Que serait le monde sans la France? On se le demande. La civilisation ne serait peut-être pas encore à notre porte. Nous circulerions toujours en diligence, nous passerions des veillées avec nos voisins, nous nous soignerions avec des plantes. Et surtout nous ne connaîtrions pas la radioactivité. Il faut connaître la radioactivité pour apprécier la vie, c'est en tout cas ce que pensent les riverains de Tchernobyl.
Heureusement, il y eut la France. Dans une vidéo grandiloquente, le Ministère du Redressement productif (1) affirme que "la France se réinvente" et que "la France industrielle a donné au monde" la locomotive à vapeur, l'automobile, le deux-roues motorisé, l'aviation, le cinéma, la médecine moderne et la radioactivité. C'est oublier la baguette, le camembert, le pull breton et le béret basque. Que serait le monde sans le béret basque? C'est aussi oublier, souligne Xavier de Jarcy dans Télérama (2), le Britannique Richard Trevitchick, inventeur de la locomotive, les Américains Orville et Wilbur Wright, qui ne furent pas pour rien dans l'invention de l'aviation, et l'Allemand Carl Benz qui créa le premier véhicule à moteur autonome.
Mais ce sont là broutilles et ergotages qui n'altèrent en rien le génie français.
Dès lors, on se demande à quel moment la France s'est arrêtée de tourner. Elle semble aujourd'hui installée dans le conservatisme, loin derrière la plupart de ses voisins et de bien d'autres pays à travers le monde.
La France est peuplée de vieux qui s'ignorent.
Pour qui s'y installe venant d'un autre pays européen, la France ne manque d'offrir chaque jour son lot de surprises. Patrimoine et tradition priment sur toute innovation.
Les paiements s'y règlent de préférence en chèques. Ne cherchez pas de numéro de compte sur une facture: le Français est convaincu que ce numéro est strictement confidentiel et que le divulguer risquerait de permettre à qui le connaît de vider ce compte. Sur les factures, les relevés de banque et les tickets de caisse, les sommes en euros sont toujours converties en francs français, près de douze ans après le passage à l'euro.
Mais là n'est pas le pire. En France, l'euthanasie reste un sujet tabou. La consommation de cannabis pourrait pousser certains au rétablissement de la peine de mort. Le vote des étrangers, promesse de François Hollande, est reporté aux calendes grecques.
La femme française n'est toujours pas l'avenir de l'homme. Elle est plutôt son chien fidèle. Quand on lui demande son nom, une femme mariée est priée de donner le nom de son mari. Le sien, c'est celui "de jeune fille", il n'est qu'accessoire.
Les noms de fonction ne sont toujours pas - contrairement à une vieille pratique en Belgique, en Suisse et au Québec - féminisés: en France, on parle d'un juge, d'un maire, d'un écrivain, même si c'est Madame. Madame le, surtout pas Madame la.
L'hystérie qui a gagné de nombreux Français face au projet de mariage pour tous, c'est-à-dire celui des homosexuels, participe de cette France accrochée à ses traditions et son conservatisme. C'est la France des Racines sans Ailes.
Mais le mariage homo devrait logiquement mettre fin au sexisme et à la phallocratie qui règnent dans l'administration. On ne baptisera pas d'autorité un membre d'un couple homo du nom de son conjoint, ce serait absurde. On peut donc espérer que le mariage homo fera avancer la cause et le droit des femmes et entrer la France dans le XXIe siècle.
(1) www.redressement-productif.gouv.fr/
(2) "Qui c'est les plus forts?", Télérama, 25 septembre 2013.