mercredi 27 février 2013

Qu'est-ce qu'un homme révolté? *

Pour lui, "l'indifférence (est) la pire des attitudes". Il rappelait que "Sartre nous a appris à nous dire: vous êtes responsables en tant qu'individus. C'était un message libertaire. La responsabilité de l'homme qui ne peut s'en remettre ni à un pouvoir ni à un dieu. Au contraire, il faut s'engager au nom de sa responsabilité de personne humaine." 
Stéphane Hessel vient de mourir. Il avait 95 ans et l'indignation de ses 20 ans.
Il disait aux jeunes: "regardez autour de vous, vous y trouverez les thèmes qui justifient votre indignation - le traitement fait aux immigrés, aux sans-papiers, aux Roms. Vous trouverez des situations concrètes qui vous amènent à donner cours à une action citoyenne forte. Cherchez et vous trouverez!".
Il n'est même pas besoin de chercher pour trouver. Le quotidien est fait de motifs d'indignation et d'engagement.

extraits de "Indignez-vous!", de Stéphane Hessel, éditions Indigène

* Qu'est-ce qu'un homme révolté? Un homme qui dit non. Mais s'il refuse, il ne renonce pas.
 Albert Camus

Ouverture des soldes

Le projet de communauté de communes du Val de Dendre (1) fait des vagues. Il intéresse certains bourgmestres. Il en fait fulminer d'autres. Qui n'hésitent pas à parler d'escobarderie (2). Ils témoignent ainsi à la fois de leur culture générale et de leur fureur. Un escobar est "un casuiste, un hypocrite qui résout adroitement et au mieux de ses intérêts les cas de conscience les plus délicats" (3). Le mot est tiré du nom du jésuite Escobar y Mendoza (XVIIe siècle).
Une escobarderie serait ainsi un adroit mensonge, un subterfuge, une tartuferie, pire: une fourberie.
L'accusation d'escobarderie à l'égard des assaillants de la Wallonie picarde (car c'est de cela qu'il s'agit) sous-entend que cette dernière n'est, elle, évidemment en rien une tartuferie. C'est une grande avancée pour le wallon picard.
En fait, le projet de Val de Dendre pourrait tout aussi bien être qualifié d'"escaut braderie".

(1) lire "Vu du donjon", 22 février 2013.
(2) www.rtbf.be/info/regions/detail_la-wallonie-picarde-a-t-elle-du-plomb-dans-l-aile?id=7934713
(3) Le Petit Robert

lundi 25 février 2013

Parasite du langage

La promiscuité et le bruit qu'elle engendre font le malheur de l'homme moderne. "Je vous signale que je me lève de bonheur", écrit une personne à l'intention de ses voisins bruyants et noctambules (1). On voit par là qu'une bonne orthographe peut aider à se faire comprendre. Il faudra que je le dise à mes étudiants. 

(1) JT de 20h de France 2, 25 février 2013.

vendredi 22 février 2013

Vu du donjon

Il était une fois un marquisat où la vie était bien tranquille. Le marquis qui le régentait en avait pris, sans devoir batailler, le fief principal. Les bourgeois en chemise lui en avaient remis les clés dès qu'il s'était présenté aux portes de la ville. Les échevins et les prévôts étendaient au sol leur cape sur son passage pour lui éviter les passages boueux et les ornières pavées. Il avait imposé la paix des braves dans l'ensemble du marquisat. Les années s'annonçaient ronronnantes. Les sujets étaient presque réjouis.
Or voici qu'un baronnet nouveau qui aimait en découdre voulut faire de sa ville nouvellement conquise le fief de sa baronnie, celle du Val de Dendre. "Ralliez-vous à mon panache jaune et mauve", clama-t-il, "le marquisat nous ignore, nous les petits, nous les obscurs, nous les sans-grade". Le chevalier d'une bourgade campagnarde le soutint aussitôt. Il avait été l'écuyer du Marquis et l'écuage lui avait été pénible. Aussi ne dédaignait-il pas de lui tailler des croupières, en divisant en deux son marquisat.
Le Grand Sénéchal s'offusqua, en appelant à l'union sacrée du marquisat. "Il faut le garder en l'Etat, disait-il, sous la coupe de notre seul suzerain. Je serai plutôt de Motte que de Val. Le marquis est notre petit prince. Nous ne voulons pas de baronnies."
Mais d'autres chevaliers déjà prenaient fait et cause pour le baronnet.
Le feu couvait.

voir
www.rtl.be/info/belgique/societe/982526/le-bourgmestre-d-ath-met-le-feu-au-ps-en-wallonie-picarde
www.lavenir.net/article/detail.aspxarticleid=DMF20130221_00272084&postcode=7800

jeudi 21 février 2013

Fastoche

Quarante mille personnes ont défilé aujourd'hui dans les rues de Bruxelles pour réclamer le maintien de l'emploi et protester contre les mesures d'austérité. La manifestation a fait écho au Parlement. Interpellé, le premier ministre, Elio Di Rupo, juge aisées les attaques dont il est l'objet de la part d'élus verts. "C'est facile de marcher dans la rue avec les syndicats, dit-il. Tout le monde peut le faire." (1) Il sait de quoi il parle. Combien de fois l'a-t-il fait? Cinquante fois? Cent? Cent cinquante? 
Son successeur à la tête du Ps défend le gouvernement Di Rupo: "la Belgique a le gouvernement le plus social d'Europe" (1), affirme Paul Magnette. Les politiques adorent déclarer que leur pays est le plus ceci, le plus cela. C'est facile à dire, ça ne coûte pas grand chose et ça fait plaisir à entendre. C'est difficile à démontrer (mais qui le leur demande?), mais aussi difficile à démonter. C'est au moins aussi facile que de marcher dans la rue avec les syndicats.

(1) JT de la RTBF, 21 février 2013, 19h30.

lundi 18 février 2013

Autant savoir

Mieux vaut savoir où l'on met les pieds, à qui l'on confie sa carte de crédit. Même si c'est pour acheter un livre antifasciste. Un reportage allemand, relayé par la RTBF (1), affirme que la société Amazon en Allemagne fait surveiller ses 5.000 travailleurs étrangers par une firme qui a pour nom Hess Security. Ce Hess a un prénom: Herman. La firme a donc adopté une claire et sombre référence. Ses agents, vêtus de noir, véritable milice privée, contrôlent les travailleurs: rangent-ils leur chambre? consomment-ils de l'alcool? Il semble important pour Amazon de le savoir.

Mieux vaut savoir avec qui on vole. Ryanair devient le numéro un (ou first ou uno ou eeerst) du ciel européen. Le low cost triomphe. A n'importe quel prix. Au prix des conditions de travail des pilotes et des hôtesses qui jouent aussi les agents d'entretien. Un pilote dénonce une pression constante. Une hôtesse rappelle qu'elle paie son uniforme 30 euros par mois. "Le low cost triomphe", affirme Michaël O'Leary, leur patron (2). Lui triomphe. Et le consommateur peut-être, même s'il paie tous les frais annexes (trois euros la bouteille d'eau, par exemple, et combien pour utiliser les toilettes bientôt?) et s'il ne voit que son intérêt immédiat.  Le CO2 triomphe aussi. Et la suffisance. (3)

Mieux vaut savoir avec qui l'on vit. Mattéo, un gamin de 13 ans, s'est suicidé. Il ne supportait plus les vexations qu'il subissait de ses "camarades" de ce collège de Bourg Saint-Maurice, parce qu'il avait le tort d'être roux (2). On voit par là que la bêtise n'a pas d'âge, pas d'époque. Les poils de carotte continuent à déranger, pour d'incompréhensibles raisons, les gens qui se sentent normaux.
"Je suis roux. Le roux est un homme à part. Il attire les uns et répugne aux autres pour des raisons qui me sont jusqu'à présent restées mystérieuses. J'ai connu des gens pour qui la couleur particulière de mes cheveux provoquait une antipathie subite. On m'aime ou on me hait, sans tarder. (...) Ainsi à cause de cette chevelure couleur de chaudron, mes rapports avec les hommes ont quelque chose de singulier." Julien Green, Moïra) (3)

L'homme apprend-il de lui-même?

(1) RTBF,  JT de 19h30, 17 février 2013.
(2) France 2, JT de 20h, 18 février 2013.
(3) Lire sur ce blog le billet "Il y a vol et vol", 12 juin 2011.
(4) cité en exergue de "Roux et rousses, un éclat très particulier", Xavier Fauche, Découvertes Gallimard 338.

samedi 16 février 2013

L'odeur désagréable de l'argent

Un chômeur nantais vient de se suicider, il s'est immolé par le feu devant l'agence de Pôle Emploi. Il avait travaillé 720 heures plutôt que les 600 autorisées. Il devait rembourser les allocations perçues en trop. Il n'en avait pas les moyens (1). 

Carlos Ghosn, le patron de Renault, fait un geste: bon prince, il est disposé à reporter à fin 2016 30% de la rémunération variable à laquelle il a droit. Dans le même temps, Renault supprimera 2.860 emplois, mais sans licenciement ni fermeture de site. Pour autant que les travailleurs acceptent un gel des salaires en 2013, un allongement de leur temps de travail et une plus grande mobilité. En 2011, la rémunération variable qu'a touchée Ghosn était de 1,59 million d'euros; la part fixe de 1,23 million (1). Son salaire est de 12 millions d'euros (2). Sans compter ce qu'il gagne en qualité de patron de Nissan.

Le footballeur David Beckham, engagé pour quelques mois pour faire parler du PSG, sera logé dans une suite d'un grand hôtel parisien. Il en coûtera à son club provisoire 17.500 euros la nuit.

On voit par là que l'argent est assez mal réparti et qu'on a du mal à comprendre ceux qui s'offusquent de la taxation à 75% de la tranche des revenus supérieurs à un million d'euros par an. On a aussi du mal à comprendre ces supporters qui dépensent une part non négligeable de leur salaire pour aller encourager des nababs en short.

(1) La Nouvelle République, 15 février 2013.
(2) France Inter, 16 février 2013, 9h30.

jeudi 14 février 2013

Chants du coq

D'après le Ministre français de la Consommation, Benoît Hamon, une société française porterait une lourde responsabilité dans l'histoire des lasagnes dont le boeuf est fait de viande de cheval. On ne peut le croire. "Nous avons mis en place le meilleur système (de traçabilité) au monde depuis la crise de la vache folle", affirme Jean-René Buisson (1), président des industries agroalimentaires françaises. Il faut donc en conclure que ni la Grande-Bretagne, ni la Roumanie, ni le Luxembourg, ni la Suède, ni la Suisse, ni l'Argentine, ni le Koweït, ni le Japon, ni aucun autre pays au monde vous dit-on ne dispose d'un système aussi performant. On n'ose imager le niveau de contrôle sanitaire hors de France.

La littérature francophone est la littérature écrite en français hors de France. La littérature écrite en France est française. Il s'agit de ne point confondre torchons et serviettes. "En France, malheureusement, on considère souvent qu'il y a le dessus du panier, la littérature franco-française, estime l'écrivain Alain Mabanckou, et en-dessous, les littératures francophones venues d'ailleurs. Il reste par exemple toujours difficile de dire à un auteur français qu'il est un écrivain francophone, il pourrait trouver cela insultant." (2)
"A Paris, ajoute-t-il, on n'a pas conscience de ces bataillons d'auteurs venus d'ailleurs et quasi inconnus dans l'Hexagone qui circulent dans les instituts français, qui enseignent dans les universités étrangères, qui organisent des rencontres littéraires à San Francisco ou à Dearborn, dans le Michigan, pour défendre la langue française."

La haute couture est-elle encore française? Xavier de Jarcy se pose la question. "On a été surpris, écrit-il (3), en janvier, de voir défiler des Barbie princesses entre deux potiches en carton-pâte. Comme si le vêtement n'avait pas évolué depuis cinquante ans, comme si les Japonais ou les Belges ne l'avaient pas révolutionné. Paris, capitale de la mode poussiéreuse?", se demande-t-il.

Je me souviens, c'était il y a bien longtemps (trente ans au moins), que le Nouvel Observateur avait consacré un article à l'histoire du carré blanc à la télévision. Le journaliste concluait son article par un cocorico: la  télévision française, disait-il, était quand même la seule au monde à avoir osé programmer en prime time (comme on ne disait sans doute pas encore à l'époque) le film "Dernier tango à Paris". Il y a bien eu la télé publique belge, ajoutait-il, mais (et c'est toujours un journaliste de cet hebdomadaire de haute volée intellectuelle qui s'exprimait) on dit que les programmateurs belges pensaient qu'il s'agissait d'un documentaire sur les dancings parisiens. C'est ce jour-là que j'ai résilié mon abonnement au Nouvel Obs.

C'était notre série: "On ne peut pas être et avoir été".


(1) La Nouvelle République, 12 février 2013.
(2)"L'invité - Alain Mabanckou",  Télérama, 6 février 2013.
(3) "Haute, la couture?", Télérama, 6 février 2013.

mercredi 13 février 2013

Au suivant

Y a t-il un journal, écrit, parlé ou télévisé, qui ait osé annoncer que "un nouveau pape est appelé à régner"? On  ne l'a lu ni entendu et on le regrette. Le président Hollande est interviewé sur France Inter (1). Il s'exprime, comme il en a l'habitude, très prudemment. Je prends note de l'information, dit-il, un successeur du pape sera désigné. On aurait tant aimé qu'il dise que "un nouveau pape est appelé à régner". Et que la journaliste s'étonne: "araignée? quel drôle de nom pour un pape!". Et tous les deux auraient pouffé. Mais apparemment on ne pouffe pas avec le pape. Il y a des choses qui ne se font pas. Même la veille du mardi gras.

(1) Journal de 13h, 11 février 2013.

samedi 9 février 2013

Dieu et les programmes de TF1

On aurait tort de ne pas acheter la Nouvelle République le samedi. On a alors droit, avec le quotidien, à son supplément, le "TV Magazine". Ce samedi, c'est Jean-Pierre Pernaut, "la pièce maîtresse", qui en fait la couverture. C'est que le journaliste présente depuis vingt-cinq ans le JT de 13h de TF1 et reste le champion de l'audience française à cette heure. Il en est très heureux. "Tous les matins, dit-il, je remercie le bon Dieu, Patrick Le Lay (1) et Nonce Paolini de m'avoir accordé leur confiance pour réaliser ce journal." Le catéchisme nous avait appris que Dieu est partout. On n'avait pas imaginé qu'il était même à la direction de TF1, sous la forme de la Sainte-Trinité.
Jean-Pierre Pernaut s'est fait une spécialité de la France des régions, il est le chantre d'une France immuable, sans doute celle qui voit arriver avec une horreur sans nom "le mariage pour tous" et le droit de vote pour les étrangers aux municipales (2). La France serait-elle encore la France si elle changeait? Monsieur Pernaut a pour mission de nous rassurer. Il y a toujours des artisans en France, toujours des villages qui s'abreuvent aux sources, toujours des vaches qui regardent passer les trains, des ânes qui trottinent et surtout des coqs qui chantent. Monsieur Pernaut est le conservateur d'une France qui serait un grand musée vivant dans lequel on rencontre encore des savetiers bien plus sages que des financiers. Monsieur Pernaut espère  présenter longtemps encore son JT. Toujours la passion l'anime, dit-il. Et ses détracteurs ne le dérangent pas: "le 13 heures sur lequel s'acharnent une petite dizaine de personnes ne leur est pas destiné. Ce n'est pas mon problème, mais j'ai la vague impression que les audiences me donnent raison..." Et donc aussi les financiers de TF1, sans doute plus sages que certains savetiers. De toute façon, qui donc a raison sinon l'audience?

(1) celui qui affirmait vendre aux annonceurs "du temps de cerveau disponible". Ce à quoi contribue Monsieur Pernaud.
(2) arrivera-t-il un jour?

vendredi 8 février 2013

Egalité bla bla

Il est des positions qui nous prouvent que la terre est ronde. Voici un parti bruxellois, "Egalité", dont on nous dit qu'il se situerait à l'extrême gauche et qui tient des propos et a des attitudes dignes d'un ayattolah, c'est-à-dire à l'extrême droite.
"Egalité" revendique le "chahut" qu'il a organisé à l'ULB il y a un an (1) pour empêcher Caroline Fourest de s'exprimer sur les dérives que l'on peut qualifier de fascisantes de faux dévots, dangereux pour la démocratie. Tout leur discours se résumait à un incompréhensible slogan: "burqa bla bala". Tout le monde a parlé de ce chahut, se réjouit Nordine Saïdi, l'un des perturbateurs. Ceux-ci ont fait le buzz, ils en sont aussi fiers que des candidats à une vulgaire émission de télé-réalité. Mais cette réalité-ci est bien triste: ce faux chahut n'était rien d'autre qu'une vraie censure. Saïdi feint de s'étonner des suites données à l'affaire. Voilà les censeurs qui se posent en victimes, une de leurs poses préférées. 
Une pose d'autant moins crédible que Nordine Saïdi a placé sur son profil Facebook une vidéo intitulée "Breivik: le terroriste préféré de l'islamophobe Caroline Fourest". Courageusement, il affirme n'être ni l'auteur ni (de manière assez incompréhensible) le diffuseur de cette vidéo qui on l'imagine ne connaît pas les nuances et met dans le même sac une démocrate pourfendeuse de tous les intégrismes et partisane de la diversité culturelle et un assassin malade de pureté culturelle. Avec cette vidéo, la bêtise le dispute à l'abjection. 
Caroline Fourest, logiquement, a déposé plainte contre Nordine Saïdi. Celui-ci se récrie: cette plainte "est une tentative d'intimidation à son égard", dit-il dans un communiqué (2). On a du mal à le suivre: il agresse et s'étonne d'être poursuivi. D'agresseur, le voilà à nouveau victime, le pauvre homme. Il affirme se réjouir du procès qui lui est fait: il s'en servira "pour exposer à la justice pourquoi il considère Mme Fourest comme coutumière de propos islamophes".
Nous y (re)voilà: l'islamophobie, ce terme inventé par les intégristes islamistes pour interdire qu'on les critique. "Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles: l'islamophobie", écrit Salman Rushdie (qui sait de quoi il parle!) dans sa remarquable autobiographie "Joseph Anton" (3). "Critiquer la violence militante de cette religion dans son incarnation contemporaine, poursuit-il, était considéré comme du fanatisme. Une personne phobique avait des positions extrêmes et irrationnelles, c'était donc elle qui était fautive et non pas le système religieux qui revendiquait plus d'un milliard d'adeptes à travers le monde. (...) Une religion n'était pas une race. C'était une idée, et les idées résistaient (ou s'effondraient) parce qu'elles étaient assez fortes (ou trop faibles) pour supporter la critique, non parce qu'elles en étaient protégées. Les idées fortes accueillaient volontiers les opinions contraires."
On attend impatiemment de comprendre quelles mouches ont piqué des militants dits d'extrême gauche qui se rangent du côté de bigots obscurantistes. La terre est ronde. Mais peut-être le contestent-ils.

(1) lire sur ce blog "Faiblesses d'esprit", 8 février 2012.
(2) LLB, 6 février 2013.
(3) Plon, 2012, p. 400.

mardi 5 février 2013

Insatiables

C'est plus fort qu'eux. Ils ne peuvent s'en empêcher. Ils sont insatiables. Un mandat ne leur suffit pas. Deux est un minimum. Et s'ils peuvent en avoir plus, c'est mieux encore. Qui les prendrait au sérieux, qui les reconnaîtrait comme des gens de pouvoir s'ils ne détenaient plusieurs mandats? Mais qu'on se rassure, ce n'est pas la soif de pouvoir qui les guide, c'est le bien de leur chère commune. Une commune sait que si elle est dirigée par un ministre, même soi disant empêché, ou au moins par un parlementaire, elle profitera de la manne céleste.
Paul Magnette, cet homme nouveau, est une bénédiction pour Charleroi qui revient de loin. C'est l'homme providentiel. Il avait été clair avant les élections: s'il devenait bourgmestre, il quitterait son poste de ministre. Charleroi mérite bien un bourgmestre qui s'engage pour son redressement. Il l'a fait, il a démissionné du Gouvernement fédéral, mais pour aussitôt redevenir aussi sénateur et, en plus, président du Ps. Ce qui, on en convient, n'est pas une sinécure. Ses échevins doivent, eux, exercer leur fonction à temps plein. Et sa partenaire CDH, Véronique Salvi, a été priée d'en faire autant: elle a dû quitter son siège de députée wallonne pour devenir échevine à temps plein. "Paul Magnette avait bien fait figurer ce décumul dans les exigences posées à l'entrée du CDH au sein de la tripartite carolo", écrit LLB (1). Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Il est vrai que les grands hommes ont des droits que n'ont pas les plus petits.
A Flobecq, le sémillant bourgmestre Philippe Mettens ne peut cumuler cette fonction avec celle de haut fonctionnaire. Il est directeur de la Politique scientifique fédérale. Mais il refuse de choisir. Ce à quoi l'oblige pourtant le décret "bonne gouvernance" adopté par le Parlement wallon en octobre 2010. Ses concitoyens l'ont élu, explique-t-il, il se doit donc assumer son rôle de maïeur. Faut-il croire qu'il ignorait l'existence de ce décret avant de se présenter aux élections? Les électeurs ont bon dos. 
A Ans, le bourgmestre Stéphane Moreau était dans le même cas. Il ne l'est plus. Il dirigeait le Tecteo Group, une puissante intercommunale (trois milliards d'euros, deux mille employés). Il est maintenant CEO de la SA Tecteo Services, "une filiale privée détenue à 99% par la maison-mère et qui décide de tout: le concept d'intercommunale a été vidé de sa substance", explique Marie-Cécile Royen dans le Vif (2). Il peut donc ainsi cumuler sans (trop) en avoir l'air. "Cette astuce lui permet  de cumuler un poste de bourgmestre avec, dans les faits, la direction d'une importante entreprise publique aux ramifications multiples, ce qu'interdit le décret wallon sur la démocratie locale", poursuit la journaliste.
A Tournai, Rudy Demotte "ne lâche rien". On le sait, l'appellation de "bourgmestre empêché" n'est pas pour lui, il préfère (et impose) celle de "bourgmestre en titre". Dans les faits il est donc bourgmestre et ministre-président. Le premier des Wallons s'assied donc sans complexe sur le décret wallon sur la démocratie locale. Les pavés de rues de Tournai se soulèvent après le gel? C'est la chargée de communication du bourgmestre empêché de titre qui explique ce que va faire la ville (3). On voit par là qu'il sait déléguer.
Dans la série "nos hommes admirables", c'était "la démocratie, c'est si beau quand c'est bien fait".

P.S.: ah, tiens, au fait! Ces quatre hommes appartiennent à un parti qui se qualifie de socialiste. Un hasard assurément.


(1) LLB, 2 février 2013.
(2) Le Vif, 25 janvier 2013.
(3) LLB, 1er février 2013.

lundi 4 février 2013

Mens insana in corpore pareil

Ah! La glorieuse incertitude du sport! Qui peut dire quel athlète l'emportera? Quelle équipe gagnera?
Eh bien, en fait, beaucoup de monde. 
On a appris - avec un étonnement total - que Lance Armstrong s'est dopé durant toute sa carrière. Yes, he did it. On apprend que son confrère Rasmussen en a fait tout autant. La liste des produits qu'il a consommés est longue comme une étape sans EPO pour un coureur du Tour de France. Mais ce sont des exceptions, nous dit-on, des moutons noirs. Ou des brebis galeuses. On ne fait pas bien la différence entre elles et eux. Tous les autres coureurs cyclistes sont blancs comme cocaïne. Sauf ceux qui sont morts. Comme Pantani ou Vandenbroucke, par exemple.
Et voilà qu'on apprend, avec un étonnement (infini, cette fois) que des centaines de matchs de foot à travers le monde ont été truqués. 380 selon le JT de la RTBF, 680 selon celui de France 2 (1). Beaucoup en tout cas. Europol a identifié 425 arbitres, joueurs et dirigeants de clubs qui se sont laissé acheter. Les parieurs bénéficiaires ont gagné huit millions d'euros en quatre ans. Une deuxième enquête est en cours,  portant sur trois cents autres matchs (2). 
Il nous reste le moto-cross. Un sport de mecs, de vrais, qui courent juste pour le plaisir. Ce week-end avait lieu l'Enduro du Touquet. Les Mad de Max de bazar (3) jouaient à se poursuivre sur la plage. Ils s'amusaient bien. Mais voilà que la mer est montée plus tôt que prévu. Elle a envahi la plage, comme des supporters un terrain de foot. La course a dû s'arrêter. Dans la confusion. (4) Faut-il croire que la mer n'aime pas le sport? Oh sombres héros de la mer!
On ne sait plus à quel sport se vouer.

(1) ce 4 février.
(2) visiblement, le journaliste de France 2 a déjà considéré que ces faits-là aussi sont avérés.
(3) selon l'expression de Renaud parlant des concurrents du Paris-Dakar.
(4) JT régional de France 3 Nord Pas de Calais, 4 février 2013.

dimanche 3 février 2013

De la fierté du carrefour

La sous-région que l'on ne peut plus appeler "Hainaut occidental" (et encore moins sous-région) sous peine de se faire traiter de ringard, mais que la novlange a rebaptisée "Wallonie picarde" (ou, plus fun encore, "Wapi") (1) aime se présenter comme le carrefour de l'Europe.
Peut-être en est-elle un parmi beaucoup d'autres. J'en ai traversé de nombreux. Mais est-ce là son ambition? Est-on fier et heureux d'habiter dans un carrefour?
"On ne compte plus les régions ou métropoles qui se définissent comme étant au carrefour de l'Europe!, affirme l'économiste français Jean Gadrey (2). Curieux projet quand même: être un carrefour plutôt qu'un espace de vie largement autonome..."

(1) rappelons que c'est Rudy Demotte qui a voulu la fin de la phase H.O.
(2) in "Elus, on est là", Télérama, 23 janvier 2013.

vendredi 1 février 2013

Vous allez voir ce que vous allez voir

Tous les matins, en se levant, Jean-Claude Marcourt se répète cette phrase: "ce n'est pas parce que ce que c'est impossible qu'ils ont peur, c'est parce qu'ils ont peur que c'est impossible" (1). Alors, il se lève d'un pied léger et peut affronter tous les moulins à vent du monde. Et même d'Inde. D'ailleurs, il n'hésite pas à défier le géant Mittal: "nous utiliserons tous les moyens pour vous faire plier" (2). Ce ministre de l'Economie, c'est la détermination faite homme.
Tous les responsables politiques, de la majorité comme de l'opposition, tiennent de mâles discours: c'est un scandale et ils feront tout pour sauver l'emploi à Arcelor. Même si, dans la presse, aucun commentateur n'y croit et que tous démontrent pourquoi aucune solution ne pourra être trouvée. Tel Frédéric Chardon qui écrit dans LLB (3): "Imaginons que Mittal -  de son plein gré ou bien contraint et forcé - cède et accepte de revendre ses sites principautaires (...), quel capitaine d'industrie oserait se lancer actuellement dans une telle aventure sachant que le marché européen de l'acier est particulièrement plombé? Bref, la partie de poker est loin d'être gagnée par le gouvernement wallon."
Mais le rôle du politique est de cultiver l'optimisme et il serait suicidaire celui qui oserait dire qu'il pense comme les éditorialistes. Que non seulement la situation est grave, mais qu'en plus elle est désespérée.
Qui peut prendre au sérieux un Jean-Claude Marcourt qui, voilà un an, s'asseyait sur un rapport qui annonçait le pire? Qui peut prendre au sérieux un Rudy Demotte qui préféra laisser passer sans broncher la suppression de la phase à chaud parce qu'il était convaincu que c'était là une assurance que la phase à froid serait préservée? Quels responsables politiques osent remettre en question les décisions qu'ils ont eux-mêmes prises et surtout le système capitaliste totalement cynique sur lequel aucun d'eux ne se donne prise?
Ceci dit - avouons-le - je me pose la question: si j'étais encore parlementaire, pourrais-je dire autre chose que "il faut y croire", "nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir"? L'indignation ne coûte pas cher. Et elle permet de sauver la face. Mais c'est bien tout ce qu'elle sauve.

"Un bon politicien, estimait Churchill, est celui qui est capable de prédire l'avenir et qui, par la suite, est également capable d'expliquer pourquoi les choses ne sont pas exactement passées comme il l'avait prédit." (4)


(1) Journal parlé de la Première, 31 janvier, 13h.
(2) voir le "Café serré" de Thomas Gunzig, la Première, 31 janvier 2013.
(3) LLB, 30 jnvier 2013.
(4) cité par Etienne Davodeau, dans sa BD "Les Aventures de François et Jean-François", publiée dans Télérama, 30 janvier 2013.