dimanche 29 janvier 2023

Sacré Coran

Un "acte barbare et abject", voilà comment est qualifiée par des musulmans la provocation d'un militant suédois d'extrême droite, coutumier du fait, qui a brûlé un exemplaire du Coran devant l'ambassade turque à Stockholm (1). De nombreuses manifestations de protestation l'ont dénoncée. On aurait pu s'attendre à un haussement d'épaules. Ce qui a été brûlé, c'est du papier et il existe des millions d'exemplaires du Coran dans le monde. Ces crétins d'extrême droite ne pourront les supprimer tous. Mais surtout on pourrait espérer semblables réactions pour tous les actes autrement barbares et abjects, attentats meurtriers, exécutions, lapidations, viols commis au nom d'Allah ou de son prophète. Combien de dizaines de milliers de personnes sont mortes à travers le monde, tuées au nom de l'islam, sans qu'on n'assiste à des manifestations de protestation ? Combien de militants de la liberté seront pendus en Iran au nom d'Allah ? La vie est plus sacrée qu'un livre.

Cette affaire lamentable arrange bien le président turc Erdogan, en difficulté dans les sondages à quelques mois des élections. «La Suède ne doit pas s’attendre à un soutien de notre part pour l’Otan. Si vous ne respectez pas les croyances religieuses de la République de Turquie ou des musulmans, vous ne recevrez aucun soutien de notre part», a déclaré celui qui ne respecte ni la liberté de la presse ni les droits humains.

Post-scriptum : et pendant ce temps, la Belgique continue à tenter d''expulser vers la Turquie des Iraniens à qui elle refuse le statut de réfugié (2). Quelle honte !

(1) https://www.liberation.fr/international/europe/coran-brule-a-stockholm-adhesion-suedoise-a-lotan-et-colere-turque-tout-comprendre-a-une-crise-explosive-20230123_26OKVP2OXZFQFLLDNTBZFZ57C4/
(2) https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/2023/01/29/un-des-trois-iraniens-du-centre-ferme-de-steenokkerzeel-expulse-vers-la-turquie-5XCO6JIITRHIBKV2DPWA7JK4RY/

mercredi 25 janvier 2023

Comment en sortir ?

La guerre d'Ukraine ne semble pas près de s'arrêter. Quelles victoires, quels accords, quelle stratégie pourraient y mettre un terme et assurer une paix durable ?
Certaines bonnes âmes se présentent comme non alignées. Entendons par là qu'elles ne soutiennent pas la Russie - dont elles condamnent l'attitude et l'action - mais qu'elles ne veulent surtout pas, en appuyant l'Ukraine, apparaître rangées derrière les Etats-Unis. Elles s'opposent dès lors à ce que les pays occidentaux arment l'Ukraine. Elles crient au bellicisme, les traitent de va-t-en-guerre. Leur anti-américanisme les rend aveugles et neutres. Elles en conviennent : cette agression est scandaleuse et inadmissible, mais les Ukrainiens n'ont qu'à se débrouiller seuls. Ces Ponce-Pilate, dès lors, ne font pas de différence entre un Etat agresseur aux pratiques barbares et un Etat agressé qui tente de faire respecter sa souveraineté.
On comprend vite qu'avec ces aveugles qui regardent ailleurs les dictateurs peuvent se rêver en empereurs.

"Où en seraient les vingt-sept Etats de l’Union et l’ensemble des démocraties si le renseignement américain et les premières livraisons d’armes européennes n’avaient pas empêché Vladimir Poutine de prendre Kiev ?", se demande Bernard Guetta, (1) député européen et ancien éditorialiste de France Inter.  "Toute l’Ukraine, répond-il, serait occupée et, conforté dans son idée de la décadence occidentale, Poutine aurait annexé sans tarder l’Ukraine et la Biélorussie en leur donnant un statut d’Etats associés à la Fédération de Russie. Il n’aurait alors pas eu besoin de reconquérir les pays baltes qui, preuve étant faite que les démocraties ne défendent pas la démocratie, n’auraient pas eu d’autre choix que de s’aligner sur Moscou ou d’être soumis par la force."
"La Russie, écrit-il encore, serait, en un mot, devenue la puissance dominante du continent, puisque les Etats-Unis auraient acté leur désengagement et que l’Union aurait dû renoncer à tout projet de défense commune face à la montée, jusque dans ses rangs, des tentations neutralistes." En outre, il imagine les conséquences dramatiques qu'une victoire de Poutine en Ukraine aurait en Afrique, en Amérique latine et en Chine "où Xi Jinping s’en serait trouvé encouragé à lancer ses armées contre Taïwan et à risquer, pour le coup, un affrontement direct avec les Etats-Unis".

Si on écoutait les bonnes âmes qui se veulent pacifistes à tout prix (les bonnes âmes ont un vieux fond judéo-chrétien : si on les frappe sur la joue gauche, elles tendent la joue droite, ça  leur permet d'expier leur péché originel), les pays occidentaux cesseraient de livrer des armes à l'Ukraine et "l’Union européenne se déferait vite ", estime Bernard Guetta – et  "à cette immense victoire de M. Poutine s’en ajouterait aussitôt une autre, puisque les Ukrainiens ne seraient plus en situation de continuer à libérer leurs territoires et n’auraient, au contraire, bientôt plus assez de munitions pour faire face à une reprise de la progression russe qui menacerait de nouveau Kiev".
Donc, affirme le député européen, il ne faut surtout pas limiter les livraisons d’armes à l’Ukraine. "Mais cela signifie-t-il qu’il n’y ait pas là de place pour la diplomatie ? Tout dépend de ce que l’on fait dire à ce mot. Si l’on veut dire par là qu’il faudrait conduire les Ukrainiens – et en réalité les y obliger – à abandonner le Donbass en plus de la Crimée à M. Poutine, attention ! Ce serait tout simplement lui reconnaître une victoire qu’il n’a pas remportée et lui donner le temps, comme en 2014, de digérer ses conquêtes et d’en envisager d’autres. Cette diplomatie-là ne mènerait qu’à offrir au président russe les conditions les plus favorables possibles à un conflit de plus grande ampleur. C’est une tout autre diplomatie qu’il faut viser."
Selon Guetta, il faut cesser de penser à négocier les frontières de l’Ukraine à la place des Ukrainiens, il faut continuer à leur donner les moyens de se défendre et de prendre la main sur leur agresseur mais aussi proposer à la Russie les grandes lignes de ce que devrait être l'avenir, une fois l’Ukraine  libérée : les conditions politiques, économiques et militaires d’une stabilisation du continent et d’une coopération pacifique de tous ses Etats.
"Il nous faut solennellement rappeler aux Russes que ni l’Alliance atlantique ni l’Union européenne n’ambitionnent de violer leurs frontières, et leur faire clairement comprendre que, aussitôt que leur pays aura renoncé à asservir, martyriser et fractionner l’Ukraine, il trouvera toute sa place dans le continent dont il fait partie." Il suggère aussi de proposer à la Russie un destin de partenaire de l’Union, "infiniment préférable  à celui de vassal de la Chine". (...) "Il faut tout à la fois combattre l’agression et parler à la Russie. Il faut permettre à l’Ukraine de gagner la guerre et ouvrir aux Russes l’horizon d’une paix pérenne, de Lisbonne à Vladivostok." 

Un rêve raisonnable face à la brutalité du tsar stalinien ?

(1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/25/bernard-guetta-il-faut-cesser-de-penser-a-negocier-les-frontieres-de-l-ukraine-a-la-place-des-ukrainiens_6159189_3232.html


dimanche 22 janvier 2023

Dieu, orphelin de naissance

Quand j'étais enfant, en cours de religion, au catéchisme, on m'a assuré que "Dieu est amour". Très vite, les cours d'histoire se sont opposés à ce (trop) beau principe. Combien de guerres au nom d'un dieu quelconque ? Combien de centaines de millions d'êtres humains molestés, emprisonnés, torturés, violés au nom d'un dieu ou l'autre ?
Pourquoi tous ces représentants de Dieu ont-ils des pratiques diaboliques ? Pourquoi sont-ils si violents ? Pourquoi aujourd'hui tous ces ayatollahs et ces mollahs emprisonnent-ils, violent-ils, massacrent-ils leur propre peuple ? Leur dieu n'est que haine.
Pourquoi tous ces névrosés haïssent-ils les femmes ?
Le régime théocratique iranien n'est qu'une forme de fascisme qui empêche la liberté de pensée et d'expression, qui nie les droits humains et déteste les femmes et fait usage des pires formes de violences contre ses opposants. 

Au début de la prétendue révolution iranienne en 1979, une délégation féministe française, présidée par Simone de Beauvoir, a été se rendre compte de ce qu'était cette révolution qui portait l'espoir de certains intellectuels occidentaux qui se sont brillamment fourvoyés (Sartre et Foucault notamment). Tout à coup, pour eux, la religion n'était plus l'opium, mais l'espoir du peuple.
La journaliste Sylvie Caster faisait partie de cette délégation, elle y était pour Charlie Hebdo. Dans les articles qu'elle a écrits sur cette visite - qui leur a notamment permis de rencontrer durant cinq minutes, à condition de porter un voile sur la tête, un vieux barbu nommé Khomeiny - elle rappelle que la sourate IV, verset 38 du Coran indique que "les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, et parce que les hommes emploient leurs biens pour doter leurs femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises. Elles conservent soigneusement pendant l'absence de leur mari ce que Dieu a ordonné de conserver intact. Vous réprimanderez celles dont vous aurez à craindre l'inobéissance ; vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez. Mais aussitôt qu'elles vous obéissent, ne leur cherchez point querelle. Dieu est élevé et grand." Magnifique dieu capable de tant de mansuétude pour la femme obéissante !
Voilà pourquoi "L'Islam est beau", ont entendu un peu partout Sylvie Caster et ses consœurs. "Les femmes islamiques nous chantaient la complémentarité des sexes. Le mérite selon les actions et pas selon le sexe. Et c'était vraiment à croire qu'on n'avait pas lu le même livre. Elles nous agitaient l'Occident pourri. Synonyme des vices. Brandi comme l'épouvantail des fois vertueuses. La polygamie moins laide que les tapins de France. La femme voilée plus libre que l'Occidentale, unique objet sexuel."
"C'était le rigolard dialogue  carmélites - sourdedingues. Car si on employait les mêmes mots (liberté, droits des femmes, objet sexuel), ils n'avaient pas du tout le même sens. Comment dire que devoir se voiler le corps, les cheveux pour arriver à être un peu considérée comme un être humain, c'est n'être rien d'autre que de la bidoche néfaste, tentatrice diabolique. Rien de moins qu'un être humain qui doit se cacher tout entier. Alors que l'Occident, avec ses vulves béantes, sa porno sinistre, ses dragueurs, ses violeurs, sa triste chaire, lui aussi, est notre Occident. Et qu'il ne semble effectivement guère mieux avec sa viande à l'étal." (1)
Depuis lors, une écrivaine comme Chadortt Djavann a montré combien le tchador était lié à la pornographie, combien il ne fait qu'exacerber le désir masculin de voir ce qu'il cache. "La sécurité des femmes n'a jamais été aussi en péril que depuis que les dogmes islamiques font office de loi dans ce pays. Dès qu'une femme cherche une rue, a l'air perdue, paraît hésitante, flâneuse, rêveuse, pensive, gaie, souriante ou même triste, dès qu'elle a une démarche élégante, une paire de chaussures voyantes, un voile glissant, un jean moulant, un manteau un peu court, dès qu'elle est maquillée, jeune, belle ou laide..., elle est abordée par des mâles, à pied ou en voiture, à l'affût de proies." (2)
En Iran, on tue des femmes pour un voile glissant. Au nom de Dieu. Quel est donc ce dieu masculiniste qui méprise les femmes, crache sur elles, les enferme, les bat, les viole, les tue ? Dieu devrait consulter un psychanalyste. Son absence de mère explique sans doute son rejet maladif des femmes.

(1) Sylvie Caster, "Dieu est grand mais petite est sa liberté", Charlie Hebdo, 5.4.1979, in Charlie Hebdo, 4.1.2023.
(2) Chadortt Djavann, "Les putes voilées n'iront jamais au paradis !", 2016, Le Livre de poche 34637.

mardi 17 janvier 2023

Battre en retraite

On a connu argumentation plus convaincante, moins insultante et plus intelligente. Moins dépressive aussi. Une opposante à la réforme des retraites en France, âgée de 58 ans, affirme (1) qu'avec l'âge de la retraite à 64 ans elle passera directement "du boulot à l'EHPAD". Mais qui donc à 64 ans aperçoit dans son horizon personnel la maison de retraite ?
Peut-on suggérer à cette dame de pratiquer des exercices intellectuels et physiques qui l'aideront à rester en parfaite santé très longtemps ? Les sexagénaires et septuagénaires (même des octogénaires, voire plus) sont très nombreux à rester encore verts et à s'investir dans de nombreuses associations qui dynamisent leur communauté. Nombreux aussi à voyager, notamment à pied ou à vélo. Nombreux à cultiver leur potager, à couper leur bois, à planter des arbres, à bricoler, à peindre, à cuisiner, en un mot à vivre pleinement. Il faut être sacrément vieux dans sa tête pour s'imaginer à 58 ans qu'à 64 on sera à "l'hospice". Ça s'appelle battre en retraite.

(1) https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/01/15/reforme-des-retraites-ces-quinquagenaires-qui-n-arrivent-pas-a-s-imaginer-travailler-jusqu-a-64-ans_6157918_823448.html

vendredi 13 janvier 2023

Il y a humour et humour

Le numéro spécial de Charlie Hebdo "7 janvier - Mollahs, retournez d'où vous venez"  a eu un effet qu'on n'imaginait pas : nous faire découvrir que ces mollahs et autres ayatollahs ont un sens de l'humour insoupçonné. Humour particulier, il est vrai. Ils exigent du gouvernement français qu'il censure les caricatures de Charlie au nom "du respect des droits de l'homme". Ces assassins de leur propre peuple sont les rois des comiques.
Les caricatures dont le guide soi disant suprême iranien est l'objet constituent "un acte haineux, insultant et injustifié ". "La négation même des droits de l'homme", ajoute le rigolo de service qui est aussi ambassadeur d'Iran en France. Il dénonce "des dessins particulièrement obscènes et dégradants envers les femmes".
A les entendre, on se dit que Charlie n'avait pas à perdre du temps et de l'encre à les caricaturer, ils font cela très bien eux-mêmes.

Les Iraniens qui se battent contre ce régime brutal réagissent différemment. La rédaction de Charlie Hebdo explique avoir reçu "des centaines de messages de remerciement en provenance d'Iraniennes et d'Iraniens à travers le monde". 
Exemples parmi d'autres :
" Je vous tire mon chapeau pour votre courage. Je vous suis très reconnaissant de soutenir ainsi le peuple iranien et d'être du bon côté de l'Histoire", leur dit Shahruz.
" Elles (vos caricatures) ont apporté le sourire à des millions d'Iraniens tout autour du monde. S'il vous plaît, continuez", applaudit Mahmoud.
" Merci d'être du côté de la justice et de l'humanité. Merci d'être une si pertinente et puissante voix pour le peuple iranien", écrit Saeideh.
"Merci beaucoup de mettre un sourire sur les visages d'un peuple au cœur brisé. (...) J'apprécie la lumière que vous braquez sur ce qui se passe en Iran", dit Khatereh.
"En tant que femme iranienne, j'apprécie vraiment que vous vous teniez du bon côté de l'Histoire et que vous souteniez ceux qui combattent pour la liberté. (...) La lumière bat toujours les ténèbres et la culture bat toujours les armes. Pour Femme, Vie , Liberté ! Pour Liberté , Egalité, Fraternité. Maryam

mercredi 11 janvier 2023

Nourrir la communauté

Le secteur agro-industriel, on le sait, est devenu fou (furieux) depuis longtemps. Quand il n'a pas asséché et stérilisé les sols, il s'en est détaché.
En Chine, un immeuble abrite sur vingt-six étages 650.000 cochons. Engraissés dans de minuscules stalles, ils sont transportés en ascenseur vers l'abattoir. Ailleurs, les cochons vivent au rez-de-chaussée, sous les poulets élevés au premier étage. Ils sont arrosés par la fiente des poulets et s'en nourrissent. Quand les poulets sont abattus, les cochons ont aussi droit à leurs carcasses. (1)
En Amazonie, des centaines de milliers d'hectares de forêt sont brûlés pour faire place à des pâturages ou à des champs de soja transgénique qui nourriront un bétail dont la viande voyagera à travers le monde. 
Ce modèle industriel qui donne envie de vomir est le seul qui permettra de nourrir l'humanité, nous disent ceux qui produisent dans des conditions qui n'ont absolument rien d'humain. 

Dans nos pays, les terres agricoles continuent à être gorgées de pesticides. Ainsi le veulent les syndicats agricoles les plus puissants, souvent liés à des groupes industriels sans foi ni loi qui contrôlent l'ensemble de la chaîne : graines, engrais, pesticides, herbicides et fongicides, mais aussi financement des investissements des agriculteurs qui leur sont ainsi pieds et poings liés. 
La remarquable (et effrayante) série Jeux d'influence (2) démontre ces collusions ahurissantes et la puissance des lobbys agro-industriels qui parviennent à imposer leurs règles et écrasent les petits paysans que leur système brutal a laissés exsangues.
Vendredi dernier en France, au lendemain de la diffusion des trois premiers épisodes de la saison 2 de Jeux d'influence, on apprenait que, après dix-sept ans d’information judiciaire, les juges d’instruction prononçaient non-lieu dans le dossier du chlordécone en Martinique, un pesticide accusé d'avoir provoqué mort et maladie chez les ouvriers des bananeraies. Le même jour, le Gouvernement français annonçait qu'il prolonge d'un an l'autorisation d'épandage dans les champs de betteraves de néonicotinoïdes, ce pesticide tueur d'abeilles. On comprend que Jeux d'influence est une fiction bien enracinée dans la réalité.
Les pesticides tuent, on le sait, et les premières victimes en sont les travailleurs agricoles. Mais c'est l'ensemble du secteur agricole qui est malade. Malade d'excès, de surproduction, de démesure. 

"Les politiques disent qu'il faut défendre l'agriculture familiale, et à côté de ça, on donne des primes à l'hectare, à la vache, au litre de lait, et on fait tout pour les agrandir. On te donne à condition que tu bouffes ton voisin", déplore un agriculteur (1).
Les exploitants agricoles disparaissent les uns après les autres. Près de trois mille emplois agricoles par an en Belgique (et combien de suicides ?), dans l'indifférence générale. Sans que personne - ou presque - n'ait la volonté de changer ce système assassin à bien des points de vue. 
Les exploitations agricoles deviennent gigantesques, nécessitent pour leur reprise des moyens impayables et tomberont les unes après les autres dans les mains des grands groupes de distribution et de millionnaires dont le seul et unique objectif est le profit. A n'importe quel prix.

Charles Culot est fils d'agriculteurs et comédien. Il joue, dans les théâtres, dans les écoles, dans les fermes, son spectacle Nourrir l'humanité - Acte II (3), qui interroge ce modèle. "Parfois, certains agriculteurs sont froissés, souvent parce qu'ils sont coincés dans un modèle dont ils ont hérité. Notre objectif n'est pas d'opposer les agriculteurs, mais les modèles agricoles. Le message que l'on porte est positif. on leur dit : vous ne vous en sortirez pas tout seul. La transition dépend des pouvoirs publics, des agriculteurs et des consommateurs. Il faut œuvrer ensemble."

Les perturbations du modèle agricole mondialisé qu'a engendrées la guerre d'Ukraine sont une opportunité à saisir. Un exemple d'actualité avec le coût des galettes des rois qui a augmenté : un pâtissier berrichon explique (4) que la caisse de 360 œufs est passée de 40 à 70 €. Dès lors, il se fournit maintenant non plus à Rennes mais dans le Berry auprès d'un éleveur qui nourrit ses 2.800 poules avec des céréales qu'il produit lui-même. Le voilà moins cher que les industriels. Ses œufs n'ont augmenté que d'un centime pièce contre huit pour les industriels. Voilà une solution à laquelle vient de penser le pâtissier : se fournir près de chez lui. 

Charles Culot encore : "Souvent, il y a des doutes qui sont émis : est-ce que les micro-fermes peuvent nourrir le monde ? Mais c'est une fausse question. On s'en fout de nourrir le monde : ce qu'on veut, c'est nourrir la communauté ; ce qu'on veut, c'est nourrir le restaurant du coin ; ce qu'on veut, c'est faire partie d'une coopérative. Il faut arrêter de voir trop large. Avançons une ferme à la fois, une communauté à la fois."

(1) Catherine Makereel, "La culture bêche l'agriculture pour ouvrir le champ des possibles", Le Soir, 10.12.2022.
(2) A voir sur Arte : https://www.arte.tv/fr/videos/RC-021142/jeux-d-influence/
(3) https://adoc-compagnie.be/
(4) "Galettes : les boulangers pâtissent de l'inflation", La Nouvelle République - Indre, 4.1.2022.


samedi 7 janvier 2023

En rire encore

Huit ans déjà. Huit ans qu'ils sont morts pour avoir eu le culot de rire et faire rire des dieux, de leurs prophètes, des dévots, des religions. Sont-ils morts pour rien ? Aujourd'hui, les bonnes âmes de gôche sont  de plus en plus nombreuses à se taire lâchement, à s'offusquer ou à hurler au racisme si on a le malheur de critiquer ou de se moquer de l'islamisme, cette forme de colonisation et de fascisme. Pour ces braves gens que leur bienveillance (à moins que ce ne soit du clientélisme) rend racistes sans qu'ils ne s'en rendent compte, les pauvres musulmans doivent être préservés de toute critique. Ils méprisent ainsi tous les démocrates qui subissent, souvent de manière extrêmement violente, les régimes théocratiques.

En soutien aux Iraniennes et aux Iraniens qui se battent pour leur liberté, Charlie Hebdo publie cette semaine un numéro spécial 7 janvier "Mollah, retournez d'où vous venez" avec des caricatures du Guide dit suprême de la République islamique d'Iran.
Riss, directeur de l'hebdomadaire, rappelle qu'en 1993 Téhéran avait lancé un concours de caricatures de Salman Rushdie pour "dépeindre la véritable conspiration  qui se dissimule derrière le roman blasphématoire" Les Versets sataniques
Les dessins publiés par Charlie font suite à un appel de l'hebdo et proviennent des quatre coins du monde, "ce qui démontre, pour qui en doutait encore, écrit Riss, la dimension universelle de la caricature et de l'attachement à la liberté face à l'arbitraire religieux".

Charb, Cabu, Oncle Bernard, Wolinski, Tignous, Honoré, Elsa Cayat, Moustapha Ourrad, mais aussi  Michel Renaud, Frédéric Boisseau, Ahmed Merabet et Franck Brinsolaro - tous sauvagement massacrés le 7 janvier par des fous de Dieu - riraient de ces caricatures. On rit pour eux de cette irrévérence pour les révérends. 

(1) "Le dessin satirique, guide suprême de la liberté", Charlie Hebdo, 4.1.2022.


mercredi 4 janvier 2023

Signer pour exister

J'ai récemment reçu un commentaire sibyllin à un billet de ce blog. Trois mots qui formaient un bout de phrase assez incompréhensible. Ce commentaire n'était pas signé, mais voulait marquer une proximité avec moi. Il était envoyé, me disait la messagerie, par "anonyme" ou "unknown". Je ne l'ai pas publié.
Il m'a rappelé un autre commentaire reçu il y a quelques années. Il n'était pas non plus signé. Je ne publie jamais les messages non signés. Pour moi, un message sans signature n'existe tout simplement pas. Et hop! poubelle ! Celui-là, je l'avais quand même publié, pour je ne sais plus quelle raison, parce que son auteur en burqa amenait un élément qui m'avait fait réagir assez vivement. Ce commentateur avait poursuivi l'échange, m'affirmant que c'était de l'humour. "On se connaît", me disait-il. Ce qui était faux. Lui savait qui je suis, mais de mon côté j'avais reçu un message envoyé par "anonyme" ou "unknown". Un inconnu, par définition, on ne le connaît pas. A moins que l'inconnu se fasse (re)connaître, ne serait-ce que par son prénom, son surnom ou ses initiales. Sinon, non, on ne se connaît pas. La connaissance est à sens unique.
Ce qui est surprenant aujourd'hui, c'est cette capacité de tant de gens à tout dévoiler d'eux-mêmes sur les réseaux dits sociaux - on voit plein de photos d'eux, on sait à tout moment ce qu'ils mangent, où et avec qui, où ils sont en vacances ou en balade, quel film ou quel spectacle ils ont vu, etc. - et l'anonymat dans lequel les mêmes parfois se réfugient dès qu'il s'agit de partager une réflexion ou, pire, d'agresser verbalement voire de menacer quelqu'un.
Signer, c'est exister, à ses propres yeux mais aussi à ceux des autres.

(Re)lire sur ce blog "L'anonymat d'Internet", 29.4.2008.

lundi 2 janvier 2023

2023 : Agir

Pas de souhaits ici cette année. Les dernières années ne furent guère réjouissantes et les perspectives ne sont pas meilleures. Au contraire. Alors, cessons de souhaiter ce qui n'arrivera pas. Foin des souhaits. Arrêtons d'espérer, agissons.
En venant en aide aux réfugiés, en achetant local et si possible bio plutôt qu'en faisant vivre les monstres mondialisés, en favorisant les produits recyclés ou de seconde main, en circulant en évitant autant que possible la pollution, en plantant des arbres, en favorisant la biodiversité, en contrecarrant les menteurs, les racistes, les antisémites et tous les philistins. Les moyens d'agir sont nombreux. 

Le chanteur et guitariste Neil Young - qui a depuis longtemps fait de la crise écologique son cheval de bataille - a retiré sa musique de la plateforme Spotify à cause de ses contenus complotistes et antivax, intolérables pour lui qui, enfant, fut sauvé de la polio. 
"Il faut amener chaque individu à faire les gestes qui comptent, dit-il (1). A penser aux conséquences de leurs actes, quand ils démarrent leur voiture par exemple. J'aime ces gens qui font du vélo à Paris, ces acrobates qui escaladent les murs pour éteindre les lumières des grands magasins. Les médias se concentrent trop souvent sur les aspects sensationnels, comme si le changement climatique n'était qu'un point de vue. Je veux témoigner de mon expérience auprès des jeunes générations, les amener à s'interroger : l'eau qui coule près de chez vous est-elle aussi propre qu'il y a cinquante ans ?" (...)
"Si je ne peux pas trouver de substitut (aux combustibles fossiles), carburant vert, diesel renouvelable ou véhicule électrique, alors je ne bouge pas. Pour mes concerts, je ne me déplace plus qu'en bus, électrique si possible. Fini l'avion, j'arrête. Je ne mange plus de nourriture provenant de fermes industrielles. Elles sont en partie responsables du réchauffement climatique, via les émissions de gaz à effet de serre. Avec l'exploitation des énergies fossiles, l'agriculture industrielle est désormais le plus grand ennemi de l'humanité." (...)
"Je ne me sens plus obligé de me produire dans des endroits qui me déplaisent. Des salles qui, via leur sponsor, leur propriétaire n'ont aucun engagement écoresponsable. Ou qui ne se soucient pas de la provenance de la nourriture qu'elles vendent ... Ces lieux polluent la planète, et cela doit changer. Le choix est difficile, car il me prive d'un lien avec mes fans. Mais c'est la seule solution."

Yeah, the government said
They had to get new cars
Leave those fuel burners
And they went to Mars
"Change Ain't Never Gonna", Neil Young, album The Barn, 2021.

(1) "Pour mes concerts, je ne me déplace plus qu'en bus. Fini l'avion", Télérama, 14.12.2022.