dimanche 31 mars 2013

Et pourtant elles tournent

Elles tournent chaque jour depuis un mois, les sept éoliennes de Saint-Maur, le long de la chaussée qui conduit de Tournai à Valenciennes. En réalité, elles tournent depuis quelques années. Mais durant ce mois de mars, j'ai été particulièrement attentif à leur fonctionnement. Les anti-éoliens de "Vent de raison" affirment que les éoliennes ne tournent pas plus de cinq ou six jours par mois (1). Qu'elles sont donc inutiles. On se demande où ils ont été pêcher pareil argument.
Bien sûr, il y eut parfois une éolienne à l'arrêt le matin; exceptionnellement, elles tournaient au ralenti.
Mais toujours, les trente-et-un jours de ce mois de mars, elles tournaient.
On peut crier face au vent. On n'a pas pour autant raison.

(1) lire "A la recherche de la sérénité", 1er mars 2013.

vendredi 29 mars 2013

La Meuse de la pensée

Claude Eerdekens, c'est "la politique expliquée à mon fils de six mois". Regarde bien, petit, regarde bien: d'un côté, il y a lui et son parti; de l'autre, les vilains écolos. C'est facile à comprendre. Lui, il fait tout ce qu'il faut pour que le monde continue à bien tourner. Eux, ils font tout l'inverse. Eux, ils sont dogmatiques, ils sont doctrinaires, ils sont fondamentalistes. Ils mènent les mêmes politiques que les ex-pays soviétiques et leurs cabinets sont truffés d'ayatollahs (1). En un mot, ils sont dangereux. Au point qu'il est "inquiet" et même "affolé". Son inquiétude nous inquiète.  Il parle de "suicide assisté". Pourtant, bien sûr qu'il comprend qu'on puisse se soucier de l'environnement. Mais il pense aussi que "si quelqu'un veut vivre à la campagne dans une villa 4 façades, cela reste son droit". Chacun doit pouvoir s'installer là où il l'entend. Car lui, c'est un vrai libéral, d'ailleurs il est membre du parti dit socialiste.
"Il faut des accents churchilliens", affirme-t-il. Une interview de Claude Eerdekens, c'est "Au théâtre ce soir". Cette semaine, il a droit à deux pages dans le Vif. Il devrait y tenir une chronique hebdomadaire. On a tellement besoin de rire en ces temps inquiets.

(1) Le Vif, 29 mars 2013.

jeudi 28 mars 2013

Les barjos de dieu

Enfant élevé dans la religion catholique, j'ai alors appris que "dieu est amour", qu'il aime tout le monde et qu'on doit aimer son prochain comme soi-même.
Depuis, j'ai un peu perdu le fil de ces histoires et aujourd'hui je m'interroge. Ou ma mémoire me joue des tours, ou la doctrine catholique a changé son discours, ou certains ne s'aiment pas eux-mêmes.
Les catholiques français se font menaçants: "ça va péter", annonce Christine Boutin, du Parti Chrétien-Démocrate. La raison de sa colère: le mariage pour tous. Une autre égérie des anti-mariage gay, celle qui se fait pertinemment appeler Frigide Barjot, bien qu'elle appelle à "un rassemblement pacifique", promet des "débordements" et "des troubles graves" (1) si le président Hollande n'annonce pas de changement. Le changement attendu serait la suppression de la loi autorisant le mariage pour tous.
D'autres opposants affirment que "le peuple va se lever" et appellent à la "résistance".
Dans la manifestation de dimanche, l'extrême droite était visiblement très présente et très active, cherchant la bagarre avec les forces de l'ordre et même avec les journalistes qui ont essuyé "insultes, crachats, entrave au travail, parfois même agression physique" (1).
La bêtise s'est-elle un jour mieux portée qu'aujourd'hui dans ce débat, souvent sereinement mené ailleurs (2)?  Et l'agressivité? Ceux qui ne sont pas du camp des opposants regardent ceux-ci comme des êtres étranges et inquiétants. Qu'est-ce qui justifie une telle hystérie, une telle hargne? Et Dieu dans tout ça?

(1) LLB, 28 mars 2013.
(2) (re)lire sur ce blog "Sacrés Français", 15 janvier 2013.

mercredi 27 mars 2013

Musique en coopérative

"On ne sait jamais à l'avance ce que l'on désire". C'est le slogan du label de disques indépendant "No Format!". Un slogan et un nom qui indiquent bien l'idée de découverte, d'ouverture, d'exploration.
C'est ce label qui a produit le superbe (le mot est faible) album de Ballaké Sissoko et Vincent Segal "Chamber Music". C'est lui aussi qui a produit des albums de Gonzales, de Nicolas Repac,  de Lokua Kanza, de Richard Bona (pour ne citer que les plus - un peu - connus).
Sur le plan économique, le label fonctionne sur le modèle coopératif: on s'abonne pour 50 € par an (1) et on reçoit les productions de l'année (trois au minimum). No Format repose donc sur la confiance que lui accordent ses coopérateurs, qui soutiennent ainsi des artistes que, la plupart du temps, ils ne connaissent pas. Mais sont assurés de faire de belles découvertes.
Tel le dernier cd de Melissa Laveaux, arrivé hier dans ma boîte aux lettres: "Dying is a wild night". La chanteuse canadienne, à la voix légèrement fêlée, développe une belle énergie dans un univers entre pop et soul. Si on cherchait des comparaisons, on penserait à Neneh Cherry, à An Pierlé, à Sophie Hunger. Mais en fait on pense surtout à Melissa Laveaux. Parce qu'elle est hors format.

(1) www.noformat.net

mardi 26 mars 2013

Borsus le polyglotte

Willy Borsus part en guerre contre Ecolo. "Je conteste l'extrémisme doctrinaire des écolos", dit le chef de groupe MR au Parlement wallon (1).
Le libéral qu'il est ne doit pas avoir de doctrine. Il la laisse aux marchés qui chaque jour un peu plus nous démontrent que le capitalisme est le meilleur des systèmes. Les entreprises ferment les unes après les autres, les travailleurs sont licenciés par milliers, mais il ne faut surtout pas faire preuve d'intégrisme, dit-il. Tout finira bien par s'arranger, suppose-t-on. En attendant son heure, Borsus mène la charge, et elle est lourde, contre le Gouvernement wallon et sa composante Ecolo en particulier. Il reproche au Gouvernement ses plans d'avenir.
Le journaliste de la Libre, Frédéric Chardon, demande à Borsus ce que propose le MR. Il répond que "la Wallonie a besoin de réformes et de changements. On sent aussi qu'on doit rompre avec les habitudes du passé, dit-il, et concentrer les moyens sur les priorités, c'est-à-dire les facteurs de développement économique et social et la production de services et ce qui apporte de la qualité de vie: les maisons de repos, les hôpitaux... Il faut désormais que la Région wallonne fasse un exercice vérité. Elle n'a plus le choix: elle va accueillir des compétences importantes venant du fédéral et la révision des mécanismes de solidarité entre régions met la Wallonie face à son devenir à l'horizon de 10 ans". On se sent tout de suite rassuré, on voit que le MR sera le parti de la situation, celui du grand changement. On voit aussi qu'on peut répondre à une question sans rien dire.
Le linguiste Louis-Jean Calvet estime que "les hommes politiques sont plurilingues: ils parlent le français, mais aussi la langue de bois, la langue de pute et la langue de vipère, sans oublier le politiquement correct qui consiste à changer les mots au lieu de s'attaquer aux choses" (2).
Willy Borsus est au moins trilingue.

(1) LLB, 25 mars 2013.
(2) Télérama, 18 juin 2008.

(re)lire aussi sur ce blog "Bon sens, mais c'est bien sûr", 15 mars 2013.

lundi 25 mars 2013

A table

Zapping à la télé ce samedi en fin d'après-midi. Tout le monde est à table.
Pas d'émission de cuisine, on y échappe cette fois, mais des eat and talk shows.
La 5 nous propose un résumé, un best of de la semaine visiblement, d'une émission qui réunit autour d'une table des chroniqueurs et leurs invités. Ils y mangent et y boivent tout en devisant.
Sur France 2, ils sont quatre à table, à l'intérieur, puis dans un jardin. Ils boivent (du vin eux aussi), mangent et discutent.
Il faut croire qu'il est particulièrement intéressant de suivre les propos d'intervenants qui parlent tout en mastiquant. Ainsi va la mode.
Au même moment, Euronews nous propose un sujet intitulé "Cholesterol Controversy". Rien ne vaut le régime méditerranéen, nous dit-on. On veut bien le croire.

vendredi 22 mars 2013

Souvenirs, souvenirs

Qui lit encore aujourd'hui les frères Goncourt? Qui se souvient qu'ils se prénommaient Jules et Edmond? Pourquoi donc continuer à décerner annuellement un prix qui portent le nom d'écrivains passés de mode?
Pourquoi attribuer chaque année des prix du disque au nom d'une académie qui porte le nom de Charles Cros, poète et inventeur qui serait tombé dans l'oubli s'il n'y avait eu ces prix?
Qui sait qui étaient Maurice Lemonnier, Adolphe Max, Antoine Dansaert et l'abbé Cuylits qui ont laissé leurs noms à des artères bruxelloises? Ne serait-il pas temps de rebaptiser ces rues et boulevards de noms de gens plus connus?
Les organisateurs de la plus importante compétition d'athlétisme de Belgique se sont posé ces questions. Ils se sont rendu compte que de moins en moins de gens savent qui était Ivo Van Damme, cet athlète à la mémoire de qui avait été créé ce mémorial si couru. Ils l'ont rebaptisé, nous dit-on, en Belgacom Mémorial.   
Un mémorial, nous dit Robert (le petit) est "un monument commémoratif", qui donc "rappelle le souvenir d'une personne, d'un événement". Peut-on en conclure que Belgacom ne serait bientôt plus qu'un souvenir? Qu'Ivo Van Damme ne vaudrait plus la peine qu'on se souvienne de lui? Et que l'argent n'a pas de mémoire?

P.S. (du 23 mars): après réflexion, les organisateurs ont finalement décidé de rebaptiser la compétition "Belgacom Mémorial Ivo Van Damme".

lundi 18 mars 2013

Vomir, dit-elle

Internet est un immense Café du Commerce. Sur les forums des sites d'information, sur les blogs, dans les chats, tout le monde a son mot à dire. Mais c'est le Café du Commerce un jour de carnaval. La toute grande majorité des personnes qui s'y expriment le font masquées. Et cet anonymat ne sert pas le débat. Les propos, parce qu'ils sont anonymes sans doute, sont le plus souvent assez insignifiants, renforcent les lieux communs et les clichés, ne sont pas argumentés. Quand ils ne sont pas agressifs ou grossiers. Internet sert de caisse de résonance aux grincheux, aux râleurs et à ceux qui ont tout compris mieux que les autres. Tous courageusement anonymes. Il y a bien longtemps que j'ai cessé de lire, par exemple, les commentaires postés à la suite des articles du Soir sur son site, tant ils sont le plus souvent affligeants de vacuité. Voire, osons le mot, d'imbécilité. Les lire ne serait que perte de temps et désespérance par rapport à l'humanité. Heureusement, pourrait-on dire, on ne trouve là que "le moins pire". Le pire a été effacé.
Pour éviter les dérives diffamatoires, haineuses, racistes, antisémites, xénophobes, pédophiles (et on oublie ou ignore sûrement), de nombreux sites d'information ont confié la régulation de leurs commentaires à des sociétés qui en ont fait leur boulot: nettoyer les écuries d'Augias, c'est-à-dire évacuer des forums les propos orduriers. Un travail de tout instant, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. "Les internautes arrivent à être idiots sur à peu près n'importe quel sujet", estime une modératrice de la société Concileo (1). Elle constate que les intervenants ne se lisent pas entre eux, qu'on n'est pas dans le débat avec ce qu'il implique d'échanges d'arguments. On est dans l'attaque frontale, dans la virulence, dans le débordement. La boue submergerait Internet sans l'intervention des régulateurs. Mais à quel prix? Les modérateurs souffrent d'une maladie professionnelle: la déprime face à la bêtise et la méchanceté quotidiennement exprimées. Ils en meurent parfois: "en Norvège, un modérateur s'est fait tuer", rappelle l'un d'eux (1). 

L'heure est à l'excès, les vannes sont largement ouvertes, tout est permis. Insultons-nous, Folleville!  L'homme (ou la femme) peut se lâcher, il ou elle a le droit d'avoir raison, contre la terre entière. "Je suis atterrée par le déferlement de haine à l'encontre des personnalités publiques sur les réseaux sociaux, et j'en ai moi-même fait les frais", écrit Lou Doillon (2). "Désormais, tout le monde peut zapper, liker, déliker, vomir et condamner à mort n'importe qui avec son smartphone."

Le site Rue89(.com) doit avoir des lecteurs polis, civils, courtois, se dit-on. On se trompe. Le site a toujours refusé de sous-traiter la régulation des commentaires qui lui sont adressés. Ses journalistes les gèrent eux-mêmes. Mais ces derniers temps, des lecteurs se laissent aller à l'insulte et la considèrent normale. "Nous avons publié (note: c'était en août 2012) un témoignage qui nous a semblé intéressant: une catholique y défendait la doctrine de l'église sur les questions sexuelles. Nous savions bien sûr que le débat qui suivrait serait vif, ce qui n'était pas pour nous déplaire (...). Des commentateurs se sont aussitôt livrés à une rafale d'insultes et d'invectives contre cette contributrice. Nous avons averti ces riverains, dépublié ces commentaires discourtois. Les insultes se poursuivant, nous avons bloqué quelques comptes. Depuis cet épisode, quelques riverains contestent la règle du jeu: ils considèrent comme faisant partie du débat normal les attaques personnelles, les agressions, voire les insultes envers d'autres commentateurs ou envers les auteurs de nos articles, tribunes ou témoignages. Nous ne les suivrons pas dans cette voie. (3)"
On voit par là que l'anonymat favorise la haine et la bêtise.
La preuve a contrario: le groupe Roularta (Le Vif, Trends-Tendances, Knack)  a modifié, depuis octobre 2012, la procédure d'identification pour ses forums en ligne. Désormais, plus question de pseudo. "Les réactions des internautes sont signées de leur nom afin d'optimiser la qualité générale du site internet" (4). 
Et ça marche: "nous avons perdu la moitié des réactions sur les articles", affirme Vincent Genot, rédacteur en chef adjoint des rédactions web, "mais celles-ci sont nettement plus intéressantes et de bien meilleure qualité. On ne peut pas pour autant affirmer avoir atteint un niveau idéal, il faut affiner le système. (...) Nous sommes donc ravis de ces résultats."

Le "moi je" s'exprime donc différemment quand il est identifié. Il peut plus difficilement être un "délinquant relationnel", comme le qualifie Michel Onfray (5). Il est plus humain. "L'être humain respectueux d'autrui, civil et sociable, s'oblige à ne pas gêner, à ne pas déranger ni à empiéter sur la liberté des autre", écrit Valérie Colin (5) qui cite le psychothérapeute Didier Pleux: "L'homme s'empêche de moins en moins. Il redevient ce mammifère étranger à ses pairs, tourné uniquement vers la satisfaction de ses besoins - manger, procréer, défendre ou attaquer." Si nous naissons tous égoïstes, il nous appartient d'humaniser nos existences, dit encore V. Colin. 

En fait, l'internaute anonyme ressemble beaucoup à l'automobiliste protégé par sa voiture: un chauffard qui adore se moquer des règles. Et écraser les autres. 

(1) cité(e) dans "Les sentinelles du net", Erwan Desplanques, Télérama, 28 novembre 2012.
(2) Télérama, 2 février 2013.
(3) rue89.com, "Rue89 et la rude tâche de la modération des commentaires", 20 novembre 2012.
(4) Journalistes (mensuel de l'Association des Journalistes professionnels de Belgique francophone, novembre 2012.
(5) "Je méprise, donc je suis", Le Vif, 28 septembre 2012.

Lire ou relire sur ce blog
"L'anonymat d'internet", 29 avril 2008
et "Les roquets d'internet", 5 janvier 2008.

vendredi 15 mars 2013

Bon sens, mais c'est bien sûr!

Peut-on gouverner sans idée? On se pose la question. Dans le débat complexe sur le soutien à apporter ou non au développement des énergies renouvelables, le député wallon et libéral Jean-Luc Crucke traite le ministre Nollet  de "pur idéologue" (1). Un idéologue, nous explique le Petit Robert, est une "personne qui croit à la puissance des idées". Dans le sens péjoratif, ajoute-t-il, c'est aussi un "doctrinaire dépourvu de réalisme". Ce n'est pas la première fois - ni la dernière - que leurs adversaires reprochent aux écolos de "faire de l'idéologie". Maxime Prévot, autre député wallon, centriste celui-là, estime aussi que "sur les sujets liés à l'énergie et à l'aménagement du territoire, ils (les Verts) conservent une approche trop idéologique" (2). Que faut-il comprendre par là? Qu'on ne gouverne plus aujourd'hui avec des idées? Qu'il faut les laisser de côté? Qu'il faut se contenter d'être réaliste? Et si c'est le cas, de quelle réalité faut-il se satisfaire dans un système capitaliste qui, chaque jour un peu plus, devient synonyme de catastrophe ? Si l'on gouverne sans idées, sur quelle ligne fonder son action? Sur la "gestion" de la réalité, qui consisterait à "faire avec", en en pansant au fur et à mesure les erreurs? Ou alors sur le populisme - très à la mode en cette période où les idéologies soit ont sombré, soit sont devenues un gros mot - qui fonctionne sans projet autre que de plaire?

Un populiste qui aimerait exister en Belgique, c'est Mischaël Modrikamen. Il veut "réformer en profondeur la Wallonie" et se déclare "en phase" avec la "véritable révolution conservatrice" qu'incarne la NVA (3). Il adore les oxymores. L'idée de révolution implique celle de changements profonds. Il propose de changer en revenant en arrière, vers on ne sait quelles vieilles valeurs sûres. Ah! Le bon vieux temps! Celui où on vivait tranquillement chez soi, entre soi. Il est sûr d'avoir raison, puisqu'on le suit, dit-il: "quand il m'arrive de passer à la télé, je fais quasi autant d'audience qu'Elio Di Rupo" (3).
Pour mener sa révolution conservatrice, il n'a pas d'état d'âme: "nous préparons de grandes manœuvres de regroupement. Cela peut être avec le Front national. (...) Nous sommes pour le rétablissement des frontières. (...) Les délinquants étrangers, dehors! Les ultra-islamistes, dehors!" (4). Sur le plan énergétique, il veut "sortir du délire ambiant en misant sur le gaz de schiste" (3). Ah, c'est sûr, ce ne sont pas des idéologues qui viendraient avec de tels projets. Ce ne sont pas des idées qui mènent les populistes. Juste le bon sens.

(1) LLB, 14 mars 2013.
(2) Le Vif, 15 mars 2013.
(3) Le Vif, 22 février 2013.
(4) Le Vif, 26 août 2011.

mercredi 13 mars 2013

Habent papam

Tout le monde l'attend. La fumée est blanche. Qui est-il? Le monde entier s'interroge. Le monde entier retient son souffle, nous dit le présentateur du JT. Comment s'appellera-t-il? Jean-Paul III, Kevin Ier  ou Pedro Ier? Et pourquoi pas Papa, s'il est africain? Il pourrait aussi s'appeler Salman-Ruhollah Ier, histoire de lancer un message à la fois d'ouverture et de réconciliation (1).
On n'en sait toujours rien. On retient son souffle. On le saura dans quelques instants. Toutes les télés retransmettent en direct les images de la place Saint-Pierre à Rome: la Une, la Trois, France 2, TF1, RTL-TVI, la RAI, la VRT, Euronews et tant d'autres. On voit par là  que tout le monde retient son souffle.
L'élection du pape à l'heure des JT oblige les présentateurs de ceux-ci, les journalistes et les commentateurs à un bel exercice de "meublage". Il ne se passe rien. Mais il faut bien occuper l'antenne pendant que le monde entier retient son souffle. On parle, on cause, on pronostique, on déblatère. Tout en retenant son souffle. Ce qui est assez difficile.
L'information nous arrive enfin, inattendue: il est argentin et jésuite, proche des pauvres, nous dit-on. D'ailleurs, il a choisi de s'appeler François Ier. Premier? Jamais donc un pape n'avait choisi le prénom du saint de la simplicité et de la pauvreté? Il y a des signes qui ne trompent pas.
Il bénit la foule et bien au-delà l'humanité entière. Il l'absout de ses péchés. Ouf, on respire. On peut cesser de retenir son souffle.

(1) pour les ignares qui comme moi ne le savaient pas, Ruhollah était le prénom du si sympathique ayatollah Khomeini.

P.S.:  Il a largement dépassé l'âge de la retraite, serait conservateur sur le plan éthique et se serait prudemment tu durant la période de dictature argentine. C'est sûr, l'Eglise prend un coup de jeune.

mardi 12 mars 2013

Yes, they cannes

Le Wallon se plaint: il paie ses impôts et les routes sont enneigées. Il se demande ce que font ses autorités. Se laissent-elles faire par la nature? Ne peuvent-elles la maîtriser? A quoi servent ces milliers de tonnes de sel répandues sur ses routes s'il ne peut circuler? Comment peut-on en arriver à un tel record: 1.669 kilomètres de bouchons cumulés, alors qu'il n'a que 40 km à parcourir ? (1) Ce sont de vraies questions.
En réalité, les autorités du Wallon sont visionnaires. Elles voient loin et n'ont peur de rien. Elles envisagent de déplacer le Wallon. Et même ses semblables. Certain(e)s soupirent: que vont faire au Mipim à Cannes tant de ministres wallons (et bruxellois aussi, il faut le dire)? 
Les Demotte, Marcourt, Henry, Antoine, Picqué, Madrane et  Doulkeridis, se rendent au Marché International des Professionnels de l'Immobilier (2) pour y rechercher de nouveaux espaces pour y construire au soleil. Pour le plus grand bien des Wallons et des Bruxellois. Ils paieront leurs impôts avec le sourire. Le déplacement d'un ministre coûte de 5.000 à 10.000 €. Il faut y ajouter celui de ses collaborateurs, ainsi que celui d'autres élus, gouverneurs de province, représentants d'intercommunales ou députés wallons. Tel DSS, Daniel Showman Senesael. Leur entregent n'a pas de prix, il nous amènera à déménager demain à Doha, à Hawaï ou aux Galapagos. La neige ne sera plus qu'un lointain et sympathique souvenir pour le Wallon. Il en rira volontiers.
On voit par là que le Wallon prend trop pour modèle les coureurs cyclistes. Le Wallon a trop le nez sur le guidon. Il gagnerait à prendre de la hauteur. A leur niveau, il comprendrait mieux ses ministres.

(1) magnifique JT de la RTBF ce 12 mars à 19h30 qui consacra 20 minutes de son précieux temps à la neige et à ses victimes râleuses. Faut que j'arrête de regarder le JT. Faut que j'arrête de regarder le JT. Faut que j'arrête de regarder le JT. Faut que j'arrête de regarder le JT. Faut que j'arrête de regarder le JT. Faut que j'arrête de regarder le JT. Faut que j'arrête de regarder le JT.
(2) Lalibre.be - Sept ministres francophones partent en goguette sur la Croisette

lundi 11 mars 2013

Clownocratie

Qu'est-ce que la démocratie? Elle semble insaisissable. Ceux qui l'appellent de leurs voeux ne savent comment la gérer. Beppe Grillo, qui a connu aux dernières élections italiennes le succès que l'on sait, estime que son parti doit diriger le pays. Mais il menace: il quittera la politique (en laquelle il vient juste d'arriver) si les élus de son parti s'associent avec la gauche ou avec la droite. On voit par là que de fervents défenseurs de la démocratie en ont une curieuse conception. Ils entendent occuper seuls le pouvoir sans avoir une majorité absolue (1).
Les partis traditionnels italiens - Démocratie chrétienne, Parti Socialiste, Casa della Liberta de Berlusconi - ont fait pendant quelques décennies tout ce qu'ils pouvaient, en termes de malversations, de combinazione, de mépris et de gestion à leur seul profit, pour dégoûter les électeurs de la politique. Le succès de Grillo est ainsi compréhensible. Mais à vouloir jouer les chevaliers blancs et les rénovateurs-de-fond-en-comble, on peut très bien se transformer rapidement en autocrates. Ou - c'est moins grave - en pleutres. La politique, qu'on le veuille ou non, est affaire de compromis et de négociations. Se présenter aux élections, c'est accepter de prendre ses responsabilités. Sans cela, on n'aura jamais été qu'un catalyseur d'écœurement, un capteur de mécontentement. Et donc un accident de plus dans l'histoire d'un pays qui n'en avait pas besoin.
Les électeurs ont évidemment, eux aussi, leur part de responsabilités: peut-on se contenter d'exprimer un vote de mécontentement, en faisant le choix d'un parti sans vrai projet et qui n'assume pas le pouvoir - même limité - qu'on lui donne? Savent-ils seulement ce qu'ils veulent, ces électeurs prêts à se jeter aux pieds du premier populiste qui passe?
"Aujourd’hui, le citoyen s’engage de façon provisoire, ses choix ne sont valables que dans le moment où il les exprime, écrit Pascal Josèphe dans "La société immédiate". Le consentement politique est sans cesse renouvelable, limité au temps présent. Se sentir lié dans la durée par un engagement, par une opinion, c’est déjà renoncer à une part de liberté. (...)  Les notions de « peuple de gauche » ou « de droite », d’appartenance à un « camp » se dissolvent dans le libre choix du citoyen-consommateur. Avec l’hyperindividualisme et le culte de l’immédiat qui caractérisent les sociétés postmodernes, on peut diagnostiquer la fin de la politique telle qu’elle existait jusqu’à présent. Les identités et les projets collectifs, la responsabilité sociale disparaissent au profit d’une revendication généralisée des droits individuels."

(1) entendu dans Matin Première ce 11 mars 2013.




dimanche 10 mars 2013

Vision d'Escaut


Si l'on en croit la météo, voilà à quoi devrait ressembler l'Escaut du côté de Brunehaut, 
demain et après-demain.




Le même paysage dans les brumes matinales de septembre 

jeudi 7 mars 2013

Chavez

Hugo Chavez est mort et une grande partie du peuple vénézuélien est en larmes. En Occident, une bonne partie de la presse s'est plue à le considérer comme un dictateur, relayant non pas des faits, mais les opinions d'une opposition "à l'éthique médiocre" (comme le pense Marie-France Cros) (1).
Nulle part ailleurs, je n'ai vu des médias privés clamer une telle haine d'un président, sans être inquiétés (2). Un Belge vivant depuis longtemps à Caracas m'avait expliqué avoir assisté à un pseudo-débat entre de soi disant experts sur les préférences sexuelles de Chavez: entretenait-il des relations sexuelles avec Fidel Castro? Les téléspectateurs étaient invités à voter. Si vous pensez que oui, tapez 1. Non, tapez 2. Dans tout autre pays démocratique, de telles télés se seraient fait tancer par le CSA, auraient même été sanctionnées, voire interdites.
Hugues Le Paige (1) estime que Chavez "a amené plus de justice dans son pays et plus de démocratie", il rappelle qu'il a remplacé les oligarchies au pouvoir, qu'il n'y avait, avant lui, pas de véritable pluralisme et que les partis traditionnels étaient totalement corrompus.

Aujourd'hui, à part quelques esprits chagrins (et/ou sans doute - volontairement? - mal informés), personne ne nie que l'influence de Chavez sur le continent américain, voire au-delà, a été considérable. "Au niveau continental, rappelle M.F. Cros (1), il  a surtout œuvré à desserrer l'étau de la longue tutelle des Etats-Unis, basée sur la doctrine de Monroe qui proclame l'Amérique aux Américains." Elle rappelle qu'il a créé l'Alliance bolivarienne des Amériques "qui a envoyé dans les cordes la Zone de libre-échange lancée par les Etats-Unis", qu'il a impulsé la mise sur pied du Bancosur, alternative au FMI et à la Banque mondiale, qu'il a été à l'origine de la création de la Communauté des Etats latino-américains et des Caraïbes. L'Unon européenne a d'ailleurs salué "le développement social" lancé par Chavez et sa "contribution à l'intégration régionale de l'Amérique du Sud". 

Sur le plan interne, sa politique a été déterminante, dans la lutte contre la pauvreté et l'analphabétisme (via la campagne Robinson), pour l'accès au logement et à la terre. Il a repris le contrôle de la société de production de pétrole qui, avant lui, ne laissait que la portion congrue à l'Etat vénézuélien. Les revenus du pétrole ont permis le financement des programmes sociaux. Et la pétrole a aussi servi de ciment avec d'autres pays: "il a montré que le solidarité n'était pas pour lui un vain slogan puisqu'il fournit en pétrole à prix réduit des pays latino-américains et africains pauvres, pourvu que les gouvernement bénéficiaires investissent le gain dans le développement", écrit M.F. Cros.
Bien sûr, tout n'est pas gagné. Il n'a pas su redresser économiquement le pays (mais qui peut se vanter d'y être arrivé dans quelque pays que ce soit, ces dernières années?). Il n'est pas parvenu à maîtriser une inflation qui dépasse les 20%.
Bien sûr, il avait un ego surdimensionné (3), bien sûr, le clientélisme s'est développé, bien sûr, il a eu des amitiés honteuses avec d'affreux dictateurs, des Kadhafi, des Ahmadinejad, des Mugabe, unis à eux par un anti-américanisme, parfois (pas toujours!) primaire.
Mais il a donné du travail, un logement, un accès à l'éducation à quantité de Vénézuéliens méprisés par les régimes précédents. "Si on prend trois secteurs, écrit H. Le Paige, qui sont déterminants dans la vie des hommes et des femmes d'un pays - la santé, l'éducation, le logement - la situation entre l'arrivée de Chavez et sa mort est absolument incomparable." Redonner à un peuple sa dignité, c'est sans doute la plus grande réussite du Comandante.

(1) LLB, 7 mars 2013.
(2) lire sur ce blog: "Venezuela: respecter l'Etat de droit", 16 avril 2004, écrit à partir de mon séjour à Caracas.
(3) son embaumement, décidé par le gouvernement, prolonge évidemment la mégalomanie du personnage, transformé en immortel.

mardi 5 mars 2013

Une émission qui nous laisse sans voix

Peut-on encore être de son temps sans avoir vu au moins une émission de La Voix? On en doute. On regarde donc l'émission. Du moins des bribes. 
Une jeune fille tente d'imiter Edith Piaf. Elle chante un peu faux, mais qu'importe? elle suscite l'admiration. Les jurés et celles et ceux qui s'avèrent coaches se pâment. Les jurés doivent exprimer par le regard leur intérêt, voire leur éblouissement. On est dans le cinéma muet, où les acteurs doivent surjouer pour se faire comprendre. Les coaches, très excités, parlent très fort à leurs poulains, comme des entraîneurs de foot. Comme s'ils s'adressaient à des enfants qu'ils prendraient pour des sourds un peu demeurés. C'est qu'il s'agit de se faire comprendre. On voit par là qu'il s'agit d'une émission de beuglants. "Vous êtes touchantes, vous êtes classieuses, vous êtes talentueuses", s'exclame une coache. On se demande de qui et à qui elle parle. On n'a vu ni entendu personne qui mérite de tels adjectifs.
On se dit que les émissions d'humour se renouvellent, mais que ce n'est pas très gentil de se moquer de candidats qui semblent ne pas savoir qu'ils prestent dans de telles émissions et croient qu'ils ont vraiment une grande voix.
On assiste à ce qu'on nous présente comme un duel. On y confond visiblement duo et duel. Est-ce à celui qui écrasera l'autre?
La télé publique belge est brusquement aussi vulgaire qu'une télé privée américaine. Ou luxembourgeoise. Ou même française.
Voilà, il fallait bien se faire une opinion. En toute objectivité.


samedi 2 mars 2013

Ne comptez pas sur moi

Je reconnais que j'ai toujours eu du mal à assumer mes responsabilités, mais, pour couper court - avant qu'elle ne naisse - à toute rumeur, je tiens à affirmer clairement que je ne suis pas candidat à la succession de Benoît XVI. Je n'ai pas pour prétention de me rebaptiser en Léon-Pie XIII, Innocent XIV, Marcel III ou Ben 17. Je suis moi aussi à la recherche de la sérénité (1). D'ailleurs, je me prépare à me retirer, moi aussi, dans mon Castel Gandolfo (qu'il serait plus juste d'appeler Château Gandolfe).
Non, n'insistez pas!

(1) voir billet précédent.

vendredi 1 mars 2013

A la recherche de la sérénité

C'est le propre de l'homme de ne vouloir rien que sa tranquillité, de ne vouloir ni crèche dans sa rue, ni éolienne dans sa vue.
En France, les automobilistes ne veulent pas de radars. Nous ne sommes pas des vaches à lait, disent certains d'entre eux (1). D'autres estiment que le budget consacré aux radars serait plus utile aux soins de santé. Pour soigner les accidentés de la route, par exemple? On connaît un moyen bien simple de ne pas craindre les radars: respecter les limitations de vitesse. Visiblement, certains n'y ont pas pensé.
En Wallonie, l'association "Vent de raison" ne veut pas du plan éolien wallon. Les éoliennes sont inutiles, affirme son porte-parole (2). D'ailleurs elles ne tournent pas plus de cinq ou six jours par mois. On a du mal à entendre l'argument. Les sept éoliennes de Saint-Maur tournent quasiment tous les jours. On n'est même pas sûr qu'elles soient à l'arrêt cinq ou six jours par mois. On doit avoir mal compris le nom de l'association. Il doit s'agir de "Vent d'émotion".
A Néchin, on veut bien accueillir toute la richesse de France. Mais pas un peu de sa misère sociale. Chacun à sa place. On veut bien d'un acteur qui a le lourd handicap d'être l'ami de Kadyrov (3). Mais on ne veut pas d'un centre d'accueil pour handicapés (4). Il seront septante-cinq patients, personnes à mobilité réduite, autistes, malades atteints du syndrome de Korsakoff (5), à être hébergés dans ce centre fermé. Mais les riverains ont peur pour leur sécurité et leur sérénité, nous dit-on. A quoi doit-on d'être serein? On se le demande.

(1) JT de France 3 Nord Pas-de-Calais, 19h, 28 février 2013.
(2) entendu dans Matin Première au début de cette semaine.
(3) lire sur ce blog "L'insoutenable légégéreté de l'être", 10 janvier 2013, et "Réfugié pathétique", 15 décembre 2012.
(4) L'Avenir - Le Courrier de l'Escaut, 28 février 2013.
(5) trouble neurologique qui se manifeste notamment au niveau cognitif (oublis), souvent dû à l'abus d'alcool ou des formes de sévères malnutritions (Wikipedia).