mardi 28 avril 2020

Et maintenant ?

Que nous montre cet arrêt forcé par le coronavirus?
Que (pour la plupart d'entre nous, en tout cas) nous ne sommes pas faits pour vivre seuls.
Que les contacts sociaux sont primordiaux et que nous avons besoin d'être en lien physique avec celles et ceux qui comptent pour nous.
Que nous avons besoin d'espace et qu'on ne peut vivre décemment quand on habite à plusieurs dans des HLM, des studios, des cellules ou même seul dans une chambre.
Qu'au-delà des espaces habitables, nous avons aussi besoin d'espaces verts, pour nous  y balader, nous y ressourcer, nous y perdre parfois.
Que la campagne a plus d'attraits qu'on ne le pensait, que s'enfoncer dans la France (ou la Belgique ou l'Italie ou l'Espagne ou...) profonde présente bien des avantages, dont les moindres ne sont pas le calme, l'espace, la nature et la proximité de maraîchers, de petits producteurs et de commerces de proximité.
Que nous n'avons pas absolument besoin de nous déplacer autant et aussi loin et aussi souvent que nous le pensions.
Que nous n'avons pas autant de besoins de consommation que nous le pensions.
Que l'organisation collective et la solidarité nous permettent d'assurer nos besoins basiques.
Qu'il ne sert à rien de gagner de l'or en barre si c'est pour vivre entre quatre murs, fussent-ils grands et épais.
Que si nous avions tous un revenu de base qui nous assure le minimum vital (ce qui semble possible vu les montagnes d'argent qui circulent quotidiennement), nous pourrions sans doute vivre assez sereinement une période de crise comme celle-ci.
Qu'il nous faut un système public de santé assez fort pour nous protéger et pour équiper et soutenir les soignants de première ligne.
Qu'il faut laisser toute sa place à la nature et cesser enfin de vouloir l'assouvir, l'exploiter, voire l'éradiquer et qu'elle sera toujours, malgré notre prétention, plus forte que nous.
Que nous pouvons nous-mêmes, si nous avons la chance d'avoir un jardin, cultiver nos propres légumes et même les cuisiner.
Que les enseignants font un travail difficile et indispensable.
Que l'absence de spectacles vivants, la fermeture des salles de cinéma, l'interdiction des activités festives créent un grand vide, intellectuel et physique.
Que les chaînes d'information continue ne font qu'ajouter du bruit au tumulte.
Que les réseaux sociaux le sont quand ils permettent échanges et soutien, mais se transforment en égouts quand ils sont les haut-parleurs des complotistes, des haineux et des suffisants qui ont tout compris.
Que les populistes ont définitivement fait la démonstration de leur extrême faiblesse intellectuelle.
Que gouverner, c'est prévoir et qu'ils sont extrêmement rares les élus, tous pays et tous régimes politiques confondus, capables de prévoir l'imprévisible. 
Que les Etats doivent, à tout prix, collaborer, échanger informations, expériences et résultats de leurs recherches et élaborer des stratégies concertées, tant au niveau de la santé que de l'écologie.
Que ce virus est que le premier de notre époque à avoir eu un tel impact mondial, mais aussi le premier d'une longue série et que quand on en maîtrisera un quelque part, un autre se développera ailleurs. Et que les pays les plus pauvres paieront cher, très cher, bien plus que nous encore, l'impact de tous ces virus qui nous menacent.
Que tous les virus du monde nous inviteront toujours à plus d'humilité.
A partir de ces quelques constats, peut-être pourrait-on réfléchir à la société que nous voulons. 


lundi 27 avril 2020

Juste une question

C'était quand la dernière fois que le Donald a dit quelque chose d'intelligent? Quelqu'un se souvient? Au XXIe siècle ou au XXe? Ou alors on attend toujours? Mais qui attend ?

samedi 25 avril 2020

Responsabilité masquée

Les pouvoirs publics ne sont visiblement "pas là pour nous protéger", dénonce l'expéditeur d'un message invitant à lire un article laissant entendre que le remède au Covid-19 serait assez aisément trouvable puisqu'on a maintenant compris le rôle que joue une bactérie intestinale sur la transmission du virus. Il faudrait que le personnel soignant ait connaissance de cet article, ajoute cette personne. Bref, on croit devoir comprendre de ce message (qui se refuse - évidemment - de participer à tout complotisme) que ceux qui devraient nous protéger ne le font pas, puisque cette puissante analyse est tue. Partout dans le monde, les chercheurs cherchent et font chaque jour de nouvelles découvertes sur ce virus. Mais certains analystes ont tout compris. Si on ne prend pas les mesures évidentes pour lutter contre le coronavirus, c'est que le premier intérêt des pouvoirs publics serait de nous enfermer chez nous, non pour nous protéger du coronavirus, mais pour nous habituer à la soumission et à l'obéissance.

Qui peut nous protéger de ce satané virus qui peut se transmettre en parlant? Les Etats et toutes leurs composantes effectivement. Mais d'abord nous-mêmes et tous ceux qui nous entourent, ceux que nous cotoyons quotidiennement. Alors, quand on tombe sur des commerçants alimentaires qui ne portent pas de masque, allez savoir pourquoi, on ne se sent pas protégé. Oui, mais c'est gênant, dit l'un. Oui, mais je n'ai pas de masque, dit l'autre. Oui, mais je suis à un mètre cinquante de vous, nous ne risquons rien. Oui, mais je porte des gants. Oui, mais c'est vraiment trop bizarre. On a tous de bonnes raisons d'agir de manière irresponsable. Les seuls responsables ne peuvent être que les politiques, jamais nous.
Suite à l'affaire Dutroux, il y a vingt-cinq ans, le quotidien La Dernière Heure avait publié et diffusé un autocollant qui disait simplement "Protégez nos enfants!". Non pas "Protégeons", mais "Protégez". L'appel s'adressait visiblement aux pouvoirs publics. Nous, pauvres innocents, n'y pouvions rien. Protéger nos enfants? Que pouvions-nous y faire? Un journal avait publié une photo d'une voiture roulant sur un passage pour piétons sur lequel traversaient des enfants. Sur sa vitre arrière, on pouvait lire "Protégez nos enfants!".
Que peuvent les pouvoirs publics quand les citoyens se lavent les mains de toute responsabilité?

vendredi 24 avril 2020

Se ressourcer

Au début de ce mois d'avril, France Inter a diffusé un message de l'UNESCO appelant en cette période de pandémie à vérifier plus que jamais ses sources, à ne pas diffuser des messages alarmistes dont on n'a pas identifié l'origine. A vérifier qui sont les soi-disant experts dont les éclairages seraient  systématiquement ignorés des responsables politiques.  A ne faire confiance qu'à des médias dont c'est le métier, avec des journalistes professionnels.
Etrangement, ce message n'a, à ma connaissance du moins, plus été diffusé ensuite. Dommage. Les bêtises se multiplient sur Internet et les béotiens que nous sommes en matière de biologie et de médecine sont tout prêts à croire aux théories ou aux démonstrations les plus tarabiscotées. Nous aimons tellement croire que nous sommes manipulés. Qu'on nous cache tout. A force de vouloir être  extrêmement critique, on devient parfois considérablement naïf.  



(Re)lire sur ce blog "Comme un virus", 29.3.2020 et "Sophia Aram présidente!", 13.4.2020.

lundi 20 avril 2020

Ah! Ah! said the Trump *

Quel est le rôle d'un chef d'Etat? Qu'attend-on de lui, sinon, d'abord et avant tout, de protéger sa population?
On l'avait compris depuis longtemps, Ubu Trump n'est pas un chef d'Etat. Mais le sinistre clown joue aujourd'hui un rôle exactement opposé à ce que ceux qu'il est censé gouverner pourraient attendre de lui. Cet homme est insensé. Chef d'Etat, il joue le rôle d'un opposant. De l'opposant le plus stupide qu'on puisse imaginer. Seule compte sa réélection.
Il appelle à "libérer le Michigan", le Minnesota, la Virginie, tous ces Etats qui pour protéger leurs habitants les obligent à rester chez eux (1). L'économie doit primer. The America doit rester great. A n'importe quel prix.
Voilà le président de l'Etat le plus puissant de la planète qui exhorte les gens à sortir bras dessus, bras dessous dans les rues en se moquant d'un virus qui se répand comme le fiel de ses tweets. Trump le dingue appelle même les Américains à sauver le "magnifique deuxième amendement", celui qui autorise tout habitant des Etats-Unis à être armé. Pense-t-il que le coronavirus peut se flinguer?
Il a accusé l'OMS de n'avoir pas été à la hauteur, incapable d'anticiper une telle pandémie. Or l'OMS avait prévenu depuis longtemps, rappellait récemment (2) Gaël Giraud, que "les marchés d'animaux sauvages en Chine présentaient des risques épidémiologiques majeurs". L'économiste constate que "rares sont les pays qui ont suivi les recommandations de l’OMS avant et pendant la crise. Nous écoutons plus volontiers les « conseils » du FMI… Le drame actuel montre que nous avons tort."
Mais Suffisant Ier ne peut jamais avoir tort. Le monde entier fait des erreurs, sauf lui. 

Il a beau pointer du doigt la Chine, la peur dont, comme tous les populistes, il a vécu ne repose pas aujourd'hui sur un autre lointain qu'on pourrait empêcher de nous atteindre en érigeant des murs ou en rejetant des bateaux à la mer. La peur, nous l'avons par rapport à nos proches, celles et ceux qui sont comme nous, qui vivent à nos côtés, dans la même maison, les mêmes bureaux, les mêmes véhicules, les mêmes commerces. Le virus n'a ni papiers, ni couleur de peau. Et les imprécations et le déni de Trump, de Bolsonaro et autres populistes apparaissent simplement grossiers, ridicules, affligeants et dangereux face à la science. Et sont la preuve à la fois de leur fatuité, de leur indigence intellectuelle et de leur mépris pour leurs populations.

On aimerait tant que ces manifestants anti-confinement aillent, l'un après l'autre, embrasser sur la bouche leur cher président. S'il pouvait mourir en martyr du déconfinement et de la primauté de l'économie sur l'humain, ils se cotiseraient pour lui ériger une statue. Elle pourrait être en ballon de baudruche.

Post-scriptum: au point où il en est, pourquoi le Donald s'entourerait-il de conseillers intelligents? Ils feraient tache.
https://www.lalibre.be/international/amerique/une-conseillere-de-donald-trump-laisse-entendre-qu-il-y-a-eu-18-covid-dans-le-passe-c-est-le-covid-19-pas-le-covid-1-5e9d5f067b50a64f9cf06542
Post-scriptum bis: il y a urgence à enfermer et à faire taire ce fou furieux:
https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200424.OBS27923/contre-le-covid-trump-preconise-des-irradiations-aux-uv-et-des-injections-de-desinfectant.html

(1) https://www.lalibre.be/planete/sante/coronavirus-un-nouveau-lourd-bilan-aux-etats-unis-ou-le-president-appelle-a-braver-le-confinement-5e9bf95ad8ad58632c740092
(2) dans l'émission "28 minutes" d'Arte.
https://www.lalibre.be/international/amerique/coronavirus-la-violente-charge-de-trump-contre-l-oms-5e8cc1d97b50a6162b0f5cd7


lundi 13 avril 2020

Sophia Aram présidente!

Sophia Aram, très juste, comme toujours (ou presque), cette fois à propos de ces millions de scientifiques parmi lesquels nous vivons qui connaissent les recettes miracles, de ces innombrables politologues et stratèges du dimanche qui ont les solutions imparables pour sortir de la crise, de ce torrent de bêtises qui menace de nous noyer:
https://www.franceinter.fr/emissions/le-billet-de-sophia-aram/le-billet-de-sophia-aram-13-avril-2020

Et dans le même ordre d'idées, cette chronique d'Abnousse Shalmani:
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/abnousse-shalmani-la-haine-et-le-pq_2123361.html

(Re)lire sur ce blog "Un monde de connards", 2 avril 2020.



dimanche 12 avril 2020

Ce vieux monde sourd, aveugle et cupide

La 5G est et sera une horreur pour l'environnement et pour l'humanité (1). Nous manque-t-elle? Evidemment non. Nous vivons très bien sans elle. Et cette période de confinement nous amène à prendre une distance par rapport à cette folie consommatoire dans laquelle nous viv(i)ons. Il est tant de choses qui nous apparaissent aujourd'hui ridicules, totalement dispensables. Dont nous n'avons pas du tout besoin. Alors, cette 5G qu'on veut nous imposer comme le summum du progrès et qui apparaît comme une gigantesque infection néfaste à la nature et à l'humanité, cette 5G, enterrons-la à jamais.

En Belgique, l'IBPT (l'Institut belge des services postaux et des télécommunications) organise une consultation populaire sur l'octroi des permis aux entreprises de télécommunication. Elle sera clôturée le 21 avril. Le collectif Stop 5G, qui regroupe une dizaine d'associations, appelle à utiliser cette consultation pour s'opposer à toute force à ce qui apparaît désormais comme un projet du vieux monde qui nous a mené dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.
http://stop5g.be/fr/htm/IBPT-consultation-publique-21avril2020.htm

Post-scriptum:
Une pétition contre la 5G qui avait recueilli 105.000 signatures en Belgique a été effacée d'autorité par change.org sous le prétexte qu'elle enfreindrait "le règlement de la communauté". Vive la démocratie!
https://www.cw-environnement.be/2020/04/11/la-petition-pas-de-5g-belgique-censuree-alors-quelle-avait-recueilli-105-000-signatures/?fbclid=IwAR3ApewIxFQmL7POc23Pre1rS_LhIrFasTK9L_pIGaAL1BanmfjC65JwCyE
Post-scriptum bis. Une bonne nouvelle: la Commune d'Ottignies - Louvain-la-Neuve a stoppé le déploiement de la 5G sur son territoire.
https://www.lalibre.be/economie/digital/la-ville-d-ottignies-louvain-la-neuve-annonce-que-le-deploiement-de-la-5g-est-stoppe-sur-son-territoire-5e95cfbc7b50a63c37ad0ec4

(1) (Re)lire sur ce blog "Restons stupides (et arriérés)", 29.12.2020.
http://moeursethumeurs.blogspot.com/2019/12/restons-stupides-et-arrieres.html


jeudi 9 avril 2020

Faryboles

Je ne connaissais pas l'humoriste français Fary (mais j'avoue ne pas connaître beaucoup d'humoristes). Il est l'invité de la semaine de Télérama. Il y est interviewé sur trois pages et apparaît en une. Sur celle-ci, il affirme: "Faire rire? Rien de plus compliqué!". Et pourtant, il m'a fait rire très rapidement. Il soutient le combat des femmes, il est "normal", dit-il. Mais, se demande-t-il, "quid de la notion de virilité, de la figure du mâle, de cette norme masculine que la société occidentale a créée et imposée comme vérité universelle?".
On doit donc comprendre qu'ailleurs qu'en Occident si la domination masculine est une réalité, c'est à cause des Occidentaux. Et, vraisemblablement j'imagine, du colonialisme.
Si l'Inde a été classée en 2018 comme le pays le plus dangereux au monde pour les femmes, c'est sûrement de la faute des colonisateurs britanniques.
Récemment, Arte diffusait le film de 2012 Wajda, d'Haifaa Al Mansour, l'histoire d'une gamine de Riyad qui veut absolument faire du vélo alors que sa pratique est réservée aux seuls hommes. Les femmes, elles, sont forcées de se cacher entièrement le corps pour sortir de chez elles et ne sont que citoyennes de seconde zone. La faute aux Occidentaux?
Mardi, Arte consacrait sa soirée à l'Afghanistan. Le sort des femmes n'y guère enviable et c'est là un euphémisme, tant les violences sont nombreuses à leur égard. Un peu partout dans les pays dominés par l'islam, les hommes ont toute la place, les femmes doivent se faire discrètes. Quand elles ne sont pas interdites d'école, de travail, d'exister "normalement". D'exister comme en Occident, a-t-on envie de dire.
Apprendrons-nous bientôt que le Coran, qui comme les autres livres sacrés des religions monothéistes attribue aux hommes une position toute-puissante, que le Coran donc a été écrit par des Occidentaux? 
Parfois, l'humour m'échappe.

Post-scriptum: le magazine Causette de ce mois d'avril annonce en une un portrait de Casey, "rappeuse décoloniale". Je lis l'article, il ne m'éclaire guère sur ce que peut être une rappeuse décoloniale, un concept qui reste mystérieux. Je vais me dépêcher d'écouter cette chanteuse pour vaincre le colon qui sommeille en moi.

lundi 6 avril 2020

Faillibilité de l'homme

Ce virus nous invite à l'humilité. L'homme n'est pas aussi puissant, pas aussi invincible, pas aussi prévoyant qu'il voulait le croire. Nous sommes plus faillibles et fragiles que nous le pensions. Nous ne savons pas tout. Et l'immortalité n'est pas pour demain.
Ce matin à la radio (1), un médecin rappelait que le secteur de la santé est petit à petit démantelé, parce que jugé trop coûteux, depuis des décennies, par tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche. Dont le gouvernement Jospin. Rappelons qu'en faisait partie un certain Jean-Luc Mélenchon.
La fille à papa Le Pen, déplorant le manque de masques de protection, fustigeait ces derniers jours "l'impréparation d'hier" des gouvernements (2). C'est la même qui, il y a dix ans, pendant la crise du H1N1, accusait Roselyne Bachelot, alors Ministre de la Santé, d'avoir acheté "sans raison" trop de vaccins et de masques. Elle reprochait au gouvernement de l'époque de dépenser sans compter l'argent des contribuables.
Ils sont bruyants tous ceux, élus, citoyens lambdas, journalistes, qui savaient ce qu'il fallait faire, connaissent la recette miracle ou affirment avec culot le contraire de ce qu'ils disaient hier.
Le confinement est source de silence. Et le silence est parfois la parole du sage.

Post-scriptum: Dans l'émission "28 minutes" de ce 6 avril (3), Etienne Klein, physicien, s'alarme d'un "démagogisme cognitif". Il craint que l'opinion ne finisse par l'emporter sur la connaissance scientifique. Il s'inquiète de voir et entendre les déclarations de certains responsables politiques qui commencaient leurs propos en disant "Je ne suis pas médecin". Position honnête. "Mais, juste après,  ils expliquaient, comme s'ils étaient des savants, ce qu'il fallait faire ou penser de tel ou tel traitement. J'ai trouvé étrange le fait de pouvoir dire qu'on ne sait pas, de le faire savoir et en même temps de faire comme si on savait tout".
Etienne Klein a publié un "tract" à ce propos: "Je ne suis pas médecin, mais..." (Gallimard).
A Liège, des proches de patients hospitalisés à cause du coronavirus menacent de procès les médecins qui n'administreraient pas la chloroquine à leurs malades. Voici le temps où chacun joue à Diafoirus.


(1) France Inter, émission "Grand bien vous fasse", 6.4
(2) https://www.huffingtonpost.fr/entry/quand-marine-le-pen-pensait-que-la-france-avait-achete-sans-raison-trop-de-masques_fr_5e8909b2c5b6cc1e47769efe?utm_hp_ref=fr-homepage
(3) https://www.arte.tv/fr/videos/088472-159-A/28-minutes/

dimanche 5 avril 2020

Corona et corano sont dans un bateau

Les religions ne veulent pas être en reste par rapport à celles et ceux qui ne veulent rien changer à leurs habitudes, même en ces temps de pandémie. Elles participent à la propagation du virus. La distanciation, non. La magie, oui.
L'église orthodoxe russe refuse d'annuler ses offices publics. L'église catholique l'a fait, mais un curé de l'Isère organise des messes clandestines chez des particuliers. Et des catholiques traditionalistes organisent des messes, du côté de Lyon et de Nantes, parce que "le moyen le plus excellent" contre la pandémie est la prière et que "se rassembler dans les églises" a de tous temps été le plus sûr moyen de vaincre les épidémies.
En Israël, le rabbin Kanievsky affirme que suspendre l'étude de la Torah dans les écoles qui s'y consacrent représenterait un plus grand risque pour la survie du peuple juif que la propagation du Covid-19. En Iran, des dizaines de lieux saints et de mausolées sont longtemps restés ouverts alors que l'épidémie était déjà bien active dans le pays. On a pu voir des fidèles lécher la surface de lieux saints réputés protéger du coronavirus. En Malaisie, 16.000 croyants se sont rassemblés dans une mosquée pour prier et échanger ainsi le virus entre eux. 
La moitié des cas de coronavirus de Corée du Sud trouveraient leur origine dans une messe. Et si la région Grand-Est en France est si touchée, c'est qu'un grand rassemblement évangélique a contribué à la transmission du virus. A Cluj, en Roumanie, un prêtre a utilisé une seule et même cuillère pour distribuer la communion à des centaines de croyants.
Selon Daech, la contamination se produit "par ordre de Dieu". Le groupe islamiste invite ses adeptes à se réfugier en Dieu pour échapper à la maladie, mais leur conseille néanmoins de se couvrir la bouche et de se laver les mains. Mais peut-on s'opposer à la volonté divine? 
L'imam de Brest appelle à effectuer les invocations: "toute personne qui dit ces paroles trois fois le matin et trois fois le soir, aucun mal ne le touchera", assure-t-il. Hani Ramadan affirme que le coronavirus est la conséquence du fait que "les hommes se livrent ouvertement à la turpitude, comme la fornication et l'adultère". Fait-il là allusion à son frère? Il appelle à "se conformer aux directives médicales", mais aussi à être "assidu dans les invocations".
En Ukraine et en Géorgie, des prêtres arrosent les rues d'eau bénite censée annihiler le virus. En Inde, c'est la consommation d'urine de vache qui aura cet effet, si l'on en croit certains religieux.

Donc, si on comprend bien certains des leaders et des fidèles de différentes religions, le coronavirus est un mal répandu par leur dieu pour punir les hommes. Et les religions, en ne changeant rien à leurs pratiques cultuelles, prétendent en protéger tout en contribuant à le répandre, directement ou indirectement.
Récemment, on a vu un panneau électronique dans un bourg français appelant ses habitants à prendre leurs distances les uns avec les autres et rappelant que même les "gens saints" (sic) devaient agir de la sorte. On voit ici que les gens saints (ou qui aimeraient l'être) sont les moins sains. De corps et d'esprit.

Et pendant l'épidémie de coronavirus, se poursuit celle du coranovirus (1): dans la Drôme hier, un terroriste a tué deux personnes et en a blessé cinq autres, dont deux grièvement, en criant Allah Akbar. Il a écrit regretter s'être réfugié dans un pays de mécréants. 
Par les temps et les virus qui courent, il apparaît pourtant que l'avenir appartient moins que jamais aux croyants.

D'après "Les boutiquiers de Dieu concurrencés par le coronavirus", Inna Shevchenko, Charlie Hebdo, 1.4.2020 et
https://charliehebdo.fr/2020/03/religions/une-petite-priere-pour-lutter-contre-le-coronavirus/
(1) d'après un dessin de Charlie Hebdo il y a quelques semaines.

vendredi 3 avril 2020

Du pétrole en fumée

Je regrette d'avoir arrêté de fumer il y a si longtemps (33 ans, 5 mois, 26 jours et 13h37 à l'heure où j'écris ce billet). Parce que si j'étais fumeur aujourd'hui, j'arrêterais aussitôt. Avec l'économie d'un paquet de cigarettes par jour, tous les deux jours, je pourrais acheter un baril de pétrole brut, tant son prix s'est effondré. Un bel investissement que je rentabiliserais dès la fin du confinement. Quand les affaires repartiront de plus belle. 
Mais bon, j'ai arrêté de fumer il y a longtemps.

jeudi 2 avril 2020

Un monde de connards

On est toujours le con d'un autre.
Un texte a circulé sur le net ces derniers temps avec un certain succès, semble-t-il: "Les connards qui nous gouvernent". Peut-être était-il intéressant, mais son titre m'a poussé à le mettre à la poubelle sans le lire. Les propos réducteurs du style "tous des cons" ou "tous pourris" me semblent toujours empreints d'un populisme écœurant et inquiétant et annoncer une analyse aussi simpliste que prétentieuse.
Au vu de la gestion de la crise du coronavirus, il semblerait que la majorité des pays du monde soient dirigés par des connards, incapables de prévoir l'imprévisible. Et visiblement, nous ne se sommes pas capables de nous gouverner nous-mêmes. Sinon, nous serions tous équipés à domicile de masques et  de gants, comme nous le sommes d'aspirine, de pansements et d'un thermomètre.
Seuls quelques trop rares pays comme Taïwan ont su tenir compte des enseignements de la crise du SRAS. Pour nous, elle est restée lointaine, asiatique.

Bien sûr, nombre de dirigeants politiques se sont montrés trop rassurants, voulant nous (et se) convaincre que le virus serait dans leur pays vite maîtrisé. Et certains se sont enfoncés dans un déni du danger qui les a vite rendus inaudibles et ridicules.
Bien sûr, dans nombre de pays, le démantèlement du service public de protection de la santé est à l'œuvre depuis longtemps, vingt ans au moins. Et ce par des gouvernements de droite surtout, mais aussi de gauche. Je repense à ce ministre belge de la santé publique, membre du Ps, qui se présentait comme "le manager de la santé", comme s'il fallait gérer ce secteur comme une entreprise. Les évènements actuels démontrent que c'est une gigantesque errreur et même une faute grave. Une fois sortis de la crise, des commissions parlementaires d'enquête devront analyser les politiques menées et les gouvernements devront redonner des moyens à la santé publique.

Plusieurs gouvernements se voient reprocher de ne pas avoir décidé assez tôt la fermeture de lieux de rassemblements et le confinement. De nombreux observateurs s'accordent à dire que des décisions aussi radicales prises "trop tôt" n'auraient pas été comprises et donc pas admises. Qu'elles auraient même pu provoquer des manifestations d'opposition. Il a fallu qu'une majeure partie de la population admette la gravité de la situation pour que les fermetures puis le confinement soient acceptés. Il a donc fallu que nous soyons moins cons pour que les connards qui nous gouvernent puissent imposer des mesures inévitables. Ce qui n'a pas empêché des tas de connards de se précipiter dans les bistrots avant qu'ils ne ferment. Dans nos pays, la liberté individuelle prime sur la protection collective.

Les connards qui nous gouvernent semblent, aujourd'hui en tout cas, écouter les spécialistes, épidémiologistes, virologues et autres infectiologues qui les conseillent. Tous ces scientifiques ne sont pas toujours d'accord entre eux sur les stratégies à mener. Certains préconisent pour tous le port de masques, d'autres affirment que c'est inutile pour les personnes non atteintes; certains recommandent la prescription de tel médicament, d'autres estiment que de sérieux tests doivent être effectués auparavant; certains pensent que tout le monde devrait être contrôlé, d'autres font remarquer qu'on peut être testé négatif un jour et positif le lendemain, que ces contrôles ne garantissent dès lors pas grand-chose. Les gouvernements essaient de prendre en compte leurs recommandations, mais seront toujours coupables d'en suivre l'une plutôt qu'une autre.

En France, selon certains témoignages, des élus de droite et d'extrême gauche, se seraient montrés menaçants face au gouvernement s'il annulait le premier tour des élections municipales le 15 mars. Le gouvernement les a écoutés, assurant que les bureaux de vote seraient sécurisés si chacun respectait les consignes. Les connards qui nous gouvernent doivent composer avec les connards qui aimeraient gouverner. Certains de ceux qui exigeaient que le premier tour ait bien lieu se sont ensuite indignés qu'il n'ait pas été reporté.

Et puis, il y a les connards de croyants. Les évangéliques qui se sont tenus par la main lors d'un grand rassemblement à Mulhouse en février ont partagé foi, enthousiasme et virus. L'importance de la propogation du Covid 19 dans le Grand Est trouve là son origine.
En Israël, les juifs orthodoxes sont convaincus que le virus a été envoyé par leur dieu. Ils continuent à se retrouver entre eux (1). 
Et il y a aussi ces connards qui sévissent sur Internet où ils diffusent et se repaissent des explications et des solutions les plus délirantes.

On voit par là que le monde est plein de connards.  Si un virus s'attaquait à eux, qui d'entre nous subsisterait?

(1) Un sujet comme un poisson d'avril dans le Journal d'Arte de ce 1er avril. On rit de ces orthodoxes. Mais jaune.

Post-scriptum du 3 avril.
Je viens de recevoir cet excellent texte d'Alain Finkielkraut qui circule, me dit-on sur Facebook, et aurait apparemment été publié dans le magazine Causeur (qui n'est pas, c'est le moins qu'on puisse dire, ma tasse de thé). En le lisant, on est absourdi par l'indigence intellectuelle dont témoignent lors d'une crise comme celle-ci certains "penseurs" contemporains qui visiblement pensent en chambre. Et celle-ci n'est pas d'hôpital.
La bêtise des Intelligents
« Tout le monde, les médecins comme les profanes, le gouvernement comme les citoyens, a été pris au dépourvu par l’irruption du nouveau coronavirus. On a cru d’abord que l’épidémie resterait cantonnée à la Chine. Les hautes autorités médicales elles-mêmes ont longtemps été rassurantes. Le professeur Raoult, notre Pasteur, n’était pas le dernier à railler les alarmistes. Quand l’Europe a été atteinte, on a tiré du fait que 98% des malades guérissent la conclusion réconfortante qu’il s’agissait d’une grippe saisonnière carabinée. Et nous voici, tous autant que nous sommes, assignés à résidence pour une durée indéterminée. Cet événement dont personne n’avait prévu l’ampleur ni la virulence nous invite à la modestie. Nous devrions nous dire avec Péguy : « Tout est immense, le savoir excepté ; tout arrive, il suffit d’avoir un bon estomac. » Eh bien non, l’heure est au procès des politiques. Ils ont réagi trop tard, disent les uns ; ils en font trop, disent les autres. Ceux-là dénoncent leur incurie, crient au scandale et parlent même de crime d’Etat. Ceux-ci fustigent l’instauration de l’état d’exception et s’insurgent de voir les libertés élémentaires anéanties par ce qu’ils appellent, après Michel Foucault, le « biopouvoir ». Ils savaient et ils n’ont rien fait, hurlent les premiers. Ils érigent une simple grippe en peste noire pour mettre toute la population sous surveillance, affirme sans sourciller le disciple autoproclamé d’Hannah Arendt, Giorgio Agamben : « Il semblerait qu’une fois le terrorisme épuisé comme justification des mesures d’exception, l’invention d’une épidémie puisse offrir le prétexte idéal pour étendre celles-ci au-delà de toutes limites. » Et si les gens obéissent sans broncher, ajoute Agamben, c’est parce que notre société ne croit plus qu’à la survie : « C’est un spectacle vraiment attristant de voir une société tout entière, face à un danger d’ailleurs incertain, liquider en bloc toutes les valeurs éthiques et politiques. » Les faire-part de décès remplissent dix à douze pages des journaux italiens et voilà ce qu’ose écrire l’une des stars du campus mondial ! Peter Sloterdijk, le plus grand philosophe allemand d’aujourd’hui, n’est pas en reste : « La crise corona affiche tous les symptômes d’une prise de pouvoir par la « sécuritocratie » camouflée sous les apparences d’une médicocratie bienveillante. » Alors que « le nouveau virus de provenance chinoise n’est que l’un des multiples pseudonymes de la mortalité moyenne », le souverain instaure l’état d’urgence. Et entre autres « diktats démesurés », il ferme les écoles « en sachant que les enfants ne sont guère menacés parce qu’ils disposent d’une immunité naturelle ». Sachant, pour ma part, que les enfants immunisés transmettent le virus à ceux qui ne le sont pas, je reste confondu par une aussi péremptoire ignorance. Et apprenant que Sloterdijk propose contre « nos solutions soi-disant raisonnables », l’invention d’une nouvelle science, « la labyrinthologie », je pense à cette formule admirable de Gombrowicz : « Plus c’est savant, plus c’est bête. » 
Car le XXe siècle nous l’a appris, la bêtise n’est pas le contraire de l’intelligence, il y a une bêtise de l’intelligence, une bêtise des intellectuels qui prend la forme de l’esprit de système. La différence du naturel et de l’artificiel ayant été abolie ou, pour le dire avec les mots de Hans Jonas, « la cité des hommes, jadis une enclave à l’intérieur de la nature non-humaine, s’étant répandue sur la totalité de la surface terrestre », la modestie n’est plus de mise. Si l’homme, en effet, est impliqué dans tout ce qui arrive à l’homme, si rien n’échappe à la magistrature de l’histoire alors, disent les intelligents, l’absurde et le tragique n’ont plus de place dans la pensée, l’homme ou certains hommes doivent être tenus comptables de chaque événement, épidémie comprise. Odo Marquard l’a dit mieux que personne : « La philosophie de l’histoire, qui ne parle plus de Dieu et ne veut plus parler de la nature, mais doit parler de l’homme, découvre, comme figure décisive, les autres, les hommes qui empêchent le bien voulu par les hommes : les adversaires, les ennemis. » Ainsi, il y a bien une guerre pour ceux-là même qui, comme Sloterdijk, font grief à Emmanuel Macron d’utiliser un vocabulaire martial : c’est la guerre contre le pouvoir omniscient et maléfique. Confrontée à une pandémie sans précédent, la bêtise de l’intelligence incrimine non le virus mais les gouvernants. Peu importe les immenses efforts que ceux-ci déploient pour sauver les entreprises et pour éviter les licenciements. On tient pour rien que ces serviteurs du capitalisme international, comme les appelle Michel Onfray, aient choisi de figer l’économie pour sauver les vies des plus vulnérables et qu’ils n’aient aujourd’hui qu’une obsession : ne pas se trouver, à cause de l’engorgement des hôpitaux, dans la situation de faire le tri entre les malades. Dans un monde peuplé de volonté, ces gouvernants sont coupables du malheur qui nous échoit. Qu’on m’entende bien : il est tout à fait légitime de pointer les défaillances de l’exécutif et de critiquer sa communication ou ses tergiversations. Mais la haine qui tient lieu aujourd’hui de critique repose sur l’oubli que l’incertitude est le lot de la condition humaine. Et cet oubli est impardonnable.
En tout cas, ceux qui s’inquiétaient de la restriction de nos libertés devraient être rassurés : jamais tant de féroces inepties n’ont été proférées sous le drapeau de la liberté d’expression que pendant cette crise. Quant à la discipline imposée par le confinement, elle ne nous infantilise pas, elle fait appel à notre sens des responsabilités. Ce sont les libertaires en colère qui ressemblent à des enfants soudain privés de leur bac à sable ou de leurs autos-tamponneuses.
Imaginons un instant que le pouvoir soit confié aux accusateurs méprisants des gouvernants tâtonnants. On subirait alors, en plus de l’horreur de l’épidémie, les ravages de l’incompétence. Et permettez-moi de regretter qu’en ces temps si difficiles, Causeur ait choisi d’être le rendez-vous des indignés. Il y avait mieux à dire et à faire. L’anticonformisme systématique est aussi un réflexe pavlovien. »
Alain Finkielkraut