mercredi 25 septembre 2013

Vieille France

Que serait le monde sans la France? On se le demande. La civilisation ne serait peut-être pas encore à notre porte. Nous circulerions toujours en diligence, nous passerions des veillées avec nos voisins, nous nous soignerions avec des plantes. Et surtout nous ne connaîtrions pas la radioactivité. Il faut connaître la radioactivité pour apprécier la vie, c'est en tout cas ce que pensent les riverains de Tchernobyl.
Heureusement, il y eut la France. Dans une vidéo grandiloquente, le Ministère du Redressement productif (1) affirme que "la France se réinvente" et que "la France industrielle a donné au monde" la locomotive à vapeur, l'automobile, le deux-roues motorisé, l'aviation, le cinéma, la médecine moderne et la radioactivité. C'est oublier la baguette, le camembert, le pull breton et le béret basque. Que serait le monde sans le béret basque? C'est aussi oublier, souligne Xavier de Jarcy dans Télérama (2), le Britannique Richard Trevitchick, inventeur de la locomotive, les Américains Orville et Wilbur Wright, qui ne furent pas pour rien dans l'invention de l'aviation, et l'Allemand Carl Benz qui créa le premier véhicule à moteur autonome.
Mais ce sont là broutilles et ergotages qui n'altèrent en rien le génie français.
Dès lors, on se demande à quel moment la France s'est arrêtée de tourner. Elle semble aujourd'hui installée dans le conservatisme, loin derrière la plupart de ses voisins et de bien d'autres pays à travers le monde.
La France est peuplée de vieux qui s'ignorent.
Pour qui s'y installe venant d'un autre pays européen, la France ne manque d'offrir chaque jour son lot de surprises. Patrimoine et tradition priment sur toute innovation. 

Les paiements s'y règlent de préférence en chèques. Ne cherchez pas de numéro de compte sur une facture: le Français est convaincu que ce numéro est strictement confidentiel et que le divulguer risquerait de permettre à qui le connaît de vider ce compte.  Sur les factures, les relevés de banque et les tickets de caisse, les sommes en euros sont toujours converties en francs français, près de douze ans après le passage à l'euro.

Mais là n'est pas le pire. En France, l'euthanasie reste un sujet tabou. La consommation de cannabis pourrait pousser certains au rétablissement de la peine de mort. Le vote des étrangers, promesse de François Hollande,  est reporté aux calendes grecques.

La femme française n'est toujours pas l'avenir de l'homme. Elle est plutôt son chien fidèle. Quand on lui demande son nom, une femme mariée est priée de donner le nom de son mari. Le sien, c'est celui "de jeune fille", il n'est qu'accessoire.
Les noms de fonction ne sont toujours pas - contrairement à une vieille pratique en Belgique, en Suisse et au Québec - féminisés: en France, on parle d'un juge, d'un maire, d'un écrivain, même si c'est Madame. Madame le, surtout pas Madame la.

L'hystérie qui a gagné de nombreux Français face au projet de mariage pour tous, c'est-à-dire celui  des homosexuels, participe de cette France accrochée à ses traditions et son conservatisme. C'est la France des Racines sans Ailes. 
Mais le mariage homo devrait logiquement mettre fin au sexisme et à la phallocratie qui règnent dans l'administration. On ne baptisera pas d'autorité un membre d'un couple homo du nom de son conjoint, ce serait absurde. On peut donc espérer que le mariage homo fera avancer la cause et le droit des femmes et entrer la France dans le XXIe siècle.  



(1) www.redressement-productif.gouv.fr/
(2) "Qui c'est les plus forts?", Télérama, 25 septembre 2013.

vendredi 20 septembre 2013

Le loup et l'agneau

"Certains moutons s'interrogent: vaut-il mieux choisir l'homme ou le loup? Choisissons le moins sectaire." François Morel a consacré son billet de ce vendredi à l'avancée du loup en France. "Si l'on n'y prend garde, le loup sera le prochain maire." 
A écouter et faire écouter, pour ne pas se laisser glacer par le hurlement des loups dans les campagnes et les banlieues françaises: sur www.franceinter.fr, dans les émissions de ce vendredi 20 septembre, le billet de François Morel à 8h55.

lundi 16 septembre 2013

Bon sens ne peut mentir

Les braqués qui tirent sur les braqueurs sont des héros qui devraient être décorés. Il faut encourager les citoyens à faire justice eux-mêmes, pour lutter contre "l'ensauvagement de la France". C'est ce qui ressort des réflexions menées par les élus et les militants du Front national lors de leur université d'été (1). Ce qui nous amène à nous demander ce qu'est une université. Robert (le petit) affirme qu'il s'agit d' "un établissement d'enseignement supérieur constitué par un ensemble d'unités de formation et de recherche, d'instituts, de centres et de laboratoires de recherche". Ainsi donc les analyses scientifiques menées par les chercheurs du Front national les amènent à produire des réflexions que n'importe quel Texan ras de front est capable de formuler: il faut toujours tirer le premier. L'université d'été du Front national explore le bon sens. C'est le bon sens qui affirme que seule la violence peut combattre la violence et qu'il est parfois prudent de tirer dans le dos. 
Le bon sens n'est évidemment pas du sectarisme. C'est pourquoi François Fillon qui a les pieds sur  terre n'est pas sectaire. Son parti, l'UMP, n'appellera à voter, lors de seconds tours dont il ne serait pas, que pour le parti le moins sectaire, le FN ou un autre parti. 
En 2002, le PS avait appelé à voter pour Jacques Chirac au second tour des présidentielles pour faire barrage à l'inquiétant et éructant Jean-Marie Le Pen. Aujourd'hui, Fillon n'hésite pas à tirer dans le dos du PS. Ainsi le veut le bon sens.
Quant à l'UDI de Jean-Louis Borloo, il refusera d'appeler à voter tant pour l'extrême droite que pour l'extrême gauche, entre lesquels il ne fait aucune différence. Suggérons aux militants de l'extrême centre et à François Fillon de lire "Bienvenue au Front - Journal d'une infiltrée" de Claire Checcaglini (2). On y découvre la stupidité abyssale de militants et de responsables du F.N., leur haine des Juifs, des Arabes, des Roumains, des homosexuels et toute personne qui n'est pas comme eux. Mais n'y voyons aucun sectarisme. Juste du bon sens. 


(1)
www.rue89.com/2013/09/15/bijoutier-nice-doit-etre-decore-quand-fn-celebre-les-citoyens-flics-245709
(2) éditions Jacob-Duvernet, 2012.

lundi 9 septembre 2013

Comprend qui peut

La France comique s'est souvent incarnée dans des duos: Roger Pierre et Jean-Marc Thibaut, les Frères Ennemis, Grosso et Modo, Chevalier et Laspallès. Elle a aujourd'hui Eric Ciotti et Christian Estrosi. Ils  sont sans conteste de type français. Ils sont eux aussi les fils spirituels de Louis Figuier qui écrivait en 1878 que "au point de vue intellectuel, le Français se distingue par une promptitude et une activité de conception vraiment hors ligne. Il comprend vite et bien. Une nuance de sentiment vient s'ajouter à son activité intellectuelle. A cet ensemble de qualités de l'esprit et du cœur, joignez une dose très prononcée de raison, un jugement solide et une véritable passion pour l'ordre et la méthode, et vous aurez le type français." (1)
Eric Ciotti et Christian Estrosi, tous deux élus UMP, se sont publiquement scandalisés que, en ouverture des Jeux de la Francophonie samedi dernier dans leur bonne ville de Nice, le rappeur Kery James ait été invité à chanter "Banlieusards" (2). "Une chanson scandaleuse et inappropriée qui appelle à la révolution dans les banlieues", estiment-ils. Leur dose très prononcée de raison, leur jugement solide et surtout leur véritable passion pour l'ordre et la méthode leur ont permis de voir clair. On ne la leur fait pas, à eux. Jésus a dit "lève-toi et marche!", ils appliquent cet ordre tous les jours au saut du lit. Mais quand Kery James prononce la même phrase, ce ne peut être que pour mettre les banlieues à feu et à sang. Quand Kery James serine en refrain que "on n'est pas condamnés à l'échec", ils comprennent qu'il invite les jeunes à mettre les banlieues à feu et à sang. Quand Kery James dit qu'il ne veut pas brûler des voitures, mais en construire et en vendre, ils comprennent qu'il appelle à mettre les banlieues à feu et à sang. Cette chanson, presque trop gentille, positive et volontariste, qui "rêve d'une France unifiée", qui incite les jeunes à refuser la fatalité, à se bouger, pour sortir d'une culture de l'échec, à "apprendre, comprendre, entreprendre", Estrosi et Ciotti la voient comme une menace. Ce en quoi ils ont raison: "si le savoir est une arme, dit Kery James, soyons armés, car nous sommes désarmés". Si les jeunes des banlieues devenaient tous armés, c'est-à-dire cultivés, critiques et actifs, s'ils connaissaient la réussite, que resterait-il du type français? Il serait condamné à l'échec.


(1) lire "Le type français", su ce blog, 24 août 2013.
(2) www.rue89.com/rue89-culture/zapnet/2013/09/08/chanson-kery-james-agace-eric-ciotti-245522

samedi 7 septembre 2013

Miroir, dis-moi qui est la plus belle

La communication est décidément bien difficile entre les politiques et les journalistes. Les premiers reprochent aux seconds de déformer leurs propos, de les sortir de leur contexte, de rechercher le scoop à tout prix.
Dernier exemple en date: Ségolène Royal. L'hebdomadaire Le Point publie une interview d'elle sur deux pages. La dame à l'ego royal y dit combien le rôle de présidente de l'Assemblée nationale était taillé pour elle: "ça n'aurait pas été mauvais pour le pouvoir que ce soit moi la présidente de l'Assemblée". Mais elle sait qu'on la redoute: "j'ai du charisme, de l'aura, du poids. Au gouvernement, je leur ferais de l'ombre", dit-elle.  Elle s'aime bien, se voit en "personnage sécurisant" et n'aime pas les autres: Martine Aubry, Claude Bartolone, Delphine Batho en prennent pour leur grade. Et c'est normal, puisque les autres lui piquent ses idées. Et ils ne s'en rendent même pas compte. Elle en rit, mais elle ne leur fera pas la guerre, puisqu'elle ne veut pas "remugler (sic) le passé".
La journaliste du Point rapporte dans son magazine toutes ces hautes réflexions dont il eût été dommage que nous n'eussions pas connaissance. Il faut croire qu'à leur lecture ou aux coups de fil qu'elle a reçus, Ségolène Royal a compris qu'elle avait émis quelques bêtises. La voilà qui se plaint de l'incompétence de la journaliste, incapable de retranscrire ses propos. D'ailleurs, affirme-t-elle, "je n'ai donné aucune interview au Point ni en ai sollicité une". On la croit volontiers,  on ne l'imagine pas une seule  seconde rechercher une interview. La modestie de S'Ego ne le souffrirait pas.

lire
- "Royal dénonce les propos que lui fait tenir Le Point", La Nouvelle République, 6 septembre 2013. 
- www.lepoint.fr/politique/segolene-royal-au-gouvernement-je-leur-ferais-de-l-ombre-04-09-2013-1720978_20.php