude d'avoir absolument raison amène ces Russes à passer "haut la main le test d'Abraham" qui permet de se prouver à soi-même la force de sa foi en sacrifiant pour cela son fils. Au point de ne pas même récupérer les corps de leurs soldats perdus. "Personne ne les réclamait. Les parents de ces disparus s'en foutaient autant que le commandement militaire. Les zombies avaient d'autres priorités - fêter la destruction de leur voisin et des normes de la morale. Pouvoir enfin exprimer ce désir de barbarie qui les consumait de l'intérieur. Célébrer en somme leur grandiose métamorphose." Certains Russes revendiquent fièrement la qualité de zombie. Telle cette jeune qui, sur le réseau TikTok déclarait : "Oui, nous sommes des zombies et nous aimons la Russie ! Oui, nous sommes des zombies depuis plus de mille ans ! Dans notre ADN coulent probité, honneur, justice - telle est notre mentalité. Nous n'offrons qu'amour à ce monde. Mais quand notre peuple est maltraité, notre sang ne fait qu'un tour."

Et puis, "pour que la messe noire soit complète, il y a le Z", ce signe de soutien et de ralliement à cette guerre qui ne veut pas dire son nom (Z, initiale de Zapad, grand corps d'armée qui participe à la guerre). Des enfants, des lycéens, des hockeyeurs, de jeunes danseuses sont photographiés disposés de manière à former la lettre Z. "La Russie, cette mère vicieuse et salope, est prête à donner ses enfants pour le triomphe du Z." Ce Z est à la fois signe de ralliement et marquage des "traitres", ceux qui osent se montrer critiques par rapport à la guerre. "Ainsi, en fonction de l'endroit où on le met, le Z peut aussi indiquer l'opprobre. Signe d'appartenance quand on le met soi-même, signe de marquage de l'ennemi quand on l'estampille sur les autres : la différence peut être subtile, à ceci près que partout, en toutes occasions, le Z est malveillance."

Iegor Gran relève les interventions abjectes qui se sont multipliées sur les réseaux sociaux et même à la télévision appelant aux pires exactions contre les Ukrainiens. Même des femmes russes appellent leurs soldats à violer des Ukrainiennes.
Mais parfois on se surprend à rire face à l'amateurisme de ces grands professionnels que sont l'armée et les organismes de l'Etat russe. Par exemple, quand on découvre que le FSB (les service secrets russes) confond carte SIM et cartouche du jeu Les Sims, qu'il saisit chez de prétendus malfaiteurs des cocktails Molotov préparés dans des bouteilles en plastique (qui n'ont aucune chance d'exploser), où, pire - ou plus drôle, quand il prétend avoir trouvé de la "documentation nazie" avec la dédicace "Tue pour vivre, vis pour tuer" et qu'elle est signée en toutes lettres "signature illisible". On comprend que le faux document destiné à prouver la culpabilité des Ukrainiens devait être signé de manière illisible, mais l'agent du FSB ne l'a pas  compris de la même manière et a mis une application enfantine à exécuter les ordres. "On se croirait dans un film des frères Coen, et l'on se pince : qui peut gober une désinformation aussi mal dégoupillée ? Le zombie avale tout, et en redemande." 

Iegor Gran ne parvient pas à comprendre le pouvoir de Vladimir Poutine, "chaleureux comme une limace". Alors, "il faut bien l'admettre : notre zombie a choisi d'être zombie. Loin d'être une victime, il est le collaborateur actif de sa transformation, qu'il a désirée et fait mijoter juste ce qu'il faut pour que le processus devienne irréversible." (...) "La responsabilité du peuple russe dans les crimes en Ukraine est précisément celle-là : avoir patiemment construit d'immenses latrines à l'intérieur de leurs propres consciences, là où vivent d'habitudes raison et humanité, pour que les cyniques, les mafieux et les sadiques viennent s'y soulager."
L'analyse d'Iegor Gran est longue encore et sans pitié sur l'aveuglement, le cynisme et les contradictions de ces zombies qui permettent à Poutine, "ce leader absent et trouillard ", d'exercer ce pouvoir tyrannique et assassin. 

Tous les Russes ne sont pas, heureusement, des zombies. Les quelques centaines de milliers d'entre eux qui ont quitté, la mort dans l'âme, leur pays en témoignent. Et l'angoisse gagne de plus en plus de Russes : "Fin septembre, après l'annonce de la mobilisation, 70% des Russes se disaient "angoissés", un taux record jamais enregistré par l'Institut de sondage FOM, favorable au Kremlin. Un mois plus tard, le Centre Levada, un institut indépendant, rapportait que près de 9 Russes sur 10 se disaient "inquiets" de la situation autour de l'Ukraine." (2) Les dépenses pour les antidépresseurs ont augmenté de 70%, celles des calmants de 56 % depuis le début de la guerre. Les consultations psychologiques en ligne ont augmenté de 40% depuis la mobilisation et le nombre de personnes souffrant de dépression ne cesse d'augmenter.
Avec cette guerre, Poutine voulait rendre sa fierté au peuple russe, il en a fait, selon une psychologue, un pays qui "sera traumatisé pour longtemps".

(1) éditions P.O.L., 2022.
(2) https://www.lalibre.be/international/europe/guerre-ukraine-russie/2022/11/10/plus-rien-na-de-sens-les-russes-au-bord-de-la-crise-de-nerfs-a-cause-de-la-guerre-en-ukraine-HCK2IPOQFRDHDK2NISIMO24OGE/

dimanche 6 novembre 2022

Soupe à la grimace

Le dérèglement climatique a des effets qu'on ne soupçonnait pas. Il dérègle aussi les esprits de certains activistes qui veulent le défendre. La mode veut qu'ils projettent de la soupe sur des œuvres d'art pour dénoncer l'inaction des gouvernements dans la lutte pour sauver le climat. Cherchez le lien. Il n'y en a pas. Sauf qu'ils clament que nous devons aujourd'hui choisir entre la vie l'art et qu'ils préfèrent la première. Mais l'art, c'est la vie. Comme l'écrit Caroline Fourest (1), "depuis quand, à gauche, oppose-t-on l'art à la vie ? Comme jadis l'Eglise ou l'Empire (qui voulait décrocher les toiles de Manet), la génération offensée peut donc brûler des livres ou attaquer des œuvres d'art si la cause leur paraît juste. A force de se rendre au musée pour jeter de la purée, elle semble ignorer qu'une tradition millénaire sépare le happening du vandalisme. Qu'il existe une différence philosophique de taille entre blasphémer et briser des idoles."

Que les activistes s'en prennent aux industries polluantes, celles de l'automobile, de l'aviation, de la chimie, de l'agro-industrie, est logique, simplement logique. Mais à l'art ? Les attaques contre l'art sont le fait des régimes autoritaires. "En démocratie, écrit encore Caroline Fourest, dégrader des œuvres d'art, décrocher des portraits de présidents élus, relève d'une subversion d'opérette, douteuse et capricieuse."

Des activistes britanniques ont été jusqu'à expliquer que s'ils avaient choisi de jeter de la soupe sur un tableau c'était pour faire comprendre que quantité de ménages britanniques n'auraient cet hiver pas les moyens de se réchauffer une brique de soupe vu l'augmentation des coûts de l'énergie. Le dérèglement climatique crée décidément une grande confusion.

(1) "L'écologie pour les nuls", Franc-Tireur, 2.11.2022.

vendredi 4 novembre 2022

Make America worst again

Le président américain est inquiet de la tournure que pourraient prendre les élections de mi-mandat mardi prochain. Plus de trois cents candidats ont déjà annoncé qu'ils ne reconnaîtraient pas le résultat de l'élection. Dans le cas où ils ne seraient pas élus, bien sûr. Donc, s'ils devaient perdre, on doit comprendre que les élections auront été truquées. Tandis que s'ils l'emportent, c'est qu'elles auront été correctement organisées. Ils se situent ainsi dans la lignée de leur gourou Donald. La vanité et le complotisme les emportent.
En fait, s'ils partent du postulat que ces élections sont truquées, ils doivent en refuser le résultat quel qu'il soit, même s'il est en leur faveur. Ils laissent entendre que s'ils perdent ce sera parce qu'il y a eu un tripotage des votes. Mais s'ils gagnent le même soupçon délégitimera leur élection. Ces candidats qui ne saisissent pas bien comment fonctionne la démocratie (ou au contraire l'ont très bien compris) font ici preuve de leur grande stupidité.

Stupides mais retors. Comme l'écrit Le Monde, "le courant négationniste républicain ne s’est pas contenté d’entretenir la théorie du complot qui permet d’éviter de s’interroger sur les raisons de la défaite de Donald Trump. Il a pivoté depuis des semaines vers les élections de mi-mandat. Ces dernières ont été précédées par l’adoption d’un nombre record de lois restrictives pour l’exercice du vote, qu’il s’agisse du vote par correspondance ou des registres électoraux, soumis à de véritables purges dans les Etats républicains, qui visent selon les démocrates les zones qui leur sont favorables. Loin de restaurer la confiance des électeurs, cette débauche de textes, ajoutée à un conspirationnisme devenu endémique, visant aussi bien le vote par correspondance que les machines à voter, a au contraire renforcé la suspicion, comme une tragique prophétie autoréalisatrice. Au point de susciter désormais la création stupéfiante de véritables milices prétendant garantir l’intégrité des opérations de vote en dehors tout cadre légal."

Joe Biden a raison de s'inquiéter. La démocratie américaine est en danger, comme elle l'est dans de plus en plus d'Etats dans le monde. L'homme est un animal stupide et Trump reste chef de meute.

mercredi 2 novembre 2022

Une gauche qui coulions

La déconstruction semble sans limite. Voilà qu'une de ses grandes prêtresses, Sandrine Rousseau, déconstruit la conjugaison. "Nous avions la gorge qui grattions, nous avions les yeux qui brûlions", a-t-elle déclaré sur un plateau de télévision récemment (1). Visiblement, les gaz lacrymogènes ont sur ses capacités oratoires un pouvoir aussi puissant que, selon elle, le barbecue sur la virilité.

C'est cette même députée verte, érigée en Grande Inquisitrice, qui a rendu publique la vie privée de Julien Bayou, ex-secrétaire général d'EELV, dévoilant les confidences d'une de ses ex-amoureuses (2). Haro sur le baudet. Et voilà que Reporterre, le média de l'écologie, va plus loin encore, soulevant les draps du lit de Bayou, en un article interminable, qui ne nous épargne rien des aventures sexuelles et sentimentales du Casanova vert. Cette gauche devenue folle lance des anathèmes sur un homme qui n'aurait pas avec les femmes une attitude qui sied. Sophia Aram, lisant cet article, s'est dit (3) : " La terre brûle et Reporterre regarde… la quéquette de Bayou". Ce n'est plus Reporterre, c'est Détective "Vous ne mesurez pas le niveau de détails avec lesquels l’échotière de Reporterre recycle la vie privée de Bayou pour l’humilier, le salir et le mettre à terre. À ce niveau de détails, on est moins dans l’atteinte à la vie privée que dans la destruction de l’intime." Si tout est permis pour attaquer quelqu'un en politique, qui s'y risquera encore ? "Pour ceux qui, comme moi, restent attachés à l’idée que la vie privée doit rester… privée justement, qu’est-ce qui peut justifier de tirer ce portrait en érection d’un responsable politique ? C’est quoi l’idée, éclairer son “rapport aux femmes“ ? Mais dans ce cas, où placer le curseur ? "

Hier, le chercheur, membre du GIEC et enseignant en sciences politique François Gemenne était l'invité de France Inter (4). Le journaliste Jérôme Cadet rappelait que lors de la dernière campagne présidentielle, François Gemenne a présidé le conseil scientifique de Yannick Jadot, candidat d'EELV. En mai, après la campagne, il déclarait ceci : "Je déconseille à tous mes collègues du GIEC l'engagement en politique. Ne mettez pas les pieds là-dedans. C'est un monde d'une médiocrité infinie. J'ai passé toute la campagne à me faire insulter, agresser, menacer par les Insoumis. J'en sors laminé, je ne crois pas que la démocratie soit capable aujourd'hui de mettre en œuvre les changements nécessaires à la transformation." Les coups sont aussi venus de l'intérieur du parti. "Aujourd'hui, dit-il, on a des polémiques qui vont se focaliser sur des sujets symboliques, qui vont monopoliser l'attention de la presse et des politiques, qui vont entretenir le débat public pendant des jours et des jours et les industries fossiles vont regarder tout ça en se frottant les mains parce qu'on oublie avec ça l'éléphant qui se trouve au centre de la pièce."

A propos d'éléphant, Jean-Luc le Grand Timonier s'est évidemment réjoui de la victoire de son ami Lula au Brésil et veut croire que son heure à lui aussi arrivera bientôt. Mais, rappelle le journaliste de France Inter Maxence Lambrecq (5), il y a une différence fondamentale entre Lula et celui qui rêve de marcher dans ses pas : "Lula a gagné avec le centre. Vous voyez Jean-Luc Mélenchon s’allier à François Bayrou ? Qui a choisi Lula pour être son vice-président ? Son adversaire du second tour de 2006, un médecin conservateur et libéral, ex-gouverneur de Sao Paulo. Et qui a soutenu Lula ces dernières semaines ? L’ancien président de centre-droit, qu’il avait affronté en '94 et '98. Ce qui est frappant, c’est qu’après trois échecs successifs, Lula, lui, a changé de stratégie, a laissé de côté sa radicalité. « J’ai perdu parce que le peuple avait peur de moi ». Pour pouvoir gouverner le Brésil, « Jésus lui-même aurait dû s’allier à Judas ». « Si vous connaissez une personne d’un certain âge encore de gauche, c’est qu’elle a un problème » a-t-il aussi lancé." 
Pendant ce temps, le MélenChe continue à clamer son refus de tout dialogue, il fustige ses « adversaires internes » au sein de la NUPES parce qu'ils n’ont pas voté la troisième motion de censure du mois. Il dénonce « l’aile Hollande du PS, l’aile Jadot chez Les Verts  » et Fabien Roussel, le patron du PC, qu’il accuse même « de soutenir le budget de la Sécurité sociale de Macron ». Contrairement à Lula, le Lider maximo français ne veut pas entendre parler d'union.  « L’union, c’est la confusion, répétait-il pendant toute la campagne. De quel prix paierait-on de renoncer à tout pour m’entendre avec les autres ? »

Quand la bêtise le dispute au ridicule, le simplisme à la vanité, quand le sens de la nuance est considéré comme une faiblesse, quand la délation devient un outil de conquête du pouvoir, nous sommes de plus en plus nombreux, (anciens ?) militants de gauche, à nous désoler de voir le monde partir à vau-l'eau sans une classe politique à la hauteur des gigantesques enjeux auxquels nous sommes confrontés, et à ne plus savoir pour qui voter. Mais à nous rendre compte que le monde court à sa perte et qu'à cause de cette folie furieuse qui s'est emparée de cette gauche, le RN en profitiont pour avancer, lentement mais sûrement. A pas de loup.

(1) https://www.ladepeche.fr/2022/10/31/nous-avions-la-gorge-qui-grattions-sandrine-rousseau-moquee-apres-ses-fautes-de-francais-en-direct-a-la-television-10774115.php
(2) https://www.marianne.net/agora/humeurs/affaire-bayou-un-parti-de-gauche-et-feministe-doit-il-proteger-ses-militantes-contre-elles-memes
(3) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-31-octobre-2022-8882320
(4) à l'occasion de la sortie de son livre "L'écologie n'est pas un consensus - dépasser l'indignation".
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-01-novembre-2022-7920330
(5) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/l-edito-politique-du-mercredi-02-novembre-2022-4940189

dimanche 30 octobre 2022

Du goudron et des plumes pour Hanouna

La popularité rend-elle ignoble ou est-ce l'ignominie qui rend populaire ? Cyril Hanouna a affiché clairement, il y a peu, sa conception de la justice : expéditive et sans appel. Lola, une jeune fille de 12 ans, est morte victime d'un crime atroce qui a révulsé la France entière. Dans son émission, très suivie quotidiennement, le paon de M6 affirme que « le procès doit se faire immédiatement en quelques heures et terminé c’est perpétuité directe » pour la femme, déséquilibrée, immigrée et en situation irrégulière qui a assassiné cet enfant. Pourquoi pas la potence tout de suite comme au meilleur temps du Far West ? « On est dans un État de droit ! », lui rétorque Georges Fenech,  ex-député LR. Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, s'est fâché, lui aussi : «  Une justice expéditive, quelques heures, perpétuité, pas d'avocat… C'est ça, la conception de l'état de droit ? [...] Si c'est ça l'époque, on est tombés bien bas. Car ça, c'est le Moyen-Âge. » Oui, mais "les Français en ont marre", assène le prince de la vulgarité.

Le lendemain de cette émission aux odeurs nauséabondes, l'animateur à haleine de chacal faisait la fête avec son équipe pour célébrer l'audience atteinte grâce à cette émission : deux millions de téléspectateurs.
"Le plus grand nombre était d'accord avec moi, se défend le paon. Et les bien-pensants se sont servis de ça pour détourner l'affaire. » On comprend par là qu'il pense mal et on peut imaginer qu'il l'assume. Mais ce n'est pas le cas.

Lundi, dans sa chronique hebdomadaire sur France Inter (1), Sophia Aram vole dans les plumes du paon qu'elle traite de barbare. " En touillant le remugle des instincts mortifères d’une foule criant vengeance, ne nous y trompons pas : Hanouna est un barbare au service de la barbarie. Un barbare de la pire espèce. Un barbare auquel tout le monde vient servir la soupe en le présentant comme un “homme du peuple“ ou “de son temps“ alors qu’il n’est que le fossoyeur d’une civilisation au service d’un multimilliardaire ayant compris depuis longtemps que le populisme de ses antennes constitue le moyen le plus sûr de servir l’extrême-droite. Voilà qui est Hanouna. Alors, on peut toujours se mentir, se raconter qu’on parle à tout le monde, sans mépris et sans tabous, mais tous ceux qui vont sur son plateau ou l’invitent, en le considérant comme un inoffensif trublion populaire, ne font qu’alimenter un barbare. Un barbare, populiste, joyeux, souvent couillon, mais un barbare."
Hanouna fustige les bien-pensants mais ne supporte pas d'être traité de mal pensant. « Tous ceux qui ont fait des éditos là-dessus, comme Sophia Aram, cela doit être examiné par l’Arcom, parce que rigoler là-dessus et m’insulter c’est extrêmement grave », a-t-il réagi. 
" Entre nous, on ne percevait pas spécialement l’envie de rigoler chez Sophia Aram, plutôt un sentiment situé entre la colère et le dégoût », commente son collègue François Morel, également chroniqueur sur France Inter (2). En revanche, ainsi que le dit l’expert judiciaire Cyril Hanouna, critiquer quelqu’un d’aussi considérable que lui dans le Paysage audiovisuel français est certainement extrêmement grave et ne doit sûrement pas rester impuni. Comment l’Arcom, autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, va réagir. On ne sait pas. On attend. Licencier Sophia Aram ? La priver de ses droits civiques ? L’envoyer au bagne ? Comment essuyer l’affront fait au jurisprudent Hanouna ? Pourquoi ne pas le nommer Garde des Sceaux afin de mettre en pratique ses idées si novatrices ? " 
Plutôt mettre un frein à la logorrhée écœurante du garde des sots, comme l'appelle dans le titre de sa chronique François Morel.

(2) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-francois-morel/le-billet-de-francois-morel-du-vendredi-28-octobre-2022-1294283
(Re)lire sur ce blog "Et alors ?", 29.5.2017.

vendredi 28 octobre 2022

Inquiétant

La nature est totalement perturbée par cet été qui n'en finit pas, avec ces températures beaucoup trop douces, voire trop chaudes pour la saison. Des arbres produisent des feuilles, des bourgeons sont prêts à s'ouvrir.
Et voilà que cet après-midi un grand vol de grues passe dans la direction du nord-est, à l'exact opposé de celle qu'elles ont prise il y a quelques jours ou quelques semaines. La nature perd le nord. Par notre faute.


Post-scriptum : les grues, ce dimanche 30 octobre, ont retrouvé le sud-ouest. Ouf !



lundi 24 octobre 2022

Allo ? Y a quelqu'un ?

Monsieur et Madame Orange,
cette lettre pour vous dire que je n’en peux plus, que je ne sais plus comment m’adresser à vous qui nous méprisez.
Depuis la dernière semaine de septembre, plus de quatre semaines donc, nous sommes déconnectés : plus de téléphone fixe, plus d’internet. Et chez vous, visiblement, tout le monde s’en moque.

On ne peut communiquer avec vous que via des machines. Le seul moyen de contacter le champion de la communication que vous êtes est mon téléphone mobile qui, quand je vous appelle, tombe sur votre ordinateur qui débite des messages déshumanisés. Je me suis parfois retrouvé sous la pluie (nous sommes dans une zone blanche…) à former le 3900 pour entendre une machine me demander de répondre à sa série de questions par oui ou par non.

Le 26 septembre, alors que nous sommes en panne depuis deux jours (il y a plus de quatre semaines donc), un message nous annonce ceci : « Votre ligne sera rétablie au plus tard le 29/09/2022 18:00 ».
Ce jour-là, à cette heure-là, rien n’avait changé. Entretemps, le 27, je recevais un message me disant que « le technicien est intervenu. Votre installation intérieure doit être vérifiée. »
Après de nouveaux appels, on nous annonce le passage d’un technicien le 1er octobre. Nous ne voyons personne, mais recevons un message nous signalant que « votre ligne est rétablie suite aux travaux réalisés sur notre réseau ». La machine qui a envoyé ce message est visiblement daltonienne, puisque notre Livebox clignotait toujours en rouge (ce qui est toujours le cas 23 jours plus tard).
Ixième coup de téléphone de ma part pour contredire l’information reçue. Une opératrice m’annonce alors le passage à domicile - enfin, une présence humaine ! - d’un technicien.
Ce dernier constate, le 8 octobre (il y a 16 jours donc) que le problème n’est pas lié à notre Livebox mais au réseau qui doit être réparé. Ce doit être fait dans les cinq jours ouvrables, me dit-il. Depuis, rien, sinon une valse d’appels ou de tentatives d’appels, des rendez-vous téléphoniques qui se succèdent sans résultat.

Vendredi dernier, le 21, je reçois un appel d’une opératrice m’annonçant que la réparation se fera ce jour-là avant 18h. Vers 17h, un de ses collègues m’appelle pour me signaler que l’intervention est reportée et qu’il me rappellera le… 27. J’exige qu’il m’appelle ce lundi pour me donner une date précise. Je reçois un message m’annonçant un appel ce lundi entre 12 et 13h. J’ai patienté, avant de découvrir un message envoyé à 12h36 nous informant que ce rendez-vous est reporté au lendemain entre 13 et 14h. Une heure plus tard, il est reporté d’une heure : entre 14 et 15h. Ce soir, à quel jour sera-t-il reporté ? De qui vous moquez-vous ?

Je tente de vous joindre pour protester. Je veux parler à un être humain ! Mais cette même voix enregistrée  - devenue insupportable - après la valse de ses mêmes sempiternelles questions que je connais par cœur, me demande si je veux annuler ce rendez-vous. Si je le fais, je sais qu’il ne se passera tout simplement rien. Je devrais à nouveau tout recommencer …

Nos appareils en wifi sont hors circuit depuis un mois, plus de radio, plus de télé, plus d’imprimante. Vous ne cessez de nous demander de patienter, puis de patienter encore et encore, c’est tout ce que vous êtes capable de nous proposer. Vous nous envoyez une information, puis son contraire.

En attendant, vous nous avez prêté une Airbox pour que nous puissions avoir un minimum de wifi. Cet AirBox fonctionne parfois (sans nous permettre toutefois  d’utiliser nombre de nos appareils), mais régulièrement nous nous trouvons à nouveau sans wifi, faute de réseau téléphonique mobile dans la maison. Ce fut le cas la majeure partie du temps ce dernier week-end. 

Monsieur et Madame Orange, que me conseillez-vous de faire ? Prendre un avocat ? M’enchaîner dans vos bureaux ? Changer d’opérateur ? 

Nous sommes abonnés chez vous depuis onze ans, depuis que nous nous sommes installés en France, mais visiblement, nous ne comptons pas. Un opérateur de télécommunication incapable de communiquer et irrespectueux de ses clients, voilà ce qu’est Orange. Hélas !

Allo ? Allo ? Alloooooo ?

Note : Impossible de transmettre ce message à Orange sur son site. La seule possibilité d'écrire à ce champion de la communication, c'est via un "chat" où visiblement seuls trois ou quatre mots-clés peuvent être utilisés. 

Suite du feuilleton : ce lundi, à 14h17, alors que j'attends un appel d'Orange annoncé entre 14 et 15h (et confirmé ce matin par un sms), je reçois ce message : "Votre RDV téléphonique du 25/10 au (mon n°) entre 16:00 et 17:00  avec votre conseiller Orange est confirmé". Puis-je faire remarquer à Orange que "confirmer" signifie assurer l'authenticité de quelque chose ? On confirme une information déjà donnée. Ici, vous devriez dire que ce rendez-vous est reporté. On ne communique pas de manière hypocrite. Quittez le mépris et assumez vos non-décisions ! Quel message vais-je recevoir entre 16 et 17h ?

Episode 25 (?) : A 16h47, je reçois le sms suivant : "Votre RDV téléphonique du 1/11 au (mon n°) entre 14:00 et 15:00  avec votre conseiller Orange est confirmé". Quelle grossièreté ! Je téléphone aussitôt à Orange, me soumet à la litanie des questions automatiques et fait annuler ce rendez-vous reporté à une semaine. Au revoir et merci, me dit la voix. Je recommence l'opération, nouvelle série de questions et après quelques minutes de patience j'ai enfin une voix humaine au bout du fil. Auprès de qui j'exprime ma colère. La conseillère me dit ne pas comprendre pourquoi on ne m'a pas appelé, qu'une intervention est prévue sur la ligne le vendredi 28. Dois-je la croire ?

Episode 26 (25.10.2022). L'épisode du jour est consacré à la facture. Ce matin, ouvrant mes courriels, je découvre un message intitulé "Comprendre votre supplément sur votre facture du 25/10/2022". Mon sang ne fait qu'un tour : nous avons connu une panne de cinq à six jours début septembre et connaissons une panne complète depuis le 26 septembre et voilà que notre facture est augmentée ! Je clique dans le message sur "En savoir plus" et me retrouve sur le "chatbox" d'Orange qui propose un échange par écrit Je demande des explications, rappelant qu'une conseillère Orange m'a annoncé début septembre qu'elle ferait un geste en diminuant ma facture suite à la panne de cinq-six jours que nous avons alors connue, que nous sommes en panne depuis un mois, que cette augmentation est donc incompréhensible et inadmissible. C'est mon "correspondant" qui ne comprend pas : "voulez-vous que je vous mette directement en relation avec un humain ?", me demande-t-il. Oui, être en relation avec un humain, voilà qui me plairait. A vous de téléphoner, me dit-il. Visiblement, ses capacités sont limitées. Me voilà à former pour la ixième fois le 3900, à passer le cap des questions automatiques pour parler à un humain à qui, très fâché, je débite mon histoire. C'est normal que je n'ai pas eu de réduction sur ma facture de septembre, m'explique-t-il, puisqu'il faut sept jours de panne pour bénéficier d'une réduction d'1 € par jour. Je comprends que la panne a donc été trop courte d'un jour ! La réduction sera appliquée sur ma prochaine facture quand la panne sera réparée. Mais pourquoi alors sa collègue m'a-t-elle promis cette réduction? Il n'en sait rien. Il est désolé. Ils sont tous désolés que leurs collègues ait dit ce qu'il ne fallait pas dire ou n'ait pas rappelé après avoir promis de le faire, ou reporte sans cesse des rendez-vous ou annonce une réparation qui n'a pas eu lieu. Le monde d'Orange me rend fou.


Episode 27 (le 28.10.2022). Reçu un sms d'Orange : "Le technicien est intervenu ce 28/10. Ce service ne sera pas facturé." Il ne manquerait plus que cela ! La panne perdure. Ça fera cinq semaines demain. 
Appel d'un conseiller Orange ce soir, qui vient aux nouvelles suite à l'intervention du technicien. Ah bon ! La panne n'est toujours réparée ? Pourtant, le technicien est intervenu. Puisque c'est comme ça, il nous envoie un technicien expert. Mais que sont donc les autres alors ? Il viendra lundi. A suivre.

Episode 28 et dernier de cette saison (le 31.10) : la Live box fonctionne à nouveau après plus de cinq semaines de panne. Le technicien expert annoncé est passé. C'était le même qui était passé le 8 octobre, un sous-traitant d'Orange, qui nous avait dit qu'il ne pouvait faire plus, que c'était à l'équipe réseau d'Orange d'intervenir. Il n'a pas vraiment trouvé d'explication à la panne, mais l'a réparée. C'est bien un expert. Ouf !

dimanche 23 octobre 2022

Femme - Vie - Liberté !

"Passez-nous à tabac, réduisez-nous au silence, humiliez-nous si vous voulez. C'est terminé, nous ne nous tairons plus. Nous ne bougerons pas ; c'est à vous de partir. Les garçons devant lesquels on devait se cacher les cheveux sont devenus des hommes, et ils sont dans la rue pour défendre notre liberté à cor et à cri. Les filles que vous avez voulu faire taire sont devenues des femmes qui tiennent tête aux gardiens en armes que vous autorisez à tirer sur des enfants. Nous qui avons 13, 14, 15 ans, vous avez fait de nous des adultes. Bientôt nous chanterons et nous danserons librement dans nos rues." Voilà ce que dit au pouvoir théocratique une Iranienne de 16 ans (1). 
Pour la première fois depuis quarante-trois ans, depuis le début de cette sinistre farce qu'est la prétendue révolution iranienne, des lycéens sont dans les rues  à travers tout le pays. Prêts à payer de leur vie s'il le faut la liberté qu'ils revendiquent. Liberté pour les filles et les femmes de sortir sans voile, liberté de danser, d'écouter, d'écrire, de penser... Des femmes osent marcher tête nue, des adolescentes font des doigts d'honneur à la photo de l'ayatollah Khameini ou la piétinent. Les jeunes n'ont plus peur, malgré les deux cents morts, les milliers de blessés, les milliers de détenus.

L'Occident soutient les opposantes et opposants iraniens, mais du bout des lèvres. "La plupart des dirigeants européens ferment les yeux sur ce qui se passe en Iran, écrit The National (2), afin d'éviter de contrarier le régime et de préserver un éventuel accord sur le nucléaire (même si l'Union européenne a voté des sanctions contre la police des mœurs et que le président français a soutenu le mouvement). Sans accord, il faut s'attendre à ce que l'Europe souffre cet hiver et à voir reprendre les activités terroristes pilotées par l'Iran sur le continent ainsi que l'accélération du programme nucléaire militaire iranien."
Bref, le mouvement d'opposition iranien ne reçoit qu'un bien faible soutien aussi bien (ou mal) des gouvernements occidentaux et du reste de la planète que de la gauche qui avait cru voir en 1979 un révolutionnaire en un vieux barbu réactionnaire.

Où sont celles et ceux qui prônent la décolonisation, la déconstruction, qui luttent contre le patriarcat ? Pourquoi sont-ils, sont-elles si silencieuses ? Qu'attendent-elles pour dénoncer ce régime viriliste d'un autre âge ? Pour dénoncer ces vieux colonisateurs des esprits, des tenues vestimentaires, des cuisines ? Leur silence est une honte. 

A lire : le dossier du Courrier international du 20.10.2022 : "Iran, le régime au pied du mur".
A écouter ou à lire : le billet de Sophia Aram : 
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-du-lundi-10-octobre-2022-3397743

(1) The Sunday Times, 9.10.2022, in Le Courrier international, 20.10.2022.
(2) The National (Abou Dhabi), 2.10.2022, in Le Courrier international, 20.10.2022.



jeudi 20 octobre 2022

La Biélorussie entrainée dans une guerre qui n'est pas la sienne

Voilà que le dictateur Loukachenko, qui jusqu'à présent était resté distant de "l'opération spéciale" de celui dont il est vassal, entre en guerre. "Après l’annonce de la création d’un groupement militaire conjoint entre la Russie et la Biélorussie, écrit Le Monde (1), une mobilisation cachée serait en cours." Terroriser et mater son peuple ne lui suffit pas. Il va maintenant s'attaquer aux Ukrainiens.
"Le 10 octobre, écrit encore Le Monde, une partie du déluge de missiles qui se sont abattus sur toute l’Ukraine venait aussi du territoire biélorusse. Une semaine plus tard, c’est encore de la Biélorussie que les « drones kamikazes » qui ont touché Kiev, lundi 17 octobre, ont été lancés, ont affirmé les autorités ukrainiennes."
Un nouveau front s'ouvre ainsi au nord de l'Ukraine. La faiblesse numérique et opérationnelle de l'armée biélorusse amoindrit les craintes que peut nourrir l'Ukraine qui cependant n'exclut rien "et se prépare à tous les scénarios, y compris à une éventuelle nouvelle invasion à partir du territoire biélorusse".
La population biélorusse, elle, est très majoritairement  hostile à la guerre. Elle souffre déjà suffisamment de ce régime dictatorial brutal qui piétine les droits les plus élémentaires.

Le jury du Prix Nobel de la Paix l'a souligné, en distinguant cette année l'écrivain Ales Bialiatski (2), prisonnier d’opinion au Bélarus, accusé de fraude fiscale, lors de procès montés de toutes pièces, et condamné à du travail forcé dans les camps de détention au régime sévère. Il fut emprisonné de 2011 à 2014 et l'est à nouveau depuis juillet 2021.
"En 1996, face à la répression du régime Loukachenko, écrivait en 2012, la Ligue française des Droits de l'Homme (3), Ales crée le Centre de défense des droits de l’Homme Viasna, une organisation qui vient en aide aux victimes de la violence politique et milite pour faire connaître dans le monde les conditions de la répression au Bélarus. En 2003, comme des centaines d’autres associations, Viasna – qui signifie printemps en bélarusse – est liquidée sous le coup d’une décision de justice, et entre dans l’illégalité. Mais son combat, très tôt reconnu, se poursuit et lui vaut de recevoir de prestigieuses récompenses. En 2007, seulement trois ans après avoir rejoint la FIDH, Ales Bialiatski est nommé vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH). Il devient ainsi le premier représentant issu de l’un des ex-pays communistes d’Europe. Il s’est rendu, lors des missions d’enquête, en Russie, en Ukraine, au Kazakhstan, au Kirghizstan, en Géorgie ou encore en Arménie. Sur le terrain, il accomplit des observations de procès politiques, de soutien aux familles de détenus, des enquêtes sur des crimes de masse. Il mène de nombreuses actions internationales et participe à des missions de solidarité. Il partage son expérience sur le terrain avec les défenseurs des droits de l’Homme égyptiens, cubains ou encore tunisiens… "

" Pendant le vaste mouvement de contestation post-électoral de l'été 2020 et sa répression par Alexandre Loukachenko, Viasna recensait les arrestations, les accusations de tortures en prison et les blessés", écrit Radio France (4). Quelques jours après la réélection contestée d'Alexandre Loukachenko, Ales Bialiatski constatait que "tant dans les petites villes que dans les villes régionales et la capitale, il y a une véritable terreur. L'objectif est très simple : conserver le pouvoir à tout prix et semer la peur dans la société." D'autres membre de Viasna sont détenus dans diverses affaires, allant du "trouble à l'ordre public" à la "participation à une organisation criminelle". Des perquisitions ont visé en février et en juillet 2021 plus de cinquante lieux liés à des membres de l'organisation.
Ce prix Nobel "est une reconnaissance importante pour tous les Bélarusses combattant pour la liberté et la démocratie" contre le régime d'Alexandre Loukachenko, a commenté la cheffe de l'opposition Svetlana Tikhanovskaïa.

(1) https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/18/la-bielorussie-fait-un-pas-de-plus-vers-une-implication-directe-dans-la-guerre-en-ukraine_6146277_3210.html
(2) co-lauréat, avec l'ONG russe de défense des droits humains Memorial et l'ONG ukrainienne Centre pour les libertés civiles.
(3) https://www.ldh-france.org/Ales-Bialiatski-vice-president-de/
(4) https://www.radiofrance.fr/franceinter/cinq-choses-a-savoir-sur-le-prix-nobel-de-la-paix-l-opposant-belarusse-emprisonne-ales-bialiatski-4351382

dimanche 16 octobre 2022

Ecrit avec accent

"En studio, Alex Vizorek (...) incarne avec sobriété (et sans accent !) cet homme de l'ombre (...)." 
Voilà un extrait d'un article de Laurence Le Saux (1) consacré à une séquence de l'émission "Autant en emporte l'histoire" de France Inter.
Alex Vizorek est un humoriste belge. Son absence d'accent apparaît dès lors étonnante pour la critique de Télérama. Il faut donc comprendre qu'un Belge qui s'exprime sans accent est une exception, tandis que - évidemment - un Français qui s'exprimerait avec un accent serait, lui, exceptionnel. Peut-on conseiller à Laurence Le Saux de voyager, tant en Belgique qu'en France ? Elle constaterait vite que les exceptions pullulent partout. Avec ou sans accent.

(1) "Une belle histoire belge", Télérama, 28.9.2022. L'émission en question était un portrait du Belge Jean Doissy qui fut rédacteur en chef du magazine Spirou de 1938 à 1955.

(Re)lire sur ce blog : "Accents graves", 2.12.2020.

jeudi 13 octobre 2022

Panne des sens

L'essence manque. C'est la panique chez beaucoup d'automobilistes. La plupart d'entre eux affirment avoir impérativement besoin de leur voiture. Ce qui est parfois vrai et parfois pas. Nous avons pris de très mauvaises habitudes et trop souvent les pouvoirs publics, en délaissant les petites lignes de train ou en offrant peu voire pas de service de bus, nous ont forcés à acheter une voiture. Nous sommes habitués à avoir chacun la nôtre. On voit même des couples en France avec trois voitures. On les prend pour tout déplacement, même sur de petites distances, même plusieurs fois par jour.
Parfois, les services de transport en commun existent, mais sont trop méconnus, tant en termes de trajets proposés que de tarifs. Ce qui amène des organismes du type Pôle Emploi à organiser des formations à l'utilisation des transports en commun. Des personnes découvrent qu'un bus passe à deux rues de chez elles, qu'existent des systèmes d'abonnement, que celui-ci peut être pris en charge par l'employeur.
L'épidémie de Covid-19 avait amené de nombreuses personnes à découvrir les plaisirs et les avantages du vélo. Mais la vie redevenant normale, elles ont repris leur voiture comme elles ont oublié de se fournir auprès de producteurs locaux.

Une étude menée dans soixante pays (1) fait apparaître que la part de l'utilisation du vélo pour les déplacements quotidiens n'est que de 5% en moyenne. Alors que la part de possesseurs de vélos est souvent beaucoup plus élevée, mais la bicyclette reste un objet de loisirs utilisé durant le week-end ou les vacances et pas un moyen de déplacement quotidien. "Si chacun se déplaçait à vélo en moyenne 1,6 kilomètre par jour, soit la distance moyenne quotidienne des Danois, le monde réduirait les émissions de CO2 de quelque 414 millions de tonnes par an, soit l'équivalent des émissions annuelles de la Grande-Bretagne, selon les calculs des chercheurs. Avec 2,6 kilomètres de trajets effectués à vélo par jour comme aux Pays-Bas, on pourrait réduire les émissions de 686 millions de tonnes par an (l'équivalent des émission annuelles du Canada), sans compter les bénéfices pour la santé et pour l'amélioration de la qualité de l'air." 
Pour Gang Liu, auteur principal de l'étude, l'intérêt principal de celle-ci est qu'elle montre que le vélo a un rôle important à jouer dans la réduction de l'empreinte carbone du transport, alors que le débat tend à se focaliser sur l'électrification des voitures.

Il est urgent de sortir de la logique de la voiture individuelle et désolant de voir que dès qu'une autoroute est saturée, les pouvoirs publics se dépêchent - aujourd'hui encore - de l'élargir, que la voiture prend toujours autant de place dans les villes. Où que l'on circule, il est navrant de constater que l'immense majorité des voitures ne sont occupées que par leur conducteur. Des pouvoirs publics tentent de favoriser le covoiturage, mais on entend des automobilistes le refuser : "j'aime être seul dans ma voiture", affirmait récemment l'un d'eux dans un journal télévisé.
La pénurie de carburant que nous connaissons actuellement devrait nous amener à nous déplacer autrement. La vie normale n'est pas une vie en voiture. Cette panne d'essence devrait être l'occasion de changer de sens.

(1) https://www.lalibre.be/planete/environnement/2022/08/20/une-nouvelle-etude-pointe-les-enormes-economies-de-co2-si-on-se-deplacait-plus-a-velo-pour-les-petits-trajets-6WZJ47WY5FFX3CLROAJLV4E4MQ/
(Re)lire sur ce blog : "Nos têtes immobiles, 14.7.2022 ; "Lever le pied", 11.5.2022 ; "L'heure du vélo," 25.5.2020.