mercredi 31 octobre 2018

L'évangile selon Bolsonaro

Si d'aventure un évangéliste lisait ce billet, peut-être pourrait-il éclairer notre lanterne. On voit les évangélistes soutenir passionnément des prêcheurs de haine comme Trump ou Bolsonaro. On les voit, aux Etats-Unis, au Brésil, ces grands pays de migration, prôner l'usage des armes et le rejet de ceux qui fuient guerre et misère, des étrangers, des homosexuels, des juifs, de tous ceux qui ne sont pas comme eux. On a bien du mal à comprendre en quoi leur dieu les guide et en qui ou en quoi ils croient. On a longtemps entendu dire que Dieu était amour. 
Tous les évangélistes pensent-ils de même? On a beaucoup demandé aux musulmans de se distancier publiquement de ceux d'entre eux qui utilisent la violence au nom de leur religion, on aimerait entendre les évangélistes à ce sujet. 

Jésus, nous dit-on, est né dans une crèche, parce que ses étrangers de parents n'ont trouvé personne pour les accueillir. On avait déjà là une parabole: celle des migrants à qui on ferme la porte quel que soit leur état de détresse et la nécessité dans laquelle ils sont de trouver un abri. Plus tard, le même fils de Dieu a tenu des discours très clairs rejetant la violence et l'usage des armes.
Bon, d'accord, le principal message christique est excessif et inapplicable: y a-t-il une seule personne au monde capable d'aimer son prochain comme elle-même? On peut sans doute aimer une, deux, trois personnes (à peu près) pleinement. Mais tous les autres, même celles et ceux qu'on ne connaît pas, même les crapules les plus immondes, comment le pourrait-on? "Dans l'évangile selon Matthieu, rappellent Gérard Mordillat et Jérôme Prieur (1), Jésus enseigne: 'Vous avez entendu qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien! moi je vous dis: Aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs' (Mt 5,45). Ce commandement paradoxal est présenté comme l'essence même du message de Jésus, son expression la plus haute, peut-être la plus sublime. Mais qui (...) peut aimer son prochain comme lui-même? Qui peut aimer son ennemi ou tendre la joue gauche lorsqu'il a reçu un soufflet sur la joue droite? Ce commandement d'amour est un commandement inapplicable. En aucun cas, il ne peut fonder l'éthique durable d'une société. Dès lors, les chrétiens vont se trouver écartelés entre leur volonté d'exalter leur idéal et le fait de s'y dérober sans cesse. Pour se libérer de l'insupportable tension créée par cette situation, ils ne trouveront d'autre échappatoire que la force. Comme pour se venger sur d'autres de ne pouvoir l'appliquer eux-mêmes, ils persécuteront, tortureront, extermineront ceux qui refusent le commandement d'amour ou veulent l'ignorer."

Les prêcheurs de haine, les claqueurs de portes, les briseurs de valeurs humanistes sont aujourd'hui portés par une vague politique dans trop de pays dans le monde et font beaucoup de vacarme, répercuté par les médias. Mais il est heureusement d'autres, beaucoup d'autres personnes par le monde, croyants ou non, qui, sans faire de bruit, sont capables d'accueillir ce prochain, sans se tenir tenu de l'aimer autant que soi. "L'hospitalité, explique l'anthropologue Michel Agier, est une forme sociale qui a pour fonction la médiation entre moi et l'autre, et, plus largement, entre la structure en place et les gens qui arrivent. Elle est ce geste qui dit à l'autre: tu n'es pas mon ennemi, qui fait de l'étranger un hôte dans une relation d'accueil et non un ennemi dans une relation guerrière." (2) Emmanuel Kant, souligne Michel Agier, considérait que l'hospitalité est indispensable si on veut la paix. Même si, c'est vrai, elle ne va pas de soi: "c'est une épreuve, reconnaît Agier. Oui, l'étranger qui arrive est un intrus, puisqu'il n'était pas là auparavant. Ce n'est pas un jugement de valeur, c'est un fait! Et, oui, c'est difficile d'accueillir chez soi une personne différente, dans son apparence parfois, dans son langage, sa culture, ses habitudes." Mais, affirme encore l'anthropologue, "on peut supposer que si le monde fonctionne à peu près, c'est grâce à l'hospitalité, cette forme sociale reconnaissant que nous sommes tous organiquement, objectivement, et qu'on le veuille ou non, solidaires les uns des autres". 
L'été dernier, le Conseil constitutionnel français a reconnu le principe de fraternité. Le philosophe Etienne Balibar appelle à un droit international de l'hospitalité. Michel Agier, de son côté, réfléchit avec une juriste à un principe juridique d'hospitalité, espérant qu'il soit reconnu lors de la Conférence intergouvernementale des Nations Unies sur les migrations qui se tiendra bientôt au Maroc.
Les vociférants, les Le Pen, les Salvini, les Trump, les Bolsonaro, les Orban, les Duterte, les Poutine, les Ben Salmane, les Erdogan, les Xi Jinping s'y opposeront et s'en moqueront d'autant plus qu'ils sont de plus en plus nombreux. "C'est la revanche de Hobbes sur Kant, écrit Anthony Samrani dans L'Orient-Le Jour (3). Le retour à un système international où les normes sont sans cesse remises en question et où seule compte la loi du plus fort."
Nous restera à nous citoyens à continuer, malgré leurs hurlements, à mettre en œuvre l'hospitalité. Ne serait-ce que par dignité. Et parce que les incroyants que nous sommes continuent à croire en l'humanité. Malgré les brutes.

(1) Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, "Jésus contre Jésus", Essai Points n° 610, éd. 2008, pp. 367-368.
(2) Télérama, 10.10.2018.
(3) "Un monde sans limites", L'Orient-Le Jour (Beyrouth), 24.10.2018, in Le Courrier international, 1.11.2018 (dans le dossier "Un monde de brutes - Trump, Bolsonaro, Salvini... Plus rien ne les arrête.)


dimanche 28 octobre 2018

Indispensable 3e révolution - un texte de Fred Vargas

Dans la suite de tant de textes que j'ai déjà écrits ici (mais bien mieux écrit que ceux-là), ce texte de Fred Vargas:


Lettre de Fred Vargas : la troisième révolution


Nous y sommes
Nous y voilà, nous y sommes. Depuis cinquante ans que cette tourmente menace dans les hauts-fourneaux de l'incurie de l'humanité, nous y sommes.
Dans le mur, au bord du gouffre, comme seul l'homme sait le faire avec brio, qui ne perçoit la réalité que lorsqu'elle lui fait mal.



Telle notre bonne vieille cigale à qui nous prêtons nos qualités d'insouciance. Nous avons chanté, dansé. Quand je dis « nous », entendons un quart de l'humanité tandis que le reste était à la peine.



Nous avons construit la vie meilleure, nous avons jeté nos pesticides à l'eau, nos fumées dans l'air, nous avons conduit trois voitures, nous avons vidé les mines, nous avons mangé des fraises du bout du monde, nous avons voyagé en tous sens, nous avons éclairé les nuits, nous avons chaussé des tennis qui clignotent quand on marche, nous avons grossi, nous avons mouillé le désert, acidifié la pluie, créé des clones, franchement on peut dire qu'on s'est bien amusés.



On a réussi des trucs carrément épatants, très difficiles, comme faire fondre la banquise, glisser des bestioles génétiquement modifiées sous la terre, déplacer le Gulf Stream, détruire un tiers des espèces vivantes, faire péter l'atome, enfoncer des déchets radioactifs dans le sol, ni vu ni connu.



Franchement on s'est marrés.
Franchement on a bien profité.



Et on aimerait bien continuer, tant il va de soi qu'il est plus rigolo de sauter dans un avion avec des tennis lumineuses que de biner des pommes de terre.
Certes.



Mais nous y sommes.
A la Troisième Révolution.



Qui a ceci de très différent des deux premières (la Révolution néolithique et la Révolution industrielle, pour mémoire) qu'on ne l'a pas choisie.



« On est obligés de la faire, la Troisième Révolution ? » demanderont quelques esprits réticents et chagrins.



Oui.



On n'a pas le choix, elle a déjà commencé, elle ne nous a pas demandé notre avis. C'est la mère Nature qui l'a décidé, après nous avoir aimablement laissés jouer avec elle depuis des décennies.



La mère Nature, épuisée, souillée, exsangue, nous ferme les robinets. De pétrole, de gaz, d'uranium, d'air, d'eau.



Son ultimatum est clair et sans pitié :
Sauvez-moi, ou crevez avec moi (à l'exception des fourmis et des araignées qui nous survivront, car très résistantes, et d'ailleurs peu portées sur la danse). Sauvez-moi, ou crevez avec moi.



Évidemment, dit comme ça, on comprend qu'on n'a pas le choix. On s'exécute illico et, même, si on a le temps, on s'excuse, affolés et honteux. D'aucuns, un brin rêveurs, tentent d'obtenir un délai, de s'amuser encore avec la croissance.



Peine perdue.



Il y a du boulot, plus que l'humanité n'en eut jamais. Nettoyer le ciel, laver l'eau, décrasser la terre, abandonner sa voiture, figer le nucléaire, ramasser les ours blancs, éteindre en partant, veiller à la paix, contenir l'avidité, trouver des fraises à côté de chez soi, ne pas sortir la nuit pour les cueillir toutes, en laisser au voisin, relancer la marine à voile, laisser le charbon là où il est, attention, ne nous laissons pas tenter, laissons ce charbon tranquille, récupérer le crottin, pisser dans les champs (pour le phosphore, on n'en a plus, on a tout pris dans les mines, on s'est quand même bien marrés).



S'efforcer. Réfléchir, même.



Et, sans vouloir offenser avec un terme tombé en désuétude, être solidaire.



Avec le voisin, avec l'Europe, avec le monde.
Colossal programme que celui de la Troisième Révolution.
Pas d'échappatoire, allons-y.



Encore qu'il faut noter que récupérer du crottin, et tous ceux qui l'ont fait le savent, est une activité foncièrement satisfaisante.



Qui n'empêche en rien de danser le soir venu, ce n'est pas incompatible.



A condition que la paix soit là, à condition que nous contenions le retour de la barbarie, une autre des grandes spécialités de l'homme, sa plus aboutie peut-être.
A ce prix, nous réussirons la Troisième révolution.
A ce prix nous danserons, autrement sans doute, mais nous danserons encore''.


Fred Vargas
Archéologue et écrivain

samedi 27 octobre 2018

Sacro-sainte bagnole

Que fait l'homme en cet automne qui n'en est pas un? Il se plaint. L'automobiliste trouve le prix du carburant trop cher. Et le paysan se désole de voir que ses champs ne produisent rien du fait de la sécheresse. Voilà les deux sujets qui ouvraient, l'un après l'autre, le journal de France 3 Centre - Val de Loire hier soir. Sans qu'il y ait de lien entre eux.

La colère gronde, nous dit-on, chez les automobilistes qui se voient pressés comme des citrons par le gouvernement. Ils contestent les taxes imposées sur le carburant. Même si la hausse des prix est moins le fait d'une augmentation des taxes que de celle du dollar et du prix du pétrole (1). 
Bien sûr, les gouvernements français successifs ont décidé d'augmenter les taxes sur le gasoil pour décourager l'usage de véhicules extrêmement polluants en particules fines. Et ça marche: les ventes de ces véhicules équipés de moteurs diesel s'effondrent. Mais les automobilistes sont en train de se mobiliser pour bloquer les routes et les stations-services. Bref, ils vont se mettre en grève. Espérons qu'elle dure longtemps.

On comprend mieux le désespoir des paysans face à leurs prairies et leurs champs asséchés. Les éleveurs sont obligés depuis des semaines de nourrir leur bétail avec du fourrage, faute d'herbe dans les prairies. Leurs réserves fondent à vue d'œil. Et les agriculteurs ne voient et ne verront sans doute pas pousser les céréales qu'ils ont plantées il y a des semaines. Il faut s'attendre à voir, dans les mois et même les années qui viennent, les prix agricoles flamber et les ressources des paysans diminuer. 

Mais d'où vient cette sécheresse (ces sécheresses) sinon du dérèglement climatique? Lui-même dû à nos consommations excessives et notamment à la pollution engendrées par les moteurs thermiques.
Les prix du carburant ne sont pas trop chers. Ils devraient être multipliés par trois ou quatre pour que nous changions enfin nos modes de vie. Combien n'en voit-on pas de ces personnes qui, quotidiennement,  prennent leur voiture pour faire quelques centaines de mètres parfois, un ou deux kilomètres tout au plus pour aller acheter leur journal ou leur baguette ou conduire leurs enfants à l'école? Combien encombrent les centres des villes, après avoir cherché un quart d'heure à se garer, avec des voitures-ventouses qui ne bougeront pas huit heures d'affilée? Combien laissent tourner leur moteur cinq, dix, quinze minutes, le temps de discuter avec des connaissances croisées dans la rue ou sur la place? Visiblement, le prix de l'essence n'est pas trop cher pour ces gens-là.
Il existe divers moyens de lutter contre la hausse des prix des carburants. C'est de rouler moins vite et plus souplement par souci tant économique qu'écologique. C'est aussi et surtout de prendre sa voiture individuelle de manière plus réfléchie - uniquement quand elle est indispensable (elle ne l'est pas souvent) - et de lui préférer, chaque fois que c'est possible, la marche, le vélo, les transports en commun, le co-voiturage. Encore faut-il, c'est vrai, que les pouvoirs publics mènent une politique cohérente en la matière, en rouvrant des voies, des arrêts, des lignes de bus, de tram et de chemin de fer, plutôt que d'en fermer comme c'est le cas aujourd'hui, tant en Belgique qu'en France.
A Argenton-sur-Creuse, la SNCF supprime des trains. En Wallonie, les TEC ont supprimé les bus du dimanche sur diverses lignes. Comment comprendre d'aussi stupides décisions? 

De plus en plus de villes se ferment et se fermeront aux moteurs les plus polluants. Comment faire autrement maintenant que la coupe est pleine? Mais il faudra bien aller plus loin.
Il y a quarante-cinq ans, c'était la première crise pétrolière. Les prix du pétrole avaient flambé et nos gouvernements avaient décrété les dimanches sans voiture. C'était l'heureux temps où les réseaux dits sociaux n'existaient pas et où les grognons se fédéraient plus difficilement. N'empêche qu'il y eut beaucoup de mécontents, fâchés de ne pouvoir aller en voiture à la pêche ou manger chez maman le dimanche midi. Mais il y eut aussi d'innombrables bienheureux, profitant du silence retrouvé le temps d'une journée et des espaces disponibles pour les tricycles, les vélos et les chevaux. Il faudra bien réfléchir, d'urgence, à des mesures de ce type si on veut éviter la catastrophe. Ou en tout cas l'amoindrir.

Vouloir un pétrole, une essence, un diesel bon marché est non seulement un "combat" d'arrière-garde, mais bien plus une attitude suicidaire. On sait depuis longtemps que les prix du pétrole, qui ont fait du yoyo un moment, sont appelés à s'élever inexorablement. Et notre planète ne peut souffrir plus longtemps des excès qui sont les nôtres. On sait que les véhicules individuels à moteur thermique sont condamnés à brève échéance. Et quoi qu'en pensent la Le Pen et le Dupont-Aignant (qui retrouvent une raison d'exister en soutenant les râleurs), ce sont des mesures fortes de lutte contre tous les facteurs qui participent au dérèglement climatique qui devraient être prises. Elles ne seront sans doute pas populaires. C'est pourquoi aucun élu, s'il veut le rester, n'ose les prendre. Mais nous n'y échapperons pas, un jour à l'autre, parce que le mur s'approche. Celui contre lequel nous buterons tous si nous n'acceptons pas de sortir de ce confort égoïste et destructeur dans lequel nous baignons encore. Mais plus pour bien longtemps.
Un climat rééquilibré sera tout bénéfice pour l'environnement, pour l'agriculture et donc pour nous-mêmes.

(1) https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/26/les-taxes-ne-sont-pas-la-premiere-cause-de-la-flambee-du-prix-de-l-essence-et-du-diesel_5375162_4355770.html


mercredi 24 octobre 2018

Un ministre analphabète

La France n'a visiblement pas gagné au change avec son nouveau Ministre de l'Agriculture. Didier Guillaume estime que "c'est aux scientifiques de faire la preuve ou non qu'il y a des conséquences à l'usage des pesticides ou pas". Apparemment, il n'a pas encore découvert son nouveau domaine d'activité et ignore que des dizaines d'études ont déjà été effectuées à ce sujet et qu'elles s'accordent à affirmer le lien entre exposition aux pesticides d'une part et maladies humaines et perturbation de la bodiversité de l'autre.

Et certaines de ces études remontent à plus de cinquante ans. Dans Silent Spring, la biologiste américaine Rachel Carson dénonçait l'impact des pesticides. C'était en 1962. "Pour la première fois dans l'histoire du monde, l'homme vit au contact de produits toxiques, depuis sa conception jusqu'à sa mort." Avant de publier ce livre, elle l'avait fait relire par des sommités scientifiques, ce qui lui permettait d'affirmer que les pesticides de synthèse, au premier rang desquels le DDT, s'attaquent au vivant: insectes, oiseaux, humains. Et que le DDT est sans le moindre doute cancérogène. Il faudra attendre neuf ans pour qu'il soit interdit en France. Et aujourd'hui encore on en trouve des traces dans nos corps.
En 1963, l'ingénieur chimiste français Roger Heim - alors directeur du Muséum d'Histoire naturelle et un des fondateurs de l'Union internationale pour la Conservation de la Nature - s'indignait: "on arrête les gangsters, on tire sur les auteurs de hold-up, on guillotine les assassins, on fusille les despotes - ou prétendus tels -, mais qui mettra en prison les empoisonneurs publics instillant chaque jour les produits que la chimie de synthèse livre à leur profit et à leurs imprudences?"
A moins d'être sourd et aveugle ou de se mettre la tête dans le sable, on connaît donc depuis des décennies le danger des pesticides de synthèse.
Ce qui n'empêchera pas l'industrie chimique de continuer à mettre sur le marché de plus en plus de produits extrêmement toxiques que les syndicats et les chambres d'agriculture présenteront comme autant de produits miracles pour la production agricole et sur lesquels se jetteront les agriculteurs comme la faim sur le monde. Certains d'entre eux mourront de ces miracles assassins.
Dans un rapport de 2010, l'Inra (Institut national de la Recherche agronomique), qui a longtemps soutenu divers pesticides, s'étonne: "L'autorisation d'utilisation du Curlone (note: un des noms commerciaux du chlordécone, insecticide mis au point en 1951) est surprenante. Comment la Commission des toxiques a-t-elle pu ignorer les signaux d'alerte  mentionnés précédemment: les données sur les risques avérés publiées dans de nombreux rapports aux Etats-Unis, le classement du chlordécone dans le groupe des cancérogènes potentiels, les données sur l'accumulation de cette molécule dans l'environnement aux Antilles françaises?"
Le chlordécone avait été interdit en France dès le début des années '90, mais avec des dérogations successives qui ont chaque fois prolongé les autorisations d'utilisation. Et donc de pollution. Ce qui amène Fabrice Nicolino à dire que "les bananeraies des Antilles et bien au-delà sont pourries pour des centaines d'années. Ce poison mettra en effet des siècles à se dégrader, tant est grande sa stabilité. Les Antillais détiennent le record mondial du cancer de la prostate - effet documenté de l'exposition au chlordécone -, et la région connaît des formes atypiques de la maladie de Parkinson." (1)

En 2003, le rapport de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) constatait que les pesticides favorisent les leucémies, les tumeurs cérébrales, la maladie de Parkinson, celle d'Alzheimer et d'autres encore. Ils affectent aussi la santé mentale (troubles anxieux et dépressifs), ce qui (c'est le rapport qui l'affirme) "pourrait, dans une certaine mesure, contribuer à expliquer les excès de suicides en milieu agricole observés dans de nombreux pays".
De son côté, Santé publique France mène actuellement une étude "sur l'imprégnation par les pesticides sur 2000 adultes et 1000 enfants". Les résultats ne sont pas encore connus, mais "nous avons déjà constaté, dit le directeur du département Santé environnement, une surexposition des femmes enceintes  par rapport à d'autres pays, notamment par les pyréthrinoïdes, qui sont des insecticides domestiques" (2).
Le journal Le Monde, dans son édition du 17 septembre 2018, a publié une enquête effrayante de Nathaniel Herzberg qui nous apprend que nous faisons face à une poussée sans précédent de champignons dangereux. Certains diminuent les récoltes de blé de 20% et en profitent pour tuer autant d'humains que la tuberculose. "L'industrie des pesticides fait des fortunes depuis des lustres, écrit Fabrice Nicolino, en vendant des antifongiques à tout-va. En provoquant au passage des phénomènes de résistance inouïs: les champigons finissent par muter et deviennent indestructibles. La faute à des traitements pesticides de plus en plus fous. Cet été, dans les vignes du sud, on a traité de 15 à 17 fois successives, contre 11 fois en moyenne. Le pesticide n'est pas la solution, mais le problème." (3) Les pesticides sont censés lutter contre la peste. Ils l'apportent et la développent.

Mais le nouveau ministre français de l'agriculture a des doutes. Il attend, les yeux fermés et les mains sur les oreilles, des preuves scientifiques. Combien de rapports lui faudra-t-il encore? Combien de malades, combien de morts? 
En attendant, signez et appelez à signer - si ce n'est déjà fait - l'appel "Nous voulons des coquelicots": 

(1) Toutes ces informations sont tirées de "Nous voulons des coquelicots", Fabrice Nicolino et François Veillerette, éd. Les Liens qui libèrent, 2018.
(2) Antonio Fischetti, "Les pesticides, la vraie peste", Charlie Hebdo, 19.9.2018.
(2) Fabrice Nicolino, "Le glyphosate - Il attaque aussi les abeilles", Charlie Hebdo, 3.10.2018.

(Re)lire sur ce blog:
- "Nous voulons des coquelicots", 15.9.2018;
- "La peste soit des pesticides", 7.10.2018;
- "Ma terre dolorosa", 13.2.2018.

mardi 23 octobre 2018

En arrière, toute!

Le Comité des Droits de l'Homme, organe dépendant du Haut Commissariat pour les Droits de l'Homme de l'ONU, vient de rendre un avis pour le moins interpellant: il condamne la France pour la verbalisation en 2012 de deux femmes entièrement voilées (1). Comme dans d'autres pays, y compris musulmans, le voile intégral islamique est interdit en France depuis 2010.
Ce qui démontre qu'il manque un Comité des Droits de la Femme. S'il existait, celui-ci pourrait démontrer tant de choses et participer à l'interdiction partout dans le monde de ce vêtement de la honte (1).
- La burqa n'est pas un vêtement religieux ancestral, mais une mode contemporaine.
- La burqa stigmatise les femmes, obligées de cacher leur corps impur.
- La burqa est le vêtement de l'obscurantisme.
- La burqa, au départ, a été imposée par les talibans et tous ces barbus qui veulent affirmer leur domination. Les témoignages sont nombreux de ces femmes qui ont fui l'Iran ou l'Afghanistan pour pouvoir vivre librement en Occident et qui sont révoltées de voir de "braves gens" défendre le port de la burqa par relativisme culturel.
- La burqa est, dans les sociétés occidentales, essentiellement portée par des néo-converties qui veulent affirmer de manière forte et visible leur foi nouvelle.
- La burqa cache entièrement le corps, en ce compris le visage, ce qui est formellement interdit dans les espaces publics pour des questions de sécurité (on le comprend aisément) et de communication. L'autoriser aux unes et l'interdire aux autres serait discriminatoire. Ou alors raciste? 
- La burqa a parfois été utilisée, dans différents pays du monde, par des repris de justice ou des terroristes pour se cacher (ce fut le cas tout récemment en France de Rédoine Faïd après son évasion de prison).
- La burqa est souvent portée par des femmes névrosées qui ne supportent pas d'être vues. Certaines en témoignent: je ne supporte pas qu'on me regarde, disent-elles, sans vouloir admettre qu'on les regarde beaucoup moins quand elles sont vêtues normalement que quand elles se cachent sous un long voile informe qui dit: regardez-moi, je n'existe pas. 
Si la burqa devait être admise dans l'espace public, on peut aisément imaginer qu'il deviendra vite difficile pour les femmes de se promener dans certains quartiers bras et jambes dénudés et pour des couples homosexuels de s'afficher. Qui n'est pas un homme (et donc a priori hétéro) devra se cacher.
L'avis du Comité des Droits de l'Homme de l'ONU n'a heureusement aucun caractère contraignant. La Cour européenne des Droits de l'Homme avait, elle, validé la loi française interdisant le port de la burqa.
Mais quand même, on s'interroge: qui sont les membres de ce Comité? Quel intérêt trouvent-ils à vouloir permettre qu'on cache le corps des femmes? De quoi sont-ils frustrés? Pourquoi participent-ils à la stratégie des islamistes? La burqa est leur étendard.

C'est le peuple qui s'asservit et qui se coupe la gorge; qui, pouvant choisir d'être soumis ou d'être libre, repousse la liberté et prend le joug; qui consent à son mal, ou plutôt qui le recherche...
Etienne de la Boétie, Discours de la soumission volontaire, 1576.

(1) France Inter, Journal de 13h, ce 23 octobre
https://www.huffingtonpost.fr/2018/10/23/interdiction-de-la-burqa-un-groupe-de-lonu-condamne-la-france_a_23569046/?utm_hp_ref=fr-homepage
(2) (Re)lire sur ce blog:
"Cette gauche qui n'aime pas les femmes", 3.8.2018
"Mauvaise foi", 28.5.2018
"Cachez cette femme que je ne saurais voir", 24.10.2016
"Pour vivre heureuses vivons cachées", 30.10.2015
"De l'utilité de la burqa", 24.10.2011
"Vin, voile et burqa", 22.6.2009

Post-scriptum:
https://www.marianne.net/societe/port-de-la-burqa-aux-origines-de-l-inacceptable-lecon-des-experts-de-l-onu-la-france

samedi 20 octobre 2018

Merci, Jean-Luc

Les derniers éclats de Jean-Luc MélenChe nous ont (s'il le fallait) ouvert les yeux: aucun homme, aucune femme politique n'est parfait-e. Nos idéaux ne peuvent être incarnés. On savait l'homme explosif, il se révèle caractériel.
Il s'était gentiment - et à raison - moqué de ces candidats (Fillon, Le Pen fille) poursuivis par la justice pour non respect des règles mais qui se posent en victimes. Et voilà qu'il fait de même en hurlant face aux policiers qui opèrent une perquisition chez lui et dans les locaux de son parti. On peut évidemment comprendre qu'il y ait là de quoi s'énerver, mais de là à se présenter comme "La République" intouchable, il y a un pas. Comme si les policiers et le juge qu'il bouscule n'agissaient pas précisément au nom de celle-ci. La République représente un ensemble de principes, de valeurs, de règles. Lesquels incarne encore Jean-Luc Mélenchon? Quand la justice agit contre ses concurrents, il la soutient. Quand elle s'intéresse de trop près à lui, il lui crache à la figure.
Il fait de même avec les journalistes. Quand il ne sait pas répondre, il agresse. Une journaliste lui demande s'il ne se sent pas en contradiction avec ses propos précédents quand il critiquait les Le Pen et Fillon qui pointaient une justice politique. Incapable de répondre, il choisit la méthode Trump: attaquer, insulter. Il se moque de l'accent de la journaliste: "quesseu-queu ça veut direu?", demande l'élu de Marseille. Et d'ajouter: "quelqu'un a une question formulée en français et à peu près compréhensible? Parce que votre niveau me dépasse, je ne comprends pas". Sait-il que les gens méprisants sont méprisables?
Aujourd'hui, il poursuit sur sa lancée, traitant les journalistes de France Info (qu'il appelle "radio d'Etat") d' "abrutis" et appelant ses militants à "discréditer" ces "menteurs" et ces "tricheurs". Ils ont eu l'audace d'analyser ses comptes de campagne et de se poser des questions. Il n'y a que des abrutis pour faire cela.

On voit par là qu'il faut cesser de confier notre avenir à de beaux parleurs. Ils peuvent être de laids hurleurs, d'hystériques goujats, d'horribles imprécateurs.
On voit aussi qu'il faut cesser de s'en remettre à des professionnels de la politique. Elu depuis tant d'années, n'ayant jamais vécu que de la politique, Le MélenChe croit que tout lui est permis. Même de se prendre pour ce qu'il n'est pas : un leader maximo au-dessus des lois et des règles de la décence et de la dignité.
On voit enfin - et hélas - que Trump fait école.
Résumons-nous: il faut en finir avec le système représentatif électif. Il est nuisible à l'équilibre mental.


La réponse des journalistes de France Info à Jean-Luc Mélenchon:

Les « abrutis » de France Info à Mr Mélenchon…

Monsieur Mélenchon,

Hier, vendredi 19 octobre, vous avez dans une vidéo violemment attaqué le travail des journalistes de la cellule investigation de Radio France. Critiquer, contester, démentir le contenu d’une enquête journalistique est votre droit le plus strict. Votre collègue, député de la France Insoumise, Adrien Quatennens, invité de la matinale de France Info vendredi matin ne s’en est pas privé. Vous êtes le bienvenu pour le faire sur toutes les chaînes de Radio France, mais  vous refusez systématiquement les invitations qui vous sont lancées. Car selon vous, les radios de Radio France ne sont pas des chaines de service public, mais des radios d’Etat. Étonnant concept que voilà, des radios d’Etat qui invitent les plus farouches opposants au pouvoir en place… Dans votre vidéo, vos affirmations sont autant haineuses qu’imprécises et erronées. Tout d’abord, vous réservez vos insultes aux seuls journalistes de France Info, sachez que la cellule investigation de Radio France est une entité transversale, il y a donc des « abrutis » dans toutes les rédactions de Radio France. Entité transversale qui depuis sa création fait un travail salué par tous et qui, Mr Mélenchon, s’intéresse autant aux comptes de campagne de la France Insoumise qu’à ceux de La République en Marche. Entité transversale qui se doit de coordonner la publication de ses enquêtes sur plusieurs chaînes, c’est pourquoi, contrairement à ce que vous affirmez, il n’a jamais été question de diffuser ces reportages mardi dernier, mais, comme chaque semaine vendredi, sur France Inter et France Info dans une version allégée, puis samedi, dans de formats plus larges sur France Info et dans l’émission « Secrets d’info » sur France Inter.

Plus loin dans votre intervention, vous invitez vos soutiens à nous « pourrir » et nous « discréditer », car, parlant des journalistes de France Info (vous oubliez tous les autres), vous poursuivez : “Ils ont l’air de ce qu’ils sont, c’est-à-dire d’abrutis. Je demande à ceux qui nous suivent de relayer nos arguments, de montrer pourquoi France Info ment et de discréditer les journalistes qui s’y trouvent”.” Relayez, relayez sans arrêt. Pourrissez-les partout où vous pouvez. Parce qu’il faut qu’on obtienne au moins un résultat […] il faut qu’à la fin il y ait des milliers de gens qui se disent ‘Les journalistes de France Info sont des menteurs, des tricheurs’.”

Que répondre à tels propos ? Mardi vous assuriez que votre personne était « sacrée ». Alors voilà, Mr Mélenchon, ce qui est « sacré » pour nous : L’information. Oui, ça peut paraître désuet dit comme ça, mais sachez que les journalistes de Radio France ont chevillée au corps la conviction que dans leurs radios de service public (et toutes les enquêtes de satisfaction du public le confirment) le traitement de l’information ne fait l’objet d’aucune approche partisane, de censure ni d’autocensure. Et la Société des Journalistes qui s’adresse à vous ici effectue chaque jour un travail de veille et de vigie sur le traitement de l’information à Radio France qui donne lieu à des débats permanents, car oui, Mr Mélenchon, il est des journalistes qui se remettent en question.

Vos propos sont blessants, ils pourraient être drôles. Quand vous affirmez que certains d’entre nous « vendent des barquettes de frites dans les supermarchés pour 1000 euros de l’heure », nous pourrions en rire. Mais après de telles atteintes à notre intégrité, non, franchement, nous n’avons pas ri. Car voyez-vous, Mr Mélenchon, vous qui déclariez en mars dernier que « la haine des médias était juste et saine », vous allez tellement loin que nous nous demandons quelles pourraient être les conséquences de tels propos. Si demain un ou une journaliste de Radio France se faisait physiquement agresser par une personne habitée d’une « haine juste et saine » et qui aurait mal interprété votre appel à « pourrir » des « abrutis », quelle serait alors votre réaction ?

« La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat ». Hannah Arendt.

(Re)lire sur ce blog:
- "Jean-Luc Iznogoud", 10.5.2018.
- "Le triste temps des suffisants", 27.8.2018

A lire:
https://www.nouvelobs.com/medias/20181018.OBS4134/ce-que-montre-la-sequence-de-melenchon-imitant-l-accent-d-une-journaliste.html
https://www.marianne.net/debattons/billets/perquisitions-pourquoi-l-attitude-de-melenchon-est-une-faute
https://www.huffingtonpost.fr/2018/10/17/melenchon-se-moque-de-laccent-du-sud-dune-journaliste_a_23563909/?utm_hp_ref=fr-homepage
https://www.lesoir.be/185681/article/2018-10-20/melenchon-appelle-pourrir-les-journalistes-de-france-info-des-propos-extrements
https://www.marianne.net/politique/conference-de-presse-post-perquisitions-jean-luc-melenchon-ou-le-retour-fracassant-de-la
https://www.marianne.net/politique/jesuisunabruti-chronique-d-une-nouvelle-guerre-entre-melenchon-et-les-medias

Post-scriptum: excellent billet de François Morel sur cette question ce 26 octobre:
https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-francois-morel

jeudi 18 octobre 2018

Grands désespérés

Le climat change et les catastrophes se succèdent et se succèderont. Mais qui s'en soucie?
Pas les élus et les chefs d'entreprise de Saint-Etienne chez qui l'annonce de l'abandon de la construction d'un tronçon d'autoroute entre leur ville et Lyon suscite un "grand désespoir". Ces élus et ces chefs d'entreprise nous désespèrent. Ils sont "furax", nous dit la journaliste de France Inter (1), d'apprendre que cette voie de 47 km ne se fera pas. Jugé peu compatible "avec la tragédie écologique", ce projet d'A45 a été enterré par la Ministre des Transports. Aussi délicat qu'un Mélenchon face à des policiers qui le perquisitionnent, un cadre du Medef a déclaré: "qu'ils aillent se faire foutre". C'est précisément ce qui nous arrive et nous arrivera à tous: se faire foutre par le dérèglement climatique entretenu par le Medef et tous ses correspondants et leurs soutiens à travers le monde. "Une erreur historique", disent les pro-A45, sans penser une seconde que c'est l'inverse, la création de l'autoroute, qui serait aujourd'hui une erreur historique.
A Limoges s'est créé un "Comité de salut climatique", référence au Comité de salut public, premier organe du gouvernement révolutionnaire mis en place en 1793 par la Convention pour faire face aux dangers qui menaçaient alors la République. Lors d'une récente conférence, ce Comité rappelait qu'il faut s'attendre en Limousin, comme ailleurs, à une rareté de l'eau, à la sècheresse, à des canicules fréquentes, à un impact majeur sur la faune et la flore. "Quand ça va devenir difficile chez nous, c'est que ce sera carrément invivable ailleurs", selon Jean-Jacques Rabache, le directeur de Limousin Nature Environnement. Jean-Louis Pagès qui anime ce Comité estime que "à force de dire qu'il y a des solutions, on finit par oublier qu'il y a des problèmes à régler. La léthargie collective doit cesser". Il est urgent d'agir, renchérit Nicolas Thierry, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine en charge de la biodiversité: "le citoyen a principalement deux cartes entre les mains: la première, c'est sa carte de crédit pour faire des choix éclairés en tant que consommateur. L'autre, c'est sa carte d'électeur." 
Mais ils sont nombreux en politique et plus encore dans les milieux économiques ceux qui pensent vivre encore dans les années '60, ceux qui croient encore que les voitures et les autoroutes sont facteurs d'un développement dont ils ne veulent pas voir la fin, ceux qui n'ont fait que multiplier les "erreurs historiques". Au risque de voir l'histoire s'arrêter. 
Disons-le tranquillement: qu'ils aillent se faire foutre.

(1) Journal de 8h, ce 18 octobre 2018.
(2) "La fin d'un monde et l'espoir d'un autre", Le Populaire du Centre, 17.10.2018.



mercredi 17 octobre 2018

La chute des papillons

Le week-end dernier, anormalement estival, fut très vert. Les écologistes ont connu un succès important lors d'élections en Belgique, au Luxembourg et en Bavière. Les jeunes, en Belgique en tout cas, furent nombreux à soutenir les Verts. C'est qu'ils sont, plus que les autres, concernés par la dérive insensée et incontrôlée de la planète Terre. Du bout des lèvres, des candidats d'autres partis commencent à reconnaître l'urgence écologique. On peut espérer que l'entrée des écolos dans des majorités communales empêchera les projets négatifs pour l'environnement et, bien plus, s'appuiera sur un tout autre type de développement, en renversant la vapeur (cette vapeur qui est à l'origine du désastre actuel - et futur).

A Tournai, on annonçait, pour ces élections communales, un combat de coqs entre le Ministre-Président de la Communauté française et la Ministre fédérale de l'Energie. Qui allait vaincre l'autre?  De combat, il n'y eut pas. A vouloir être au four et au moulin, ils ont été battus par eux-mêmes. On ne peut être en même temps bourgmestre ou échevin et ministre. Tous deux se sont affaissés dès leur entrée dans le gallodrome, y laissant de nombreuses plumes, quantité de voix et une bonne part de leur superbe. 

"Tournai, rien d'autre", affichait durant la campagne Marie-Christine Marghem, ministre fédérale empêtrée dans le dossier nucléaire. Ce slogan fut un cadeau à l'opposition écologiste au niveau fédéral qui y trouva une explication à son incapacité à maîtriser ses dossiers nationaux. Mais aussi un message contradictoire à ses électeurs tournaisiens qu'elle avait laissés tomber en abandonnant, après deux ans, son échevinat tournaisien, pour lui préférer une fonction ministérielle.
Même explication à la chute de Rudy Demotte. Quelle prétention faut-il avoir pour, alors qu'on est ministre, venir s'installer dans une ville, proclamant urbi et orbi (urbi surtout) qu'on entend en être le bourgmestre, et ensuite, une fois élu, se déclarer empêché d'exercer la fonction parce qu'on reste ministre durant toute la législature? Croyait-il que les Tournaisiens allaient le réélire à une fonction qu'il voulait mordicus mais qu'il a négligée une fois élu?
A vouloir être partout, Marghem et Demotte n'étaient nulle part. Les coqs n'étaient que papillons.
La démocratie est parfois rassurante. Les électeurs ne sont pas aussi couillons que semblent le croire certains candidats, du haut de la certitude qu'ils ont de leur caractère indispensable. Le cumul de mandats a parfois fasciné. Est-ce encore le cas? Ici du moins, on peut en douter.
En attendant, c'est celui qui se fait appeler "Polo" qui a triomphé et passe d'échevin délégué à la fonction maïorale (le titre qu'avait voulu lui imposer Demotte) à bourgmestre en titre, en fonction et non-empêché. L'homme est qualifié de populiste, de shérif, de brut de décoffrage; il n'a, loin s'en faut, aucun talent de rhéteur (ce qui participe, dit-il, de sa popularité); n'est ni un analyste fin, ni un visionnaire, ni un grand démocrate, mais les Tournaisiens devront s'en accommoder pour six ans. 
Que va devenir Rudy Demotte? On peut parier qu'on lui trouvera un poste de président dans une instance internationale (ou régionale?). Le Ps a toujours su trouver des lots de consolation pour ses braves officiers. 
Une réflexion encore sur le Ps: son siège national est situé boulevard de l'Empereur à Bruxelles. Et voilà qu'on découvre que son QG tournaisien est un café nommé L'Impératrice. C'est le côté napoléonien des socialistes. 

Enfin, un mot sur les intoxiqués de la politique. Raymond Langendries, évincé du maïorat à Tubize en 2012, rêvait de prendre sa revanche. A 75 ans. Raté pour cette fois. En 2024, peut-être? A Marche-en-Famenne, par contre, André Bouchat (79 ans) est confortablement réélu bourgmestre. Il occupe la fonction depuis 1986. Claude Eerdekens (70 ans) fait mieux encore: il vient d'être réélu à Andenne dont il est bourgmestre depuis 1972. En Belgique, à 65 ans au plus tard, on est poussé vers la sortie pour faire place aux jeunes et ce n'est que normal. Pourquoi la régle ne s'applique-t-elle pas en politique?

(Re)lire sur ce blog,
- "En nu onze hit-parade met Rrrrrrrudy", 10 octobre 2018;
- "Pêcheurs empêchés", 13 octobre 2018;
- "Le petit déjeuner des gens de terrain", 17 octobre 2018.

mardi 16 octobre 2018

Pluie du matin n'arrête pas le progrès

Pluies torrentielles dans l'Aude. Il est tombé en quelques heures l'équivalent de quatre mois de pluie. Résultat: des maisons détruites ou inondées, des routes et des ponts emportés et surtout onze morts. Le premier ministre est venu faire part à la population locale de sa compassion. Bien sûr, cette présence et cette attitude font partie de son rôle, mais l'empathie ne changera rien: cette catastrophe-ci n'est qu'un épisode parmi beaucoup d'autres à venir dans un contexte climatique totalement perturbé. Les météorologistes sont pointés du doigt pour leur incapacité à prévoir ces pluies dont le degré de violence, disent-ils, est imprévisible. Les climatologues et le Giec, eux, annoncent depuis longtemps la multiplication d'orages très violents, de typhons, d'inondations, de périodes de sècheresse, de fonte des glaciers, de montée du niveau des mers. Mais les politiques pas plus que les citoyens n'entendent changer de cap et d'habitudes.
Le même jour, on apprend que pendant le congé de début novembre, les Belges seront 20% de plus à prendre l'avion "pour changer d'air". Ce faisant, ils changeront l'air aussi. Mais qui s'en soucie, sinon ceux qui ont maintenant les pieds dans l'eau?
On apprend aussi que "les milieux économiques" du Limousin font pression sur les autorités politiques pour que soit construite une autoroute entre Limoges et Poitiers. Les milieux économiques devraient mettre le nez dehors et regarder ce qui se passe autour d'eux. La voiture n'est pas la solution. Elle est le problème. Mais qui oserait remettre en question cette déesse?

samedi 13 octobre 2018

Y a-t-il un traducteur dans la salle?

"OSEZ, RISQUEZ... GAGNEZ
Clovis est bien né à Tournai!
... Alors pourquoi pas Julien Sorel!?
... Alors pourquoi pas Vous!?
La chartreuse reste à Parme;
Alors, mettons Tournai en pole
... Parce que
Vous le valez bien!
Alors quoi de 9 à tournai?"
Voilà, tel quel, à la virgule près, le tract électoral de Jean-Louis Claux.
Cet ancien élu libéral s'est fâché avec le MR. Dès le lendemain, Rudy Ier, bourgmestre empêché en titre, le récupérait sur sa liste dite socialiste.
Etait-ce vraiment une bonne idée?
Au dos de ce folder, on peut notamment lire:
"Avant tout, la force d'une équipe soudée: Vincent, François, Paulo et les autres...
A vos gardes, tournaisien(ne)s!"
Ou encore "Qu'est-ce qui nous fais croire, qu'il nous faut abandonner l'espoir, au pays de Jaurès."
Et aussi "Et chante à pleine voix, n'aie pas peur de les rendre sourds, ils le sont déjà depuis longtemps".
On voit pas là que la politique est parfois dangereuse pour la santé mentale.

jeudi 11 octobre 2018

Jusqu'au bout

Le GIEC vient de publier son nouveau rapport: le réchauffement climatique va atteindre 1,5°C en 2030. Au-delà, les risques sont nombreux - on les connaît déjà, mais ils seront pires encore: canicules, extinctions d'espèces, déstabilisation des calottes polaires, montée des océans, etc. Si on en reste aux accords de Paris de 2015, la hausse des températures atteindra allègrement les 3°C à la fin du siècle. Et ce sera une vraie catastrophe. On ne donne pas cher de la survie de quantité d'espèces, dont l'humaine. Il faut dès lors, dit le Giec, engager des transformations "rapides et sans précédent".

Que fait l'homme par rapport à ces menaces? Il garde son sang froid. Il reste mobile. 
Il prend l'avion et le prendra de plus en plus, avec l'aide notamment de Ryanair qui envisage l'ouverture de nombreuses lignes nouvelles. A Bruxelles, par exemple, il en annonce six et une augmentation du nombre de vols sur d'autres lignes déjà ouvertes.
L'homme part aussi en croisière sur les mers et les grands fleuves sur des paquebots qui transportent 3 ou 4.000 voyageurs et émettent autant de particules fines qu'un million de voitures.
L'homme va aussi tranquillement au salon de l'auto à Paris où il rêve de s'acheter un SUV. Il n'en a pas besoin, mais ce type de véhicule lui donne une allure d'aventurier urbain. "En 2009, écrit Fabrice Nicolino (1), les SUV ne représentaient que 6% des ventes de voitures neuves en France. On en est à un tiers. (...) Au plan mondial, cela donne 5 millions de SUV vendus chaque année en 2000, 20 en 2015, et 42 d'ici à une douzaine d'années." Comment s'étonner que les émissions de CO2 des voitures neuves repartent à la hausse depuis 2016? Ces monstres de la route prennent tellement de place que les rues des villes sont trop étroites pour les accueillir. Aux Etats-Unis, on détruit des parkings pour en construire de plus larges. En Suisse, on envisage d'élargir d'un demi-mètre au moins les voiries pour permettre la circulation des SUV. 
On voit par là que l'homme a le sens des priorités. Un sens particulier.



(1) "Salon de la bagnole, Trucage et enfumage", Charlie Hebdo, 26.9.2018.





dimanche 7 octobre 2018

La peste soit des pesticides

La campagne "Nous voulons des coquelicots" (1) a pris corps ce vendredi soir un peu partout en France. Des citoyens se sont réunis pour dire non aux pesticides. Ici, pour cette première, nous étions onze à nous retrouver sur la place du village pour envisager ce que nous pouvons faire pour arriver à nous débarrasser de ces poisons qui nous menacent tous.

Dans "Lettre à un paysan sur le vaste merdier qu'est devenue l'agriculture" (2), le journaliste Fabrice Nicolino, à l'origine de cette campagne, s'adresse à Raymond, un paysan imaginaire, victime comme tant d'autres de la machine agro-industrielle qui a broyé les agriculteurs, asséché les sols, pompé les nappes phréatiques, vidé les campagnes, empoisonné les terres, l'eau et l'air. Il parle du "grand projet de maîtrise totale (de la Terre, cette rebelle à mater) par l'industrie humaine". Dans ce grand projet, les pesticides sont un outil parmi d'autres. Aux conséquences incalculées et incalculables.

Les paysans eux-mêmes sont les premières victimes de ces poisons dont ils ont abusé pour leurs champs. Cas parmi tant d'autres: Yannick Chenet est mort d'une leucémie en 2011, reconnue maladie professionnelle sept ans auparavant. Après sa mort, Caroline Chenet-Lis, sa veuve, s'est rendu compte qu'il avait utilisé 300 pesticides différents pendant sa carrière. Il avait 46 ans. "Personne ne se posait la question autour de nous. Et les coopératives et les marchands qui nous livraient à la ferme ont bien sûr complètement oublié de nous dire que leurs produits étaient dangereux." Ses confrères sont nombreux à être dans le déni: "Yannick était un homme en colère. Cela ne l'a pas empêché de très vite chercher à convaincre les agriculteurs qui autour de nous utilisaient des pesticides sans se protéger suffisamment. Il s'est alors heurté au refus de certains de reconnaître que ces produits étaient la cause de son cancer et en a été blessé." (3) Mais il a rencontré d'autres agriculteurs, eux aussi gravement malades. Ensemble, ils ont créé l'association Phyto-Victimes (4).
Et puis, il y a les autres, tous les autres, les familles, les voisins, les enfants des écoles, tous ceux qui respirent cet air empoisonné par ce qui est nous cyniquement présenté comme indispensable à notre nourriture. Ce qui nourrit nous tue.
Le nombre d'enfants nés sans mains ou sans bras dans l'Ain, en Bretagne et en Loire-Atlantique interpelle. Des "malformations congénitales graves" qui ne sont probablement pas dues au hasard, selon l'Agence Santé publique France. Toutes ces naissances ont eu lieu en milieu rural, là où on pourrait naïvement penser que notre santé ne peut qu'être préservée. L'enquête menée par l'Agence n'a identifié aucune cause et a été stoppée. L'épidémiologiste Emmanuelle Amar évoque, elle, "l'hypothèse, plausible à son sens, d'une exposition des mères à des pesticides ou des produits phytosanitaires, les sept cas recensés dans le département (de l'Ain) correspondant à des mères vivant dans un rayon de 17 kilomètres d'une zone agricole avec des champs de maïs ou de tournesols". (5)

Il y a urgence à en finir avec ce monde-là, avec cette industrialisation de la terre, de l'air, de l'eau, de la nature. Urgence à aider les agriculteurs à sortir du piège dans lequel ils se sont laissés enfermer par l'agro-industrie et son bras armé qu'est la FNSEA, le seul syndicat (à ma connaissance) à envoyer consciemment ses affiliés au cimetière.
L'agro-industrie, du haut de sa prétention, affirme être la seule à être capable de nourrir la planète. Elle parvient juste à la tuer. 
Alors qu'une solution existe - et existait bien avant l'agro-industrie: l'agroécologie. "Les preuves scientifiques actuelles, affirme Olivier De Schutter, qui fut rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l'alimentation (6), démontrent que les méthodes agroécologiques sont plus efficaces que le recours au engrais chimiques pour stimuler la production alimentaire dans les régions difficiles où se concentre la faim." L'agroécologie peut doubler la production alimentaire mondiale en dix ans. "A ce jour, les projets agroécologiques menés dans 57 pays en développement ont entraîné une augmentation de rendement moyenne de 80 % pour les récoltes, avec un gain moyen de 116 % pour tous les projets menés en Afrique." 
Fabrice Nicolino cite le rapport d'un colloque de la FAO en 2007 sur le thème "Agriculture biologique et sécurité alimentaire". Il en ressort, écrit-il, que cette agriculture est bonne pour la sécurité alimentaire, l'eau, les sols, la biodiversité. "Une conversion planétaire à l'agriculture biologique, dit le rapport, sans défrichement de zones sauvages à des fins agricoles et sans utilisation d'engrais azotés, déboucherait sur une offre de produits agricoles de l'ordre de 2 640 à 4 380 kilocalories par personne et par jour." Largement de quoi nourrir la planète et même au-delà, en conclut Nicolino. Alors, qu'est-ce qu'on attend?

En attendant, précisément, on peut signer l'appel "Nous voulons des coquelicots" sur https://nousvoulonsdescoquelicots.org
Nous sommes à ce jour 264 000 à l'avoir fait. Si chacun d'entre nous convainc cinq de ses connaissances d'en faire autant, qui elles-mêmes en feront autant, l'objectif de 5 millions de signatures sera vite atteint. Ce faisant, nous rendrons chacun conscient et responsable de ses actes et nous changerons tous nos pratiques. Parce qu'il y a urgence. Parce que notre vie et celles de nos enfants nous appartiennent.

(1) Lire sur ce blog "Nous voulons des coquelicots", 15.9.2018, et voir le site https://nousvoulonsdescoquelicots.org
(2) éditions Les Echappés, 2015.
(3) https://reporterre.net/Danger-des-pesticides-la-veuve-d
(4) www.phyto-victimes.fr
(5) http://www.francesoir.fr/societe-environnement/bebes-sans-bras-la-piste-des-pesticides-est-elle-credible
https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/le-mystere-des-enfants-sans-main-1538631911
(6) cité par Fabrice Nicolino dans (2).

P.S.: https://www.huffingtonpost.fr/2018/10/08/bebes-nes-sans-mains-yannick-jadot-accuse-les-pesticides-et-denonce-la-complaisance-des-autorites_a_23553991/?utm_hp_ref=fr-homepage
P.S.2: dans des vins du Bordelais, on a retrouvé jusqu'à 15 molécules différentes de pesticides par bouteille. La viticulture, qui représente 3% des terres cultivées en France, consomme 20 % des pesticides utilisés dans le pays (France 3, Journal, 8.10.2018, 19h30).

(Re)lire sur ce blog:
- "Ma terre dolorosa", 13.2.2018;
- "Perseverare diabolicum", 2.3.2016;
- "Adieu, veaux, vaches, cochons", 21.9.2015.